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L'Organisation de l'armée secrète, ou Organisation armée secrète, surtout connue par le sigle OAS, est une organisation terroriste clandestine française proche de l'extrême droite créée le 11 février 1961 pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle.
Un an après l'échec de la semaine des barricades, alors que le gouvernement français souhaite manifestement se désengager en Algérie, elle est créée à Madrid, lors d'une rencontre entre deux activistes importants, Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, ralliant par la suite des militaires de haut rang, notamment le général Raoul Salan.
Le sigle « OAS » fait volontairement référence à l’Armée secrète (AS) de la Résistance. Il apparaît sur les murs d'Alger le 16 mars 1961, et se répand ensuite en Algérie et en métropole, lié à divers slogans : « L'Algérie est française et le restera », « OAS vaincra », « l'OAS frappe où elle veut et quand elle veut », etc.
Sur le plan pratique, il ne s'agit pas d'une organisation centralisée unifiée ; d'une façon très générale, elle est divisée en trois branches plus ou moins indépendantes, parfois rivales : l'« OAS Madrid », l'« OAS Alger » et l'« OAS Métro »[2].
L'OAS est responsable de 1 700 à 2 200 morts, principalement en Algérie.
L'OAS se présente comme la manifestation la plus radicale de la volonté d'une partie de l'armée et de civils de conserver l'Algérie française, où vivaient un million d'habitants ayant le statut de citoyens français, et huit millions d'Algériens ayant un statut juridique différent. L'Algérie ayant alors le statut de département français, l'OAS voulait s'opposer par tous les moyens à la politique d'autodétermination mise en place par Charles de Gaulle à partir de la fin de l'année 1959.
Le général de Gaulle est arrivé au pouvoir en 1958, quelques jours après le putsch d'Alger du 13 mai 1958. Ses premières déclarations (« Je vous ai compris » le 4 juin 1958 à Alger et « Vive l'Algérie française » le 6 juin à Mostaganem) semblent porter les valeurs de l'Algérie française. Néanmoins, il ne manque pas d'annoncer à plusieurs occasions (à Alger, Oran, Constantine, Bône) « qu'il n'y a en Algérie que des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs »[3], signifiant de fait que le système colonial tel qu'il existait en Algérie ne pouvait plus être maintenu en l'état, et, après Mostaganem, il ne prononcera plus les mots d'« Algérie française »[4]. La mise en place du plan de Constantine (économique) en octobre 1958 et du plan Challe (militaire) en février 1959 indique la volonté du gouvernement de conserver une Algérie où la France joue un rôle actif et rassure provisoirement les Français d'Algérie. À plusieurs occasions au cours de l'année 1959, de Gaulle souligne le caractère propre de l'Algérie et que son avenir dépendra du vote de ses habitants[5], mais la plupart de ces déclarations ne suscitent guère de réactions. C'est le discours de De Gaulle du 16 septembre 1959[6] proposant l'autodétermination sur l'avenir de l'Algérie qui suscite la surprise dans tous les milieux, et la stupéfaction dans la population européenne d'Algérie. Ce discours ouvre trois possibilités : la francisation (un seul pays réunissant la France et l'Algérie et dont tous les citoyens ont les mêmes droits), l'autonomie (une fédération entre la France et l'Algérie), la sécession (conduisant à l'indépendance).
Pour la première fois, il ouvre la possibilité de l'indépendance de l'Algérie.
Le 15 octobre 1959, l'Assemblée nationale valide la politique d'autodétermination par 441 pour et 23 contre[7]. Mais pour ceux qui refusent cette politique, regroupant certains membres de la classe politique (Jacques Soustelle, Georges Bidault), ainsi qu'une partie de l'armée et des Français d'Algérie, c'est une trahison[8]. Le premier fait marquant de la révolte de la population française d'Algérie contre ce discours est la semaine des barricades d'Alger[9] du 24 janvier au 1er février 1960, une partie de l'armée, sans basculer du côté des insurgés, montre néanmoins son indulgence.
Au cours des mois qui suivent, plusieurs mutations mais aussi des procès visent des cadres de cette armée. C'est la mutation du colonel Bigeard, du général Challe, des colonels Godard, Broizat, Argoud, et le limogeage du général Faure, tandis que le colonel Gardes est traduit en justice. L'armée est dessaisie de certains de ses pouvoirs civils. Pierre Lagaillarde et Joseph Ortiz, inculpés, s'évadent en Espagne d'où l'OAS sera fondée[10]. Salan reçoit l'aide de Ramon Serrano Suñer, beau-frère du général Francisco Franco, durant les six mois de son séjour en Espagne franquiste[11].
Le 8 janvier 1961, le référendum sur l'autodétermination de l'Algérie est approuvé par 75 % des votants[12]. Pour les partisans de l'Algérie française, ce référendum annonce l'abandon de celle-ci.
En février 1961, un groupe, exilé à Madrid à la fin de l'année 1960 pour échapper au procès de la semaine des barricades, se forme autour du général Salan, de Pierre Lagaillarde et de Jean-Jacques Susini et crée l'OAS.
Le 22 avril 1961 se déroule le putsch des généraux à Alger, suivi par environ deux cents officiers. Néanmoins, la plupart des officiers supérieurs adopte une attitude attentiste[13] et la majorité de l'armée reste loyale au pouvoir métropolitain, entraînant l'échec du putsch en quelques jours. À la suite de cet échec, une bonne partie des insurgés ainsi que de nombreux civils désertent et rejoignent la lutte clandestine dans les rangs de l'OAS. La cassure est totale avec de Gaulle et il s'ensuit une véritable guerre entre les membres de l'OAS et l'État. De Gaulle utilisera contre l'OAS aussi bien la police que des groupes illégaux (les barbouzes), mais laissera l'armée en retrait car elle compte dans ses rangs de nombreux sympathisants à la cause « Algérie française » qui sont tentés de rejoindre l'Organisation[14]. Elle ne sera utilisée contre l'OAS qu'après la signature des accords d'Évian, au moment du siège de Bab El Oued, de l'épisode de la fusillade de la rue d'Isly et du maquis de l'Ouarsenis.
Les attentats de l'OAS viseront des personnalités politiques et administratives du gouvernement légal français, des intellectuels ou des organes de presse favorables à une négociation avec le FLN, en Algérie comme en métropole, ainsi que les musulmans soupçonnés de soutenir le FLN. Ses commandos prendront également pour cible les policiers, les enseignants, les fonctionnaires de l'administration fiscale, les commerçants musulmans[15]. Le but des attentats en métropole est de « renverser le régime » ; le général de Gaulle est lui-même victime de tentatives d'assassinat (comme celle de 1961 à Pont-sur Seine[16], l'objectif de ces opérations terroristes étant d'arrêter le processus qui allait conduire à la décolonisation de l'Algérie[17].
Les terroristes de l'OAS seront eux-mêmes pourchassés sans répit par les forces gaullistes.
Ses nombreux attentats, souvent aveugles, ne feront qu'aggraver son rejet par l'opinion publique, en Métropole.
Dès le printemps 1961, le commissaire Grassien, sous-directeur de la Police judiciaire (PJ), arrive en Algérie à la tête de quinze officiers. Mais les résultats sont limités, et le groupe regagne la métropole le 9 novembre 1961. Quelques semaines plus tard, le directeur de la PJ, Michel Hacq, les relaie, avec pas moins de deux cents inspecteurs, qui forment la Mission « C ». Ces policiers sont renforcés par un peloton de quinze gendarmes, dirigé par le capitaine Lacoste, et qui avait déjà combattu le Front de libération nationale (FLN). Ce sont ces gendarmes qui arrêtent le général Raoul Salan, le 20 avril 1962, grâce aux renseignements fournis par la Police judiciaire parisienne.
De son côté, le général Charles Feuvrier, chef de la Sécurité militaire (SM), fonde une structure spécifiquement chargée de la lutte anti-OAS en Algérie, la Division des missions et recherches. La Sécurité militaire était jugée peu sûre voire favorable aux idées OAS.
Ces forces officielles sont aidées par des agents de police parallèle, les « barbouzes » (dont le rôle secret et méconnu pourrait avoir été d'attirer l'attention de l'OAS afin que la Mission « C » puisse travailler sereinement et en profondeur[18], ainsi appelés en raison des postiches qu'ils étaient censés porter (le terme s'est ensuite appliqué à tous les agents secrets, réguliers ou non). Sans mandat officiel, les barbouzes sont recrutés dans divers milieux : des militants et sympathisants de mouvements gaullistes, des champions d'arts martiaux (Jim Alcheik [2], Raymond Buy Tré[Qui ?], etc.), des Vietnamiens ayant choisi la France pendant la guerre d'Indochine, des marginaux et des truands, comme Jean Augé et le proxénète Georges Boucheseiche[réf. nécessaire], ancien de la Gestapo française et par intermittence, des musulmans (sous la houlette du cheikh Zeknini et de ses fils). Ce recrutement, ainsi que l'acheminement vers l'Algérie, sont assurés par deux ardents partisans du général de Gaulle, Lucien Bitterlin, chef du Mouvement pour la communauté, et par Pierre Lemarchand. Les barbouzes sont chargés de faire du contre-terrorisme, c’est-à-dire des plasticages (à la place de la Sécurité militaire, qui ne pouvait elle-même commettre des attentats), de réaliser des interrogatoires, en collaboration étroite avec les forces de gendarmerie du colonel Debrosse (au cours desquels la torture est utilisée, selon les membres de l'OAS qui les ont subis[19], Mme Geneviève Salasc[20],[21], capitaine Noëlle Lucchetti[20], Mme Bonadé, Jean Hourdeaux, Charles Daudet, Albert Garcin, Rodenas, Ziano, etc.).
La branche de la mission « C » chargée du renseignement, le CRC (Centre de recherches et de coordination), parvient très rapidement à établir des listes de personnes susceptibles d'appartenir à l'OAS, et manipulant adroitement les barbouzes, remet dès janvier 1962 à Lucien Bitterlin, qui la fait transmettre au FLN par l'intermédiaire de Smaïl Madani, une première liste de membres de l'OAS (noms et pseudonymes, âges et adresses)[réf. nécessaire]. Selon l'historien Yves Courrière, c'est le FLN qui souhaite obtenir des armes auprès de Lucien Bitterlin. Celui-ci refuse mais réussit à se faire communiquer par ses interlocuteurs du FLN une liste de membres de l'OAS. Bitterlin la communique à la mission « C » qui se charge des arrestations[22]. Entre le 5 décembre 1961 et le 20 février 1962, la mission « C » procède ainsi à l'arrestation de 604 membres de l'OAS, dont 69 tueurs et 62 plastiqueurs[23]. Avec les accords d'Évian, le rapprochement s'opère directement entre mission « C » et FLN à Alger et à Oran, et quelques jours plus tard, une seconde liste de membres de l'OAS est remise à Si Azzedine, chef de la Zone autonome d'Alger. Après avoir démantelé en quelques mois l'OAS par l'arrestation de ses chefs, la mission « C » pense ainsi transmettre la basse besogne au FLN[réf. nécessaire]. Mais d'après l'historien Jean-Jacques Jordi « rapidement on s'est rendu compte que le FLN ne s'attaquait pas aux noms des listes des membres de l'OAS mais se servait de ces listes pour couvrir ses exactions »[24].
Les barbouzes ont été décimés par l'OAS, par des attaques récurrentes, notamment celle du nouvel an 1962 où deux des villas PC furent attaquées par plusieurs deltas équipés de lance-roquettes et surtout par l'explosion d'une machine à ronéotype (qui décimera la première équipe de barbouzes fin janvier 1962), livrée pourtant sous le sceau du secret mais piégée lors de son transit en douane. Puis lorsqu'une seconde équipe de barbouzes moins expérimentée est arrivée, par les attaques contre l'hôtel Rajah où elle se trouve et sa destruction. Le ministre de l'Intérieur Roger Frey jette alors l'éponge pour l'Algérie et fait rapatrier les quelques survivants le 8 mai 1962. Cependant, l'activité de barbouzes et les déplacements fréquents de Pierre Lemarchand entre l'Algérie et la métropole, sous une fausse identité, sont encore relevés fin mai[25]. Le Service d'action civique (SAC) a participé ensuite à la répression de l'OAS, mais de manière assez marginale[26]. En revanche, nombre de ces agents de police parallèle ont rejoint le SAC après 1962, notamment Augé (qui devient chef du SAC pour Lyon et sa région)[réf. nécessaire], ou Georges Boucheseiche[réf. nécessaire].
En métropole, la lutte contre l’organisation armée devient efficace en décembre 1961, avec la formation du Bureau de Liaison. Ce Bureau de Liaison regroupe tous les agents des forces de l’ordre chargés d’enquêter sur l’OAS et d’arrêter ses membres : PJ, DST, RG, Gendarmerie nationale, Sécurité militaire de métropole. Les chefs du bureau de liaison se réunissent tous les soirs et travaillent en contact direct avec le ministre de l'Intérieur Roger Frey, le conseiller de celui-ci chargé la lutte anti-OAS, Alexandre Sanguinetti, et le conseiller spécial de Michel Debré chargé de coordonner l'action des services secrets, Constantin Melnik. En avril 1962, l'éditorialiste Jean Grandmougin, favorable à l'Algérie française et compromis avec l'OAS, est licencié de Radio Luxembourg.
En 1962, un groupe de membres de l'OAS s'était réfugié à Profondeville (Belgique). Tous étaient partis moins d'une heure avant l'intervention de la Gendarmerie belge. De nombreuses armes avaient été retrouvées dans l'immeuble de la rue Antoine-Gémenne[réf. nécessaire].
Le 30 mars 1962 le général Salan par ailleurs chef de l'OAS, institue un « Conseil national de la Résistance »[27],[28] censé incarner « la légitimité française » devant « la carence, l’abandon et la trahison des hommes en place »[29]. Le comité exécutif du CNR comprend Georges Bidault ; Jacques Soustelle ; Antoine Argoud, responsable de l'OAS métropole[30] ; Pierre Sergent et Jean Brune[31]. Georges Bidault est nommé président de ce nouveau CNR.
Le CNR «perpétue le combat de l'Organisation armée secrète» selon l'historienne Sylvie Thénault[32].. En novembre 1962, le général Paul Gardy annonce « le ralliement sans réserve au CNR des éléments combattants de l'ancienne OAS Algérie » dans le journal Appel de la France. Le général Gardy est présenté comme vice-président du « Conseil National de la Résistance » dans le même mois[33].
C'est entre la mi-mai et la fin août 1961 que l'OAS d'Alger se structure, principalement sous la directive du colonel Godard pour les militaires, et Jean-Jacques Susini pour les civils. À Oran, l'OAS est chapeauté par le général Jouhaud. Le général Salan accepte de prendre la tête de l'organisation début septembre, à laquelle se rallie l'OAS de Madrid fin novembre. En métropole, se fonde en juin 1961, un réseau fondé par le capitaine Sergent, lié à l'OAS d'Alger, mais également d'autres groupes indépendants, l'un fondé par Jeune Nation, l'autre par le Maquis Résurrection Patrie de Marcel Bouyer. André Canal arrive également en métropole à la mi-décembre 1961 et mène ses propres actions indépendamment de celles de Pierre Sergent. De septembre à décembre 1961, l'OAS est en phase de montée en puissance. Mais l'État français est soutenu par l'opinion publique métropolitaine et la majorité des musulmans algériens, l'armée reste légitimiste et l'OAS ne parvient pas à obtenir de nouveaux ralliements. À partir de janvier 1962, elle se radicalise et se lance dans une insurrection armée[35].
Dans les mois précédant le cessez-le-feu, les attentats du FLN, comme ceux de l'OAS, se monteront à plusieurs centaines par mois. Après le cessez-le-feu, les attentats de l'OAS augmentent encore en intensité. Le FLN se livre davantage à l'enlèvement d'Européens, suivi de leur disparition[90].
La signature des accords d'Évian marque pour les Français d'Algérie une période de désillusion, d'abandon et de désespoir. La rupture avec l'armée se produit lors de la Fusillade de la rue d'Isly. L'OAS va tenter d'empêcher l'application des accords en multipliant les attentats et, ne parvenant pas à enrayer le départ de la population européenne d'Algérie, se lance dans une entreprise de destruction[92].
L'OAS est une nébuleuse de réseaux qui agissent indépendamment. Politiquement l'OAS est qualifiée de proche de l'extrême droite, notamment pour ses positions colonialistes et nationalistes. Parmi ses membres, on trouve des ex-pétainistes, des royalistes, d'anciens résistants, et des fils de républicains espagnols, des Juifs et des antisémites, des partisans d'une Algérie franco-musulmane fraternelle et d'autres d'une Algérie ségrégationniste. Leurs points communs sont de vouloir garder l'Algérie française et leur haine du général de Gaulle. Les militaires sont, pour leur part, motivés par la volonté d'être fidèles au combat engagé depuis 1955 et d’empêcher que leurs camarades soient morts pour rien[112][réf. à confirmer].
L'OAS est empreinte d'un anticommunisme obsessionnel : elle dénonce un « FLN communiste », instrument des puissances étrangères, et explique le fait que de Gaulle s’apprête à livrer l’Algérie au FLN par le fait qu'il serait lui-même devenu le fourrier du communisme[113]. Le colonel Jean Gardes fait ainsi distribuer un tract dans lequel de Gaulle est présenté comme un « agent de Moscou, entouré de laquais liés au monde de la haute finance de la franc-maçonnerie juive »[113]. Lors du procès de l'attentat du Petit-Clamart, Alain de La Tocnaye, numéro deux du commando, déclare : « Nous considérons que le général de Gaulle, depuis de longues années, favorise l’avènement d’un titisme en France, que, par sa politique de division, par son déterminisme marxiste et historique, il est une des causes de la décadence accélérée et du matérialisme étroit qui abêtissent notre pays… » Il ajoute que de Gaulle obéit à un « plan systématique » qui vise à rendre la France « marxisable »[113]. Jean Bastien-Thiry, commanditaire, dresse une opinion similaire : « Le chef de l'État professe lui-même […] des vues sur l’évolution historique qui sont très proches du marxisme »[113].
Selon l'historien Alain Ruscio :
« Plus que d’une idéologie, donc, on peut parler d’une répétition à l’infini de formules toutes faites, qui tenaient souvent lieu de pensée politique. Pour le passé : une idéalisation des relations pieds-noirs/musulmans, un tableau de l’« Algérie heureuse », déjà évoquée, avant que des terroristes ultra minoritaires, inspirés et armés par « l’étranger » (Moscou, Le Caire), profitant de la faiblesse des démocraties, ne viennent ruiner cette unité. Pour le présent : l’emploi très fréquent du mot « génocide » pour définir le sort des Français d’Algérie, des harkis, la dénonciation de la violence des autres et la justification de celle de l’OAS. Pour l’avenir : la certitude qu’il était encore possible d’inverser le cours des événements[113]. »
Parmi les travaux récents, l'historien français Rémi Kauffer estime que l'OAS a assassiné entre 1 700 et 2 000 personnes[81],[114]. Le journaliste américain Paul Hénissart cite lui une source officieuse selon laquelle le nombre de victimes assassinées en Algérie s'élève à 2 200[115],[116]. L'historien français Guy Pervillé, s'appuyant sur deux rapports des forces de l'ordre (l'un de la Sûreté nationale, l'autre du général Fourquet, commandant supérieur des troupes françaises), et considérant l'« escalade de la violence » entre le printemps et l'été 1962, estime que ce chiffre est peut-être inférieur à la réalité[117]. Jean-Louis Planche donne le nombre de 1 622 morts dont 239 Européens[118].
En mars 1993, un trio d'anciens de l'OAS assassine Jacques Roseau, lui-même ancien membre de l'OAS et président de l'association de rapatriés « Recours », faisant de lui la dernière victime de l'organisation[119].
L'OAS a elle aussi subi des pertes et officiellement 119 membres ont été tués. En 1962, 635 membres de l'OAS sont arrêtés. 224 sont ensuite jugés, dont 117 acquittés, cinquante-trois condamnés à une peine de prison avec sursis, trente-huit à une peine de prison ferme, trois sont condamnés à mort et fusillés (Roger Degueldre, Claude Piegts et Albert Dovecar) ; le lieutenant-colonel Bastien-Thiry est également passé par les armes. Son appartenance à l'OAS est sujette à discussion[120].
Jusqu'en 1965, les arrestations s'élèveront à dix mille personnes, et le nombre de condamnés à 3 680 (décompte de Rémi Kauffer, qui estime par ailleurs que les policiers, gendarmes, militaires et barbouzes ont tué plusieurs centaines de Français d'Algérie durant la guerre)[81]. Plusieurs membres de l'OAS se sont réfugiés à l'étranger, notamment en Espagne, au Portugal et en Amérique du Sud. Plusieurs sont condamnés à mort par contumace (Joseph Ortiz, le colonel Château-Jobert, André Rossfelder[121], le colonel Arnaud de Seze, le colonel Yves Godard, les capitaines Pierre Sergent et Jean Biraud), la peine de mort pour motif politique, abolie depuis 1848, ayant été rétablie par ordonnance du 4 juin 1960.
En ce qui concerne les seuls officiers de l'armée française membres ou sympathisants OAS, environ 490 ont été condamnés à de la prison, 530 rayés des cadres, 1 300 démissionnent.
La première amnistie date du 17 décembre 1964 et concerne les « événements » d'Algérie. Le 21 décembre 1964, les prisonniers condamnés à des peines inférieures à quinze ans de détention (soit 173 anciens membres de l'OAS) sont libérés par grâce présidentielle. D'autres mesures de grâce sont prises à Noël 1965[122]. En mars 1966, une centaine de condamnés sont graciés et, le 17 juin 1966, une seconde loi d'amnistie efface les condamnations des condamnés libérés. Le général Jouhaud, condamné à mort le 13 avril 1962, passe 235 jours dans une cellule de condamné à mort, sa peine est commuée en perpétuité, il est libéré en décembre 1967. En 1968, des anciens de l'OAS rencontrent Jacques Foccart pour lui proposer leur ralliement au régime gaulliste contre la « chienlit », et demander l'amnistie intégrale des membres de l'organisation encore incarcérés, ce qu'ils obtiendront le 7 juin 1968 après les événements de Mai 68 : le gouvernement, craignant un coup de force des communistes, efface toutes les sanctions disciplinaires et professionnelles et réintègre les amnistiés dans leurs droits, pensions et décorations[123]. Cette amnistie est promise par de Gaulle à Massu, lors de sa visite à Baden Baden. En juillet 1974, une amnistie complémentaire efface d'autres condamnations pénales, autorisant ainsi la réintégration de cadres de l'OAS dans la vie politique française notamment par l'intermédiaire des Républicains indépendants de Valéry Giscard d'Estaing, ce qui permet à certains comme Pierre Sergent de devenir députés. Dans le cadre de l'élection présidentielle française de 1981, des négociations sont menées par des proches du candidat François Mitterrand avec les pieds-noirs. Sollicité discrètement par les dirigeants de l'association de rapatriés le RECOURS, le général Salan accepte d'appeler à voter Mitterrand. Le 3 décembre 1982, les officiers survivants sont réintégrés dans les cadres de l'armée par une nouvelle amnistie (loi du 24 novembre 1982), à l'exclusion des officiers généraux[124]. En 1987, une loi sur les rapatriés amnistie les dernières condamnations encore effectives[125].
Seule une partie des membres de l'OAS est connue, car arrêtés ou identifiés, mais leur nombre est supérieur à ces seules listes. On estime que l'OAS a compté environ 1 000 à 1 500 membres actifs, dont 500 dans l'Ouest algérien, 200 en métropole et une vingtaine en Espagne. Les civils auraient représenté environ les deux tiers des effectifs, le dernier tiers étant constitué de militaires, pour la plupart engagés, sous-officiers et officiers.
Parmi les militaires, on trouve surtout des soldats d'élite comme des légionnaires ou des parachutistes, fort peu de marins. L'état d'esprit des militaires ayant rejoint le mouvement est résumé dans la déclaration du commandant Hélie Denoix de Saint Marc à son procès[126] : maintien de la souveraineté de la France, lutte contre le communisme, volonté que tous les morts ne l'aient pas été pour rien, respect de la promesse donnée aux populations indigènes ralliées à la France.
Le Tribunal de l’ordre public (TOP), qui fut créé le 19 mars 1962 et supprimé le 29 juin 1962, devait réprimer tous les « faits susceptibles de porter atteinte au rétablissement de la paix publique ». C’est à travers les documents qui ont résulté des arrestations réalisées sous les ordres du TOP que nous avons le profil de l’exécutant de violences typique de cette période[127].
Parmi les civils, on dénombre surtout des employés, cadres moyens, commerçants, artisans, peu de cadres supérieurs ou professions libérales. Le secteur agricole est peu concerné[127]. L'organisation compte une minorité de femmes, surtout affectées au transport de courrier et de fonds[128].
La participation des civils devient plus importante postérieurement aux Accords d’Évian, dans la perspective de la fin éventuelle de l’Algérie française. Le ralentissement de l’économie à partir de la conclusion des accords rend plus attractif le salaire parfois offert pour des tâches différentes (entre 200 et 500 NF)[127].
En ce qui concerne la sensibilité politique de ses membres, Guy Pervillé y distingue trois courants principaux[129] : un courant néo-fasciste inspiré par Jeune Nation, un courant traditionaliste proche du mouvement poujadiste ou de l'hebdomadaire Rivarol, mais parfois aussi du traditionalisme catholique, et enfin un courant nationaliste. Il serait cependant réducteur de considérer l'OAS simplement comme une organisation d'extrême droite. Parmi ses membres d'un certain âge, on comptait de nombreux anciens résistants (parmi les plus connus, on peut citer Jacques Soustelle, Raoul Salan, Pierre Chateau-Jobert, Yves Godard, Pierre Sergent, Jacques Achard)[130]. L'OAS recrute dans des milieux sociaux très divers, notamment dans le faubourg populaire de Bab-el-Oued réputé voter communiste avant la guerre. Mais la provenance diverse de ses membres limitait l'action de l'OAS au seul maintien de l'Algérie française et au rejet de la politique du général de Gaulle, sans qu'un programme politique puisse définir l'avenir de l'Algérie.
Général Raoul Salan
Général Paul Gardy (Adjoint Colonel Yves Godard)
Général Edmond Jouhaud (Adjoints Commandant Julien Camelin, Lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume)
Les attentats du FLN touchent également les synagogues et les rabbins : en janvier 1962, le FLN commet des attentats dans le quartier juif de Mostaganem ; une grenade est lancée sur un marché du quartier juif de Constantine en mai ; etc.
Durant cette période, la communauté juive s'oriente d'une manière générale vers une position de neutralité. Les organisations communautaires font preuve d'une extrême modération et refusent de prendre politiquement position ; pourtant certains de leurs membres s'engagent au sein de l'OAS, de manière individuelle comme Jean Ghenassia qui deviendra le lieutenant de Joseph Ortiz (selon Emmanuel Ratier)[139], ou collectivement comme à Alger, à Oran et à Constantine où ils seront particulièrement actifs. En fait, une branche juive de l’OAS fut organisée : Organisation de l’armée secrète juive (OASJ), malgré l’opposition de l’aile maurrassienne de l’organisation mère[140].
Regroupés au sein des « Commandos Colline », ces groupes sont liés aux réseaux France Résurrection conduits par Elie Azoulai et Ben Attar. Ils assassineront certains élus musulmans, essaieront de mettre le feu à la prison où sont détenus des hommes du FLN, et abattront des officiers français, comme le lieutenant-colonel Pierre Rançon, chef du 2e Bureau d'Oran, chargé de la lutte anti-OAS[141].
L'OAS avait lancé un appel aux français-musulmans pour combattre auprès d'eux, contre le FLN[142]. En 1962, on dénombre au moins deux musulmans parmi les jeunes dirigeants de l'OAS[143].
En 1963, Bachaga Boualam explique ainsi l'engagement de nombreux musulmans au sein de l'OAS : « Même au moment où tout était perdu, il y avait dans le cœur de certains Musulmans l'immense espoir que les chefs militaires prestigieux qui avaient été à la tête de l'Armée française et qui avaient pris la tête de l'armée secrète parviennent à la victoire. J'ai le devoir d'écrire que si de nombreux Musulmans, beaucoup plus nombreux qu'on ne le dit, se sont embarqués sur cette galère qu'ils soient du MNA ou de l'Algérie française, c'est qu'ils voyaient dans l'OAS une planche de salut, leur dernière avant de s'avouer vaincus, avant de dire définitivement, nous avons été trahis »[144].
La mouvance nationale-révolutionnaire (ou NR) en France apparaît dès la chute de l'Algérie française[145]. Selon Nicolas Lebourg: « Issus du combat colonialiste, les cadres NR se sont convertis à l’anti-impérialisme et sont entrés en contact avec les régimes révolutionnaires du monde arabe – Libye, Irak et Syrie en particulier. À partir de 1967, ils ont adopté le discours d’origine soviétique d’assimilation du sionisme au colonialisme et au nazisme. Ils l’ont orienté afin de le mettre en symbiose avec leur dénonciation du pacte de colonisation de l’Europe qu’eût été le sommet de Yalta. Dès 1968, leur presse conspue « le mondialisme » d’un capitalisme homogénéisant les peuples (métissage par l’immigration) et cultures (impérialisme culturel américain et « colonisation » de l’Europe par les immigrés)[146]. »
L'OAS a cessé ses activités en 1965. Bien que le groupe ait disparu au cours des années 1960, deux groupuscules se réclamant héritiers de l'OAS sont apparus brièvement en 2017. L'un d'eux comportait une dizaine d'individus, l'autre était constitué d'un unique adolescent. Ils ne sont donc pas comparables à une renaissance de leur modèle.
En octobre 2017, le premier groupuscule qui se faisait appeler OAS, constitué de huit personnes dont trois mineurs, « projetait des attentats sans préparation concrète contre des hommes politiques pendant la campagne présidentielle »[147].
Le second groupuscule était constitué d'un unique mineur isolé se faisant passer pour un commando nommé « CDPPF » ou « OAS 26 septembre ». Il s'est rendu à la police le 29 janvier 2018 après plusieurs agressions racistes au marteau et deux tentatives d'incendie contre l'université de Bourgogne entre-autres[148]. Il a été condamné à dix ans de prison ferme le 20 mai 2021[149].
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