Pierre Rosenberg fait ses études secondaires au lycée Charlemagne à Paris. Licencié en droit (1960) et diplômé de la section supérieure de l’École du Louvre (1961), il a fait depuis 1962 toute sa carrière au musée du Louvre, comme conservateur puis conservateur général, chef du département des Peintures de 1987 à 1994[2],[3], puis président-directeur de 1994 à 2001[4]. Il a participé puis dirigé, à la suite de Michel Laclotte et aux côtés de Ioeh Ming Pei (1994-2001), les travaux de rénovation des salles du musée, la complète mutation du musée. Il a créé le service du mécénat et attacha une importance prioritaire à la politique d’acquisition du musée. Le Dictionnaire amoureux du Louvre paru en 2007 rend compte de son implication quotidienne dans la vie et la transformation du Louvre.
Pierre Rosenberg se définit comme un collectionneur compulsif[7], à la différence de collectionneurs qui choisissent méticuleusement chacune de leur nouvelle acquisition[8]. Une fois une œuvre acquise, il l’accroche au mur ou la classe dans ses cartons et attend la nouvelle.
Il a entretenu tout au long de sa carrière des liens amicaux avec quelques-uns des plus grands collectionneurs de dessins et de tableaux de son temps : Henri Baderou, Jacques Petithory, Mathias Polakovitz, Othon Kauffmann et François Schlageter, Fabrizio Lemme… Leurs collections sont entrées partiellement ou intégralement dans les collections publiques françaises. Il a régulièrement collaboré avec un autre grand collectionneur de dessins, Louis-Antoine Prat.
Pierre Rosenberg a fait don de sa collection de peintures (694 tableaux), de dessins (3 500 feuilles) et d’animaux en verre de Murano (680) ainsi que de sa documentation (45 000 livres de sa bibliothèque et 1 500 boîtes d'archives) au musée du Grand Siècle[9], dirigé par Alexandre Gady[10], qui ouvrira ses portes à l’automne 2026 dans l’ancienne caserne Sully à Saint-Cloud.
Un projet aux Andelys devait voir le jour, mais celui-ci n'a pas pu aboutir[11].
Travaux de recherches
Ses travaux d’historien de l’art portent essentiellement sur le dessin et la peinture française et italienne des XVIIe et XVIIIe siècles ainsi que sur l’histoire du collectionnisme. Il a rédigé plus de deux cents articles dans les principales revues spécialisées, a collaboré aux Mélanges dédiés aux principaux historiens d’art français et étrangers de notre temps (R. Bacou, J. Bialostocki, F. Bologna, R. Bossaglia, G. Briganti, R. Causa, A. Chastel, B. Foucart, M. Gregori, W. Hoffmann, M. Laclotte, H. Marx, A. Mérot, K. Oberhuber, C. Pietrangeli, A. Popham, G. Previtali, M. Rœthlisberger, A. Schnapper, S. Slive, Ch. Sterling, Ch. Thiem, M. Winner, P. Zampetti, F. Zeri,...) et a participé à quelques-uns des principaux colloques français et internationaux d’histoire de l’art de ces dernières années (Watteau, Vouet, David, Callot, La Tour, Poussin, Caravage, Tintoret…)[12]
Pierre Rosenberg a organisé un grand nombre d’expositions en France, en Italie, en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis, au Canada, en Espagne et au Japon et en a rédigé, parfois intégralement, les catalogues. Il a par ailleurs milité pour la création de l’Institut national d’histoire de l’art, et en faveur de l’enseignement de l’histoire de l’art dans les établissements d’enseignement secondaire. Il a rédigé les catalogues raisonnés des dessins de Poussin, de Watteau et de David, en collaboration avec Louis-Antoine Prat et ceux des tableaux des Le Nain, de Chardin et de Fragonard. Le catalogue de la collection de dessins de Pierre-Jean Mariette (1694-1774) est paru en huit volumes entre 2011 et 2022. Il a prononcé, en avril et mai 1996, à la National Gallery de Washington, les Mellon Lectures[12].
Depuis l’exposition Poussin et son temps à Rouen en 1961 jusqu’à la publication du catalogue raisonné des tableaux de Nicolas Poussin (quatre volumes) dont la parution est prévue pour 2025, Pierre Rosenberg a toujours accordé sa préférence à Nicolas Poussin[13] (1594-1665) qu’il considère comme le plus grand peintre français de tous les siècles[14]. Artiste difficile d’accès, aimé de tous temps par les artistes et les historiens de l’art de tous pays. Poussin est peu populaire, en comparaison avec ses égaux du XVIIe siècle (Caravage, Rembrandt, Rubens, Vélasquez, Vermeer…). Pierre Rosenberg par ses publications, ses expositions et ses conférences, a mis ses efforts à faciliter l’accès à son œuvre. L’Hiver, dit aussi Le Déluge, est son tableau préféré.
Nicolas Poussin
Grand connaisseur de la peinture européenne des Temps modernes, il est reconnu comme l’un des spécialistes de Nicolas Poussin[15]. Il en a publié le catalogue des dessins[16], et va en publier le catalogue raisonné des peintures. Il est à ce titre intervenu dans plusieurs affaires dont la presse s'est fait l'écho.[source insuffisante]
Jeune conservateur, Pierre Rosenberg identifie un tableau de Poussin non attribué au peintre, dans une vente aux enchères. Ce tableau a été redécouvert en 1969, acheté par le musée du Louvre puis rendu à ses propriétaires à la suite d'une procédure judiciaire en 1978, pour erreur sur le consentement[17]. Le tableau a été remis en vente et adjugé avec les frais pour 8 142 500 francs le . Cette affaire judiciaire va profondément marquer le jeune conservateur. En effet, ce jugement ne récompense pas l'étude, le savoir et l'œil de l'expert, mais au contraire la propriété des vendeurs, qui n'ont fait aucun effort pour valoriser leur œuvre.
Son expertise est en revanche critiquée dans l'affaire du tableau de Nicolas PoussinLa Madone à l'escalier. Alors que la conservation du Louvre évitait délibérément la donation proposée par le propriétaire français, il est tenu pour responsable de la dévalorisation du tableau en doutant de son authenticité[18]. Celui-ci est finalement vendu au musée de Cleveland et reconnu comme l'œuvre originale[19].
Le sociologue Bernard Lahire a étudié la sociologie du monde de l'art, et notamment les démarches visant à la découverte puis la cession du tableau de Nicolas Poussin La Fuite en Égypte, acquise par le musée des Beaux-Arts de Lyon. Dans son étude Ceci n'est pas qu'un tableau, il indique que Pierre Rosenberg a fait mine de douter de l'attribution à Poussin lors de la vente aux enchères de Versailles. La vente aux enchères sera finalement annulée pour erreur sur la substance, ruinant la galerie des frères Pardo, et le tableau cédé au musée des Beaux-Arts de Lyon en 2007 pour une somme de 17 millions d'euros[20].
Affaire Murillo - Suzanne de Canson
De 1985 à 1988, il est impliqué dans l'affaire de l'acquisition contestée d'une œuvre de Murillo, en lien avec l'affaire judiciaire Suzanne de Canson. Pierre Rosenberg connaissait bien cette toile, qu'il avait examinée dix ans plus tôt. En 1981, il avait fait connaître le vœu du musée de l'acquérir. Entre-temps, la toile avait été sortie en fraude de France et mise en vente par Christie's à Londres[21],[22]. Le Louvre déclare alors à Christie's que le tableau avait été sorti illégalement du pays, mais du fait de l'impossibilité d'un recours légal contre Christie's, accepte de ne pas alerter le bureau des douanes s'il pouvait acheter le tableau pour un million de dollars, soit environ la moitié de sa valeur[23].
Le « scandale devint énorme » quand il fut révélé que le Louvre avait acheté, en 1985, le tableau de Murillo, Le Gentilhomme sévillan, vendu par Joëlle Pesnel, principale inculpée de ce dossier, alors qu'il appartenait en réalité à Suzanne de Canson, qui séquestrée, était décédée en 1986 dans « une mort atroce »[21]. Chef du département des peintures du musée du Louvre, Pierre Rosenberg est inculpé, le , de recel par Jean-Pierre Bernard, juge d'instruction à Toulon, chargé de l'affaire de cette succession. La décision du magistrat instructeur se fondait sur le soupçon que, lors de cette transaction, Pierre Rosenberg ne pouvait ignorer le caractère douteux du titre de propriété de Joëlle Pesnel, qui est notamment inculpée de vol[24],[25].
Les accusations sont abandonnées par la suite[23]. Au terme d'une longue procédure, la justice finit par délivrer un quitus au musée[21].
Vie privée
Pierre Rosenberg a épousé en premières noces Françoise Viatte, conservateur au département des Arts graphiques au musée du Louvre[26]. Depuis 1981[27], il est le mari de Béatrice de Rothschild, fille du baron Alain de Rothschild et de Mary Chauvin du Treuil[28]. Il a adopté Marie Brandolini d’Adda (1963-2013), fille d’Armand Angliviel de La Beaumelle (1929-1964) et mère de Guido, Marcantonio et Gioacchino Brandolini d'Adda. Pierre Rosenberg se rend une semaine par mois à Venise. Il habite la maison où Richard Wagner a composé le second acte de Tristan. Pierre Rosenberg adore les chats (Tristan à l’heure présente). Le chat et la palette[29],[30](1987) illustre cette passion.
Publications
Ouvrages
Inventaire des collections publiques françaises - Rouen. Tableaux français et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1966
Jean Restout (1692-1768): Musée des Beaux-arts de Rouen, juin-, avec Antoine Schnapper, Rouen, 1970
Il Seicento francese - (I Maestri del Disegno), Milan, 1970
Georges de La Tour - Fribourg (en collaboration), 1973
Le XVIIe siècle français, Paris, éditions Princesse, 1976 (OCLC26908615)
La Donation Baderou au musée de Rouen – (Cahiers de la Revue du Louvre), 1980
Chardin - Tout l’œuvre peint, Paris (Skira), 1983
Peyron - Paris (en collaboration) (Arthena), 1983
Saint-Non. Fragonard. Panopticon italiano. Un diario di viaggio ritrovato. 1759-1761 - Rome (en collaboration), 1986
Le Chat et la Palette : le chat dans la peinture occidentale du XVe au XXe siècle, avec Élisabeth Foucart-Walter, Paris, Biro, 1987
Fragonard - Tout l’œuvre peint, Paris (Flammarion), 1989
Les Frères Le Nain - Tout l’œuvre peint, Paris (Flammarion), 1993