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Le gouvernement français souhaite en effet modifier la constitution pour permettre aux citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie depuis plus de dix ans d'y voter aux élections provinciales. À la suite de l'accord de Nouméa, ce droit est limité aux seuls citoyens néocalédoniens, c'est-à-dire aux citoyens français résidents de Nouvelle-Calédonie avant 1998 et à leurs descendants. Ce corps électoral« gelé » fait qu'un électeur potentiel sur cinq est ainsi exclu du corps électoral, un dispositif jugé acceptable par la Cour européenne des droits de l'homme en 2005 « dans le cadre d'un processus de décolonisation » mais « seulement à titre temporaire ». La réforme, votée par le Sénat et l'Assemblée nationale et censée être présentée au Congrès du Parlement français, est décriée par les indépendantistes car elle aurait pour conséquence de diluer la voix politique du peuple autochtonemélanésienKanak en permettant, dans la pratique, à davantage de personnes d'origine européenne et polynésienne de voter.
Les émeutes s'inscrivent dans un contexte de crise économique et surtout d'inégalités entre les Kanak et le reste de la population. Le niveau de vie médian des Kanak est deux fois plus faible que celui des non-Kanak.
Les émeutiers causent d'importants dégâts aux infrastructures et commerces de l'archipel, avec un coût estimé à 1 milliard d'euros. Des affrontements violents avec les forces de l'ordre ainsi qu'entre civils font dix morts et plusieurs centaines de blessés.
L'ampleur des émeutes conduit le président de la RépubliqueEmmanuel Macron à décréter l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie à partir du 16 mai à 5 h (heure locale), une mesure déjà auparavant appliquée lors des événements politiques de 1984 à 1988. Des unités de l'armée sont également déployées pour sécuriser les ports et les aéroports, et le réseau social TikTok est interdit dans l'archipel.
Pour calmer la situation, le président Emmanuel Macron se rend en Nouvelle-Calédonie le 23 mai et effectue une série d'annonces dont le report pour quelques semaines de la réforme (ce qui était demandé par les émeutiers), le temps de mettre en place une « mission de médiation et de travail » qui entendra toutes les parties en présence.
L'état d'urgence est finalement levé le 28 mai à 5 h (heure locale) et l'interdiction de TikTok est levée le 29 mai.
Les élections provinciales néo-calédoniennes ont lieu dans le cadre d'un « gel » du corps électoral autorisé à participer à ces scrutins. Contrairement aux élections présidentielles et législatives auxquelles peuvent participer tous les citoyens françaismajeurs, seule peut participer aux élections provinciales une partie de la population. En vertu de l'accord de Nouméa de 1998 et de l'article 188 de la loi organique de 1999, sont ainsi électeurs les individus disposant de la citoyenneté néo-calédonienne, résidant en Nouvelle-Calédonie avant 1998, ainsi que leur descendants, à la condition de résider préalablement pendant dix années consécutives sur le territoire[11],[12]. Ce gel du corps électoral par l'accord de Nouméa intervient dans un contexte historique de tensions entre communautés sur la question démographique, la Nouvelle-Calédonie ayant été avec l'Algérie l'une des rares colonie de peuplement de la France. Une note de 1972 rédigée par le premier ministre Pierre Messmer à son secrétaire d'État aux DOM-TOM, Xavier Deniau, soulignait ainsi qu'« à long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire »[13].
Considérant que ces dispositions portent atteinte à l'exercice du droit de vote, le Conseil constitutionnel annule en 1999 le gel du corps électoral en limitant ces conditions à la présence continue pendant dix ans. Cette décision, qui remplace le corps électoral « figé » ou « gelé » par un corps électoral « glissant », provoque une vive opposition de la part des indépendantistes. En visite dans l'archipel en 2003, le président Jacques Chirac s'engage à revenir sur cette décision, ce qui est fait par le vote de la loi constitutionnelle no 2007-237 du [11],[14]. Cette dernière réintroduit le gel du corps électoral en l'inscrivant directement dans la Constitution, avec 724 voix pour et 90 contre[12].
Depuis la réinstauration du gel, la population néo-calédonienne exclue du vote aux élections provinciales n'a cessé de croître. Les exclus passent ainsi d'environ 8 000 en 1999 à 18 000 en 2009, puis 42 000 en 2023. À cette date, le corps électoral gelé était constitué d'environ 178 000 électeurs sur les 220 000 constituant le corps électoral « général » pouvant voter aux élections nationales, ce qui équivaut à l'exclusion d'environ 19,3 % de la population en âge de voter, soit un électeur sur cinq[12]. Cette proportion ayant été de 7,46 % en 1999, la part des électeurs non-admis à participer aux scrutins provinciaux a ainsi été multipliée par 2,45 entre 1998 et 2023[15]. Cette proportion élevée s'accompagne de l'exclusion des conjoints des électeurs, ainsi que des enfants en âge de voter des non-électeurs, nés et ayant grandi sur l'archipel. L'accord de Nouméa n'ayant donné la possibilité de rejoindre le corps électoral provincial — et donc d'obtenir la citoyenneté calédonienne — qu'aux seuls « enfants » des électeurs inscrits en 1998, sans mentionner leurs autres descendants, un vide juridique entoure également la situation des petit-enfants des électeurs[15].
Depuis son instauration, cette situation a été validée, à titre uniquement temporaire, par le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel ainsi que la Cour européenne des droits de l'homme, dans la mesure où elle s'inscrivait dans un « processus de décolonisation » et « sous réserve qu’[elle] soit bien transitoire »[12],[16]. La Nouvelle-Calédonie est inscrite depuis 1947 sur la liste des territoires non autonomes selon l'Organisation des Nations unies, qui la considère comme non-décolonisée[17]. Pourtant aujourd’hui, le gouvernement ainsi que le congrès sont majoritairement représentés par le peuple autochtone.
Le 4 juin 2023, Gérard Darmanin , en visite sur le territoire, organise une rencontre afin de trouver un compromis entre indépendantistes qui souhaitaient que le corps électoral reste gelé et les loyalistes qui demandaient l’application d’une démocratie pleine et entière. [1] Après trois visites du représentant de l’Etat, les partis indépendantistes acceptent de discuter sur un corps électoral glissant. L’accord est trouvé sur un corps électoral glissant de 10 ans. L’Etat engage alors la procedure pour rétablir le corps électoral tel qu’il existait avant 2006.[2][18]
Situation en 2024
À la suite de la majorité de suffrages exprimés en faveur du « Non » lors des trois référendums d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 2018, 2020 et 2021, cette spécificité de l'accord de Nouméa atteint son terme. Il s'ensuit une période de « flottement » quant à l'avenir institutionnel de l'archipel, au cours de laquelle les indépendantistes appellent à la tenue d'un nouveau référendum en lieu et place du troisième, qu'ils ont boycotté et dont ils refusent de reconnaître le résultat. Quant aux anti-indépendantistes, couramment appelés « loyalistes »[19], ils réclament au contraire le « dégel » du corps électoral car ils considèrent que les dispositions de l'accord de Nouméa sont désormais caduques, la population ayant par trois fois choisi de demeurer au sein de la République française, menant ainsi à son terme le processus de l'accord de Nouméa[20]. Cette situation de blocage se poursuit jusqu'en 2024, empêchant la conclusion d'un accord local tandis que s'approchent les élections provinciales. Censées avoir lieu cette même année, les élections sont reportées au afin de laisser davantage de temps aux parties en présence pour négocier[12]. En déplacement à Nouméa fin juillet 2023, le présidentEmmanuel Macron appelle à la poursuite des négociations trilatérales afin de mettre en œuvre le dégel du corps électoral et la mise en place « dans le consensus » d'un statut définitif de l'archipel[21].
Donnant son avis sur la situation le , le Conseil d'État conclut : « Les règles en vigueur concernant le régime électoral des assemblées de province et du Congrès dérogent de manière particulièrement significative aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage, notamment en excluant du droit de vote des personnes nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y résident depuis plusieurs décennies[12]. »
Une Mission d'information sur l'avenir institutionnel des Outre-mer est mise en place début 2024 par l'Assemblée nationale afin de rencontrer et recueillir les avis des responsables politiques, religieux, coutumiers et autres personnes de la société civile sur le dégel du corps électoral[22],[23]. La mission conclut fin mars à la « nécessité juridique et démocratique admise et reconnue » du dégel par une révision constitutionnelle, mais évoque la possibilité d'une temporisation de plusieurs mois. Dans son rapport, elle souligne que le débat est révélateur d'un « mal-vivre » et d'une situation politique chaotique qui conduit depuis plusieurs années à une importante émigration de néo-calédoniens, souvent privés du droit de vote, mais également de cadres kanaks diplômés qui n'ont plus confiance en l'attractivité économique du territoire. Elle remarque notamment que ce constat démographique entre en conflit avec le « sentiment d’une immigration massive » relayé par des responsables indépendantistes, selon lesquels celle-ci conduirait à la « mort du peuple kanak »[24],[25].
Les membres de la mission rapportent notamment les propos du président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, Roch Wamytan, indépendantisteKanak, qui s'interroge sur l'éventualité qu'Emmanuel Macron veuille « recoloniser » la Nouvelle-Calédonie et conclut que « le seuil de tolérance des Blancs est déjà atteint. ». Des représentants de l'Union calédonienne opposée au dégel déclarent : « Si vous touchez au corps électoral, ce sera la guerre. Nos jeunes sont prêts à y aller. S’il faut en sacrifier mille, on le fera. ». Ces propos suscitent l'indignation de la présidente de la province Sud, Sonia Backès qui évoque une population faisant selon elle preuve d'un « racisme extrême », souhaitant que « tout ce qui n’est pas de leur ethnie s’en aille » et traitant de « sales blancs » tous les non-kanaks, qu'ils soient européens, asiatiques ou océaniens[24],[25],[26].
Projet de révision constitutionnelle
Le gouvernement du président Emmanuel Macron entame finalement en janvier 2024 un processus de révision constitutionnelle visant à dégeler le corps électoral. Le projet prévoit le retour à un corps électoral « glissant » en accordant le droit de vote aux électeurs déjà inscrits sur la liste générale qui justifient d'une domiciliation d'au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie, ou qui y sont nés. Une telle modification conduirait à l'incorporation de 25 841 nouveaux électeurs[12],[27]. Seraient ainsi inscrits automatiquement l'ensemble des 12 441 citoyens français natifs de Nouvelle-Calédonie ayant atteint l'âge de voter, et jusqu'à 13 400 citoyens dont la résidence permanente en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans leur permettrait d'en faire la demande individuelle. Environ 16 000 électeurs de la liste générale resteraient exclus, faute de répondre à ces deux critères[15].
Examen en première lecture par le Sénat
Le passage du projet de révision au Sénat conduit à l'ajout d'une clause laissant ouverte le plus longtemps possible la poursuite des négociations dans l'archipel. Là où le projet initial de l'Assemblée nationale prévoyait une application le faute d'accord, le texte remanié permet ainsi la suspension de la révision constitutionnelle si un accord local est signé au plus tard dix jours avant la tenue des élections provinciales, soit — sauf report — le [28].
Le , des violences éclatent à Nouméa tandis que les députés débattent de l'adoption de la loi. Les affrontements opposent les forces de maintien de l'ordre à des manifestants indépendantistes, causant des incendies, des pillages et des blessés parmi les gendarmes. Trois employés pénitentiaires sont brièvement pris en otage lors d'une tentative de mutinerie dans le centre pénitentiaire de Nouméa. En conséquence, les établissements scolaires et les services publics des zones concernées sont fermés pour le lendemain, le 14 mai. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-CalédonieLouis Le Franc demande des renforts de Paris pour maintenir l'ordre et annonce une interdiction de port et de transport d'armes ainsi qu'une interdiction de vente d'alcool pendant 48 heures[36],[32]. Il rapporte « des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes » dans la nuit du au , dans la commune du Mont-Dore, au sud-est de Nouméa[37].
Un couvre-feu est instauré de la nuit du mardi au mercredi en vue de réduire les violences urbaines, mais n'est pas respecté[38]. Au matin du mercredi , le bilan s'alourdit gravement avec la mort de deux personnes dans la nuit ; la première aurait été tuée par un tir « de quelqu'un qui a certainement voulu se défendre », les circonstances du second décès restent floues[39]. Les émeutes violentes se poursuivent le et amènent à des affrontements armés. Trois personnes meurent et 300 personnes sont blessées, dont certaines par balles tandis que 140 personnes sont arrêtées. Entre le 13 et le 22 mai, 84 policiers et gendarmes ont blessés. Dès la première nuit, 80 entreprises sont incendiées ou saccagées[40]. Certains habitants érigent des barricades afin de protéger leurs biens et les émeutes entrainent des pénuries alimentaires. Le haut-commissaire décrit une situation « insurrectionnelle » et évoque le risque d'une « guerre civile ». Emmanuel Macron appelle au calme et prévoit une réunion du Congrès pour entériner la réforme, sauf si un accord plus large est trouvé entre indépendantistes et anti-indépendantistes d'ici juin[41],[42],[43].
Un conseil de défense est tenu par Emmanuel Macron le , à l'issue duquel un décret visant à déclarer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie est demandé par le président de la République et mis à l'ordre du jour du Conseil des ministres[44]. L'état d'urgence entre en vigueur le à 18 heuresGMT, soit 20 heures à Paris et 5 heures à Nouméa le [45],[46]. Le couvre-feu est instauré sur l'archipel de 18 heures à 6 heures, les rassemblements sont interdits dans l'agglomération du grand Nouméa, de même que le transport et le port d'armes ainsi que la vente d'alcool sur l'ensemble du territoire[47].
Le , à 23 h 11 (UTC+2), le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, annonce le lancement d'« une grande opération de plus de 600 gendarmes, dont une centaine du GIGN, [...] visant à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport »[50]. Le , à 12 h 27 (UTC+2), il annonce le « succès » de l'opération, revendiquant « 76 barrages détruits [...] plus de 200 interpellations et la réouverture de 20 commerces alimentaires »[51]. 2700 gendarmes dont 550 du territoire sont engagés[52], ainsi que plusieurs unités des FANC, 9 escadrons de gendarmerie mobile, 15 hommes du GIGN, des policiers du RAID, 2 sections de la CRS 8 et 2 compagnies de CRS[52].
En réponse aux émeutes, des milices — principalement constituées de Caldoches — se forment pour défendre leurs quartiers et érigent des barrages dans le Grand Nouméa. Elles se désignent elles-mêmes comme des groupes de « voisins vigilants ». Si elles soutiennent les forces de l'ordre, ces groupes se mettent en situation d'infraction en enfreignant eux-mêmes le couvre-feu et en étant armés malgré l'interdiction du port d'armes mise en place par le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc. Constatant des affrontement avec l'organisation indépendantiste Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), ce dernier dénonce vivement ces comportements, redoutant une « spirale mortelle ». Lors d'une conférence de presse, le Haut-commissaire précise toutefois que les trois civils kanaks tués lors des émeutes n'ont pas été victimes de ces groupes[53],[54],[55]. D'après plusieurs témoignages recueillis par Mediapart, malgré le caractère illégal des barrages érigés par ces milices et la présence d'armes en leur sein, la police collabore avec elles[56].
La formation de ces milices est perçue comme une conséquence de l'inefficacité des forces de l'ordre locales, largement dépassées[53]. La CCAT les accuse de violences avec la complicité des forces de l'ordre[54], tandis que la présidente de la province Sud, Sonia Backès, va jusqu'à réfuter l'existence de milices[57].
Pour calmer la situation, le président Emmanuel Macron se rend en Nouvelle-Calédonie le 23 mai et prononce une série d'annonces dont le report pour quelques semaines de la réforme (ce qui était demandé par les émeutiers), le temps de mettre en place une "mission de médiation et de travail" qui entendra toutes les parties en présence[58].
L'état d'urgence est finalement levé le 28 mai à 5 h (heure locale) en parallèle de l'envoi d'une mission de médiation et de facilitation visant à rétablir le dialogue entre indépendantistes et loyalistes. Le couvre-feu et l'interdiction de TikTok, décidés en dehors de ce cadre, sont cependant maintenus, ainsi que l'interdiction de transporter ou de porter des armes ainsi que de vendre de l'alcool. L'interdiction de TikTok est finalement levée le 29 mai[59].
L'Aéroport international de Nouméa-La Tontouta rouvre progressivement à partir du [60], trois jours après la date prévue[61],[62].
Le , Emmanuel Macron annonce la suspension du projet de révision constitutionnelle modifiant le corps électoral de Nouvelle-Calédonie durant une conférence de presse à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale[63].
Le , Christian Tein, leader de la CCAT, et dix autres personnes sont arrêtées et placées en garde à vue dans le cadre d'une enquête visant « les commanditaires présumés des exactions commises [...] à compter du 12 mai 2024 »[64]. L'Union calédonienne dénonce des « arrestations abusives » mais appelle « à ne pas répondre à la provocation »[65]. Thierry Kameremoin, également membre de la CCAT, déclare sur Radio Djiido que « C'est [Christian Tein] qui est allé à la gendarmerie, parce qu'il savait que des procédures étaient en cours »[66]. Le 22 juin, les onze gardés à vue sont mis en examen notamment des chefs de complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme et destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux[67],[68]. Dans la nuit du 22 au 23 juin, sept d'entre eux sont transférés en France métropolitaine pour y être détenus provisoirement[69]. Les quatre autres sont soit laissés libres sous contrôle judiciaire, soit placés en détention provisoire au centre pénitentiaire de Nouméa dans le cas de Joël Tjibaou et Gilles Jorédié[70]. Le transfert de la plupart des responsables de la CCAT dans l'Hexagone déclenche des manifestations (notamment à proximité du ministère de la Justice et du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach, où Christian Tein est incarcéré), tandis que l'archipel connaît un regain des violences[67],[71],[72],[73].
Réactions politiques
La contestation en Nouvelle-Calédonie est très suivie dans le reste de l'outremer français, et avec le soutien d'une partie de l'opinion. C'est le cas des indépendantistes martiniquais du Parti pour la libération de la Martinique, du Mouvement de décolonisation et d'émancipation sociale (MDES), le principal mouvement indépendantiste guyanais, ainsi que de plusieurs organisations guadeloupéennes. Le député guyanais Jean-Victor Castor estime que « très clairement, avec la crise économique, sociale, politique, des problèmes d'eau, de chômage, le coût de la vie, les gens se reconnaissent dans le combat des Kanak, même quand ils ne sont pas indépendantistes ». À la Réunion, la présidente de région Huguette Bello accuse, avec d'autres élus ultramarins, le gouvernement d'avoir rompu les accords de Nouméa[74].
Les pays du Pacifique Sud, les voisins les plus proches de la Nouvelle-Calédonie, dont les populations, comme les Kanak, sont mélanésiennes, ont critiqué la gestion de la crise par le gouvernement français et appelé à un retour au dialogue dans l'esprit de l'accord de Nouméa. Le Groupe Fer de lance mélanésien (GFLM), une alliance régionale regroupant la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu, les Fidji et les Salomon, a déclaré que « ces événements auraient pu être évités si le gouvernement français avait écouté et n'avait pas imposé le projet de loi constitutionnelle visant à dégeler les listes électorales, à modifier l'électorat des citoyens et à changer la répartition des sièges au Congrès ». Elle a appelé Paris à accepter « la proposition du FLNKS d'établir une mission de dialogue et de médiation dirigée par une personnalité de haut rang mutuellement agréée » afin d'établir une « paix durable »[75].
Le 16 mai, questionné sur France 2 le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin accuse l'Azerbaïdjan (dont le drapeau, aux couleurs voisines de celles du drapeau kanak, est parfois brandi aux côtés de ce dernier) d'ingérences dans les émeutes en Nouvelle-Calédonie en ayant conclu un accord avec une partie des partisans de l'indépendance[80]. L'Azerbaïdjan rejette les « accusations infondées du ministre français »[81]. Cependant, en juillet 2023, l'Azerbaïdjan avait invité des indépendantistes des territoires français d'outre-mer de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française à une conférence à Bakou, qui a vu la création du « Groupe d'initiative de Bakou » dont l'objectif déclaré est de soutenir « la lutte contre le colonialisme »[82]. Ces accusations s'inscrivent dans un contexte de tensions persistantes entre les deux pays.
Dans la nuit du mardi au mercredi , une attaque informatique « d'une force inédite » a été bloquée sur le territoire, peu après l'annonce de la venue d'Emmanuel Macron dans l'archipel, a rapporté le gouvernement local. Cette attaque « extérieure », menée par l'envoi de millions de courriels de manière simultanée, avait « pour but de saturer le réseau internet calédonien », mais a pu être arrêtée avant qu'il y ait des dégâts importants[86].
Bilan
Humain
Bilan officiel
Entre le et le , sept personnes sont tuées dont deux gendarmes, tandis qu'entre le et le , plus de 300 personnes sont blessées, dont 134 gendarmes et policiers[43],[87],[88].
Dans la nuit du au , la mort de trois civils kanaks — un homme et une adolescente, originaires de Canala, et un adolescent, originaire de Maré — est causée par « des particuliers » armés n'appartenant pas à des groupes d'autodéfense[89],[90],[91],[92]. Les deux adolescents sont mortellement blessés par balle au niveau de l'impasse Ballard, dans le quartier Ducos, par « quelqu’un qui a certainement voulu se défendre sur un barrage »[93]. L'auteur des tirs est par la suite interpellé par les forces de l'ordre[92]. Trois personnes impliquées dans la mort du jeune de Maré ont été poursuivies par le procureur[94].
Toujours le , le gendarme Nicolas Molinari (EGM 211/1), 22 ans, reçoit un tir en pleine tête à Plum(en), alors qu'il venait de retirer son casque pour parler avec des personnes âgées[95],[96],[97]. Il succombe à ses blessures à 23 h 46 (UTC+11)[95].
Le , l'adjudant-chef Xavier Salou (EGM 11/1), 46 ans, décède d'« un tir accidentel » survenu « à l'occasion d'un départ en mission, alors qu'une unité configurait un véhicule blindé sur la caserne de Bailly »[95],[98].
Le , un père de famille caldoche accompagné de son fils est tué en étant refoulé à un barrage à Kaala-Gomen. Ayant tenté de le forcer, il est tué dans l'échange de coups de feu qui s'ensuit[99]. Il s'agit du premier mort dans des faits survenus en dehors de l'agglomération de Nouméa[100]. Deux autres personnes — le fils de la victime et un kanak — sont grièvement blessées lors de la fusillade et évacuées vers le centre hospitalier de Koumac[101],[102].
Le , un civil kanak de 48 ans est tué par un fonctionnaire de police hors service, pris à partie avec un collègue par une quinzaine d'individus. Le jour même, une enquête est ouverte pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique »[103]. Le surlendemain, le policier est mis en examen pour « coups mortels aggravés par l'usage d'une arme » et placé sous contrôle judiciaire à l'issue de sa garde à vue[104].
Le , un jeune policier adjoint, d'origine kanak, est passé à tabac par des « voisins vigilants » dans le quartier de Tuband, à Nouméa. L'élu Gil Brial, deuxième vice-président de l'assemblée de la Province Sud, est impliqué dans l'affaire[105].
Le , à 16 h 05 (UTC+11), plusieurs hommes attaquent une voiture de location conduite par des gendarmes, sur la RT1, au niveau du col de la Pirogue à Païta[106]. Les gendarmes ripostent et deux hommes sont grièvement blessés, l'un à la tête et l'autre au bras[107]. Le premier décède le , vers 22 h (UTC+11), au Médipôle de Koutio[108]. Il s'agit de Lionel Païta, 26 ans, petit-fils de Clément Païta, grand chef de Païta[109].
Le , Joseph Poulawa, 34 ans, décède au Médipôle de Koutio, où il avait été admis « en urgence absolue » deux semaines auparavant, après avoir été blessé par balle au thorax et à l'épaule par un gendarme du GIGN[110],[111],[112],[113]. Son décès porte à neuf le nombre de personnes tuées par balles depuis le début des émeutes[111].
Le 10 juillet une dixième victime est à déplorer à la suite d'une altercation armée avec des gendarmes à hauteur de la localité de Saint-Louis[10].
Morts indirectes
En plus des dix morts, plusieurs individus ont perdu la vie suite aux conséquences indirectes des émeutes. Au premier jour des violences, une femme enceinte devant accoucher a réalisé une fausse couche, le SMUR n'ayant pas pu lui porter secours à temps à cause des blocages[114]. Le 15 mai, un homme diabétique de 40 ans est mort à son domicile, n'ayant pas pu être dialysé à temps[115]. Un motocycliste est mort le 18 mai, percutant une carcasse de voiture servant de barricade[116]à l'entrée de la vallée du tir
Le Médipôle, principal hôpital de l'archipel, est surchargé et difficilement accessible[117]. Depuis le début des émeutes, le nombre de morts naturelles a presque doublé[118].
Économique
Le bilan des émeutes est lourd pour l'économie néo-calédonienne, déjà fragile. Le 16 mai, la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie estime le coût des dommages résultant du pillage et des destructions à plus de 200 millions d'euros. Le 21 mai, le bilan estimé monte à 1 milliard d'euros[119]. Les entreprises locales sont particulièrement touchées : plus de 150 d'entre elles sont détruites, ce qui cause la perte à très court terme de 1 500 à 2 000 emplois, ainsi que de plus de deux points du PIB annuel de la Nouvelle-Calédonie[120],[121].
Après environ un mois d'émeutes, le bilan est estimé à 900 entreprises et 200 maisons détruites, 600 véhicules incendiés[122]. L'emploi est aussi impacté avec plus de 7 000 emplois détruits soit plus de 10% de l'emploi privé de l'île[123],[124].
L'école d'infirmières (Institut de formation des professions sanitaires et sociales) a été incendiée quatre fois[125].
De plus, deux des trois usines de nickel de l'île (KNS et PRNC) sont menacées de fermeture, ce qui représente 7 884 emplois directs, indirects et induits[126],[127].
↑Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale / VIGINUM, « Sur X et Facebook, plusieurs manœuvres informationnelles d’origine
azerbaïdjanaise ciblent la France dans le contexte des émeutes en
Nouvelle-Calédonie. », SGDSN, (lire en ligne [PDF]).
↑« A Nouméa, les émeutes compliquent l’accès aux soins : « Des gens qui en ont besoin ne se font plus soigner » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Rapport "AVENIR DE LA FILIÈRE DU NICKEL EN NOUVELLE-CALÉDONIE" », INSPECTION GÉNÉRALE DES FINANCES, vol. N° 2022-M-072-02, , p. 19 (lire en ligne [PDF])