Une part essentielle de son œuvre est consacrée aux religions, avec par exemple son Histoire des origines du christianisme (7 volumes, de 1863 à 1881), dont le premier tome est consacré à la Vie de Jésus (1863). Ce livre qui marque les milieux intellectuels de son vivant contient la thèse, alors controversée, selon laquelle la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et la Bible comme devant être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Ceci déclenche des débats passionnés et la colère de l'Église catholique.
Ernest Renan est considéré aujourd'hui comme un intellectuel de référence avec des textes comme L’Avenir de la science (écrit en 1848), Prière sur l'Acropole (1865) ou Qu'est-ce qu'une nation ? (1882). Dans ce discours, Renan s’efforce de distinguer race et nation, soutenant que, à la différence des races, les nations s’étaient formées sur la base d’une association volontaire d’individus avec un passé commun : ce qui constitue une nation, ce n'est pas de parler la même langue, ni d'appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est d'« avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore » dans l'avenir.
Son intérêt pour sa Bretagne natale a été constant, de L'Âme bretonne (1854) au texte autobiographique Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883).
Biographie
Quelques dates de sa vie
Reçu premier à l'agrégation de philosophie en septembre 1848, Renan est par la suite chargé de mission en Italie pendant huit mois en 1849-1850, puis en Angleterre en 1851. Le 11 août 1852, comme le veut le système universitaire français de l’époque, Ernest Renan soutient deux thèses[3], pour devenir docteur ès lettres. Les deux études traitent de sujets orientaux : la première en français étudie le philosophe musulman Averroès et son œuvre[4]; la deuxième, en latin, consiste en une étude des manuscrits syriaques du monastère Deir al-Surian[5] (dans le désert de Nitrie), alors récemment achetés par le British Museum[6].
Nommé, le 11 janvier 1862[7], professeur d'hébreu au Collège de France, où il succède à Étienne Quatremère[8], il est suspendu quatre jours après sa leçon inaugurale pour injure à la foi chrétienne[9] et remplacé dans sa chaire d'hébreu le 11 juin 1864, en raison de sa Vie de Jésus, ouvrage sur Jésus de Nazareth, jugé sacrilège. L'érudit Salomon Munk lui succède à cette chaire[10].
En 1863, la publication de sa Vie de Jésus, livre écrit lors de son séjour à Ghazir au Liban, connaît un grand succès et fait scandale.
Le pape Pie IX, très affecté, le traite de « blasphémateur européen », et en 1864, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy supprime son cours.
En 1865, il effectue un voyage en Égypte, en Asie Mineure et en Grèce. En 1869, il se présente sous l'étiquette d'indépendant à un siège de député en Seine-et-Marne, sans succès.
En 1880, il est promu officier de la Légion d'honneur. En 1883, il devient administrateur du Collège de France. En 1884, il est promu commandeur de la Légion d'honneur. En 1888, il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur.
Biographie détaillée
Enfance et séminaire
Ernest Renan naît le 27 février 1823 à Tréguier dans une famille de pêcheurs ; son grand-père, ayant acquis une certaine aisance, y a acheté une maison où il s'est établi ; son père, capitaine d'un petit navire et républicain convaincu, a épousé la fille de commerçants royalistes de la ville voisine de Lannion. Sa mère n'est qu'à moitié bretonne, ses ancêtres paternels étant venus de Bordeaux : Renan confessera qu'en sa propre nature, le Gascon et le Breton ne cessent de se heurter. Toute sa vie, Renan se sentira déchiré entre les croyances politiques de son père et celles de sa mère. Il a cinq ans lorsque son père meurt, sa sœur Henriette, de douze ans son aînée, devient alors le chef moral de la famille. Tentant en vain d'ouvrir une école pour filles à Tréguier, elle part pour Paris comme professeur dans une école de jeunes filles. Ernest, en attendant, est instruit au petit séminaire de sa ville natale (aujourd'hui, lycée Joseph Savina). Les appréciations de ses maîtres le décrivent comme « docile, patient, appliqué, soigneux ». Les prêtres lui donnaient une solide éducation en mathématiques et en latin, sa mère la complète.
En 1838, Renan remporte tous les prix au séminaire de Tréguier. Sa sœur parle de lui pendant l'été au directeur de l'école parisienne, où elle enseigne. Et il en parle lui-même à l'abbé Félix Dupanloup, qui a créé le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, une école où les jeunes aristocrates catholiques et les élèves les plus doués des séminaires doivent être instruits ensemble, afin de renforcer le lien entre l'aristocratie et le clergé. Dupanloup fait donc venir Renan, qui n'a que quinze ans, et n'a jamais quitté la Bretagne.
« J'appris avec étonnement qu'il y avait des laïcs sérieux et savants (…) les mots talents, éclat, réputation eurent pour moi un sens. » Cependant la religion lui paraît complètement différente à Tréguier et à Paris. Le catholicisme superficiel, brillant, pseudo-scientifique de la capitale, n'arrive pas à satisfaire ce garçon, qui a reçu de ses maîtres bretons une foi austère.
En 1840, Renan quitte Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour poursuivre ses études de philosophie au séminaire d'Issy-les-Moulineaux. Il entre rempli de passion pour la scolastique catholique, car il est las de la rhétorique de Saint-Nicolas, et il espère satisfaire son intelligence sérieuse avec le vaste matériel que lui offre la théologie catholique. Parmi les philosophes, Reid et Malebranche l'attirent tout de suite, et, après eux, il se tourne vers Hegel, Kant et Herder. C'est alors qu'il commence à voir une contradiction essentielle entre la métaphysique qu'il étudie, et la foi qu'il professe, mais un goût pour les vérités vérifiables retient son scepticisme. Il écrit à Henriette, que la philosophie ne satisfait qu'à moitié sa faim de vérité ; il se sent attiré par les mathématiques. Sa sœur a accepté dans la famille du comte Zamoyski, noble polonais, un poste de préceptrice, qui l'oblige à séjourner en Pologne à Varsovie et à la campagne, éloignée de la France pour plusieurs années. C'est Henriette qui exerce l'influence la plus forte sur son frère, et les lettres d'elles qui ont été publiées indiquent un esprit presque égal à celui de son frère, en même temps qu'elle lui est moralement supérieure [11].Interprétation abusive ?
Ce n'est pas la philosophie, mais la philologie qui finalement éveille le doute chez Renan. Ses études terminées à Issy, il entre au séminaire Saint-Sulpice pour étudier les textes bibliques, avant de prendre les ordres et commencer à apprendre l'hébreu. L'un de ses maîtres est l'abbé Arthur-Marie Le Hir, auquel il rend hommage dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse. Renan constate à cette époque que la deuxième partie d'Isaïe diffère de la première, non seulement quant au style, mais également quant à la date, que la grammaire et l'histoire du Pentateuque sont postérieures à l'époque de Moïse, et que le livre de Daniel est manifestement apocryphe.
Intellectuellement, Renan se sent détaché de la croyance catholique, même si sa sensibilité l'y maintient toujours. La lutte entre vocation et conviction est gagnée par la conviction. Le 6 octobre 1845, Renan quitte le séminaire Saint-Sulpice, pour devenir surveillant au collège Stanislas, dirigé par le Père Joseph Gratry. Mais cette solution impliquant « une profession extérieure avouée de cléricature », il préfère briser le dernier lien qui le retient à la vie religieuse et il entre à la pension privée de M. Crouzet « comme répétiteur au pair, c'est-à-dire, selon le langage du quartier latin d'alors, sans appointements. (Il avait) une petite chambre, la table avec les élèves, à peine deux heures par jour occupées, beaucoup de temps par conséquent pour travailler. Cela (le) satisfaisait pleinement. »
Renoncement à la carrière ecclésiastique
Renan, malgré son éducation par des prêtres, doit accepter pleinement l'idéal scientifique. La splendeur du cosmos est pour lui un ravissement. À la fin de sa vie, il écrira au sujet d'Amiel, « l'homme qui a le temps de tenir un journal intime n'a jamais compris l'immensité de l'univers ».
Les certitudes de la physique et des sciences naturelles sont révélées à Renan en 1846 par le futur chimiste Marcellin Berthelot, alors âgé de dix-huit ans, et qui est son élève à la pension de M. Crouzet. Leur amitié se poursuivra jusqu'à la mort de Renan et est marquée par une intensive correspondance. Très proches, ils suivront ensemble les cours de sanskrit de Burnouf au Collège de France et Berthelot l'invite régulièrement dans sa maison de famille à Rochecorbon, le domaine Montguerre. Dans cette atmosphère favorable, Renan continue ses recherches en philologie sémitique et, en 1847, il obtient le prix de Volney, une des principales récompenses décernées par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pour le manuscrit de son Histoire générale des langues sémitiques. En 1847, il est reçu premier à l'agrégation de philosophie et nommé professeur au lycée de Vendôme.
En 1856, il épouse dans le même temps Cornélie Scheffer, fille d'Henry Scheffer et nièce d’Ary Scheffer. Cette alliance avec une famille protestante de peintres lui ouvre les portes du milieu artistique et politique. Il entre aussi en franc-maçonnerie. Il est admis à Paris au Grand Orient de France, alors d'obédience protestante[12]. De 1860 à 1861, il effectue à l'occasion de l'expédition française une mission archéologique au Liban et en Syrie. Il séjourne avec son épouse Cornélie et sa sœur Henriette dans la demeure de Zakhia Chalhoub el-Kallab et son fils Abdallah Zakhia el Kallab, famille de notables maronites d'Amchit (région de Byblos) dont les ancêtres ont été anoblis par le Sultan ottoman et ayant fondé le premier hôpital au Liban (hôpital Saint-Michel d'Amchit). Sur une plaque accrochée au mur de la demeure, il est écrit que c'est également à Amchit que Renan a trouvé la sérénité et l'inspiration nécessaires pour écrire l'une de ses œuvres majeures : La Vie de Jésus[13]. C'est ici aussi qu'Henriette, morte en 1861, repose dans le caveau de la famille Zakhia, « tout près de l'église de ce village qu'elle a tant aimée ».
Carrière intellectuelle et politique
Renan n'est pas seulement un érudit. En étudiant saint Paul ou les apôtres, il montre combien il est soucieux d'une vie sociale plus développée, quel est son sens de la fraternité, et combien revit en lui le sentiment démocratique qui avait inspiré L'Avenir de la science. En 1869, il se présente à Meaux en tant que candidat de l'opposition libérale aux élections législatives. Tandis que son tempérament est devenu moins aristocratique, son libéralisme a évolué vers la tolérance. À la veille de sa dissolution, Renan est presque prêt à accepter l'Empire et, s'il avait été élu au Corps législatif, il aurait rejoint le groupe libéral des bonapartistes. Un an après, éclate la guerre franco-allemande, l'Empire tombe et Napoléon III part pour l'exil.
La guerre franco-allemande est un moment charnière dans l'histoire intellectuelle de Renan. Pour lui, l'Allemagne a toujours été l'asile de la pensée et de la science désintéressée. Maintenant, il voit le pays qui jusque-là représentait son idéal, détruire et ruiner la terre où il est né ; il ne voit plus l'Allemand comme un prêtre, mais comme un envahisseur.
Dans La Réforme intellectuelle et morale (1871), Renan cherche à sauvegarder l'avenir de la France. Pourtant, il reste sous l'influence de l'Allemagne. L'idéal et la discipline qu'il propose à son pays vaincu étant ceux du vainqueur : une société féodale, un gouvernement monarchique, une élite et le reste de la nation n'existant que pour la faire vivre et la nourrir ; un idéal d'honneur et de devoirs imposé par un petit nombre à une multitude récalcitrante ou soumise. Les erreurs qu'il prête à la Commune confirment Renan dans cette réaction. En même temps, l'ironie reste toujours perceptible dans son travail, mais elle devient plus amère. Ses Dialogues philosophiques, écrit en 1871, son Ecclésiaste (1882) et son Antéchrist (1876) (le quatrième volume des Origines du Christianisme, traitant du règne de Néron) relèvent d'un génie littéraire incomparable, mais révèlent un caractère désabusé et sceptique. Après avoir en vain essayé de faire suivre à son pays ses préceptes, il se résigne à observer sa dérive vers la perdition. Mais la suite des événements lui montre, au contraire, une France qui, chaque jour, redevient un peu plus forte. Les cinquième et sixième volumes des Origines du Christianisme (L'Église Chrétienne et Marc-Aurèle) le montrent ainsi réconcilié avec la démocratie, confiant dans l'ascension graduelle de l'Homme, conscient que les catastrophes les plus grandes n'interrompent pas vraiment le progrès du monde, imperceptible mais sûr. Il s'est réconcilié en somme sinon avec les dogmes, du moins avec les beautés morales du catholicisme et les souvenirs de son enfance pieuse.
Vieillesse
Dans sa vieillesse, le philosophe jette un regard sur ses jeunes années. Il a presque soixante ans quand, en 1883, il publie ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, l'ouvrage par lequel il est le plus connu à l'époque contemporaine. On y trouve cette note lyrique, ces confidences personnelles auxquelles le public attache une grande valeur chez un homme déjà célèbre. Le lecteur blasé de son temps découvre qu'il existe un monde non moins poétique, non moins primitif que celui des Origines du Christianisme et qu'il existe encore dans la mémoire des hommes sur la côte occidentale de la France. Ces souvenirs sont pénétrés de la magie celtique des vieux romans antiques tout en possédant la simplicité, le naturel et la véracité que le XIXe siècle apprécie alors si fortement.
Mais son Ecclésiaste, publié quelques mois plus tôt, ses Drames philosophiques, rassemblés en 1888, donnent une image plus juste de son esprit, même s'il se révèle minutieux, critique et désabusé. Ils montrent l'attitude qu'a envers un « socialisme instinctif » un philosophe libéral par conviction, en même temps qu'aristocrate par tempérament. Nous y apprenons que Caliban (la démocratie), est une brute stupide, mais qu'une fois qu'on lui a appris à se prendre en main, il fait somme toute un dirigeant convenable ; que Prospero (le principe aristocratique, ou, si l'on veut, l'esprit) accepte de se voir déposé pour y gagner une liberté plus grande dans le monde intellectuel, puisque Caliban se révèle un policier efficace qui laisse à ses supérieurs toute liberté dans leurs recherches ; qu'Ariel (le principe religieux) acquiert un sentiment plus exact de la vie et ne renonce pas à la spiritualité sous le mauvais prétexte du changement. En effet, Ariel fleurit au service de Prospero sous le gouvernement apparent des rustres innombrables. La religion et la connaissance sont aussi impérissables que le monde qu'elles honorent. C'est ainsi que, venant du plus profond de lui-même, c'est l'idéalisme essentiel qui a vaincu chez Renan.
Renan est un grand travailleur. À l'âge de soixante ans, ayant terminé Les Origines de Christianisme, il commence son Histoire d'Israël, fondée sur une étude qui occupera toute sa vie, celle de l'Ancien Testament et du Corpus Inscriptionum Semiticarum, publié sous sa direction par l'Académie des inscriptions et belles-lettres de 1881 jusqu'à sa mort. Le premier volume de l’Histoire d'Israël paraît en 1887, le troisième en 1891, les deux derniers à titre posthume. Comme histoire des faits et des théories, l'ouvrage n'est pas sans erreurs ; comme essai sur l'évolution de l'idée religieuse, il reste (malgré quelques passages moins sérieux, ironiques ou incohérents) d'une importance extraordinaire ; pour faire connaître la pensée d'Ernest Renan, c'est là où il est le plus vivant. Dans un volume qui rassemble des essais, Feuilles détachées, publié lui aussi en 1891, on retrouve la même attitude mentale, une affirmation que la piété est nécessaire, tout en étant indépendante des dogmes.
Dans les dernières années de sa vie, Ernest Renan reçoit de nombreux honneurs et est nommé administrateur du Collège de France et Grand-Officier de la Légion d'honneur. Dans les huit dernières années du XIXe siècle paraissent deux volumes de l’Histoire d'Israël, sa correspondance avec sa sœur Henriette, ses Lettres à M. Berthelot et l’Histoire de la politique religieuse de Philippe le Bel, qu'il a écrite dans les années précédant immédiatement son mariage.
De 1884 à sa mort en 1892, il passe ses vacances à Louannec, dans le manoir de Rosmapamon, demeure qu'il loue près de Perros-Guirec[16].
À l'affection cardiaque et rhumatismale, dont il souffre depuis 1868, et qui a provoqué une enflure généralisée, se sont ajoutées dans les dernières années de sa vie les souffrances d'une maladie de la vessie et d'un zona. Au mois de juillet 1892, Renan part, bien malade, pour sa solitude de Rosmapamon. Il rentre à Paris le 18 septembre et meurt dans son appartement du Collège de France, le 2 octobre 1892 [17],[18]. Après des obsèques civiles (comme Victor Hugo et Félicité de La Mennais), il est enterré au cimetière de Montmartre dans le caveau de sa belle-famille famille Scheffer, avec l'inscription Veritatem dilexi, « j'ai aimé la vérité »[19]. Une loge maçonnique est nommée en son honneur [20].
Parmi la descendance familiale d'Ernest Renan, peuvent être mentionnés le philosophe Olivier Revault d'Allonnes, dont il est l'arrière-grand-père, ainsi qu'Ernest Psichari, dont il est le grand-père.
Idées et thèses
Ernest Renan se montre fasciné par la quête de vérités et le désintéressement, seuls systèmes permettant à la connaissance humaine de se consolider de génération en génération, alors que la perpétuation aveugle des mêmes erreurs et les égoïsmes individuels ont pour résultante de nécessairement s'annuler sous l'effet de forces antagonistes et sont voués à ne laisser aucune trace[réf. nécessaire].
Renan présente toujours une double facette, ce qui donne une saveur et un charme ambivalent à son œuvre : à la fois rationaliste, scientiste mais aussi poète et d'une extrême sensibilité[lm 1]. Son aspect sensible se développe dans des œuvres comme les Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883). Son aspect scientiste est bien présent dans L'avenir de la science (1848), mais il y développe aussi son autre facette en considérant la science comme une forme ultime de la poésie et du merveilleux, presque comme une sorte de religion[lm 2].
Les rapports d'Ernest Renan avec la religion sont complexes, et présentent la même ambivalence. Il la critique comme système de pensée, tout en affirmant son importance comme facteur d'unification des sociétés humaines, ainsi que le danger de s'en détourner trop hâtivement[réf. souhaitée]. Une part essentielle de son œuvre est d'ailleurs consacrée aux religions avec par exemple son Histoire des origines du christianisme (sept volumes de 1863 à 1883, dont le premier, la Vie de Jésus, eut un grand retentissement). Ce livre qui marque les milieux intellectuels de son vivant contient la thèse, alors controversée, selon laquelle la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et la Bible comme devant être soumise à un examen critique, comme n'importe quel autre document historique.
Cela déclenche des débats passionnés ainsi qu'un vif mécontentement de l'Église catholique. Malgré cette approche positiviste et scientifique dans ses livres sur la religion, Renan y montre aussi sa double nature, en conservant une religiosité vague, mais profonde[lm 1].
Renan comprend immédiatement l'idée de sélection naturelle défendue par Charles Darwin et s'y rallie. Il ne prône cependant pas pour autant, au contraire, son application à l'ordre social. Il se montre en général inquiet pour l'avenir de l'humanité, craignant « sa mort par épuisement de la générosité des cœurs, comme celle de l'industrie peut-être un jour par épuisement du charbon de terre »[réf. souhaitée].
Il combat l'idée selon laquelle la race « ou même la langue » (citant le contre-exemple de la Suisse) constituerait l'origine de la Nation — il affirme par exemple que la participation active de l'Alsace à la Révolution française ne lui permettra plus de se retrouver solidaire d'un Reich —, et s'oppose ainsi à toute forme de pangermanisme, panslavisme, etc.[réf. nécessaire]
Dans Qu'est-ce qu'une nation ? (1882), Renan s’efforce de distinguer race et nation, soutenant que, à la différence des races, les nations s’étaient formées sur la base d’une association volontaire d’individus avec un passé commun : ce qui constitue une nation, ce n'est pas parler la même langue, ni appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est « avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore » dans l'avenir[21]. Ce discours a souvent été interprété comme le rejet du nationalisme racial du type allemand en faveur d'un modèle contractuel de la nation. Pourtant, comme l'ont signalé Marcel Detienne et Gérard Noiriel, la conception par Renan de la nation comme un principe spirituel n'est pas exempte d'une dimension identitaire et conservatrice, au point que des penseurs nationalistes comme Maurice Barrès en firent leur précurseur. Le « plébiscite de tous les jours » défendu par Renan « ne concerne que ceux qui ont un passé commun, c'est-à-dire ceux qui ont les mêmes racines »[22].
Dans son Histoire générale et système comparé des langues sémitiques (1855), Ernest Renan établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques, thèse qu'il développera en 1862 dans son discours d'ouverture au Collège de France, opposant le « psychisme du désert » des peuples sémites (« le désert est monothéiste ») au « psychisme de la forêt » des Indo-Européens dont le polythéisme paraît modelé par une nature changeante et la diversité des saisons[23].
L'antisémitisme de Renan a des origines intellectuelles complexes, tout en procédant d'une manière à la fois systématique, hiérarchique et « fixiste »[24],[25].
C'est à la suite de ces propos que l’orientaliste juif autrichien Moritz Steinschneider écrit un texte dans lequel il critique Renan pour ses « préjugés antisémites », forgeant ainsi l’adjectif « antisémite »[26].
Renan et la Bretagne
Renan était reconnu de son vivant, à la fois par les habitants de sa région trégorroise comme par toute la Bretagne, y compris par ses ennemis, comme un grand intellectuel breton. Il parlait le breton dans sa jeunesse et n'en perdit pas l'usage[27]. Son intérêt pour sa Bretagne natale a été constant ; de L'Âme bretonne (1854) à son texte autobiographique Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883).
Les affrontements de Tréguier (1903-1904)
Même après son décès, Ernest Renan continua à susciter de violentes controverses entre « laïques » et « cléricaux », en particulier dans sa ville natale, où il avait acquis une maison, aujourd'hui devenue le musée « maison d'Ernest Renan » de Tréguier. L'érection de sa statue sur la place du Martray, devant la cathédrale, inaugurée le 13 septembre 1903 par le Président du ConseilÉmile Combes en personne, fut vécue comme une véritable provocation par les catholiques. Ceux-ci protestèrent vigoureusement et répliquèrent par l'édification d'un « calvaire de réparation », dit aussi « calvaire de protestation », qui est encore visible sur l'un des quais du port de Tréguier.
La façade avant de la « Maison Ernest Renan » à Tréguier.
La façade arrière, sur le jardin, de la maison natale d'Ernest Renan.
Plaque du monument consacré à Renan à Tréguier.
Dessin du Petit journal sur les incidents de 1903 à Tréguier.
Monument élevé en 1903 sur la place principale de Tréguier en l'honneur d'Ernest Renan représenté aux côtés d'Athéna
Ernest Renan, Correspondance générale : 1836-1845, t. 1, Paris, Éditions Honoré Champion, coll. « Textes de littérature moderne et contemporaine », , 683 p. (ISBN978-2-85203-426-6).
Ernest Renan, Correspondance générale : Octobre 1849-décembre 1855, t. 3, Paris, Éditions Honoré Champion, coll. « Textes de littérature moderne et contemporaine », , 913 p. (ISBN978-2-7453-1761-2).
Ernest Renan, Correspondance générale : 1856-1862, t. 4, Paris, Éditions Honoré Champion, coll. « Textes de littérature moderne et contemporaine », , 1055 p. (ISBN978-2-7453-2551-8).
↑Ernest Renan, De Philosophia peripatetica apud Syros commentationem historicam scripsit [en ligne], Paris, A. Durand, 1852, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5328186m, consulté le 9 octobre 2023.
↑Madeleine Ambrière, Précis de littérature française du XIXe siècle, Presses universitaires de France, , p. 433.
↑Sa leçon inaugurale au Collège de France (22 février 1862), où il remet en cause la divinité du Christ en parlant de Jésus comme d'un « homme incomparable, si grand que je ne voudrais point contredire ceux qui l'appellent Dieu », heurte l'opinion conservatrice et est reprise par tous les libéraux du pays. Cf. Dominique-Marie Dauzet, La mystique bien tempérée, Cerf, , p. 44, Perrine Simon-Nahum, « Le scandale de la Vie de Jésus de Renan. Du succès littéraire comme mode d'échec de la science », Mil neuf cent : Revue d'histoire intellectuelle, vol. 25, no 1, , p. 68.
↑Guy Saigne, Léon Bonnat : le portraitiste de la IIIe République : catalogue raisonné des portraits, Paris, Mare & Martin, , p. 545-547
Numéro 412 au catalogue, quelques dessins et ébauches peuvent être liés.
↑Léon Bonnat l'a peint assis dans sa maison de Tréguier. Souvent constaté, le rapprochement volontaire avec le Portrait de Monsieur Bertin n'est pas certain, Bonnat choisissait la pose naturelle des modèles. Le portrait est exposé dans la maison Renan après un refus du musée du Louvre. Ce portait fut prêté en 1922 par Noémi Renan à l'exposition Cent ans de peinture française (1821-1921), d'Ingres au Cubisme, organisée au profit du musée de Strasbourg au siège parisien de la Chambre des Antiquaires (reprod. par Léandre Vaillat dans L'Illustration no 4126, 1/04/1922, arch. pers.)
↑Ernest Renan Qu'est-ce qu'une nation ?, Calmann Lévy Éditeur, Ancienne Maison Michel Lévy Frères, Rue Auber, 3, Paris 1882, Chapitre III, premier paragraphe.
↑Marcel Detienne, L'Identité nationale, une énigme, Gallimard, 2010, p. 47.
↑Djamel Kouloughli, « Ernest Renan : un Anti-sémitisme savant », Histoire Épistémologie Langage, vol. 29, no 2, , p. 91–112 (DOI10.3406/hel.2007.3007, lire en ligne, consulté le )
↑Pierre-André Taguieff, L'antisémitisme, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 127 p. (ISBN978-2-13-054909-3, lire en ligne)
Harold W. Wardman, Renan historien philosophe, Paris, Société d'édition d'enseignement supérieur, 1979, 182 p., présentation en ligne.
André Stanguennec, Ernest Renan. De l'idéalisme au scepticisme, Éditions Honoré Champion, 2015.
Pierre-Yves Kirschleger, « Renan dé-moralise-t-il l’histoire des origines du christianisme ? La Vie de Jésus et sa controverse », Études françaises, vol. 53, no 3, , p. 61-74 (lire en ligne)
Azélie Fayolle, Ernest Renan : savoirs de la nature et pensée de l'histoire, Paris, Honoré Champion, 2023.
Domenico Paone, La fabrique des Sémites. Ernest Renan entre langue et religion, Paris, PUF, 2023.
Sur les idées politiques de Renan
(eu) Joxe Azurmendi, Historia, arraza, nazioa. Renan eta nazionalismoaren inguruko topiko batzuk, Donostia, Elkar, 2014 (ISBN978-84-9027-297-8).
Édouard Richard, Ernest Renan penseur traditionaliste ?, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 1996, 402 p.
Catalogue d'exposition « Ernest Renan - Un Celte en Orient », 1992-1993, musée d'histoire de Saint-Brieuc et musée de Bretagne à Rennes.
Iconographie
Dornac, Portrait du philologue et historien des religions, Joseph Ernest Renan (1823-1892), entre 1885 et 1895, photographie, Paris, musée Carnavalet (notice en ligne).
Bernard Bègne, Buste d'Ernest Renan, bas-relief en bronze ornant la façade du lycée Ernest-Renan de Saint-Brieuc
أندرو ر غوفان (بالإنجليزية: Andrew R. Govan) معلومات شخصية الميلاد 13 يناير 1794(1794-01-13)مقاطعة أورانجبورغ الوفاة 27 يونيو 1841 (47 سنة)مقاطعة مارشال مواطنة الولايات المتحدة الحياة العملية المدرسة الأم جامعة كارولاينا الجنوبية المهنة سياسي الحزب الحزب الجمهوري الديمق
This article is about the German co-driver. For the German rower, see Andreas Schulz. Andreas SchulzMitsubishi Pajero Evolution #200 which won Dakar Rally 2003 with Hiroshi MasuokaBorn (1955-03-03) 3 March 1955 (age 68)Munich, GermanyChampionships2001 Dakar Rally (cars)2003 Dakar Rally (cars) Andreas Schulz, (born 3 March 1955) is a German co-driver who won, as navigator, two editions of Rally Dakar (cars).[1] He is a member of the X-raid team. Rally Dakar Year Car Driver Rank 20...
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Болгарія відповідно до Константинопольскоі конференції. Константинопольська конференція — конференція Англії, Росії, Франції, Німеччини, Австро-Угорщини та Італії, що була проведена в Стамбулі (Константинополі) від 23 грудня 1876 до 20 січня 1877 року. Конференція скликан...
Theory of change of associated beliefs and behaviours Attitudes are associated beliefs and behaviors towards some object.[1][2] They are not stable, and because of the communication and behavior of other people, are subject to change by social influences, as well as by the individual's motivation to maintain cognitive consistency when cognitive dissonance occurs—when two attitudes or attitude and behavior conflict. Attitudes and attitude objects are functions of affective an...
Este artigo não cita fontes confiáveis. Ajude a inserir referências. Conteúdo não verificável pode ser removido.—Encontre fontes: ABW • CAPES • Google (N • L • A) (Junho de 2020) Bernard Lovell Bernard Lovell Nascimento Alfred Charles Bernard Lovell31 de agosto de 1913Gloucestershire Morte 6 de agosto de 2012 (98 anos)Cheshire Nacionalidade britânico Cidadania Reino Unido, Reino Unido da Grã-Bretanha e Irlanda...
Emilio Higuero CardosoInformación personalNacimiento 28 de enero de 1930 (93 años)Arzádegos (España) Nacionalidad EspañolaInformación profesionalOcupación Político Cargos ocupados Alcalde de Lobera Partido político Partido Popular Miembro de Partido Popular de Galicia [editar datos en Wikidata] Emilio Higuero Cardoso (Arzádegos, Vilardevós, 28 de enero de 1930) es un político gallego del PPdeG. Trayectoria Se licenció en la escuela de la Guardia Civil de Valdemoro. Emig...
2023 film score by Benjamin WallfischThe Flash (Original Motion Picture Soundtrack)Film score by Benjamin WallfischReleasedJune 16, 2023RecordedAugust–September 2022StudioAbbey Road Studios, LondonGenreFilm scoreLength83:31LabelWaterTowerProducerBenjamin WallfischBenjamin Wallfisch chronology Thirteen Lives(2022) The Flash(2023) DC Extended Universe soundtrack chronology Shazam! Fury of the Gods(2023) The Flash(2023) Blue Beetle(2023) Singles from The Flash (Original Motion Picture ...
Elang ikan Madagaskar Haliaeetus vociferoides Dua di Danau Ravelobe, Taman Nasional AnkarafantsikaStatus konservasiTerancam kritisIUCN22695121 TaksonomiKerajaanAnimaliaFilumChordataKelasAvesOrdoAccipitriformesFamiliAccipitridaeGenusHaliaeetusSpesiesHaliaeetus vociferoides Des Murs, 1845 DistribusiRange EndemikMadagaskar lbs Elang ikan Madagaskar (Haliaeetus vociferoides) adalah burung pemangsa besar dalam keluarga Accipitridae yang juga termasuk banyak raptor diurnal lainnya seperti layang-la...
2021 magic realism film about Anne Frank Where Is Anne FrankFrench theatrical release posterDirected byAri FolmanScreenplay byAri FolmanBased onThe Diary of a Young Girlby Anne FrankProduced by Jani Thiltges Yves Kugelmann Ari Folman Alexander Rodnyansky Starring Emily Carey Ruby Stokes CinematographyTristan OliverEdited byNili FellerMusic by Karen O Ben Goldwasser Productioncompanies Purple Whale Films Walking the Dog Samsa Film Bridgit Folman Film Gang Submarine Amsterdam Le Pacte Doghouse ...
This article is about Tina Turner's solo career. For works with Ike Turner, see Ike & Tina Turner discography. Further information: List of songs written by Tina Turner Tina Turner discographyTurner performing in 2009Studio albums9Live albums2Compilation albums6Video albums18Music videos47Singles72Soundtrack albums1 Rock singer Tina Turner released nine studio albums, three live albums, two soundtracks, and six compilation albums. Widely referred to as the Queen of Rock 'n' Roll, Turner h...
Este artículo o sección tiene referencias, pero necesita más para complementar su verificabilidad.Este aviso fue puesto el 6 de abril de 2017. Malgrat de Mar municipio de Cataluña Escudo Vista de la ciudad Malgrat de MarUbicación de Malgrat de Mar en España. Malgrat de MarUbicación de Malgrat de Mar en Provincia de Barcelona.País España• Com. autónoma Cataluña• Provincia Barcelona• Comarca Maresme• Partido judi...
Globularia TaxonomíaReino: PlantaeDivisión: MagnoliophytaClase: MagnoliopsidaOrden: LamialesFamilia: PlantaginaceaeGénero: GlobulariaEspecie: G. vulgarisL. 1753[editar datos en Wikidata] Globularia vulgaris L. es una planta ornamental en la familia Plantaginaceae. Detalle de las flores Vista de la planta Hábitat Son naturales de Europa central y meridional y amplias zonas de Asia, donde crece en lugares secos y soleados de llanuras y montañas. Descripción Es un subarbus...
Maltese physician Irene CondachiBorn(1899-06-07)7 June 1899Valletta, MaltaDiedSeptember 3, 1970Pietà, MaltaNationalityMalteseOccupationphysicianYears active1928–1959 Irene Condachi (7 June 1899 – 3 September 1970) was a Maltese physician, one of only two female doctors practicing on the island during World War II. One of the founders of the school medical service, she became the medical officer for the government school and is credited with eradicating scabies in the education syste...
Ray Bradbury, pictured in 2009, writer of Zen in the Art of Writing. Zen in the Art of Writing: Essays on Creativity is a collection of essays by Ray Bradbury and published in 1990.[1] The unifying theme is Bradbury's love for writing. Essays included are: The Joy of Writing (1973)[1] Run Fast, Stand Still,[1] Or, The Thing At the Top of the Stairs, Or, New Ghosts From Old Minds (1986) How To Keep and Feed a Muse (1961)[1] Drunk, and in Charge of a Bicycle (198...
Nutritional snack bar This article is about the cereal bar. For similar types of cereal bars, see Granola bar. For the video game concept, see Health bar. Energy bars vary in size, ingredients, and nutritional benefits. A HOOAH! energy bar provided by the United States Army in its MREs Energy bars are supplemental bars containing cereals, micronutrients, and flavor ingredients intended to supply quick food energy. Because most energy bars contain added protein, carbohydrates, dietary fiber, a...