Édouard Corniglion-Molinier, né le à Nice (Alpes-Maritimes) et mort le à Paris, est un pilote de chasse, général de division de l'armée de l'air française et une personnalité politique (sénateur, député et ministre) des IVe et Ve Républiques.
Mari de l'artiste peintre Raymonde Heudebert, il est aussi producteur de films, journaliste et président de sociétés de presse.
Origine et jeunesse
Édouard[note 1], Alfred, Flaminus Corniglion-Molinier[1], est le fils de Philippe Corniglion, né en 1868 à Roquebillière (Alpes-Maritimes), principal clerc de notaire et d'Anne Marie Julie Molinier, née en 1873 à Nice.
Il passe sa jeunesse à Nice et poursuit sa scolarité au lycée de Nice. Édouard Corniglion-Molinier découvre les joies de l'aviation à l'âge de douze ans lors d'un baptême de l'air qui s'achève dans le lit du Var[2].
Après des stages de perfectionnement à Avord et à Pau, il est nommé brigadier et envoyé en Italie à l'escadrille 392 où il arrive le [4]. Il accomplit des missions de reconnaissance et d'observation sur les lignes ennemies, des attaques d'avions, de bateaux autrichiens dans l'Adriatique. L'escadrille basée à Venise se transforme en escadrille 561 en [4] ; il continue à accomplir des missions dans les régions de Trieste et de Fiume, et des attaques qui lui valent le grade de maréchal des logis.
Légèrement blessé en mission et atteint de paludisme, il est hospitalisé de à . À sa sortie d'hôpital il reprend les opérations en Italie avant d'être affecté à l'escadrille SPA 162 en France fin [4]. Il est alors envoyé sur les fronts de France et en Belgique. Il reçoit 7 citations, la Légion d'honneur et de nombreuses décorations étrangères[3].
Homme des médias de l'entre-deux-guerres
Démobilisé avec le grade sous-lieutenant fin 1918[4], il reprend ses études juridiques qui le conduisent à un doctorat en droit auquel il ajoute une licence ès lettres.
Il devient ensuite journaliste à Paris-Soir mais sans abandonner l'aviation pour autant. Ainsi, il participe, en compagnie de l'aviateur anglais Jim Mollison, à un raid de cinq jours, du au , entre Londres et Le Cap à bord du Bellanca baptisé Flash Miss Dorothy[7]. Lors de la guerre d'Espagne, il est volontaire pour servir aux côtés des rangs républicains avec André Malraux.
Fin pilote comme le démontrent également ses activités de pilote d'essai, il devient également producteur de cinéma avec les films :
Résistant et Français libre pendant la Seconde Guerre mondiale
La bataille de France
En , il rejoint de nouveau la chasse après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Il est affecté successivement au groupe de chasse 3/6, puis au GC III/3 puis au GC III/2 en [4].
Le , il contribue, à la tête de sa patrouille, à abattre un Henschel Hs 126 à l'intérieur de ses lignes. Le , lors d'une patrouille légère, il abat un Heinkel He 111[4].
Il compte deux victoires officiellement homologuées et il est l'un des trois seuls pilotes de 14-18 qui aient ajouté en 39-40 des victoires à leur palmarès de la guerre précédente, avec Lionel de Marmier et Marcel Haegelen qui ont obtenu, respectivement, trois victoires et une victoire en combat aérien en 1940[2].
Après la défaite française de juin, il est démobilisé le .
En , Édouard Corniglion-Molinier est arrêté à Marseille[10]. Il est incarcéré au Fort Saint-Nicolas mais est relâché le . Le , il parvient à passer au Maroc. De là, il rejoint la Martinique d'où il réussit, en trompant la surveillance de la marine de Vichy, à gagner New York[4].
Les Forces aériennes françaises libres
Le , il signe à Londres son engagement dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL)[4]. Il les conduit au combat au Moyen-Orient, nommé chef d'état-major puis commandant de l'aviation française en Moyen-Orient. En 1941, il crée les groupes Lorraine et Alsace et participe avec eux aux campagnes de Libye et de Cyrénaïque[3].
Désigné pour prendre le commandement des forces aériennes françaises puis en Grande-Bretagne, en 1943, soit avec des unités sous son commandement, soit dans les rangs de l'aviation alliée, il prend part à de nombreuses missions sur l'Allemagne et sur les pays occupés.
C'est pendant qu'il est ministre des travaux publics, des transports et du tourisme qu'est votée la loi no 55-435 du portant statut des autoroutes[15]. Cette loi précise dans son article 4 que l'usage des autoroutes est en principe gratuit mais que l'État peut concéder soit la construction et l'exploitation de l'autoroute, soit son exploitation et que le concessionnaire peut percevoir un péage pour assurer le remboursement des avances et des dépenses de toute nature. Le , le ministre Corniglion-Molinier prenant la parole devant le Conseil général des Alpes-Maritimes propose la formation d'une société d'économie mixte pour réaliser le projet d'une route intérieure s'appuyant sur l'article 4 de la loi du . Il précise que la société d'économie mixte comprendrait l'État, le département et les chambres de commerce du Var et des Alpes-Maritimes qui ont déjà donné leur accord de principe. Le , cette route intérieure a reçu le statut d'autoroute. Le , elle déclarée d'utilité publique. Le , le ministre convie les collectivités locales à une réunion à Paris pour créer la société d'économie mixte concessionnaire de l'autoroute Estérel-Côte d'Azur. La Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET), filiale de la Caisse des dépôts et consignations, présente la répartition du capital de 500 millions de francs de la société à créer, 260 millions pour la Caisse des dépôts et consignations et 240 millions pour les collectivités locales et les chambres de commerce. Le ministre Corniglion-Molinier précise que la création de cette société est importante car elle est prototype pour la création de futures autoroutes. Les collectivités locales décident d'augmenter leur participation à 240 millions et les chambres de commerce d'apporter 100 millions le . La société de l'autoroute Estérel-Côte d'Azur (Escota), première société concessionnaire d'autoroute en France, est constituée le . Elle doit construire une autoroute à péage entre Puget-sur-Argens et Villeneuve-Loubet. Les études du tracé de l'autoroute sont alors reprises et le chantier de construction de ce tronçon d'autoroute commence le . le premier tronçon de cette autoroute, entre Mandelieu et Villeneuve-Loubet est mis en service en et la totalité le jusqu'à Puget-sur-Argens. Le dernier tronçon ouvert a dû être partiellement reconstruit après des destructions dues à la rupture du barrage de Malpasset, le [16].
En 1957, lorsqu'il est ministre de la Justice, il permet d'arrêter les poursuites engagées contre Dominique Aury au sujet du roman Histoire d'O[note 3].
Dans sa biographie de Raymond Aron, Nicolas Baverez résume le parcours de Corniglion-Molinier : « l'un des très rares aviateurs qui combattit durant les deux guerres mondiales, par ailleurs pilote de Malraux lors de sa fameuse expédition de 1934 à la recherche de la reine de Saba, [il] avait été promu général dans les forces aériennes de la France libre. Méridional, homme à femmes et grand amateur d'histoires invraisemblables, le général Corniglion était l'homme de tous les excès. Ce personnage de légende ne restait silencieux que sur ses exploits et son courage, authentiques ceux-là. Devenu ministre sous la Quatrième République, il continua à témoigner à Aron, notamment dans les épreuves personnelles qu'il traversa après la guerre, une amitié indéfectible »[20].
À quatre-vingt onze ans, Maurice Ligot, qui a été son gendre, conclut dans sa postface à Un paladin au XXe siècle : « Personnalité politique remarquée pour son engagement en faveur d'une Europe unie, il fut l'objet d'une grande admiration à Nice, sa ville natale. Ajoutons qu'il fut un être heureux, amical, spirituel, auprès duquel on ne s'ennuyait jamais et qui transmettait sa joie de vivre autour de lui. Son existence fut une vie d'aventures, une vie d'engagements, de courage et d'énergie. Un hymne aux facettes nouvelles et passionnantes du génie humain ».
Sur une préface du général de division Christian Baptiste, délégué national de l'Ordre de la Libération, celui-ci conclut par une des formules lapidaires de Charles de Gaulle : « Face à l'événement, c'est à soi-même que recourt l'homme de caractère ». De caractère, Édouard Corniglion-Molinier, à l'évidence n'en manquait pas[21].
Distinctions
Édouard Corniglion-Molinier est titulaire de nombreuses décorations[22] :
↑on trouve aussi Edward et Flaminio dans certaines correspondances
↑La liste des mandats parlementaires d'Édouard Corniglion-Molinier publiée sur le site de l'Assemblée nationale le présente comme membre du groupe des Républicains sociaux durant la IIIe législature de la IVe République (1956-1958), mais le Dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 indique : « Dans la nouvelle Assemblée, le ministre démissionnaire s'apparente au groupe du RGR[14]. »
↑Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, no 1970, jeudi 8 août 2002 : « Alors que la Brigade mondaine s’apprête à interdire Histoire d’O, la vie mondaine, elle, fait un miracle. Le médecin de Dominique Aury s’appelle Odette Poulain. Et Odette Poulain est la bonne amie d'Édouard Corniglion-Molinier, général d’aviation, compagnon de Malraux et surtout garde des Sceaux. Mise dans la confidence, Odette Poulain organise à Croissy un déjeuner entre Dominique Aury et le ministre. Au menu, poulet, courgettes et conversation sur l'air du temps. D'O, il n’est point question. À la fin du repas, Corniglion-Molinier, très galant, reconduit son invitée à la porte et se tourne vers Odette Poulain : « Je voulais voir quelle tête a la petite bonne femme qui a écrit un livre pareil ». Grâce à son intervention, la procédure est déclarée nulle. O vient d'échapper, sur un lit de courgettes, à la censure. »