La Série noire est fondée en par Marcel Duhamel chez Gallimard[1]. Dans un éditorial de 1948, il prévenait ainsi le lecteur :
« Que le lecteur non prévenu se méfie : les volumes de la Série noire ne peuvent pas sans danger être mis entre toutes les mains. L'amateur d'énigmes à la Sherlock Holmes n'y trouvera pas souvent son compte [...] On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu'ils poursuivent. Le détective sympathique ne résout pas toujours le mystère. Parfois, il n'y a pas de mystère. Et quelquefois pas de détective du tout...Mais alors. Alors, il reste de l'action, de l'angoisse, de la violence[2]. »
Dès 1948, elle se distingue par une esthétique particulière (pochette cartonnée noire et jaune avec une jaquette noire avec liseré blanc) qui va faire beaucoup pour la notoriété de la collection. Le nom de la collection a été inventé par Jacques Prévert.
Mais sa grande force est la révélation (pour le public français) de très nombreux auteurs et d'une nouvelle forme de littérature policière, plongée dans la réalité de la rue, côtoyant malfrats, truands et tueurs.
De à , la collection est dirigée par Aurélien Masson. Il publie les livres en grand format, gardant l'esprit de la dernière version des semi-poches (photo en noir et blanc, typographie en jaune), mais fait disparaître la fameuse numérotation. Les tirages sont moins importants et leur prix plus élevé. Du côté des Français, Aurélien Masson a gardé Caryl Férey et Patrick Pécherot et a ensuite promu une nouvelle génération d'auteurs tels DOA, Antoine Chainas, Elsa Marpeau, Frédéric Jaccaud et Benoît Minville.
Des amateurs de petite bibliophilie recherchent pour leur collection les volumes antérieurs à 1950 en première édition de la Série noire dont l'auteur est célèbre.[réf. nécessaire]
Chronologie
1945 : octobre, parution des deux premiers titres de la Série noire : La Môme Vert-de-gris et Cet homme est dangereux de Peter Cheyney qui paradoxalement est anglais.
1948 : à partir de juillet, la Série noire publie deux ouvrages par mois. Parution du 1er titre de Raymond Chandler, La Dame du lac, traduit par Boris et Michèle Vian, et d'Adieu, ma jolie du même auteur.
1949 : Horace McCoyAdieu la vie, adieu l'amour.... La Série noire accueille son premier auteur français, Serge Arcouët, qui publie La Mort et l'Ange sous le pseudonyme américanisant de Terry Stewart. Octobre : Marcel Duhamel lance la Série blême, sous jaquette verte, consacrée à l'angoisse et au suspense. Premier titre paru : J'ai épousé une ombre de William Irish.
1959 : fin d'une époque et début d'une tendance. Parution du dernier titre de Raymond Chandler, Charades pour écroulés, et du premier titre de la série Western, Le Desperado de Clifton Adams.
1984 : Nous avons brûlé une sainte, de Jean-Bernard Pouy. Une nouvelle couverture illustrée, cette fois en couleurs, est inaugurée par le no 1942, C'est du délire..., de Fredric Neuman.
1992 : janvier, retour à l'ancienne couverture et à l'ancien format. Premiers titres parus sous la nouvelle présentation : Pirana matador de Jean-Hugues Oppel (no 2287) et Cosmix Banditos d'A.C. Weisbecker (no 2288).
1995 : cinquantenaire de la Série noire. Une nouvelle couverture est adoptée.
2005 : Grand format non numéroté
Le manifeste de la « Série noire »
En 1948, Marcel Duhamel écrit ce qui restera longtemps « le manifeste de la « Série noire » ». Après plus de cinquante ans, ce texte reste d'une rare actualité.
« Que le lecteur non prévenu se méfie : les volumes de la « Série noire » ne peuvent pas sans danger être mis entre toutes les mains. L'amateur d'énigmes à la Sherlock Holmes n'y trouvera pas souvent son compte. L'optimiste systématique non plus. L'immoralité admise en général dans ce genre d'ouvrages uniquement pour servir de repoussoir à la moralité conventionnelle, y est chez elle tout autant que les beaux sentiments, voire de l'amoralité tout court. L'esprit en est rarement conformiste. On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu'ils poursuivent. Le détective sympathique ne résout pas toujours le mystère. Parfois il n'y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout. Mais alors ?... Alors il reste de l'action, de l'angoisse, de la violence — sous toutes ses formes et particulièrement les plus honnies — du tabassage et du massacre. Comme dans les bons films, les états d'âmes se traduisent par des gestes, et les lecteurs friands de littérature introspective devront se livrer à la gymnastique inverse. Il y a aussi de l'amour — préférablement bestial — de la passion désordonnée, de la haine sans merci, tous les sentiments qui, dans une société policée, ne sont censés avoir cours que tout à fait exceptionnellement, mais qui sont parfois exprimés dans une langue fort peu académique mais où domine toujours, rose ou noir, l'humour. À l'amateur de sensations fortes, je conseille donc vivement la réconfortante lecture de ces ouvrages, dût-il me traîner dans la boue après coup. En choisissant au hasard, il tombera vraisemblablement sur une nuit blanche. »[5]
1955 : Parution du seul et unique catalogue de la Série noire.
1959 : Parution de À pâlir la nuit (no 477), premier roman de la Série noire signé Carter Brown, l'auteur le plus traduit et le plus présent dans la collection avec 121 titres.
1970 : 1er auteur d'une langue autre que l'anglais ou le français publié dans la collection : le suédoisSven Sörmark, avec son roman Ne réveillez pas Marie ! (no 1325).
1985 : La Bête et la Belle de Thierry Jonquet est le no 2000 de la collection.
1974 : Le roman Tous à l'égout ! (no 1668) de Robert Pollock inspire le "casse du siècle" à Albert Spaggiari qui parvient à vider les coffres de la Société Générale à Nice en juillet 1976[réf. nécessaire]. Quelques années plus tard, en 1979, José Giovanni réalise un film sur le sujet, Les Égouts du paradis.
2005 : Le Dernier Coup de Kenyatta de Donald Goines est le dernier titre numéroté de la collection (no 2743).
2005 : King Bongo de Thomas Sanchez est le premier titre non numéroté de la collection qui troque du même coup le format poche, adopté depuis ses débuts, pour le grand format.
La collection a publié plus de 3 200 titres et son format a varié au cours du temps.
Hors série
Le Livre de cuisine de la Série noire / Arlette Lauterbach et Alain Raybaud ; préf. Patrick Raynal ; ill. Jochen Gerner. Paris : Gallimard, 1999, 319 p. (Série noire). (ISBN2-07-049876-X)
Le Livre des alcools de la Série noire / Arlette Lauterbach et Patrick Raynal ; préf. Jean-Marie Laclavetine ; ill. Joëlle Jolivet. Paris : Gallimard, 2001, 279 p. (Série noire). (ISBN2-07-076342-0)
Collections satellites & hommages
Chez le même éditeur
Série blême : lancée en par Marcel Duhamel, cette collection, sous jaquette verte, est consacrée à l'angoisse et au suspense. Premier titre paru : J'ai épousé une ombre de William Irish. La collection s'arrête avec le 22e titre en 1951.
Futuropolis Gallimard Série noire : 4 titres publiés de 1991 à 1992, collection dirigée par Étienne Robial reprenant des Séries noires en y ajoutant des illustrations originales en noir et blanc.
La Noire : collection de romans en grand format, créée par Patrick Raynal à l'image de la Collection Blanche. Cette collection lancée en 1997 s'arrête en 2005 avec le passage en grand format de la « Série noire ».
Folio policier : lancée en par les Editions Gallimard pour ouvrir le genre à un public plus large via la notoriété de la marque Folio, dirigée depuis par Lionel Besnier, Folio Policier a d'abord puisé dans le fonds historique de la Série noire pour ensuite s'ouvrir à d'autres influences et d'autres maisons d'éditions, le tout afin de constituer un catalogue riche à ce jour de plus de 700 titres. Ce panorama du genre permet, via la proposition de thrillers, de polars historiques, romans noirs, d'enquêtes, de classiques, d'auteurs en devenir, de romans atypiques, hard-boiled ou satiriques, de croiser des auteurs tels qu'Ian Rankin, Chandler, Hammett, Daeninckx, Amila, Himes, Jonquet, Lansdale, Palahniuk, Simenon, Nesbo, Doa, Caryl Férey, Chainas ou Marcus Malte.
Série grise aux Éditions Baleine (19 titres : 2000-2002), collection dirigée par Jean-Bernard Pouy. Cette collection de polars visait un lectorat de personnes âgées avec des textes courts publiés en gros caractère, estampillés de 72 à 83 ans ou autres âges suivant l’âge des héros de l’histoire.
Souris noire et Rat noir aux Éditions Syros, collections de romans noirs pour la jeunesse.
Notes
↑Gallimard avait déjà touché au roman policier avant la Seconde Guerre mondiale, avec les collections « Détective » et « Le Scarabée d'or », mais ces collections n'avaient vécu que quelques années.
↑Cité par Franck Lhomeau, Les débuts de la Série noire (1995).
Claude Mesplède et Jean-Jacques Schleret. Voyage au bout de la noire : inventaire de 732 auteurs et de leurs œuvres publiés en Séries Noire et Blême (Futuropolis, 1982, Trophée 813 Prix Maurice Renault 1983)
Claude Mesplède, Les années « Série noire » : bibliographie critique d'une collection policière, vol. 1 : 1945-1959, Amiens, Editions Encrage, coll. « Travaux » (no 13), (ISBN978-2-906389-34-2)
Claude Mesplède. Les Années Série Noire vol.2 (1959-1966) (sous la dir.) (Encrage “ Travaux ” no 17, 1993)
Claude Mesplède, Les Années Série Noire vol.4 (1972-1982) (sous la dir.) (Encrage “ Travaux ” no 25, 1995)
Claude Mesplède. Les Années Série noire vol.5 (1982-1995), (sous la dir.) Encrage « Travaux » no 36, 2000
Jean-Noël Mouret. 50 ans de Série noire Gallimard 1945-1995. Brochure réalisée par la Fnac, 1995, 12 p.
Pierre Giraud et Pierre Ditalia. L'Argot de la « Série noire ». vol. 1, L'argot des traducteurs, Nantes : Joseph K., 1996, 378 p. (ISBN2-910686-06-X)
Claude Mesplède et Jean-Jacques SchleretLes Auteurs de la Série Noire 1945-1995 (éd. rev. et augm. de Voyage au bout de la noire) (Joseph K. “ Temps noir ”, 1996, Trophée 813 Prix Maurice Renault 1997)
Claude Mesplède. Les Années Série Noire vol.5 (1982-1995) (Encrage “ Travaux ” no 36, 2000)