L'histoire des femmes au Sénat en France se rapporte à l'émancipation des femmes dans la vie politique sénatoriale française et, depuis 1945, leur participation aux élections au Sénat, par le vote et l'arrivée de nombreuses sénatrices (plus de 35 % en 2021).
Le 5 mars 1848 est publié un décret qui proclame dans son article 5 que « le suffrage sera direct et universel ». Aucune mention n'est faite sur la distinction par sexe, si ce n'est la mention « Tous les Français âgés de vingt-et-un ans »[2]. Jeanne Deroin se porte candidate aux élections législatives françaises du 13 mai 1849, mais sa campagne est tournée en dérision par la presse et elle doit s'exiler en Angleterre à la fin de la Deuxième République.
Au début du XXe siècle, plusieurs propositions de loi visent à accorder le droit de vote aux femmes. Le député de Vendée Fernand Gautret présente un projet le 14 juillet 1901 à la Chambre des députés afin que toutes les femmes, « majeures, célibataires, veuves ou divorcées » obtiennent droit de vote aux élections municipales. Jusqu'à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, une soixantaine de propositions sont déposés à la Chambre, mais la question de l'éligibilité ne représente que 40 % des projets de loi. Paul Dussaussoy, député du Pas-de-Calais, présente, en juillet 1906, un projet de loi accordant le droit de vote aux femmes dans le cadre de ce qu'on appelle alors le petit suffrage, limité aux élections municipales et cantonales. Mais il faut attendre trois ans pour que le rapporteur, Ferdinand Buisson, député de la Seine, rédige un rapport de 420 pages, rendant un avis favorable. Cependant, avec la Première Guerre mondiale, le projet est abandonné. De 1919 à 1936, plusieurs lois sont adoptées par la Chambre des députés mais, par cinq fois, le Sénat s'y oppose. En 1927 et 1932, à une écrasante majorité, la Chambre adopte deux résolutions invitant le gouvernement à user de son influence auprès du Sénat pour que ces projets soient examinés. En vain. Le 30 juillet 1936, les députés votent par 495 voix contre 0 en faveur du droit de vote des femmes, un texte que le Sénat n'inscrira jamais à son ordre du jour.
Après la déclaration du général de Gaulle du 23 juin 1942 par laquelle il affirme que « tous les hommes et toutes les femmes éliront l'Assemblée nationale », Marthe Simard et Lucie Aubrac sont nommées membres de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger[3]. C'est cette même Assemblée, réunie à Paris, qui adopte par 51 voix contre 16, le 24 mars 1944 l'amendement Fernand Grenier instaurant le vote des femmes, à travers l'ordonnance du 21 avril 1944.
En France, le droit de vote a été accordé aux femmes par le Comité français de libération nationale, par ordonnance du 21 avril 1944, qui, dans son article 17, dispose que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Les premières élections qui permettent aux femmes de voter et d'être candidates se déroulent les 29 avril et 13 mai 1945, les premières municipales d'après-guerre.
Si l'Assemblée consultative provisoire siégeant à Alger du 3 novembre 1943 au 25 juillet 1944 ne comprend qu'une seule femme, Marthe Simard (Lucie Aubrac, nommée mais n'ayant pu se déplacer en Algérie, sera remplacée par son mari Raymond Aubrac), dans celle de Paris, du 7 novembre 1944 au 3 août 1945, siègent 16 femmes parmi les délégués : Lucie Aubrac, Madeleine Braun, Gilberte Brossolette, Marie Couette, Claire Davinroy, Andrée Defferre-Aboulker, Alice Delaunay, Martha Desrumaux, Annie Hervé, Marie-Hélène Lefaucheux, Mathilde Gabriel-Péri, Pauline Ramart, Marthe Simard, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Marianne Verger et Andrée Viénot.
Le 24 décembre 1946, 21 conseillères de la République intègrent la Haute Assemblée, mais aucun des hommes siégeant ne fait mention de cette nouveauté dans son discours, ni Jules Gasser, « président d’âge », ni le futur président du Conseil Auguste Champetier de Ribes. Gilberte Brossolette est néanmoins élue vice-présidente (par 213 voix sur 231) alors que trois consœurs obtiennent la moitié des six postes de secrétaires (Marie-Hélène Cardot par 219 voix, Isabelle Claeys 214 voix et Claire Saunier 208 voix). C'est ensuite seulement en 2001, après le vote pour la loi sur la parité, que le nombre de sénatrices (35) dépassera celui de 1946[4].
En 2020, avant son renouvellement, le Sénat compte un tiers de sénatrices, contre 6 % vingt ans plus tôt[5].
Pour des raisons techniques, il est temporairement impossible d'afficher le graphique qui aurait dû être présenté ici.
21 femmes sont élues conseillères de la République, lors de l'élection du Conseil de la République, le 8 décembre 1946 et lors de l'élection des conseillers par l'Assemblée nationale, le 19 décembre 1946. Presque la moitié sont issues du PCF (10), 4 le sont de la SFIO (ou apparentée), 2 du RGR, 4 du MRP et 1 du PRL[8]. Une 22e conseillère de la République les rejoint en mai 1947, élue par l'Assemblée nationale[9]. Les femmes constituent alors 7 % de l'effectif du Conseil de la République[10].
Les élections du 7 novembre 1948 et le nouveau mode de scrutin dont elles procèdent, réduisent à 13 le nombre des sénatrices[11], sur 320 élus et élues. Elles sont 12 à partir de mai 1949, soit 3,78 % du Conseil de la République.
9 femmes sont sénatrices après le renouvellement du Conseil de la République lors du scrutin du 18 mai 1952, soit 2,84 % de celui-ci.
Après les élections sénatoriales du 19 juin 1955, les sénatrices sont au nombre[13] de 8 sur les 320 sénateurs et sénatrices. Elles sont rejointes par une 9e sénatrice, après les élections législatives du 2 janvier 1956[14]. Le Conseil de la République compte alors 2,88 % de femmes.
Après le renouvellement du 8 juin 1958, la tendance à la diminution du nombre des femmes sénatrices se poursuit. Elles sont 6 parmi les 314 élus et élues, soit 1,91 % de l'assemblée.
5 sénatrices sont élus lors des premières élections sénatoriales de la Ve République le 26 avril 1959 pour un total de... 307 sénateurs et sénatrices, soit 1,63 % de l'effectif sénatorial..
Le renouvellement du 23 septembre 1962 n'implique aucun changement : les trois sénatrices concernées, Irma Rapuzzi, Marie-Hélène Cardot et Suzanne Crémieux sont réélues. Le nombre des sénateurs ayant diminué, à la suite de l'Indépendance algérienne, le taux de féminisation du Sénat augmente par ce seul effet, de 1,63 % à 1, 85 %.
Les élections du 26 septembre 1965 ne modifient pas la représentation féminine au sein des 274 sénateurs et sénatrices. Aucune élue n'est concernée par le scrutin et aucune ne s'ajoute à elles.
5 sénatrices siègent au Sénat après les élections sénatoriales du 22 septembre 1968, malgré une légère augmentation du nombre des sièges au Sénat, due à la représentation des nouveaux départements de la Région parisienne. Les femmes sont donc proportionnellement moins nombreuses : 1,77 % des 283 élus et élues.
Sénatrice depuis 1946, Marie-Hélène Cardot ne se représente pas lors du renouvellement du 26 septembre 1971. Le nombre des sénatrices qui n'a cessé de décroître depuis 1946, atteint son plus bas niveau : 4, soit 1,42 %.
Les élections sénatoriales du 22 septembre 1974 n'enregistrent en elles-mêmes aucune nouvelle sénatrice. Mais au cours de l'année précédente (1973), les hommes étant mortels... 2 sénateurs ont laissé lors de leur décès leur siège à leurs suppléantes. Un troisième a été élu député. Le nombre des sénatrices s'en trouve presque doublé, passant de 4 à 7, soit 2,47 % de l'effectif sénatorial. Une 8e sénatrice les rejoint en mai 1975[15]
Ajoutées à la mort de Suzanne Crémieux en 1976, les élections du 25 septembre 1977 réduisent à 5 le nombre des sénatrices : 1,69 % des 295 membres du Sénat.
Le renouvellement triennal du 28 septembre 1980 permet la 5e élection d'Irma Rapuzzi. 2 femmes sont entrées au Sénat en 1979 à la suite du décès de titulaires hommes. Il a donc après les élections, 7 sénatrices, soit 2,3 % de l'effectif.
En 1981, et en 1982, 3 autres sénatrices les rejoignent, remplaçant des sénateurs pour diverses raisons. À la fin de l'année 1982, elles sont 10 femmes à siéger au Sénat : 3,29 %.
Après les élections du 25 septembre 1983, 9 femmes siègent au Sénat, qui compte 317 membres, soit 2,84 % d'entre-eux. Brigitte Gros décède en mars 1985.
9 sénatrices sur 319 élus et élues siègent au Sénat, soit 2,82 % de ceux-ci, après les élections du 28 septembre 1986.
Le renouvellement triennal du 24 septembre 1989 est marqué par le départ de la sénatrice socialiste Irma Rapuzzi, après 34 ans de mandat. À la suite de ces élections 10 femmes sont sénatrices : 3,11 % de l'effectif sénatorial. Une 11e sénatrice les rejoint en janvier 1990
Les élections du 27 septembre 1992 provoquent l'augmentation du nombre des sénatrices : 16 siègent parmi les 321 élues et élus, soit 4,98 %.
Le journal Le Monde, dans ses commentaires post-électoraux[27], fait pour la première fois un commentaire sur « la féminisation mesurée, où 5 des 43 nouveaux sénateurs sont des femmes »... Il constate que « proportionnellement les communistes restent les plus « féministes » avec six élues ». Le Parti socialiste en compte cinq, le RPR en compte 4, et les trois groupes UDF (RDE, Union centriste, Républicains indépendants) « qui ne comptaient pas une seule parlementaire en ont une ! »
Nicole de Hautecloque meurt en avril 1993, mais jusqu'au renouvellement de 1995, trois sénatrices s'ajoutent aux 15 autres élues : Magdeleine Anglade le 28 septembre 1994 (Paris), Janine Bardou le 10 septembre 1994, (Lozère), Joëlle Dusseau le 28 août 1993 (Gironde).
Après le renouvellement du 24 septembre 1995, le Sénat compte 18 sénatrices, soit 5,60 % des 321 élues et élus.
Il est à noter que la sénatrice socialiste sortante Françoise Seligmann est contrainte de s'effacer lors de ces élections pour laisser entrer au Sénat Robert Badinter, non sans provoquer certains remous parmi les féministes du PS.
Au cours des trois années suivantes, Jacqueline Fraysse-Cazalis, élue députée, quitte le Sénat (12 juin 1997), de même que Michelle Demessine, appelée au gouvernement, mais plusieurs femmes y entrent : il y a 19 sénatrices à la veille des élections de 1998. Se sont ajoutées :
Après le renouvellement du 27 septembre 1998, le Sénat compte 19 sénatrices, soit 5,92 % de son effectif.
S'ajoute à elle le 28 avril 2000 Claire-Lise Campion (SOC, Essonne) désignée en remplacement de Jean-Luc Mélenchon, entré au gouvernement. Elles sont donc 20 à la veille des élections de 2001.
Le renouvellement du tiers du Sénat le 23 septembre 2001 fait passer le nombre des sénatrices de 20 à 35. Elles sont 10,9 % des 321 élus et élues. Le score « record » de 1946 est dépassé...
La féminisation est relative : sur les 60 nouveaux sénateurs et sénatrices, on dénombre 18 femmes. Sur le total des 102 élus et élues, il y a 22 femmes[34]. Le groupe communiste (CRC), le plus féminisé, compte 10 sénatrices sur 23. Le groupe socialiste en compte 11 auxquelles s'ajoutent la 1re élue écologiste, Marie-Christine Blandin. Le journal Le Monde[35] titre son analyse du scrutin : « Le Sénat fait une plus large place à la gauche et aux femmes ». Mais en matière de féminisation, la droite et le centre ne sont pas en reste. Les élues de l'UDF/UC font une percée.
Le département du Nord est celui qui envoie le plus de femmes au Sénat : 5 élues sur 11.
La benjamine du Sénat, Annie David est âgée de 38 ans, suivie de près par une autre femme Valérie Létard.
À noter que le groupe UMP devient le groupe Les Républicains en mai 2015, à la suite de la refondation du parti.
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