Le , Élisabeth Borne présente la démission de son gouvernement au président de la République, qui l'accepte et choisit le lendemain Gabriel Attal pour former le nouveau gouvernement.
Formation
Contexte
La formation du nouveau gouvernement intervient à la suite de la réélection d'Emmanuel Macron et se produit le jour de la démission du gouvernement Jean Castex le [1], son maintien à Matignon pour un second mandat n'étant pas envisagé[2].
Dans la période qui précède, les spéculations sont nombreuses sur l'identité du successeur : le bon score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et le report des voix de la gauche sur le candidat sortant pour faire barrage à Marine Le Pen[3] ont semble-t-il poussé l'Élysée à envisager une personnalité proche de la gauche[4], et à porter son choix sur une personnalité jouissant d'une image plus proche des thématiques sociales et écologiques[5],[6].
La nomination d'Élisabeth Borne, elle aussi évoquée par de nombreux cadres de LREM et proches du président après l'élection présidentielle[5], est finalement annoncée le par communiqué de presse. La passation de pouvoir avec Jean Castex a lieu le même jour[11],[12].
Terminologie
Au moment de la nomination d'Édith Cresson à ce poste, le , le Journal officiel annonçait : « Mme Édith Cresson est nommée Premier ministre »[13]. C'est Édith Cresson qui souhaitait garder cette appellation car c'était, selon elle, la seule appellation qui marquait le degré d’élévation de cette charge[14].
Mais le décret paru le au Journal officiel annonce : « Mme Élisabeth Borne est nommée Première ministre »[13] ; c'est d'ailleurs le choix qu'a fait Élisabeth Borne, dans un tweet du même jour : « Merci à Emmanuel Macron de sa confiance et de l’honneur qu’il me fait en me nommant Première ministre »[15], cependant l'intitulé du même décret utilise la dénomination « Premier ministre »[16]. La forme « Première ministre » correspond aux dispositions de la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation[17].
Comparaison avec le gouvernement précédent
Parmi les 28 membres du gouvernement Élisabeth Borne (en comptant la Première ministre), 15 faisaient déjà partie du gouvernement Jean Castex :
1 ministre voit ses attributions élargies : Bruno Le Maire (Économie et Finances, portefeuille élargi à la Souveraineté industrielle et numérique)[18] ;
1 secrétaire d'État conserve ses attributions mais devient ministre délégué : Clément Beaune (Europe) ;
4 ministres changent de poste : Élisabeth Borne (Travail, Emploi et Insertion) devient Première ministre ; Sébastien Lecornu (Outre-mer) devient ministre des Armées ; Amélie de Montchalin (Transformation et Fonction publiques) devient ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ; Olivier Véran (Solidarités et Santé) devient ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la Vie démocratique ;
4 ministres délégués changent d'attributions et deviennent ministres : Marc Fesneau (Relations avec le Parlement et Participation citoyenne) devient ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ; Olivier Dussopt (Comptes publics) devient ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion ; Agnès Pannier-Runacher (Industrie) devient ministre de la Transition énergétique ; Brigitte Bourguignon (Autonomie) devient ministre de la Santé et de la Prévention ;
2 secrétaires d'État changent de poste : Gabriel Attal (porte-parole) devient ministre délégué chargé des Comptes publics ; Olivia Grégoire (Économie sociale, solidaire et responsable) devient secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement.
S'agissant des ministères :
7 ministères sont inchangés : Europe et Affaires étrangères ; Intérieur ; Armées ; Outre-mer ; Culture ; Justice ; Transformation et Fonction publiques ;
le ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports est scindé en deux : Éducation nationale et Jeunesse d'une part ; Sports et Jeux olympiques et paralympiques d'autre part ;
le ministère des Solidarités et de la Santé est scindé en deux : Santé et Prévention d'une part ; Solidarités, Autonomie et Personnes handicapées d'autre part. Le portefeuille des personnes handicapées ne dépend donc plus du Premier ministre, tandis que celui de l'Enfance en dépend désormais ;
le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation est renommé « ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche » ;
le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation est renommé « ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire » ;
le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance est renommé « ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique » ;
le ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion est renommé « ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion » ;
le ministère de la Mer est supprimé, remplacé par un secrétariat d'État ;
le ministère de la Transition écologique fusionne avec le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales pour former le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, tandis qu'un ministère de la Transition énergétique est créé. Les attributions relatives aux collectivités territoriales sont partagées entre l'Intérieur et la Transition écologique et Cohésion des territoires ;
8 postes de ministres délégués et 5 postes de secrétaires d'État sont supprimés.
Le [22], la composition du gouvernement (hors Première ministre) est annoncée par Alexis Kohler depuis le perron de l'Élysée[23]. Cette annonce intervient 26 jours après la réélection d'Emmanuel Macron, soit le plus long délai connu sous la Ve République[24]. Les membres du précédent gouvernement sont restés en fonction pour assurer les affaires courantes et urgentes jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement.
Réélue députée des Yvelines lors des élections législatives du 19 juin 2022, la ministre des Outre-mer, Yaël Braun-Pivet, quitte le gouvernement le 25 juin 2022 pour se porter candidate à la présidence de l'Assemblée nationale (elle sera élue le 28 juin). Dans l'attente d'un remaniement prévu pour le début du mois du juillet, les fonctions de ministre des Outre-mer sont exercées par la Première ministre, Élisabeth Borne[25].
Avec ce remaniement, le gouvernement compte 40 membres : 16 ministres, 15 ministres délégués et 9 secrétaires d'État.
Ajustement du 10 octobre 2023
À la suite de sa défaite aux élections sénatoriales en Nouvelle-Calédonie le 24 septembre 2023, Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté, présente sa démission du gouvernement le 27 septembre 2023, au terme d'un entretien avec le président Macron[30]. Le 10 octobre 2023, la démission de Sonia Backès est officialisée par décret et Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la Ville, reprend le portefeuille de la Citoyenneté[31].
Depuis le 11 décembre 2023, les spéculations allaient bon train quant à un possible remaniement gouvernemental, sur fond de crise politique déclenchée par le projet de loi immigration. Le gouvernement Borne battait alors des records d’impopularité, avec un taux d’approbation de seulement 23% selon deux sondages en date du 4 janvier [33].
Élisabeth Borne est la deuxième femme à être nommée à la fonction de Première ministre après Édith Cresson en 1991. À sa constitution en , la parité est respectée chez les ministres de plein exercice (8 femmes et 9 hommes) et dans le gouvernement au complet[37] (14 femmes et 14 hommes, en comptant la Première ministre) mais on dénombre 5 hommes ministres délégués contre 1 femme ministre déléguée et 4 femmes secrétaires d'État. Une seule femme, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, occupe un ministère régalien[38].
Après le remaniement du , la parité est toujours respectée mais la proportion de femmes secrétaires d'État reste plus importante que celle de femmes ministres[39]. Pour le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, cette répartition des ministères répond « à des biais de genre et à des stéréotypes de sexe ». L'instance consultative note que 4 hommes sont à la tête des 5 ministères régaliens et 7 femmes à la tête des 9 ministères sociaux (santé, culture, famille, enfance, handicap, jeunesse, etc.)[40],[41].
Répartition partisane
L'équipe gouvernementale réunit des membres de cinq partis membres de la coalition parlementaire majoritaire « Ensemble » ainsi que des personnalités non affiliées :
Gabriel Attal, âgé de 33 ans, reste le plus jeune membre du gouvernement, tandis que Catherine Colonna, 66 ans, est la doyenne du nouveau gouvernement, qui compte quatre trentenaires, quatorze quadragénaires, six quinquagénaires et quatre sexagénaires[42]. Depuis le 4 juillet 2022, le benjamin est Hervé Berville. En deuxième position, se trouvent Gabriel Attal et Sarah El Haïry, nés le même jour.
Patrimoine
Les ministres du gouvernement Élisabeth Borne détiennent un patrimoine net moyen de 1,9 million d’euros (1,5 million d’euros en retranchant les dettes), en hausse par rapport aux gouvernements précédents. Dix-neuf sont millionnaires et une grande majorité[évasif] d'entre eux figure dans les 10 % des Français les plus riches[43],[Note 2],[Note 3].
Coût et personnel
Avec un montant global de 174 millions d’euros, le gouvernement d’Élisabeth Borne est le plus cher des 43 gouvernements de la Ve République, en hausse de 4,3 % par rapport au précédent, le gouvernement Castex[45]. Le gouvernement compterait 565 conseillers ministériels (soit 13,5 par ministre), contre 559 pour le gouvernement précédent. Les rémunérations moyennes du cabinet de la Première ministre seraient en baisse avec 9 979 euros bruts, contre 10 282 l'an précédent. Le personnel dit de « support », composé notamment des huissiers, secrétaires et chauffeurs a augmenté pour une charge qui, selon Le Point, « ne semble pas avoir crû ». Ils sont 2 257 contre 2 234 dans le gouvernement précédent. Au total, le gouvernement Borne comprend 2 822 personnes[45].
Le traitement d'Élisabeth Borne ainsi que les frais de représentation de Matignon s'élèvent à 2,2 millions, et ceux de ses conseillers à 9,3 millions. Le coût des ministres se monte à 10,3 millions d'euros, et celui de leurs conseillers à 50,2 millions d'euros[45].
Majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale requise (289 voix en faveur). Le ou les groupes signataires de la motion de censure sont identifiés en souligné.
Parmi toutes les motions de censure déposées par l'intergroupe NUPES et le Rassemblement national, l'une d'entre elles a été particulièrement remarquée. En effet, le 24 octobre, Marine Le Pen, alors présidente du groupe RN, annonce que son groupe votera la motion de censure déposée par la NUPES. Ainsi, en combinant les 150 voix de la NUPES et les 89 du RN, on arrive à un total de 239 voix. Or, pour faire tomber le gouvernement, la majorité absolue de l'Assemblée nationale (soit 289 voix ou moins selon le nombre de sièges vacants) est requise. Le groupe Républicain ayant décidé de ne voter aucune des motions de censure, celle de la NUPES échoue à 50 voix près. Le rôle des Républicains en tant que groupe d'opposition est alors mis en question.
Motions de censure concernant le Projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale pour 2023
Alors que la tension dans le pays est importante du fait de l'examen du projet de réforme des retraites, le Gouvernement décide de faire usage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution le 16 mars, dès l'ouverture de la séance. Le petit groupe centriste LIOT dépose une motion de censure « transpartisane », ayant des signataires de LIOT et des 4 groupes de la NUPES. Le groupe Rassemblement national en dépose une également.
La motion de LIOT, surveillée de près par la majorité et le gouvernement, est rejetée à 9 voix près (278 voix contre 287)[54], ce qui déclenche un large mouvement spontané partout en France[55]. Le groupe Les Républicains a joué un rôle pivot dans cette motion, et apparaît comme divisé. La motion du RN est, sans surprise, très largement rejetée (94 voix contre 471), bien que votée par 3 députés LR et un député apparenté PS.
Motion de censure du 12 juin 2023
En réponse à l'usage de l'article 40 de la Constitution par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, empêchant ainsi, au nom de l'irrecevabilité financière, l'examen en séance d'un amendement réintroduisant la mesure d'âge à 62 ans pour le départ à la retraite (contre 64 ans depuis la réforme de 2023) à l'occasion de la niche parlementaire du groupe LIOT du , l'intergroupe NUPES dépose une motion de censure contre le gouvernement Borne le [56].
Le , 239 voix se portent en faveur de la motion de censure de la NUPES[57], soit 50 de moins que la majorité absolue des membres requise par la Constitution (289) : la motion est donc rejetée. Ainsi, après le rejet de celle du , le gouvernement d'Élisabeth Borne a survécu, au total, à 17 motions de censure depuis le début de la législature[58].
Principales actions
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↑ a et bLors du compte rendu du conseil des ministres du 20 décembre 2023 au cours duquel la démission d'Aurélien Rousseau est confirmée, Olivier Véran annonce qu'Agnès Firmin-Le Bodo « assurera l'intérim ». Dans le décret publié au Journal officiel le 21 décembre 2023, aucun intérim n'est évoqué : Agnès Firmin-Le Bodo est nommée ministre de la Santé et de la Prévention de plein exercice. Cependant, malgré l'utilisation de ce titre dans l'ensemble des publications officielles (décrets, arrêtés), la fonction d'Agnès Firmin-Le Bodo est indiquée ainsi sur plusieurs communications gouvernementales : ministre de la Santé et de la Prévention, ministre chargée de l'Organisation territoriales et des Professions de santé, du fait de ses fonctions passées de ministre déléguée.
↑Les inégalités de patrimoine en France - Le patrimoine est très inégalement réparti. Les 10 % les plus fortunés possèdent près de la moitié du patrimoine du pays. Les 10 % les moins fortunés n’ont rien. Les 10 % du bas de l’échelle disposent au mieux 3 800 euros, selon l'Insee (données 2018). En moyenne, leur patrimoine est de 1 800 euros. La moitié des ménages possèdent un patrimoine de moins de 163 000 euros. Les 10 % les plus fortunés ont 600 000 euros au minimum et 1,3 million en moyenne. Les 5 % du haut de l’échelle, au moins 880 000 euros et le 1 %, au moins 1,9 million d'euros[44].
↑« Jean Castex a présenté la démission de son gouvernement à Emmanuel Macron, après deux ans à Matignon », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Le départ attendu de Jean Castex, premier ministre sans ego », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Nicolas Laplume, « Élisabeth Borne « Première ministre » ou « Premier ministre » ? La réponse de l’Académie française », périodique, (ISSN1760-6454, lire en ligne, consulté le ).
↑Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Édouard Philippe… Comment ils préparent l’après-Macron, lejdd.fr, 9 juillet 2022, par Christine Ollivier et Sarah Paillou : Bruno Le maire premier des ministres dans l'ordre protocolère supplée d'ailleurs la première ministre devant le Sénat pour le prononcé de son discours de politique générale, Elisabeth Borne y procédant alors devant l'Assemblée nationale
↑Le Monde avec AFP, « Le nouveau gouvernement Borne n’est pas réellement paritaire, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bCécile de Sèze avec AFP, « Bord politique, parité, âge... Le gouvernement d'Elisabeth Borne en quatre infographies », L'Express, 21 mai 2022 (mis à jour le 23 mai 2022) (lire en ligne).
↑Pierre Breteau, « Avec dix-huit recours en dix-huit mois, le gouvernement Borne banalise l’article 49.3 », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )