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Durant son règne, considérant l'évolution de la France entre 1789 et 1814, Louis XVIII s'attelle à composer avec les acquis de la Révolution et de l'Empire. Ayant quitté la France à l'âge de 35 ans le même jour que la famille royale (qui est reconnue et arrêtée à Varennes), il en a 58 quand son règne commence effectivement après avoir passé 23 ans[1]en exil. Il « octroie » au peuple une constitution utilisant un terme d'Ancien Régime, la Charte constitutionnelle de 1814, tout en menant une politique de réconciliation et d'oubli concernant les violences révolutionnaires en tentant de calmer la Terreur blanche. Il compose dans un premier temps avec une chambre parlementaire « plus royaliste que le roi », la Chambre introuvable. Mais en 1820, après l'assassinat de son neveu le duc de Berry, troisième dans l'ordre de succession au trône et seul mâle en mesure d'assurer la succession au trône, la Restauration prend un tournant plus dur, voire réactionnaire, que le roi laisse mener par le président du conseil Villèle. Son règne est aussi marqué par l'expédition d'Espagne (1823).
Il meurt sans descendance et est inhumé à la basilique Saint-Denis. Il est le dernier monarque français à recevoir ce privilège, et également le dernier mort sur le trône, les trois suivants (roi de France, roi des Français et empereur) ayant été renversés. Son frère cadet, le comte d’Artois, lui succède sous le nom de Charles X. La Restauration prend fin avec la révolution de 1830, qui met sur le trône Louis-Philippe, roi des Français.
Louis Stanislas Xavier est le quatrième fils et le huitième enfant sur treize du couple formé par le dauphinLouis et Marie-Josèphe de Saxe. Tout comme son frère aîné, le futur Louis XVI, il passe son enfance au château de Versailles, où il reçoit une éducation solide. Cultivé, il est fin latiniste. Il a de l'esprit[5], mais n'est pas très aimé de son grand-père, le roi Louis XV, qui le chérit encore moins que ses frères[6].
Une éventuelle initiation à la franc-maçonnerie en compagnie de ses frères, dans la loge maçonnique dite des « Trois Frères » à Versailles, a parfois été suggérée mais jamais démontrée[10],[11],[12].
Son statut de frère du roi ne l'empêche pas de critiquer la politique de celui-ci. Mécontent et inquiet de la politique royale d'apaisement et d'ouverture aux théories des Lumières, Louis Stanislas cherche à s'installer dans la province de Languedoc et à en faire son fief, lui permettant ainsi de se ménager une action directe et distincte de celle de frère. En 1775, il sollicite en vain le titre de gouverneur du Languedoc. Il avait même acheté l'année précédente le comté de l'Isle-Jourdain qui lui assurait, par la forêt de Bouconne, accès et influence jusque dans Toulouse.
Au printemps 1777, un voyage l'amène à Toulouse où il assiste le 21 juin, à une séance de l'Académie des Jeux floraux et entend la lecture de trois odes. En son honneur, les parlementaires de la ville organisent une réception chez le comte Riquet de Caraman. Il s'embarque ensuite au Port Saint-Sauveur et continue son périple sur le canal du Midi. À chaque étape, les auberges et maisons sont décorées suivant les ordres des Riquet de Caraman, concessionnaires du canal. La décoration de la maison du receveur du canal à Agde est particulièrement soignée pour la réception de Monsieur.
Révolution française
Débuts de la Révolution
Après avoir agité la cour de Louis XVI en facilitant la chute des ministres réformateurs Turgot, Necker, Calonne, puis bloqué les réformes proposées par Calonne, en les déclarant inconstitutionnelles en tant que président de l'un des bureaux de l'Assemblée des notables de 1787, il réclame pour le tiers état le doublement du nombre de députés aux états généraux.
Durant l'assemblée des notables organisée à Versailles à la fin de l'année 1788, le comte de Provence vota pour le doublement de la représentation du Tiers-État aux états généraux (généralement perçu, a posteriori comme une des principales causes de la Révolution française[13]), action qu'il reconnaîtra ensuite comme « une des plus grandes fautes » de sa vie[14].
Départ de la cour de Versailles
À la suite du départ de la cour de Versailles pour Paris après les journées des 5 et 6 octobre 1789, le comte de Provence est installé au Petit Luxembourg. Comme son frère aîné, il ne se sent plus assez libre et prépare un plan d'évasion (il en prépare deux, car son épouse sortira de Paris par un autre moyen).
Dans ses mémoires[15], il explique préalablement avoir corrigé la déclaration de Louis XVI qui explique son départ de Paris, mais à aucun moment, il ne dit avoir eu connaissance, avant le , veille du départ, du plan précis de Louis XVI qui consistait à partir vers l'est afin de rejoindre la place forte de Montmédy et de reprendre militairement la main sur la Révolution.
Le , date du départ du roi Louis XVI et sa famille des Tuileries, le comte de Provence quitte également sa résidence surveillée. Déguisé et muni d'un passeport anglais, il rejoint ainsi sans la moindre difficulté les Pays-Bas autrichiens, via Avesnes et Maubeuge. Il se réfugie à Bruxelles puis Coblence, capitale de l’électorat de Trèves, dont un de ses oncles maternels est l’archevêque et le souverain[16].
Il refuse de reconnaître l’autorité du roi et se voit déchu de ses droits de prince du sang par l'Assemblée législative en . Il tente de rentrer en France à la tête d’une armée de 14 000 hommes mais doit rebrousser chemin après la bataille de Valmy et se réfugie à Hamm, en Westphalie.
En , ayant appris l’exécution de son frère aîné, il se proclame « régent » pour le dauphin, lequel demeure prisonnier des révolutionnaires à Paris, et le proclame roi de France sous le nom de jure de Louis XVII. À la mort de l’enfant, le , il devient le dépositaire légitime de la couronne de France et prend le nom de Louis XVIII.
Après le coup d'État du 18 Brumaire et la mise en place du Consulat, Louis XVIII entre en négociations avec Napoléon Bonaparte en vue du rétablissement de la monarchie. Toutefois, après l'explosion de la machine infernale rue Saint-Nicaise le et la découverte de la culpabilité des royalistes, le Premier consul rompt définitivement toute négociation et adresse une réponse sans ambages au prétendant : « Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France ; il vous faudrait marcher sur cent mille cadavres... »
Les années 1804-1807
En mars 1804, l'enlèvement, puis l'exécution sommaire du duc d'Enghien creusent un profond fossé entre la nouvelle dynastie des Bonaparte et la Maison de Bourbon. En juillet 1804, Louis XVIII subit à Varsovie une tentative d'empoisonnement à l'arsenic visant aussi son entourage familial[20].
Pendant l'année 1804, à la demande de Napoléon, le roi de PrusseFrédéric-Guillaume se résout à se séparer de ses hôtes ; Louis XVIII et les autres émigrés composant sa cour sont priés de quitter le territoire prussien et s'établissent à Kalmar, en Suède.
Louis XVIII y invite les princes du sang, dans le but de rappeler aux souverains européens ses prétentions sur le trône de France. Seul le comte d’Artois, son frère qu’il n’avait pas vu depuis près de douze ans, une certaine froideur ayant toujours existé entre eux, s'y rend, en . L’entrevue de Kalmar ne les rapproche pas ; ils se quittent après dix-sept jours de conférences, assez mécontents l’un de l’autre.
Le futur Charles X reprend le chemin de Londres et Louis revient à Riga, attendre la réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg, à propos d’un nouvel asile sur le sol russe. Le nouvel empereur, Alexandre Ier de Russie, qui succédait à son père le tsar Paul Ier, donne une suite favorable à sa demande et Louis s'installe à nouveau à Mittau, alors en Courlande, dans l'actuelle Lettonie, où une cour d'une centaine de fidèles l'a suivi[21].
Une fois réinstallé, Louis XVIII rédige son dernier manifeste public pendant son séjour à l’étranger. Il se décide, cette fois, à accepter nettement la Révolution et ses suites. Non seulement il admet l’amnistie entière pour tous les votes antérieurs à 1804, ainsi que l’engagement de conserver à chaque Français ses grades, ses emplois et ses pensions, il garantit en outre la liberté et l’égalité pour les personnes, le maintien de toutes les propriétés et la protection de tous les intérêts sans exception.
« Au sein de la mer Baltique, en face et sous la protection du ciel, fort de la présence de notre frère, de celle du duc d’Angoulême, notre neveu, de l’assentiment des autres princes de notre sang, qui tous partagent nos principes et sont pénétrés des mêmes sentiments qui nous animent, nous le jurons ! Jamais on ne nous verra rompre le nœud sacré qui unit nos destinées aux vôtres, qui nous lie à vos familles, à vos cœurs, à vos consciences ; jamais nous ne transigerons sur l’héritage de nos pères, jamais nous n’abandonnerons nos droits. Français ! Nous prenons à témoin de ce serment le Dieu de saint Louis, celui qui juge toutes les justices ! Donné à Mittau, le 2 décembre de l’an de grâce 1804, et de notre règne le dixième[22] — Louis. »
Cette déclaration, imprimée à Hambourg, au nombre de dix mille exemplaires, est répandue sur tout le continent et envoyée en France à toutes les autorités constituées, ainsi qu’aux plus notables habitants de chaque département.
Le second séjour à Mittau du prétendant ne dure que trois ans. Les défaites d’Austerlitz, d’Eylau et de Friedland aboutissent au traité de Tilsit, signé le , par lequel la France et la Russie deviennent alliées. Alexandre laisse entendre à Louis XVIII que sa présence à Mittau en Courlande pourrait gêner son nouvel allié. Comprenant qu’il devait chercher un nouvel asile et n'ayant plus à choisir qu’entre le Nouveau Monde et l’Angleterre, Louis XVIII se décide pour l’hospitalité britannique. Vers le milieu d’, depuis Göteborg en Suède, il avertit le comte d’Artois de sa prochaine arrivée, ce qui n’était pas pour lui plaire. Les confidents du comte d'Artois réussissent à persuader un des membres du cabinet britannique, Lord Canning, qu’il était nécessaire, dans l’intérêt même du gouvernement britannique d’éloigner Louis XVIII de Londres et de le confiner en Écosse. Le Royaume-Uni est alors la seule puissance encore en lutte avec la France impériale et qui refuse à Louis XVIII le titre de roi, en lui signifiant qu’à aucune époque, le rétablissement de sa famille n’avait semblé moins plausible. Après de longues tractations, Louis XVIII accepte de débarquer en Angleterre, comme simple particulier sous le nom de comte de L’Isle-Jourdain (que ses contemporains transformeront en « comte de Lille ») et en promettant de ne pas faire d’action politique sur le sol britannique.
Ses revenus, à l'époque, s’élèvent à 60 000 francs environ[23] que lui payaient le gouvernement britannique et la cour du Brésil, mais il devait mener un train de vie réduit puisque cette somme était répartie entre ses protégés, ses agents dans les différentes cours d’Europe (pour être au courant des politiques menées) et que la guerre entraînait une inflation des prix qui étaient déjà élevés.
Au fur et à mesure des guerres napoléoniennes, et spécialement à partir de 1812, les coalisés semblent reprendre l’avantage, éveillant en Louis XVIII l’espérance du retour.
Après la défaite de Napoléon en 1814, les coalisés réunis au congrès de Vienne hésitent encore sur le successeur à choisir à Napoléon. Désireux d’installer sur le trône de France un allié, mais aussi un chef légitime, ils hésitent entre Louis XVIII, dont l’impopularité pose un problème, le « roi de Rome », fils de Napoléon, mais aussi le maréchal Bernadotte ou encore Eugène de Beauharnais, et à défaut une république. Talleyrand emporte finalement l’opinion des Alliés en faveur de Louis XVIII.
Au lendemain de la signature de la convention d'armistice par le comte d'Artois, frère du roi, le samedi 23 avril 1814, il débarque à Calais le .
« Octroyant » une Charte constitutionnelle restaurant la royauté bourbonnienne à ses sujets, il devient roi de France sous le nom de Louis XVIIIle Désiré[24]. Les termes « octroyer » et « roi de France » sont importants en droit, puisqu’ils signifient que la souveraineté appartient au roi, et non au peuple ou à la nation : c’est lui qui octroie la Charte aux Français et non les Français qui décident d’une constitution ; contrairement à un roi des Français qui serait roi parce que les Français l’ont mis sur le trône, un roi de France est souverain de droit divin. Il nie donc la théorie révolutionnaire de la souveraineté nationale, voire de la souveraineté populaire, comme en témoigne sa devise « union et oubli » (union des Français, oubli de la Révolution française et de Napoléon)[25].
Le 2 mai, Louis XVIII, dans sa déclaration de Saint-Ouen, écarte toute idée de retour à l'Ancien Régime, sans pour autant accepter le projet de constitution d'inspiration monarchique du 6 avril 1814 qui lui est soumis, rédigé par le gouvernement provisoire et le Sénat.
Signataire du traité de Paris, le 30 mai, il accepte quelques jours plus tard la Charte du 4 juin 1814 que lui soumet la commission de rédaction présidée par le chancelier de France (ministre de la Justice), Charles Henri Dambray.
Mais la Restauration ne dure pas. Confronté au non-paiement de sa pension, attribuée par le traité de Fontainebleau, et devant le mécontentement croissant des Français, Napoléon quitte son exil de l'île d'Elbe et débarque à Golfe-Juan le .
Le , Napoléon arrivant aux portes de Paris, Louis XVIII et sa cour quittent Paris et se dirigent vers Beauvais puis s'installent à Gand, en Belgique, ce qui lui vaut le surnom de « Notre père de Gand » par les chansonniers.
L'absence de Louis XVIII ne dure que trois mois et demi. Ce sont les Cent-Jours, qui amènent la septième coalition.
La défaite de Waterloo, contre cette coalition, le , amène à son tour, en juillet 1815, la réinstallation de Louis XVIII sur le trône de France, aux termes d'un second traité de Paris, qui sera signé le 20 novembre 1815.
Ce second traité de Paris impose à la France de sévères conditions : paiement d'une lourde indemnité et occupation par les troupes étrangères, conditions que Louis XVIII va s'attacher à adoucir.
Le règne de Louis XVIII est consacré à la lourde tâche de concilier les héritages révolutionnaires et napoléoniens avec ceux de l’Ancien Régime. Il défend ces derniers, sans pour autant accéder aux demandes des plus ultras de ses propres partisans.
D'autres n'oublient pas que c'est un ancien émigré, chassé par la Révolution qui a exterminé une partie de sa famille, et ramené sur le trône de France avec l'aide d'étrangers.
En même temps, il s'entoure aussi d'anciennes gloires du premier Empire, ralliées à la Restauration. Il nomme même un ancien régicide, Fouché comme ministre du gouvernement provisoire qui suit son retour.
Il met un point d’honneur à toujours constituer un ministère issu de la majorité parlementaire, ce à quoi rien ne le contraint, préfigurant ainsi le parlementarisme qui se mettra en place en France par la suite.
En septembre 1815, il fait appel, pour diriger le gouvernement, au duc de Richelieu, de tendance libérale, qui a longuement séjourné en Russie durant l'émigration et y a noué des liens d'amitié avec la famille impériale russe, en étant, en particulier, l'artisan du développement de la ville d'Odessa.
Lors du congrès d'Aix-la-Chapelle, à la fin de 1818, Richelieu obtient, avec le soutien du tsar Alexandre Ier, une forte décote de l'indemnité mise à la charge de la France par le traité de Paris du 20 novembre 1815, et le départ des troupes étrangères d'occupation.
Sur un plan diplomatique, le congrès d'Aix-la-Chapelle marque le retour de la France dans le « Concert des nations », que la Révolution et le régime impérial lui avaient fait quitter[26].
Les opposants de Louis XVIII restent trop faibles et divisés pour menacer en quoi que ce soit la position royale. Le roi dissout ainsi une première Chambre ultra en 1816, la célèbre Chambre introuvable.
Ayant accepté les résultats de la Révolution, Louis XVIII apparaît comme un roi modéré, menant une vie de cour sans fastes excessifs, trop fade même aux yeux de certains, particulièrement en comparaison du régime précédent.
Malgré une apparente faiblesse, Louis XVIII réussit non seulement à maintenir un équilibre entre ultras et libéraux, mais aussi à ramener la paix et la prospérité dans une nation épuisée par les dernières guerres napoléoniennes.
Louis XVIII démontre une certaine force de caractère et il est d'ailleurs capable, à l'occasion, de traits d'humour féroces[27].
Très jaloux de son pouvoir, le roi veut tout contrôler. N'appréciant pas les longs rapports[pas clair], il crée un système d'« anarchie paternelle », cédant souvent aux influences de sa cour, aux nombreuses sollicitations des anciens émigrés spoliés par la Révolution[28].
En vertu du traité de Paris du 20 novembre 1815, une ordonnance du 8 janvier 1817, suivie par une loi du 15 avril 1818, abolit l'esclavage et la traite négrière.
Les élections partielles du constituent une nouvelle avancée pour les libéraux mais l'élection de l'abbé Grégoire comme député de l'Isère provoque un retournement d’alliance au gouvernement.
En sens inverse, une autre vague de contestation naît avec le violent assassinat, en 1820, de son neveu le duc de Berry, alors troisième à la succession au trône derrière son père le comte d'Artois et son frère aîné le duc d'Angoulême et seul membre de la famille à pouvoir assurer sa descendance.
En 1820, le roi d'Espagne Ferdinand VII doit faire face à un soulèvement populaire conduit par les libéraux. Ce mouvement révolutionnaire lui reproche l'absolutisme de son pouvoir et les nombreuses répressions à l'encontre des libéraux. Ferdinand VII doit alors se soumettre, et remettre en vigueur la Constitution de 1812 et ainsi confier le pouvoir à des ministres libéraux.
Des élections ont lieu en 1822 aux Cortes, qui donnent la victoire à Rafael del Riego, dans une Europe secouée par les mouvements démocrates qui perturbent l'ordre intérieur des États. Ferdinand VII s'est retiré à Aranjuez, où il se considère comme prisonnier des Cortes.
En France, les ultras pressent le roi Louis XVIII d'intervenir. Pour tempérer leur ardeur contre-révolutionnaire, le duc de Richelieu fait déployer le long des Pyrénées des troupes chargées de protéger la France contre la prolifération du libéralisme venant d'Espagne et la contagion de la « fièvre jaune ». En , ce « cordon sanitaire » devient un corps d'observation, puis se transforme très vite en une expédition militaire.
Les libéraux négocient leur reddition en échange du serment du roi de respecter les droits des Espagnols. Ferdinand VII accepte. Mais le , se sentant appuyé par les troupes françaises, Ferdinand VII abroge de nouveau la Constitution de Cadix, manquant ainsi à son serment. Il déclare « nuls et sans valeur » les actes et mesures du gouvernement libéral. C'est le début de la « décennie abominable » pour l'Espagne.
Chateaubriand, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Villèle, déclare dans ses Mémoires d'outre-tombe : « Enjamber d'un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l'homme fantastique avaient eu des revers, faire en six mois ce qu'il n'avait pu faire en sept ans, c'était un véritable prodige ! »
Dernières années
Louis XVIII souffre de diabète et d’une goutte qui empire avec les années[30] et lui rend tout déplacement extrêmement difficile à la fin de son règne. Dans ses dernières années, le roi podagre doit marcher à l'aide de béquilles et est souvent déplacé en fauteuil roulant dans ses appartements, lui-même se baptisant « le roi fauteuil »[31] alors que les plus virulents des bonapartistes, puis le petit peuple, l'affublent du quolibet de « gros cochon » ou « Cochon XVIII »[32]. Vers la fin de sa vie, il est atteint d'artériosclérose généralisée, en outre la gangrène ronge son corps devenu impotent et appesanti par l'hydropisie. À la fin du mois d', la gangrène sèche qui a attaqué un pied et le bas de la colonne vertébrale, a provoqué une large plaie suppurante en bas du dos et l'a rendu méconnaissable. Fièrement, il refuse de s'aliter, reprenant les propos de Vespasien : « Un empereur doit mourir debout ». Mais, le , sa terrible souffrance l'oblige à se coucher. Il se décompose vivant et dégage une odeur si nauséabonde que sa famille ne peut rester à son chevet. Un de ses yeux a fondu[pas clair] ; le valet de chambre, en voulant déplacer le corps, arrache des lambeaux du pied droit ; les os d'une jambe sont cariés, l'autre jambe n'est qu'une plaie, le visage est noir et jaune[33].
À 68 ans, le roi Louis XVIII s'éteint le à quatre heures du matin, dans sa chambre du palais des Tuileries. Sans descendance, c'est alors son dernier frère, le comte d'Artois, qui lui succède sur le trône à l'âge de 67 ans, devenant le roi Charles X.
Louis XVIII est le dernier roi de France à être autopsié et embaumé[35] : le pharmacien Labarraque doit asperger le corps d'une solution de chlorure de chaux afin d'arrêter la marche de la putréfaction[36].
L'année du décès en fonction de Louis XVIII (1824) correspond au millénaire de l'accession au trône du premier roi de Navarre Eneko Aritza en 824, 36 générations les séparant. Le titre de roi de Navarre, associé à celui de roi de France, sera encore porté par son successeur jusqu'à son renversement en 1830.
Un roi sacré devait avoir des pouvoirs divins (le roi de France, par exemple, guérissait les écrouelles), et montrer une image d'homme puissant, valide, en bonne santé. Ne pouvant montrer au public qu'un physique diminué, Louis XVIII renonça au sacre.
Cependant, une sculpture de Louis XVIII, en costume de sacre, fut commandée par ses soins en 1815 au sculpteur Cortot. Elle est exposée dans la gypsothèque de la villa Médicis à Rome[46].
Portraits, caricature et sobriquets
Différents portraits officiels de Louis XVIII ont été peints, le plus connu et le plus solennel étant celui exécuté par
Le plumeau du chapeau que le roi tient à la main étant fait d'abondantes plumes d'autruches blanches, et son manteau fleurdelisé étant colleté et fourré d'hermine, il suscita l'épigramme intitulé : "le Gros l'a peint" (le gros lapin), qui fustigeait le peintre autant que le modèle.
En matière d'art populaire, dans la continuité de la caricature révolutionnaire sous Louis XVI[48], Louis XVIII est notamment figuré en cochon et l'épithète populaire « gros cochon », fréquente[49], est reproduite par la littérature, notamment chez Victor Hugo[50].
L'imagerie populaire et la caricature sont moins originales et diversifiées à son endroit qu'elles ne le seront pour Charles X[51]. À travers différentes représentations, elles le caricaturent facilement, en mettant en image sa corpulence et son appétit, ce qu'Annie Duprat analyse en constatant que « la mise en image du gros appétit et de la forte corpulence des Bourbons, bien au-delà d'une simple plaisanterie, renvoie à tous les écrits et à toutes les représentations des rois ogres, anthropophages et dévoreurs du peuple par le biais des impôts et de la guerre »[52].
« Qui pouvait résister à l’esprit déflorateur de Louis XVIII, lui qui disait que l’on n'a de véritables passions que dans l’âge mûr, parce que la passion n’est belle et furieuse que quand il s’y mêle de l’impuissance et qu’on se trouve alors à chaque plaisir comme un joueur à son dernier jeu. »
« Et les uns accouraient, et les autres se rangeaient : car un roi qui passe, c'est toujours un tumulte. Du reste l'apparition et la disparition de Louis XVIII faisait un certain effet dans les rues de Paris. Cela était rapide, mais majestueux. Ce roi impotent avait le goût du grand galop ; ne pouvant marcher, il voulait courir ; ce cul-de-jatte se fût fait volontiers traîner par l'éclair. Il passait, pacifique et sévère, au milieu des sabres nus. Sa berline massive, toute dorée, avec des grosses branches de lys peintes sur les panneaux, roulait bruyamment »
— Victor Hugo, Les Misérables
Notes et références
↑Emmanuel de Waresquiel, C'est la Révolution qui continue ! La Restauration 1814-1830, Paris, Tallandier, , 412 p. (ISBN979-10-210-1598-2), p. 42.
↑Charles Porset, Hiram sans-culotte ? Franc-maçonnerie, lumières et révolution : trente ans d'études et de recherches, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 207.
↑Alec Mellor, Quand les francs-maçons étaient légitimistes, Dervy-Livres, 1986, p. 25.
↑Jean-André Faucher, Histoire de la franc-maçonnerie en France, Nouvelles Éditions Latines, 1968,
↑Sur tous les documents officiels, Louis XVIII se considéra roi depuis 1795 et fit le décompte des années de son règne en conséquence. Néanmoins, il ne sera juridiquement pas roi avant la Restauration en 1814.
↑Le site « Histoire passion » donne approximativement une conversion contemporaine : aux alentours de 385 000 euros, se basant sur la base d’un franc germinal qui valait à l’époque 4,5 grammes d’argent-métal.
↑Jean-Michel Agar, Observations sur le nouveau projet de loi pour la conversion des rentes, Delaunay, , p. 96.
↑Raoul de Cisternes, Le duc de Richelieu, son action aux Conférences d'Aix la Chapelle, sa retraite du pouvoir, Paris, Calmann Lévy, , 411 p. (lire en ligne)
↑Comme le montre l'anecdote suivante : parmi les prérogatives du roi de France, figurait la capacité d’anoblir tout sujet méritant. Louis XVIII se trouvait ainsi assiégé par une horde de quémandeurs qui estimaient à tort ou à raison être de bons candidats à l’anoblissement. Parmi ceux-ci, on peut citer le publiciste Genoud, qui insistait pour que sa lettre d’anoblissement mentionne bien une particule devant son nom. Louis XVIII répondit à son entourage « Eh bien ! puisqu’il veut tant une particule, on va lui en mettre une devant, et une derrière ! » et le solliciteur se fit anoblir sous le nom de « Monsieur de Genoude », Comité permanent d'études lamartiniennes, Actes du congrès, 1961, vol. 3, p. 441 (n. 13). On rapporte aussi le mécompte du philosophe et homme politique Antoine Quatremère : sur ordre royal, la particule qu'il avait sollicitée ne fut ajoutée qu'après son nom, ce qui l'aurait obligé à joindre à son patronyme celui de Quincy.
↑Vicomte de Reiset, Autour des Bourbons - La mort de Louis XVIII, Paris, Editions Emile-Paul frères, , 215 p., p. 207-215
↑Jules Barbey d'Aurevilly et Jacques Petit, Œuvres romanesques complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », (ISBN978-2-07-010048-4), page 231.
↑(en) Spirit of The Age newspaper, for 1828, Containing a Choice Selection of all the Exquisite and Extraordinary Articles, Jeux d'Esprits, Epigrams, Parodies, and Political Satires, which have appeared in weekly succession in "THE AGE", vol. IV, Londres, A. Durham, , 268 p. (lire en ligne), p. 237
↑(en) The Historical and the Posthumous Memoirs of Sir Nathaniel William Wraxall 1772—1784, vol. IV, Londres, Bickers & Son, , 464 p. (lire en ligne), p. 41
↑Annie Duprat, Les rois de papier, la caricature de Henri III à Louis XVI, Belin, 2002.
↑Emmanuel Fureix, La France des larmes: deuils politiques à l'âge romantique (1814-1840), Champ Vallon, 2009, 501 p., (ISBN9782876734975) p. 268 et 270.
↑Mona Ozouf relève le « à bas les Bourbons et ce gros cochon de Louis XVIII ! » du Marius des Misérables. Voir Mona Ozouf, Les Aveux du roman : Le XIXe siècle entre Ancien Régime et Révolution, Fayard, 200, 352 p., (ISBN9782213665009).
↑Annie Duprat, « Le roi a été chassé à Rambouillet », Sociétés & Représentations, no 12, 2001, p. 30-43, Lire en ligne.
Comte Oscar de Poli, Louis XVIII, Paris, Bureaux de la Civilisation, 1880 (4e édition), 356 p. (BNF34030787).
Histoires de la Restauration
Francis Démier, La France de la Restauration : l’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », , 1095 p. (ISBN978-2-07-039681-8).
Philippe d’Hardouineau, Mémoires sur l’exil de la famille royale, Paris, Vernarel et Tenon, . — Texte publié par Alphonse de Beauchamp dans Mémoires secrets et inédits pour servir à l’histoire contemporaine, tome 2, pp. 129-222. — Cette relation, parue sous l’anonymat, est due au vicomte Philippe d’Hardouineau, aide de camp de Louis XVIII. Il accompagna le roi en exil entre 1795 et 1801. Son récit s’attarde plus particulièrement sur le séjour à Mittau ;
Comte Remacle, Relations secrètes des agents de Louis XVIII à Paris sous le Consulat (1802-1803), 1899, Paris, Librairie Plon, 472 pages, lire en ligne ;