Le prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix » selon les volontés, définies par le testament, d'Alfred Nobel. Cela comprend la lutte pour la paix, les droits de l'Homme, l'aide humanitaire et la liberté.
Le prix de l'année peut être partagé entre deux, voire trois personnalités ou institutions ayant rendu de grands services à l'humanité par la voie diplomatique.
Le prix Nobel de la paix a été attribué pour la première fois en 1901. Des récompenses ont été décernées en 1917, 1944 et 1945, mais le prix n'a pas été attribué les autres années des deux guerres mondiales. Aucune récompense n'a été décernée les années où aucun candidat n'a pu faire l'unanimité (19 années au total).
D'abord occidentale, l'origine des candidats s'est progressivement étendue au monde entier. Au début du XXIe siècle, le prix Nobel de la paix a une importance politique, certains prix ayant une valeur de désaveu de gouvernements autoritaires, comme celui d'Aung San Suu Kyi en 1991 vis-à-vis de la junte birmane ou celui de Liu Xiaobo en 2010 à l'égard du gouvernement chinois.
Certaines nominations ont eu une résonance particulière comme celle de Theodore Roosevelt en 1906 qui a été fortement contestée car Roosevelt était « militariste »[note 1],[1]. On peut également citer celle du journaliste allemand antinazi Carl von Ossietzky en 1935 et celle du 14e dalaï-lama en 1989[2].
Dans son ensemble, le prix Nobel est surtout remis à des personnalités historiques de l'action humanitaire, de la lutte contre l'oppression politique ou de la défense de l'égalité devant la loi, reconnue par l'article 7 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme en 1948, puis garantie par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques à son article 26, tels Albert Schweitzer, Martin Luther King et Mère Teresa.
Comme l'a décidé Alfred Nobel, les lauréats du prix Nobel de la paix sont choisis par un comité nommé par le parlement norvégien, alors que les lauréats des autres prix sont sélectionnés par l'Institution académique suédoise. Contrairement à ceux-ci, décernés lors d'une cérémonie royale le 10 décembre (date anniversaire de la mort d'Alfred Nobel) à Stockholm par le roi de Suède, le prix Nobel de la paix est remis à l'hôtel de ville d'Oslo[3],[4] par le président du Comité Nobel norvégien en présence du roi de Norvège[Site 1]. La Suède et la Norvège relevaient en 1901 de la même Couronne avant la séparation de ces deux pays en 1905. Un arrangement a été trouvé et la Norvège a hérité du prix Nobel de la paix, doté de 10 millions de couronnes suédoises (un peu plus d'un million d'euros), puis réduit à 8 millions de couronnes suédoises (un peu plus de 900 000 euros)[Site 2].
Dans Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Stefan Zweig raconte que Bertha von Suttner aurait influencé la fondation de ce prix en convainquant Alfred Nobel de réparer « le mal qu'il avait causé avec sa dynamite ».
Les nominations pour cette distinction sont le fruit de propositions argumentées et détaillées, émises par des membres d'Assemblées nationales ou des Congrès législatifs, des cercles de professeurs en université dans le domaine de la géopolitique, du droit et des sciences politiques, d'anciens lauréats du prix, des magistrats spécialisés dans le droit international et des conseillers spéciaux du Comité norvégien créé spécialement pour cette branche du Nobel. Chaque année, sur plusieurs centaines de propositions, 199 sont gardées avant qu'une série préalable de candidatures ne soit soumise aux jurés du prix qui établissent au printemps une liste finale de cinq noms ou groupe de noms et structures liés par une même action diplomatique. Le ou les lauréats sont élus après débats, discussions et votes clos en octobre. Leur identité est révélée lors d'une conférence de presse officielle dans la vieille ville d'Oslo. Les nominations sont normalement tenues à rester secrètes durant 50 ans. Plusieurs d'entre elles sont désormais connues et médiatisées[Site 3], notamment celles comprises entre 1901 et 1955[Site 4]. Quand certaines de ces listes ont été révélées à la presse, on a pu découvrir qu'Adolf Hitler avait été nommé, en 1939, par Erik Brandt, membre du Parlement suédois, dans une volonté de "critique satirique"[5] de la nomination concurrente proposée du premier ministre britannique Neville Chamberlain[6], avant que Brandt ne retire cette proposition quelques jours plus tard, n'ayant pas souhaité qu'elle soit prise sérieusement[Site 5]. D'autres propositions de ce genre, non ironiques cette fois, ont été soumises au Comité telles que Benito Mussolini (en 1935) ou encore Joseph Staline (en 1945 et en 1948)[Site 6]. En 2018, l'ancien chef de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, figure parmi les « huit à dix noms » examinés pour siéger au comité Nobel[7].
Contrairement aux autres prix, rétrospectifs, valorisant l'œuvre d'une vie en sciences ou en littérature, le Nobel de la paix a souvent distingué une action particulière sans que celle-ci soit forcément soumise à l'épreuve du temps : celle d'une personne ou d'une structure qui a résolu un conflit international et élaboré un consensus pacifique. De fait, plusieurs récompenses ont été attribuées sans prendre en compte le passé du lauréat ou sa politique et ses actes intermédiaires souvent en contradiction avec la définition du prix. Ceci a largement remis en doute la crédibilité voire la légitimité de la distinction lorsqu'elle est revenue à des personnalités telles que Theodore Roosevelt, Anouar el-Sadate, Menahem Begin, Shimon Peres, Yitzhak Rabin, Yasser Arafat, Lê Đức Thọ, Henry Kissinger, Eisaku Satō ou Barack Obama : choix aussi sulfureux que controversés. En conséquence, en 2005, le Comité Nobel a affirmé publiquement que le prix ne reviendrait plus qu'à des personnes, groupes ou organismes qui auront engagé leur existence au service des droits de l'Homme, de la promotion du modèle démocratique ainsi que de la défense des voies de la diplomatie[Site 7]. On a pu également reprocher à certains récipiendaires certaines actions semblant contraires aux aspirations du Nobel : à partir de 2017, la presse reproche notamment à Aung San Suu Kyi, récipiendaire du prix en 1991, son inaction et son absence de condamnation du nettoyage ethnique envers les Rohingyas[8].
Néanmoins, au cours des années 2000, le prix a été décerné à un ex-président, un ex-vice-président et un président en exercice des États-Unis (Jimmy Carter, Al Gore et Barack Obama après à peine neuf mois de présidence), alors que ce pays a un fort engagement militaire hors de ses frontières.
L'autre critique importante faite aux jurés du Nobel concerne l'omission notable dans ses palmarès d'individus dont les contributions pour la paix ont été unanimement saluées. La révélation des nommés pour le Nobel (en) renforce le sentiment d'injustice. La liste des grands oubliés comprend notamment le Mahatma Gandhi dont l'éviction a été vivement critiquée, y compris dans les déclarations de plusieurs membres du Comité norvégien[Site 8],[Site 9]. Ce dernier a reconnu avoir nommé le Mahatma Gandhi en 1937, 1938, 1939, 1947 et, finalement, quelques jours avant son assassinat en janvier 1948. Cette année-là, il avait refusé d'attribuer un prix, jugeant qu'« il n'y avait pas de candidat vivant approprié ». L'omission de Gandhi a été publiquement et unanimement regrettée par les membres ultérieurs du Comité norvégien. Plus tard, quand le 14e dalaï-lama a été récompensé en 1989, Egil Aarvik, président du Comité, a déclaré que cette décision était « en partie un hommage à la mémoire du Mahatma Gandhi »[Site 10].
Le dernier et important reproche fait au Nobel concerne l'efficacité et la valeur réelle de cette récompense lorsqu'elle est revenue à des personnalités dont les efforts diplomatiques ont été jugés aussi « vains » que « stériles » à l'instar de l'ancien président américain Jimmy Carter, de l'ex-secrétaire général des Nations unies Kofi Annan ou de l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohamed el-Baradei.
Depuis sa création en 1901, le prix Nobel de la paix a été décerné à 110 personnes et 29 fois à des organisations. Dix-huit femmes ont reçu le prix Nobel de la paix, qui est ainsi le Nobel avec le plus de récipiendaires féminines[Site 11]. Seulement deux lauréats ont reçu plusieurs prix : le Comité international de la Croix-Rouge, trois fois (1917, 1944 et 1963) et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, deux fois (1954 et 1981).
(Né en Rhodésie du Sud)
(né en Allemagne)
(Né en France)
(né en Roumanie)
(né au Tibet)[Site 85]
Maria Ressa s'appuie sur la liberté d'expression pour mettre sur la place publique les abus de pouvoir, les recours à la violence, l'autoritatisme croissant dans son pays natal, les Philippines. Dmitri Mouratov, depuis des décennies, défend la liberté d'expression en Russie dans des conditions de plus en plus difficiles.
Membres actuels du Comité norvégien[Site 117] :
Kristian Berg Harpviken est le secrétaire du Comité depuis 2025.
Auparavant :
En 1936, le journaliste Carl von Ossietzky, lauréat du prix Nobel de la paix de l'année 1935, n'avait pas pu se déplacer. Le gouvernement nazi le maintenait interné dans le camp de concentration de Papenburg. Il décédera quelques mois plus tard des suites de la tuberculose contractée en prison[Site 118]. C'est aussi le cas du Chinois Liu Xiaobo, lauréat 2010, qui emprisonné n'a pas pu se rendre à la cérémonie. Liu Xiaobo est le deuxième prix Nobel de la paix à mourir en captivité après Carl von Ossietzky[16].
Depuis 1999 et à l'initiative du Comité Gorbatchev, s'est tenu un sommet annuel qui regroupait d'anciens lauréats du prix Nobel de la paix. Les huit premières éditions avaient été accueillies par la ville de Rome[Site 119].
Le neuvième sommet des prix Nobel de la paix s'est tenu à Paris en décembre 2008. Ce choix avait permis de célébrer le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. De nombreuses personnalités avaient participé à ce sommet dont Walter Veltroni, Mikhail Gorbatchev, Lech Wałęsa, Frederik Willem de Klerk, Íngrid Betancourt[17].
À l'occasion du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, le sommet 2009 s'est tenu en août dans la capitale allemande. Annie Lennox y sera élue « Femme de la Paix 2009 » en récompense de son engagement en faveur de la lutte contre le sida en Afrique du Sud.
En novembre 2010 lors du sommet d'Hiroshima au Japon, le dalaï-lama et cinq autres lauréats du Nobel de la paix avaient participé au sommet des prix Nobel de la Paix. Ce sommet était consacré cette année au désarmement nucléaire et organisé à Hiroshima, ville détruite par une bombe atomique à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le prix Nobel Liu Xiaobo, emprisonné en Chine, a été représenté à ce sommet par le Chinois Wuer Kaixi, un des leaders étudiants lors des manifestations de la place Tian'anmen en 1989. Ce dernier avait appelé à la libération de Liu Xiaobo. Il avait par ailleurs déclaré « Les militants en faveur de la démocratie et les avocats défenseurs des droits de l'Homme continuent d'être harcelés et emprisonnés en Chine, au moment où nous sommes réunis à Hiroshima »[18].
Le sommet 2014[19] s'est déroulé à Rome du 12 au 14 décembre. Étaient notamment présents le dalaï lama (Tenzin Gyatso), l'ancien numéro un soviétique Mikhaïl Gorbatchev, l'ancien chef du syndicat Solidarnosc et président de Pologne, Lech Wałęsa, Shirin Ebadi (Iran), Leymah Gbowee (Liberia), Tawakkol Karman (Yémen), Betty Williams, Mairead Maguire et David Trimble (Irlande du Nord), José Ramos-Horta (Timor Oriental), Jody Williams (États-Unis). Les lauréats des prix Nobel de la paix avaient signifié, dans un texte commun, leur « profonde inquiétude » devant la menace que font peser « certaines grandes puissances » qui font usage de la force, au risque d'une « nouvelle guerre froide encore plus dangereuse » ; ils avaient également dénoncé « le fanatisme déguisé en religion » et attiré l'attention sur « des conflits existants ou qui couvent, en particulier en Syrie, Irak, Israël/Palestine, Afghanistan, Sud Soudan et Ukraine » et qui prennent « une tournure de plus en plus dangereuse »[20].