Le , elle reçoit le prix Nobel de la paix pour « sa contribution en faveur du développement durable, de la démocratie et de la paix » à la suite de son engagement contre la déforestation du Kenya. C’est la première femme africaine à recevoir cette distinction.
Biographie
Wangari Maathai est élevée dans les White Highlands(en) au centre du Kenya. Ses parents, du peuple kikuyu, sont des fermiers qui luttent pour la subsistance de leur tribu. Étant l'aînée d'une famille de six enfants, elle s'occupe de la majorité des tâches ménagères de la maisonnée. En 1948, grâce à la volonté de sa mère, Wangari Maathai entre à l'école primaire de Ihithe (Ihithe Primary School), alors que très peu de filles y accèdent[1].
Puis elle suit des études secondaires au Couvent Loreto, une école de filles de Limuru. En 1959 elle obtient son baccalauréat et en 1960 elle obtient une bourse du Students Airlifts Programme[1]. Cette bourse, mise en place par Tom Mboya en collaboration avec l'African-American Students Foundation, permet à des étudiants kényans de terminer leurs études dans des universités américaines[2].
Elle meurt le à l'hôpital de Nairobi, suite d'un cancer[5],[6]. Son corps est mis dans un cercueil confectionné en bambou et en fibres de jacinthe, pour respecter la demande qu'elle avait faite à sa famille de ne pas couper d'arbre pour fabriquer son cercueil. Le jour de la cérémonie, un arbre est planté par ses enfants et petits-enfants en présence de centaines de personnes, au Uhuru Park (Parc de la Liberté en Swahili) à Nairobi. Il s'agit du parc que Wangari Maathai a sauvé de la destruction en mettant en échec un projet de gratte-ciel que le régime autoritaire de l'ancien président Daniel arap Moi voulait construire à cet endroit[7].
Militantisme et vie politique
Green Belt Movement
Wangari Maathai fonde en 1977 le Mouvement de la ceinture verte (Green Belt Movement)[8], en réaction au phénomène de déforestation et d'érosion des sols, et en étroite collaboration avec les femmes des villages kényans. En effet au Kenya, ce sont les femmes qui sont chargées de collecter le bois pour alimenter le foyer et le fourrage pour les animaux. Or, avec la déforestation, ces ressources se raréfient, obligeant les femmes à parcourir des distances de plus en plus grandes. Les plantations d'arbres, véritables ceintures vertes autour des villes et des villages, ont donc pour but de répondre à ce problème quotidien des femmes kényanes[9].
À l'époque, Maathai commence par planter sept arbres le jour de la Terre, en l'honneur des femmes engagées dans le mouvement environnementaliste kényan. Les femmes sont ensuite placées au centre du processus, et le sont encore aujourd'hui, restant responsables de la gestion de leurs plantations. Ce mouvement a permis de planter plus de cinquante millions d'arbres[10],[11].
Maathai est parfois affectueusement surnommée « la femme des arbres » (tree woman). Elle est active aussi bien dans le domaine de l'environnement que dans celui des droits des femmes[12].
En 1997, les deuxièmes élections multipartites sont marquées par des violences ethniques. Maathai avait déposé sa candidature pour la présidence du Kenya mais son propre parti l'avait retirée avant même de lui en parler, et elle échoue aussi à se faire élire au Parlement. Sous la présidence de Daniel Arap Moi, elle est emprisonnée plusieurs fois (notamment, en 1991, où elle est libérée sous caution grâce au soutien d'Amnesty International) et violemment attaquée pour avoir demandé des élections multipartites, la fin de la corruption et de la politique tribale[13],[14].
Renommée internationale
Sa renommée mondiale est acquise lors de son opposition au projet d'une construction de la maison luxueuse d'Arap Moi, projet abandonné grâce à son action. En effet, la construction de cette propriété implique d'abattre des arbres sur plusieurs acres de terre. Elle continue à protéger les forêts kényanes et la démocratie au péril de sa vie ou de sa liberté. Elle prône l'utilisation constante de la non-violence et des manifestations populaires avec l'aide des organisations internationales. Elle participe à des groupes onusiens et connaît personnellement Kofi Annan, ancien Secrétaire général des nations unies.
Militante écologiste, elle fonde le Parti vert Mazingira du Kenya en 2003. Ce parti est affilié à la fédération des Partis verts d'Afrique et aux Verts Mondiaux. Elle est élue au parlement kényan en décembre 2002, avec 98 % des voix[15]. C'est à peu près en même temps que Mwai Kibaki remporte l’élection présidentielle face à Arap Moi. Le nouveau président la nomme, en janvier 2003, Ministre-adjointe à l'Environnement, aux Ressources naturelles et à la faune sauvage[15], un an plus tard, elle reçoit le prix Nobel de la paix et fonde une ONG de femmes contre la déforestation[16]. Elle incite l'Afrique à « ignorer le modèle des pays occidentaux » pour trouver des voies vertes de développement[3].
Elle a trois enfants avant de divorcer en 1979. Son mari affirme alors au juge qu'elle avait un « trop fort caractère pour une femme » et qu'il était « incapable de la maîtriser ». Après avoir perdu le procès du divorce, Wangari Maathai déclare dans la presse que le juge était incompétent ou corrompu, ce qui lui vaut d'être emprisonnée pendant 24 heures puis libérée après avoir promis de s'excuser[17].
Controverse
En 2003, elle déclare à propos du SIDA : « en fait il a été créé par un scientifique pour la guerre biologique. Pourquoi y a-t-il eu tant de secrets autour du sida ? Quand on demande d'où provient ce virus, ça cause beaucoup de problèmes, ça me fait poser des questions ». Ses déclarations suscitent des réserves notamment de la part de Washington[18]. Selon plusieurs témoignages, elle était victime d'une « maladie du Nobel », elle revient sur ses déclarations en disant que ces propos avaient été mal interprétés car sortis de leur contexte tout en affirmant n'avoir jamais cru que le virus du sida ait été fabriqué de toutes pièces par l'homme[19].
Une fresque la représente sur le bâtiment de l'IUT de statistique et d'informatique décisionnelle de l'université de Pau, près d'une micro-forêt urbaine[28].
La 42e promotion de l'IRA de Lille porte le nom de Wangari Maathai.
Le roman L'Enfant de Dindefello d'Aminta Dupuis détaille une partie de son œuvre en faveur de la régénération naturelle des arbres et montre comment elle enthousiasme la jeunesse qui devient active à son tour.
En juin 2023, une fresque en son honneur est réalisée rue Paul Doumer à Montreuil[29] par les élèves de CAPA Jardinier Paysagiste 2022/2024 du Lycée des Métiers de l'Horticulture et du Paysage Jeanne Baret et les muralistes EvazéSir.
Œuvres
Wangari Maathai a publié et préfacé de nombreux livres. Seuls quelques-uns sont traduits en français :
Pour l'amour des arbres (trad. Jean-Paul Mourlon), L' Archipel, , 164 p. (ISBN978-2-84187-709-6)
Celle qui plante les arbres (trad. de l'anglais par Isabelle Taudiere), Paris, Héloïse d'Ormesson, , 380 p. (ISBN978-2-35087-057-1) « Témoignage poignant des défis et des réussites de l'Afrique moderne. » Bill Clinton
Mama Miti, la mère des arbres (trad. Claire A. Nivola), Le Sorbier,
Un défi pour l'Afrique : essai (trad. de l'anglais), Paris, Héloïse d'Ormesson, , 362 p. (ISBN978-2-35087-140-0)
Réparons la Terre [« Replenishing the Earth »], Paris, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2012 (ISBN978-2-35087-199-8)
↑En 1960, Tom Mboya rend visite aux frères Kennedy en vue d'obtenir leur soutien pour élargir le programme Students Airlifts Programme à une plus grande partie de l'Afrique, et il y réussit. Le programme est étendu à l'Ouganda, au Tanganyika et à l'île de Zanzibar (tous deux maintenant Tanzanie), la Rhodésie du Nord (maintenant Zambie), la Rhodésie du Sud (maintenant Zimbabwe), et le Nyasaland (maintenant Malawi).
↑ a et bAlizée Vincent, « Activisme écolo: stop à l'entre-soi occidental ! », Causette, , p. 21
↑ a et bNobel Foundation, « Wangari Maathai - Biographical », d'après The Nobel Prizes 2004, Tore Frängsmyr, Nobel Foundation, Stockholm, 2005, sur www.nobelprize.org (consulté le )
↑« Wangari Maathai l'incontrôlable », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑(en-US) Jane Perlez et Special To the New York Times, « Nairobi Journal; Skyscraper's Enemy Draws a Daily Dose of Scorn », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le )
↑« Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix et militante écologiste, est morte », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le )
Geseko von Lüpke et Peter Erlenwein (trad. de l'allemand par Stéphanie Alglave), "Nobel" alternatif, 13 portraits de lauréats, Sète, La plage, , 213 p. (ISBN978-2-84221-191-2)
Claire Nivola (trad. de l'anglais par Ariel Marinie), Mama Miti, la mère des arbres : prix Nobel de la paix, Paris, Le Sorbier, , 32 p. (ISBN978-2-7320-3917-6)
Laurent Simon, Joël Boulier et (Wangari Maathai, qui signe la préface), Atlas des forêts dans le monde : protéger, développer, gérer une ressource vitale, Paris, Editions Autrement, , 80 p. (ISBN978-2-7467-1269-0)
Franck Prévot et Aurelia Fronty, Wangari Maathai, la femme qui plante des millions d'arbres, Voisins-le-Bretonneux, Rue du monde, , 45 p. (ISBN978-2-35504-158-7)
Karine Edowiza, Les petites graines de Wangari, histoire à colorier librement inspirée de la vie de Wangari Maathai, 2017, 54p.
Roman
Le roman L'Enfant de Dindefello d'Aminta Dupuis (L'Harmattan, Paris, 2021) détaille une partie de son œuvre en faveur de la régénération naturelle des arbres et montre comment elle enthousiasme la jeunesse qui devient active à son tour. L’œuvre des prix Nobel alternatifTony Rinaudo et Yacouba Sawadogo, autres pionniers de la régénération naturelle est également évoquée.
(en) Biographie sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)