Un intellectuel de la droite catholique maurrassienne
Élève d'Alain au lycée Condorcet, Henri Massis poursuit en lettres à la Sorbonne une licence de philosophie qu'il obtient en 1908. Pendant ses études, il publie son premier ouvrage de critique littéraire, Comment Émile Zola composait ses romans alors remarqué par Émile Faguet comme début prometteur. Politiquement, le jeune Massis est alors barrèsien. Massis est très tôt attiré par Charles Maurras et l'Action française. Fervent polémiste, il rejette la diffusion de la culture allemande à la Sorbonne et le déclin de la culture classique (enquête avec Alfred de Tarde sous le pseudonyme d'Agathon). Un second « Agathon » suivit en 1913 : « Les Jeunes gens d'aujourd'hui » dont il applaudit le goût de l'action, la foi patriotique, la renaissance catholique et le réalisme politique.
Durant les années 1920, Massis renouvelle ce type de critique à propos des écrivains de son temps comme André Gide ou Romain Rolland. Au premier il reproche, notamment, ses mœurs « sataniques » et ses attaques contre l'institution familiale (Nourritures terrestres) ; il dénonce le penchant socialiste du second et voit en lui un traître qui pactise avec « l'ennemi ».
Massis s'est longuement consacré au journalisme. Il a fait ses débuts à L'Opinion avant d'être rédacteur en chef à la Revue universelle, proche de l'Action française, de 1920 à 1936, puis directeur de ce même journal de 1936 à 1944. Il assiste aux banquets du cercle Fustel de Coulanges, proche aussi de l'Action française ; il le préside en 1935.
Pour faire contre-feu à la condamnation de l'Italie par la Société des Nations en 1935 après l'invasion de l'Éthiopie, Massis, partisan d'une entente avec la dictature fasciste de Mussolini, se fait le porte-parole d'une certaine droite lorsqu'il rédige le Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe. Avec son ami Robert Brasillach, il publie un ouvrage à la gloire de la dictature franquiste : Les cadets de l'Alcazar. En 1938, il visite le Portugal et manifeste son appui au dictateur Salazar. Comme pour ses confrères de l'Action française, la germanophobie de Massis lui fait condamner — logiquement — le régime hitlérien[4],[5].
Face à la NRF, Henri Massis essaie de mettre sur pied avec Jacques Maritain une sorte de NRF catholique avec la collection du Roseau d'Or publiée chez Plon.
Journaliste et pétainiste sous l’Occupation
Officier d'état-major du général Charles Huntziger durant la « drôle de guerre », il est, après l'armistice, brièvement chargé de mission à l'état-major du général Maxime Weygand - il y gagne une seconde croix de guerre - puis au cabinet du ministre des anciens combattants et de la famille Jean Ybarnégaray : il affirme alors qu'il veut « accomplir une œuvre de redressement à destination de la jeunesse, mais en évitant tout ce qui pourrait avoir l'air d'être copié (...) Pas d'importation de foi, de patriotisme, pas d'idéal venu d'au-delà de nos frontières, surtout[6]! »
La Revue universelle qu'il dirige s'installe à Vichy et y défend le régime de Vichy et sa Révolution nationale. Il donne des conférences, littéraires ou plus politiques comme en 1943 à Lyon une conférence sur la Russie et l'Occident, sous les auspices du ministère de l'Information et du comité de l'exposition « Le bolchevisme contre l'Europe[7]. » Il contribue à la revue Idées, l’organe intellectuel du régime de Vichy[8]. Massis est désigné, en 1941, membre du Conseil national mis en place par Vichy (il est membre de sa commission de la constitution en 1941 et de sa commission d'études des questions de jeunesse en 1942), membre en 1943 du conseil supérieur du travail obligatoire et des chantiers de jeunesse présidé par Abel Bonnard[9]. Il obtient la Francisque. Il rédige le dernier message de Pétain où est évoquée la thèse du bouclier et de l'épée qui sera utilisée par la défense lors du Procès Pétain en juillet-août 1945[10],[11]. Chargé de mission au secrétariat à la jeunesse de Georges Lamirand, il s'oppose avec succès à la mise en place d'une organisation de « jeunesse unique » voulue par les collaborationnistes[12].
Il fait l'objet d'un mois d'internement administratif à la Libération : arrêté et incarcéré, il est transféré à la prison de Fresnes le 8 décembre 1944 puis libéré le 16 janvier 1945[13]. Son nom figure dans la Liste des écrivains indésirables dressée par le Comité national des écrivains en 1944. Néanmoins, en retrait, il n'est pas davantage inquiété au moment de l’épuration[14].
Il reste fidèle aussi au maréchal Pétain. Membre du comité d'honneur de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP) à sa fondation en 1951, il participe volontiers à ses réunions[19] et aux messes anniversaires[20]. Il défend la thèse du « bouclier » selon laquelle le maréchal Pétain aurait protégé les Français en s'opposant aux demandes allemandes[21]. Il est l'un des Académiciens les plus fidèles dans les années 1960 et est désigné membre d'honneur statutaire de l'ADMP en 1967[22].
Massis est président d'une association fondée en 1950, les Amitiés franco-espagnoles, avec comme vice-présidents Gustave Thibon et le banquier royaliste Marcel Wiriath et comme président d'honneur le général et académicien Maxime Weygand[23],[24],[25],[26].
Après la Seconde Guerre mondiale, ruiné, Henri Massis survit avec sa femme grabataire à Saint-Germain-des-Prés grâce à un très modeste emploi de lecteur chez Plon, vivant d'« ingrats travaux » selon un témoignage de Michel Déon[26]. Il se consacre en particulier à des études biographiques, s'intéressant entre autres à Renan, Barrès, Proust et Salazar.
Candidat déclaré dès 1955[29], il est élu le 19 mai 1960 membre de l'Académie française après une tentative avortée en 1956[26]. Grâce au soutien charitable de François Mauriac, il est reçu en juin 1961[30].
Le cercle des Amitiés françaises donne un dîner en son honneur pour son élection à l'Académie en décembre 1960, auquel prennent part notamment l'amiral Moreau, François Piétri, le duc de Castries, le duc Joseph Pozzo di Borgo, René Gillouin, André Thérive, Louis Salleron, Jacques Hérissay, président de l'association des écrivains catholiques. Il est élu président de ce cercle en mars 1962, avec comme vice-présidents Gilbert Tournier et Pierre Masquelier[31].
La revue catholique traditionaliste Itinéraires, à laquelle il collabore, publie un numéro spécial en son honneur en 1961[32]. Il préside le congrès de la Cité catholique du contre-révolutionnaire Jean Ousset en 1960[33]. Lors des polémiques qui opposèrent la Cité catholique à ses détracteurs au début des années 1960, Massis, ainsi que Weygand, le maréchal Alphonse Juin, le colonel Rémy, Gustave Thibon, Michel de Saint-Pierre, Gilbert Tournier et d'autres signent une déclaration collective en sa faveur en 1962[34].
Il épouse en 1911 Mlle Germaine Bardou[35],[36], institutrice[37]. Le couple a un enfant prénommé Jean la même année[36]. Germaine Massis décède en 1968[réf. nécessaire].
Œuvres
Comment Émile Zola composait ses romans, 1905.
Le Puits de Pyrrhon, 1907.
La Pensée de Maurice Barrès, 1909.
Agathon (et Alfred de Tarde) L'Esprit de la nouvelle Sorbonne, 1911.
Agathon (et Alfred de Tarde) Les Jeunes Gens d'aujourd'hui, 1913. Prix Montyon 1913
Romain Rolland contre la France, 1915.
Luther prophète du germanisme, 1915.
La Vie d'Ernest Psichari, 1916.— Réédité en 2008, à la suite du Voyage du centurion d'Ernest Psichari (Paris, Éditions Saint-Lubin (ISBN9782917302026)).
Impressions de guerre, 1916. Prix Montyon 1916
Le Sacrifice (1914-1916), 1917.
La Trahison de Constantin, 1920.
Jérusalem le Jeudi-Saint de 1918, 1921.
Jugements I : Renan, France, Barrès, 1923.
Henri Massis : André Gide et Dostoïevsky. I, II ; In La Revue universelle. Tome XV, , Jacques Bainville, directeur.
Jugements II : André Gide, Romain Rolland, Georges Duhamel, Julien Benda, les chapelles littéraires, 1924.
De Lorette à Jérusalem, 1924.
Le Réalisme de Pascal, 1924.
Jacques Rivière, 1925.
Henri Massis : Défense de l’Occident. in La Revue Universelle, Tome XXIII, , directeur Jacques Bainville.
↑Robert Brasillach, Notre avant-guerre : Une génération dans l'orage (édition numérique), Plon, (file:///C:/Users/33788/AppData/Local/Temp/33d388dd-8315-4b70-80a7-f20efe060124_Brasillach_Robert_-_Notre_avant-guerre.zip.124/Brasillach%20Robert%20-%20Notre%20avant-guerre.pdf)
↑(Chefs, 1939 ; constitué de trois dialogues politiques avec Franco, Salazar et Mussolini)
↑Dans le numéro 26 de l'hebdomadaire L'Insurgé du 7 juillet 1927 L'Honneur de servir, cité par Michel Leymarie, Olivier Dard et Jeanyves Guérin, L'Action Française : Culture, société, politique, vol. 4,, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et Civilisations », , 320 p. (ISBN978-2757404010, lire en ligne), p. 149
↑« interview de Massis au ministère de la Famille », Le Journal,
↑« Réponse d’Henri Massis à notre enquête sur l’intelligence et son rôle dans la cité », Idées, (lire en ligne)
↑BNF/gallica: Informations générales, 27/4/1943, p. 150
↑Jean-Paul Cointet, « Henri Massis », dans Les hommes de Vichy : L'illusion du pouvoir, Paris, Perrin, coll. « Essais historiques », (lire en ligne), p. 143-152
↑Le Monde, 7/81962 : Ce Centre est issu d'un cercle maurrassien, le Cercle du bocage normand constitué en 1960 : cf. Gérard Bourdin, « Groupuscules et cultures de nostalgie: l'Orne et l'Algérie française, 1958-1965 », dans Raphaëlle Branche, Sylvie Thénault (dir.), La France en guerre, 1954-1962, Autrement, 2008. Autres parrains : le colonel Rémy, Raymond Dronne, Raymond Le Bourre, des colonels, le professeur Drieu La Rochelle
↑À la séance inaugurale du centenaire du maréchal fêté par l'ADMP en 1956, au déjeuner privé du centenaire au domicile de MeJean Lemaire, à la réunion plénière des comités de l'association en mars 1961, à une réunion du comité directeur en mai 1967
↑Collection du Maréchal (organe de l'ADMP): messes à Paris (1959, 1960, 1964, 1965, 1966) ou à Vichy (1961, 1962, 1963) pour l'anniversaire de la mort de Pétain, messe du 1er mai pour la Saint-Philippe à la basilique Notre-Dame des victoires à Paris: 1963, 1964
↑Anne Dulphy, « Antoine Pinay et l’Espagne franquiste », dans Relations internationales, n ° 101, printemps 2000, PP. 78-79 : L'auteure présente faussement Weygand comme président de l'association et donne la date de 1950 en ce qui concerne sa fondation. Jacques Pinglé est le secrétaire général de l'association, son principal animateur en tant que conférencier et le futur rédacteur en chef de la revue bilingue lancée en 1955 Amitié franco espagnole Amistad hispano-francesa. Pinglé est en 1951 secrétaire de l'association des Amis de Rivarol, lancée cette année-là (collection du périodique d'extrême droite Rivarol dans Retronews et Gallica). Massis participe à Paris à la réception donnée par l'ambassadeur d'Espagne en février 1955 à l'occasion du lancement de la revue, aux côtés d'anciens ambassadeurs, de Wiriath, d'hommes politiques comme Antoine Pinay et de chefs d'entreprises. Cf. aussi Eliseo Trenc, Amitié franco-espagnole, Amistad hispano-francesa. Première époque 1955-1964, une revue pro-franquiste
↑ ab et cPatricia Sorel, Plon : le sens de l'histoire (1833-1962, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 227