Ne pas être juif et avoir apporté une aide, dans des situations où les Juifs étaient menacés de mort, au risque de sa propre vie et de celle de ses proches.
« Juste parmi les nations » (en hébreu : חסיד אומות העולם, Hasid Ummot Ha-'Olam, littéralement « généreux des nations du monde ») est une expression du judaïsme tirée du Talmud (traité Baba Batra, 15 b).
En 1953, la Knesset (parlement d'Israël), en même temps qu’elle créait à Jérusalem le mémorial de Yad Vashem consacré aux victimes de la Shoah, décida d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ». Le titre de Juste est décerné au nom de l’État d’Israël par le mémorial de Yad Vashem. Au , 28 217 Justes[1] parmi les nations de 51 pays ont été honorés ; la Pologne, les Pays-Bas, la France, l'Ukraine et la Belgique sont les pays dont les citoyens ont été le plus médaillés[2]. En tout, les Justes ont sauvé des centaines de milliers de personnes.
Chaque Juste reçoit une médaille qui porte cette citation du Talmud : כל המקיים נפש אחת, כאילו קיים עולם מלא (kol hameqayem nefesh ahat, ke'ilu qayam 'olam mal, « quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier[3] »).
Notion de « Juste parmi les nations » dans la tradition juive
Les lois de Noé
Dans la tradition du judaïsme, la plupart des préceptes et obligations contenus dans la Torah ou dans ses commentaires s’imposent seulement aux Juifs, étant hérités de leurs ancêtres qui furent volontaires pour cette charge. Ces obligations sont détaillées dans les 613 Commandements (mitzvot) de la Torah.
Les non-Juifs ont à suivre des principes éthiques moins détaillés et beaucoup moins nombreux. Au sens large, tout non-Juif qui observe les « lois noahides », ou « sept commandements », est reconnu en tant que « Juste » (en hébreu Tsadik) et est assuré d’une récompense divine. Par exemple, dans les écritures juives, Job représente parfaitement ce type de personne, de même que Melchisédech ou même Cyrus II le Grand, tous trois non-Juifs[4].
D’autres normes sont considérées par les rabbins comme importantes, mais seules ces sept lois, supposées avoir été édictées au temps du patriarcheNoé par Dieu pour toute l’humanité, sont impératives.
D’après l’enseignement rabbinique, les sociétés qui s’écartent délibérément de ces prescriptions ne survivront pas, comme le montre l’épisode biblique de Sodome et Gomorrhe. Chaque société n’est ainsi maintenue par Dieu que pour le Bien des « Justes » vivant en son sein.
Origine
« Le terme de « juste », tsaddik en hébreu, est le plus haut titre de vertu biblique », à l'image encore de Noé qui a sauvé le genre humain et de nombreuses espèces animales[4].
Les hasidé ha-olam, ou « pieux des nations », nommés dans la Mishna et le Talmud, sont les non-Juifs « craignant Dieu », et, pour Maïmonide, tous ceux qui respectent les lois de Noé et se conduisent avec justice[6],[4]. L’expression se retrouve dans le Zohar et dans la littérature médiévale, où sont désignés ainsi ceux qui font preuve de bienveillance à l’égard des Juifs[6].
Depuis le XIe siècle, le Av ha-Rahamim (« Notre Père de miséricorde ») comporte une prière pour tous les « justes du monde » (צַדִּיקֵי עולָם, tsaddiqé ha-olam)[6].
Création du titre de Juste parmi les nations
Processus de création dans l'ordre juridique israélien
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1950, prend corps en Israël la volonté de commémorer les martyrs de la Shoah. En , le gouvernement israélien dépose à la Knesset un « projet de loi sur la commémoration des martyrs et des héros - Yad Vashem ». C’est lors de débats, par un amendement au projet, qu’est ajoutée une référence aux « Justes parmi les nations », non-Juifs qui ont risqué leur vie pour venir en aide à des Juifs. La notion de Juste entre dans le champ légal et politique par la loi du , au dernier alinéa de l’article I fixant les thèmes d’action du mémorial.
Mais ce n’est qu’à partir de 1963, comme une des conséquences du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem qui entend faire la lumière sur les comportements pendant la guerre et distingue entre les attitudes des différents pays, institutions et communautés, ceux qui ont agi pour sauver des Juifs, que Yad Vashem enclenche une politique active d’identification de ces « Justes »[7].
Signification politique de cet hommage
Yad Vashem estime que l’hommage rendu aux Justes parmi les nations revêt une signification éducative et morale[8] :
Israël a l’obligation éthique de reconnaître, d’honorer et de saluer, au nom du peuple juif, les non-Juifs qui, malgré les grands risques encourus pour eux-mêmes et pour leurs proches, ont aidé des Juifs à un moment où ils en avaient le plus besoin ;
les actes des Justes prouvent qu’il était possible d’apporter au moins une aide aux Juifs. L’argument selon lequel l’appareil terroristenazi paralysait les initiatives contraires à la politique officielle est démenti par l’action de milliers de personnes de tous les milieux et dans tous les pays, qui ont aidé les Juifs à échapper à la « Solution finale ».
Monument au Juste inconnu
Yad Vashem a érigé un monument au Juste inconnu dans l’allée des Justes, car il est quelquefois difficile de retrouver des traces de certaines tentatives de sauvetage : les informations sont rares et l’identité du sauveteur demeure inconnue. Certains sauveteurs ont été assassinés avec leurs protégés juifs ; dans d’autres cas, personne ne s’est jamais présenté pour témoigner[9].
Octroi de la distinction
Critères de choix
Depuis 1963, une « commission d'hommage », présidée par un Juge de la Cour suprême d'Israël, a été créée pour décerner le titre de « Juste parmi les nations ».
La commission respecte des critères précis et s’appuie sur une documentation méthodique reposant principalement sur les témoignages directs. Les dossiers permettant d’établir la reconnaissance d’un Juste doivent établir, avec plusieurs témoignages concordants, des faits probants tels que :
le fait d’avoir apporté une aide dans des situations où les Juifs étaient impuissants et menacés de mort ou de déportation vers les camps de concentration ;
le fait d’avoir été conscient qu’en apportant cette aide, le sauveteur risquait sa vie, sa sécurité ou sa liberté personnelle, les nazis considérant l’assistance aux Juifs comme un crime ;
le fait de n’avoir recherché aucune récompense ou compensation matérielle en contrepartie de l’aide apportée[10].
Conséquences de ce choix
Une personne reconnue comme un « Juste » se voit octroyer une médaille à son nom, un certificat officiel et son nom est gravé sur le « Mur d’Honneur » dans le « Jardin des Justes » à Yad Vashem. Cette inscription remplace la plantation d’un arbre faute de place dans le mémorial. Ces symboles sont remis au « Juste » ou à ses représentants lors de cérémonies publiques.
Un Juste reçoit en outre un versement mensuel au niveau du salaire moyen d’Israël. Diverses aides sanitaires et sociales lui sont accordées ainsi qu’à son époux(se). Le « Juste » qui est en difficulté - où qu’il réside - sera aidé par La « Fondation juive pour les Justes », établie à New York (États-Unis) créée à cet effet. Le Fonds Anne Frank, établi à Bâle (Suisse) prend en charge tous frais médicaux. Les « Justes » établis en Israël (57 personnes et leurs familles) reçoivent une pension d'État[10].
Les lois de Yad Vashem autorisent « à conférer la citoyenneté honoraire aux Justes parmi les nations et, s’ils ont disparu, la citoyenneté commémorative de l’État d’Israël en reconnaissance de leurs actions ».
Au , 22 765 personnes, incluant les membres de la famille qui ont partagé les risques du sauvetage des Juifs, ont été reconnues Justes, représentant plus de 8 000 actions de secours authentifiées de par le monde.
La politique de Yad Vashem est de poursuivre ce programme tant que des demandes de reconnaissance étayées par des preuves lui seront transmises.
L’octroi de cette distinction doit honorer des actions incontestables, prouvées, largement individuelles hormis quelques exceptions comme le village français du Chambon-sur-Lignon, le village néerlandais de Nieuwlande, le réseau polonais d'aide aux Juifs Żegota ou la Résistancedanoise. La difficulté de trouver des témoignages directs ou le caractère diffus de certaines actions réduisent le nombre des « Justes » identifiables[11].
Comme le précise le site de la section française de Yad Vashem, le livre des Justes ne sera jamais fermé, car nombreux sont ceux qui resteront anonymes[12], faute de témoignages. De plus, de nombreuses actions ont été effectuées par des réseaux très variés, des actions successives de faible portée menées par de nombreuses personnes, assistées par une très large « complicité passive ».
Communautés ou réseaux
Aux Pays-Bas, trois groupements ont reçu l'honneur de Yad Vashem : le village de Nieuwlande ; l'ensemble des participants de la grève des 25 et 26 février 1941, entre quarante et cinquante mille personnes (ce fut la première grève contre la déportation des Juifs en Europe occupée) ; le groupe clandestin des résistants, connu comme NV (signifiant « société anonyme »), qui se consacrait au sauvetage des petites filles juives (environ deux cents, qui ont toutes survécu à la guerre).
Le « village de Justes », Le Chambon-sur-Lignon, dont la population comptait trois mille habitants à l'époque, a été honoré collectivement pour avoir sauvé entre trois et cinq mille Juifs.
Żegota (nom de code de la Commission d’aide aux Juifs (Rada Pomocy Żydom) – organisation clandestine résistante de l'Armia Krajowa active lors de la Shoah en Pologne entre 1942 et 1945) a sauvé environ 75 000 polonais et délivré plus de soixante mille fausses identités et documents pour dissimuler les Juifs dans la population. Appuyée notamment par de nombreuses communautés religieuses, elle opérait dans la Résistance intérieure sous la tutelle du Gouvernement polonais en exil.
Le Comité de défense des Juifs, en Belgique, a assuré la protection de quatre mille enfants entre 1942 et 1944 (Andrée Geulen en est la figure la plus connue).
Justes par pays
Au , le nombre de Justes parmi les nations s'élève à 28 217[13]. « Les Polonais (les plus nombreux : ils furent parmi les mieux informés sur la Shoah), les Néerlandais, les Français, les Ukrainiens et les Belges représentent plus des trois quarts des médaillés »[4].
Les chiffres ci-dessous tiennent compte des États actuels et non des États existant au moment des faits (Tchécoslovaquie : 688, Roumanie : 139, Yougoslavie : 314, URSS : 4 552). Par ailleurs, dans les pays où la démocratie et la liberté de l’information manquent ou ne sont apparus que récemment, les rescapés ont eu du mal à retrouver leurs sauveteurs, ceux-ci n’ont pas souvent osé rechercher les personnes qu’ils avaient aidées, et l’existence de Yad Vashem n’a été que tardivement connue, et plutôt en milieu urbain que rural.
Dont la famille Veseli. L'Albanie, pays à majorité musulmane, a sauvé la quasi-totalité de sa population juive résidente, soit environ 2 000 personnes[14],[15],[16].
Dont Henry Christen et Ellen Margrethe Thomsen[33]. La Résistance danoise veut que les personnes ayant sauvé des Juifs ne soient pas listés individuellement mais commémorés comme un seul groupe (voir par exemple Club de couture d'Elseneur)[34].
Dont la princesse Alice de Battenberg, princesse de Grèce et du Danemark[48]. Elle est l'une des deux seules princesses européennes à avoir reçu ce titre.
Parmi les deux mille sept cents Justes honorés en France, différents groupes sont mis en exergue. Un dictionnaire des Justes de France, comportant plus de deux mille noms, a été publié en 2003[89],[90]. L’analyse de ces noms montre une très grande diversité des conditions sociales et des métiers, avec cependant une prédominance notable de femmes (60 % des occurrences)[11]. Le premier Juste parmi les nations nommé en France en 1964 est le père Jean Fleury, connu pour son action auprès des Juifs et des Tziganes du camp de la route de Limoges[91],[92].
Quelques-uns des « Justes » plus connus montrent également qu’ils relèvent d’origine et de condition très diverses.
Varian Fry, qui, depuis Marseille, a aidé plus de deux mille Juifs et militants antinazis (en particulier des intellectuels) à gagner les États-Unis.
Carl Lutz, vice-consul de Suisse à Budapest, qui a fourni les papiers qui permirent à soixante-deux mille Juifs d'échapper aux nazis, soit la plus vaste opération de sauvetage de la Seconde Guerre mondiale.
L’abbé Antoine Corriger, curé de Chaumontel, en Val-d'Oise, qui a caché une quinzaine d’enfants et adultes juifs dans les sous-sols des locaux paroissiaux.
L'abbé Henri Grouès, dit l'abbé Pierre, qui a permis à plusieurs dizaines de Juifs de passer en Suisse par les Alpes, lorsqu'il était vicaire à Grenoble.
Le pasteur Edmond Evrard, qui est venu en aide aux Juifs réfugiés à Nice, ainsi que le pasteur Pierre Gagnier et son épouse Hélène, opérant au sein du Réseau Marcel.
Le colonel Henryk Woliński, juriste et soldat polonais de l'Armia Krajowa, cofondateur de Żegota, qui a caché vingt-cinq Juifs à son domicile et en a aidé deux cent quatre-vingts autres.
Edouard Vigneron[99], chef du service des étrangers de la police de Nancy, Pierre Marie[100] et trois collègues policiers (Charles Bouy[101], François Pinot[102] et Charles Thouron[103]) ont reçu la Médaille pour avoir fait échouer la rafle de Nancy et sauvé plus de trois cent cinquante personnes.
La liste des soixante-quatre policiers et gendarmes français distingués a été publiée par la Société française d'histoire de la police[104].
Yvonne Hagnauer, institutrice, féministe et syndicaliste résistante, qui a protégé de nombreux adultes et abrité une soixantaine d'enfants orphelins à Sèvres (jusqu'à 70 % de ses pensionnaires d'internat en 1942). titrée le 10 septembre 1974[105].
Renée Jacqmotte, éducatrice belge, a caché ou placé 25 enfants juifs et une famille.
Aimée Lallement, institutrice, militante associative et politique française, qui a adopté l’enfant qu’elle avait sauvé.
Madeleine Michelis, professeur agrégé au lycée d’État de jeunes filles d'Amiens de 1942 à 1944 et résistante (elle a protégé des élèves juives du lycée Victor Duruy à Paris, où elle enseignait en 1941, et a hébergé puis fait passer en zone non occupée Claude Bloch, fille de l'architecte Jean-André Bloch[106]).
Madeleine Sorel, éducatrice belge, nommée Représentante de tous les Justes parmi les Nations de Belgique en 1994.
Olga Zawadzka, enseignante et catéchiste polonaise qui a sauvé la vie à trois jeunes juives, dont Noe Livne.
Amédée et Jeanne Jouan, Amédée Jouan, instituteur et secrétaire de mairie, sa femme Jeanne, institutrice elle aussi et leur fils Michel né en 1933 habitaient à Nailhac (Dordogne). En février 1943, ils ont accueilli en leur domicile une famille juive, et fabriqué 43 fausses pièces d'identité dans le but de sauver des vies[107],[108].
Mieczysław Fogg, musicien et chanteur polonais, qui a caché à son domicile à Varsovie des familles et amis juifs.
Marianne Golz, chanteuse d'opéra allemande, cache des familles juives dans sa maison de Prague et, après son arrestation, arrive à faire libérer ses associés en prenant toute la responsabilité de cette action.
Hermann Friedrich Graebe, ingénieur allemand, qui a été à partir de 1941 directeur régional d'une entreprise de construction de Solingen dans l'Ukraine occupée par les Allemands.
Jan Żabiński, directeur du Parc zoologique de Varsovie, résistant et militaire de l'Armia Krajowa, qui a caché des centaines de Juifs sur le terrain du parc.
Mohammed Helmy, médecin égyptien à Berlin, qui a pris des risques personnels pendant trois ans afin de sauver une famille juive et qui est le premier arabophone à être honoré de la sorte[110],[111].
Tadeusz Pankiewicz, pharmacien polonais qui a activement aidé les Juifs du ghetto de Cracovie. Sa pharmacie était située dans le ghetto. Il a été l'un des derniers non-Juifs à rester dans le quartier et à tenir ouverte sa pharmacie jusqu’au jour de la liquidation[112].
Isaure Luzet, pharmacienne à Grenoble, membre des réseaux de résistance Périclès et Mathilda, aide au sauvetage d'enfants juifs en lien avec le couvent de Notre-Dame-de-Sion de Grenoble.
Georges Lauret, chef du service de la maternité de l'hospice général de Rouen, qui garda dans son service Linda Ganon et ses deux filles de janvier 1943 à août 1944.
Anne Beaumanoir, étudiante en médecine bretonne, alors âgée de 21 ans, sauve deux enfants juifs d'une rafle en janvier 1944.
Gino Bartali, cyclisteitalien vainqueur notamment des Tours de France1938 et 1948. Membre d'un réseau financé et abrité par le Vatican, il a contribué au salut de huit cents Juifs en transmettant des documents falsifiés qu'il cachait dans la selle et le guidon de son vélo.
La Princesse Hélène de Grèce, reine-mère de Roumanie, qui a participé au sauvetage de nombreux Juifs et opposants alors qu'elle représentait un régime allié des nazis.
Maria Kotarba, appelée ange d'Auschwitz, courrier du mouvement de Résistance Armia Krajowa puis prisonnière politique internée au camp d'Auschwitz, qui a fourni vivres et médicaments aux femmes juives du camp.
Madeleine Steinberg née White (1921-2008), cette élève du Collège Sévigné durant les années 1930, a contribué à sauver plusieurs Juifs (hommes et femmes), en provenance du Ghetto de Varsovie, internés, comme elle, au camp de Vittel. Elle est reconnue Juste parmi les Nations le 25 août 2013. Cérémonie au Collège Sévigné le 11 juin 2014[119].
Comme dans d’autres pays européens, la France a connu des actions visant à aider les Juifs[12], certaines actives, d’autres traduisant une capacité diffuse et assez répandue de « désobéissance civile » chez les Français.
La diversité des actions de sauvetage, en zone libre comme en zone occupée, la propension des laïcs et des religieux à ne pas exécuter les lois du Régime de Vichy et les exigences des autorités allemandes, la relativité de l’application des décisions gouvernementales sont révélatrices de cette attitude qui a débuté dès 1940, avant les rafles de l’été 1942. Désobéir, c’était, à certains moments, prendre des risques pour ne pas collaborer et pour tenter de sauver autrui.
En France, 4 206 personnes ont été formellement identifiées comme Justes par Yad Vashem (chiffre janvier 2022[13]). Mais un bien plus grand nombre, probablement, a dû agir pour sauver de la déportation les trois quarts des Juifs qui résidaient alors en France : en , la France comptait environ 300 000 Juifs se répartissant ainsi : 110 000 français depuis plusieurs générations, 70 000 naturalisés français et 120 000 étrangers et apatrides ; à ceux-ci s’ajoutèrent en près de 40 000 réfugiés Juifs de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg qui avaient fui sous le choc de l’invasion allemande ; sans oublier les Juifs allemands, expulsés d’Allemagne en France par les nazis après l’armistice de 1940, dont 6 538 Juifs du Pays de Bade, du district du Palatinat et de Sarre ; nombre d’entre eux furent internés au Camp de Gurs[120]. 75 721 Juifs[121] furent déportés et 2 560 revinrent des camps[122].
« Justes de France »
La notion de « Justes de France » apparaît dans une proposition de loi de Jean Le Garrec (groupe socialiste), déposée le et qui n’a pas abouti. Elle prévoyait la création d’un titre de « Juste de France » témoignant d’actions accomplies durant la période du Régime de Vichy pour recueillir, protéger ou défendre des personnes menacées de l’un des crimes définis par les articles 211-1 à 213-5 du code pénal français (génocide, crime contre l’humanité).
Le titre de « Juste de France » aurait été décerné par une commission nationale créée à cet effet et qui aurait vérifié que les personnes concernées répondaient aux conditions fixées par le texte (avoir procuré, au risque conscient de sa vie ou de son intégrité corporelle, spontanément et sans espoir de contrepartie, une aide véritable à une personne se trouvant en situation de danger ou de péril immédiat). Cette proposition de loi n'aboutit pas.
Sont donc désignées Justes de France les personnes ayant reçu le titre de « Juste parmi les nations », délivré par la commission israélienne de Yad Vashem aux protecteurs des seuls Juifs (et non à ceux des autres victimes de persécutions raciales, comme les Tsiganes)[123] et qui ont agi en France.
Néanmoins, les Français ayant secouru des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et restés des « Justes » anonymes[12] sont honorés comme les « Justes parmi les nations » par une inscription dans la crypte du Panthéon de Paris, en tant que Justes de France.
Le titre de « Justes parmi les nations » a été décerné à cette date à 2 725 Français, dont 240 encore en vie. Plusieurs dossiers sont en cours d’instruction. À cette occasion, le Président de la République prononce un discours rappelant le refus de l’indifférence et de l’aveuglement face à l’attitude haineuse et revancharde du Régime de Vichy[124]. La date du 18 janvier correspond à l’anniversaire de l’entrée des troupes soviétiques dans le camp d’Auschwitz.
On peut lire sur le mur de la crypte le texte suivant :
« Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Nommés « Justes parmi les nations » ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites et des camps d’extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité. »
Le Mémorial de la Shoah, auquel la Fondation pour la Mémoire de la Shoah apporte un soutien financier permanent, a réalisé, à proximité du Mur des Noms où sont gravés les noms des 76 000 Juifs déportés de France, un « Mur des Justes », sur le mur extérieur du mémorial, en hommage à plus de 3 900 personnes reconnues « Justes parmi les nations » en France[127]. La liste des noms est ordonnée par l'année où le titre a été décerné et par ordre alphabétique. La rue où se trouve la liste a été renommée « allée des Justes ». Ce « Mur des Justes », ainsi que l’exposition réalisée à cette occasion, ont été inaugurés le .
Débats
Certains débats ont eu lieu sur le fait de savoir si sauver des Juifs convertis au christianisme pouvait être considéré comme l’action de Justes. Les avis divergent sur cette question[128].
La délivrance du titre de Juste se fonde uniquement sur des témoignages de Juifs en faveur de leurs anciens sauveurs, ce qui est impossible si ce témoignage vient à manquer : ainsi, des personnes dont l'action est unanimement avérée ne peuvent être reconnues[129].
Des familles de Justes, comme celles du médecin égyptien Mohammed Helmy, ont refusé d'être honorées par la médaille de Juste parmi les nations au motif des relations israélo-égyptiennes et de sa délivrance par un organe israélien ; un petit-neveu d'Helmy l'a finalement acceptée hors de l'ambassade d'Israël[Laquelle ?] en 2017[111],[130],[131].
La liste des récipiendaires du titre de Juste parmi les Nations s'enrichit au fil des travaux historiques. C'est un « travail en [constante] progression » comme l'indique le site du mémorial de Yad Vashem. Cependant, il existe un certain nombre de personnages historiques qui se sont distingués par leur soutien inconditionnel et décisif envers leurs compatriotes juifs durant la Seconde Guerre mondiale et dont les actes sont reconnus par les historiens mais qui ne jouissent pas encore de ce titre. Parmi ces personnages, il y a notamment des individus issus du monde musulman.
Selon El Watan, le recteur de la grande mosquée de Paris, Si Kaddour Benghabrit, fournissait sous l'Occupation de faux certificats d'identité musulmane à des Juifs vivant à Paris, notamment d'origine séfarade. La grande mosquée de Paris sauva ainsi une centaine de Juifs et construisait même de fausses pierres tombales dans le cimetière musulman de Bobigny pour attester de l'ascendance musulmane de certains Juifs. L'artiste et chanteur Salim Halali bénéficia ainsi de ce stratagème. Ismaël Ferroukhi s'inspira de cette histoire pour réaliser son film Les Hommes libres. Un appel à témoin de Juifs sauvés par la Mosquée de Paris entre 1942 et 1944 a été lancé le pour que la médaille des Justes soit remise aux descendants de Si Kaddour Benghabrit[132].
Soutien aux Justes
Des initiatives privées se font un point honneur à marquer leur gratitude aux Justes, comme l'association From the Depths[133], avec son projet « Silent Hero Taxi »[134] ou l'aide apportée aux Justes nécessiteux[135].
La Pourpre et le Noir, téléfilm réalisé par Jerry London produit en 1983 d’après le roman de J.P. Gallagher. Basée sur l’histoire de Monseigneur Hugh O’Flaherty, haut dignitaire du Vatican.
Un simple maillon, film documentaire de Frédéric Dumont et Bernard Balteau dans lequel Andrée Geulen raconte comment 12 femmes du Comité de Défense des Juifs se sont organisées en Belgique occupée pour sauver des milliers d’enfants. Production Les Films de la Mémoire, RTBF, WIP.*
Les Justes, court métrage de Moïse Bendayan, avec Hélène Carmona, musique originale d'Hubert Evin (2015)[137]
La Femme du gardien de zoo (The Zookeeper's Wife), film de Niki Caro, 2017, basé sur l'histoire vraie du couple Jan et Antonina Żabiński, qui ont sauvé la vie de 300 juifs pendant la Seconde Guerre mondiale en les cachant dans leur zoo à Varsovie.
Irena's Vow, de Louise Archambault (2023), histoire de la jeune infirmière polonaise Irène Gut Opdyke qui a protégé plusieurs juifs à son corps défendant et a été honorée du titre en 1982.
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La version du 19 avril 2007 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.
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