Lorsque la série Monk s’achève en 2009, Tony Shalhoub fait un retour remarqué sur les planches en jouant à Broadway dans les pièces Golden Boy (2012-2013), Act One (2014) et The Band’s Visit (2017-2018) pour laquelle il remporte le Tony Award du meilleur acteur dans une comédie musicale en 2018. Il continue également à doubler le personnage de Luigi dans Cars 2 (2011) et Cars 3 (2017), ainsi que le personnage de Splinter dans Ninja Turtles (2014) et Ninja Turtles 2 (2016). De 2017 à 2023, il tient à nouveau un rôle récurrent dans une série comique intitulée Mme Maisel, femme fabuleuse pour lequel il a remporté un Primetime Emmy Award en 2019.
Marié à l’actrice Brooke Adams depuis 1992, il a réalisé avec elle un long métrage intitulé Made-Up en 2002 et assume régulièrement les fonctions de producteur. Personnalité engagée en faveur du parti démocrate, il participe à une meilleure intégration des Arabo-Américains dans l’industrie cinématographique hollywoodienne, notamment en raison de ses origines libanaises.
Biographie
Jeunesse et débuts au théâtre (1953-1985)
Tony Shalhoub est d’origine libanaise[1]. Son père Joseph, orphelin à l’âge de huit ans, immigre aux États-Unis en en passant par Ellis Island[1],[2]. Après sa naturalisation américaine, il réussit à trouver un emploi comme transporteur et vendeur de viande dans le Wisconsin[1],[2]. Il se marie ensuite à Helen et fondent ensemble une famille à Green Bay, où Anthony naît le . Leur quatrième garçon grandit au milieu d’une fratrie de dix enfants[1],[3],[4]. « J’étais naturellement disposé à me donner en spectacle », se souvient l’acteur. « Lorsque mes frères et sœurs rentraient de l’école, je courais à l’étage de la maison où ils dormaient pour les réveiller et leur jouer des sketchs de pacotille que j’avais inventés ou que j’avais vus à la télé[1]. » Sa grande sœur Susan lui fait vivre sa première expérience de théâtre à six ans en le faisant participer à une représentation de la comédie musicaleLe Roi et moi dans son lycée[1],[5]. « J’ai toujours rêvé de devenir comédien. J’ai grandi dans une toute petite ville et il n’y avait aucune chance de pouvoir monter sur les planches ou d’être « découvert » comme acteur. Alors j’ai cherché autour de moi comment progresser dans cette voie », raconte Tony Shalhoub[6].
Une fois sa scolarité au lycée terminée, il entre à l’université du Wisconsin à Green Bay[7]. Grâce à un programme d’échange, il étudie le théâtre à l’université du Maine du Sud à Portland et en sort diplômé en 1977[7],[8]. Il parvient ensuite à intégrer l’école d’art de l’université Yale à New Haven[7]. « Même si j’aimais le théâtre, je ne pensais pas vraiment pouvoir y faire carrière », déclare-t-il. « J’imaginais que je deviendrais peut-être professeur ou quelque chose comme ça. Mais à l’école d’art dramatique, j’entrais véritablement dans l’univers du conservatoire. […] Je me suis alors retrouvé face à des gens qui avaient choisi d’en faire leur métier et j’ai commencé à croire que je pouvais moi aussi le faire[9]. » À partir de 1977, encore étudiant, il participe à sept productions pour le théâtre du répertoire de Yale, puis rejoint en 1980 la compagnie professionnelle de l’American Repertory Theater à Cambridge pendant quatre saisons[1],[10]. Il joue notamment dans Les Trois Sœurs mis en scène par Andrei Șerban en 1982, En attendant Godot et Mesure pour mesure mis en scène par Andrei Belgrader en 1983, L’École de la médisance mis en scène par Jonathan Miller en 1983 et Six personnages en quête d’auteur mis en scène par Robert Brustein en 1984[10]. L’année suivante, il part à New York et fait ses débuts à Broadway dans la pièce The Odd Couple mise en scène par Gene Saks avec Rita Moreno et Sally Struthers[1],[11]. La carrière de Tony Shalhoub est désormais lancée.
Une place à la télévision et au cinéma (1986-2002)
Un habitué des sitcoms : Wings et Stark Raving Mad
L’acteur est repéré pour jouer plusieurs rôles à la télévision, notamment un terroriste dans un épisode de la série Equalizer en 1986[12]. Mais le fait que ses origines arabes soient utilisées pour des personnages plutôt caricaturaux ne l’enchante guère : « Je l’ai fait une fois, et une fois était déjà bien assez », dit-il en 2007[12]. Au cours des années 1980, il participe également à de nombreux téléfilms comme Day One de Joseph Sargent où il interprète Enrico Fermi, un physicienitalien à l’origine du premier réacteur nucléaire[10],[13]. À partir de 1991, Tony Shalhoub pratique l’accent italien pendant six ans au sein de la sitcomWings où il interprète le conducteur de taxi Antonio Scarpacci, un personnage « [qui] voudrait être cool et branché afin d’appartenir au monde de Joe (Tim Daly) et Brian (Steven Weber), mais qui n’y arrive pas vraiment. Je crois plutôt qu’il montre aux autres que leurs vies ne sont pas si mauvaises que ça », déclare Tony Shalhoub à propos de ce rôle qui le fait pour la première fois connaître du grand public[14]. Au bout de six saisons, il annonce son départ de la série diffusée sur NBC pour se consacrer à de nouveaux projets, deux ans après avoir participé en guest-star à l’épisode Ombre mortelle de X-Files[15],[16].
En 1999, il tient de nouveau un rôle récurrent à la télévision dans la série Stark Raving Mad, toujours sur la chaîne NBC. Tony Shalhoub interprète cette fois un auteur de romans d’horreur dont le caractère est complètement incompatible avec celui de son éditeur, joué par Neil Patrick Harris, débouchant ainsi sur des situations comiques[17]. La sitcom connaît de bonnes audiences, se classant à la 15e place des meilleurs programmes télévisés américains de l’époque, et remporte même le People’s Choice Award de la nouvelle série de comédie préférée du public[18],[19]. Pourtant, la production est arrêtée au bout de vingt-deux épisodes[20]. Un chroniqueur de Variety écrit : « Harris et Shalhoub sont tous les deux des interprètes très talentueux et charismatiques. Mais il semblerait qu’ils aient besoin de briller autre part[17]. » Les portes du cinéma se sont justement ouvertes pour le principal intéressé.
Un acteur récurrent chez les frères Coen et Stanley Tucci
Tony Shalhoub obtient son premier rôle au cinéma en 1986 dans La Brûlure de Mike Nichols avec Meryl Streep et Jack Nicholson. « J’ai dit à absolument tout le monde que j’étais dans ce film », explique l’acteur à Stephen Colbert en 2018[21]. Mais le réalisateur décide finalement de couper ses scènes au montage et celui-ci apparaît seulement comme figurant dans un avion[21]. Tony Shalhoub a plus de chance avec ses films suivants, notamment Hold-up à New York en 1990. Il y donne la réplique à Bill Murray dans une scène en taxi où il a dû inventer ses propres dialogues pour qu’ils ressemblent à « une sorte de charabia »[22]. Par la suite, ses premiers rôles marquants lui sont offerts par les frères Joel et Ethan Coen : celui de Ben Geisler dans Barton Fink, Palme d’or au Festival de Cannes en 1991, puis celui de Freddy Riedenschneider dix ans plus tard dans The Barber[23]. Pour ce rôle d’avocat dans la Californie des années 1940, certains critiques américains pressentent une nomination de l’acteur aux Oscars[23],[24]. Celle-ci n’aura pas lieu, mais Tony Shalhoub se veut malgré tout reconnaissant envers les deux réalisateurs[24].
« Pour moi, il n’y a rien de plus spécial que le théâtre. Même si j’apprécie toujours mes rôles à l’écran, la scène constitue une vraie récompense », déclare-t-il dans une interview en 1995[14]. En effet, six ans plus tôt, c’est en remplaçant Peter Friedman dans la pièce The Heidi Chronicles de Wendy Wasserstein, mise en scène par Daniel Sullivan à Broadway, qu’il fait la rencontre de sa future femme : l’actrice Brooke Adams[11],[37]. Plus tard, en 1992, il partage la scène avec Judd Hirsch dans Conversations with My Father de Herb Gardner[11]. En jouant Charlie, le fils d’un immigré juif d’origine russe ayant essayé de s’intégrer à Manhattan, Tony Shalhoub est nommé pour le Tony Award du meilleur second rôle dans une pièce[38]. Après ce succès, il quitte temporairement le théâtre de Broadway pour jouer The Old Neighborhood de David Mamet avec sa femme Brooke au théâtre Hasty Pudding en 1997, puis En attendant Godot de Samuel Beckett pour les cinquante ans de la pièce avec John Turturro et Christopher Lloyd au Classic Stage Company en 1998[10],[39]. Mais malgré sa passion pour la scène, c’est à la télévision que Tony Shalhoub va rencontrer son plus important succès.
Au départ, la production pense à l’acteur Michael Richards pour jouer le rôle-titre, puis elle choisit finalement Tony Shalhoub[40]. David Hoberman déclare : « On a toujours pensé que Tony serait super car on savait qu’il l’interpréterait de façon subtile et réaliste alors que beaucoup d’acteurs l’auraient interprété de façon exagérée. Ce n’était pas le genre de comédie qu’on voulait faire[40]. » En effet, comme le fait remarquer l’acteur, Monk est un « équilibre entre le drame et la comédie » et c’est pour cela qu’il ne voulait pas jouer un personnage de détective caricatural : « Ce qui m’intéressait le plus, indique Tony Shalhoub, c’était l’idée de prendre un genre reconnaissable, familier, et d’apporter quelque chose de nouveau. Le personnage de Monk est un détective, ce qu’on a bien sûr déjà vu, mais c’est une sorte de héros improbable[6],[40]. »
La série est diffusée pendant huit saisons entre 2002 et 2009 sur la chaîne américaine USA Network et devient l’une des meilleures séries de l’histoire de la télévision câblée aux États-Unis[43],[44]. Elle rassemble notamment plus de neuf millions de téléspectateurs pour son dernier épisode le [45]. La série connaît également un succès public en Allemagne, Australie, Chine, Islande et Japon[6],[46]. En France, Monk est diffusée sur TF1 et rencontre également une forte audience[6],[47]. Les critiques sont dithyrambiques envers son acteur principal : pour Le Monde, il est « l’un des héros les plus surprenants et les plus attachants de séries policières. Antithèse du flic habituel, il s’apparente plutôt à un Rain Man qui aurait enfilé l’imperméable de l’inspecteur Columbo et coiffé le chapeau de Sherlock Holmes », tandis que Libération note « la révélation d’un personnage très fort, remarquablement interprété par Tony Shalhoub »[47],[48]. En 2019, son rôle est devenu définitivement « culte » selon France Inter[49].
Tony Shalhoub interviewé par Rick Sanchez sur CNN à propos du film AmericanEast d’Hesham Issawi en 2007. (Compte officiel de Sayed Badreya sur YouTube)
Tony Shalhoub se lance lui aussi dans la réalisation en 2002 avec le long métrage Made-Up. « J’aime faire des choses différentes de celles que j’ai déjà essayées », dit-il dans une interview en 2004[61]. Ce film indépendant est une mise en abyme du monde du cinéma sous la forme d’un faux documentaire[37]. Il s’intéresse à une actrice nommée Elizabeth ayant atteint la cinquantaine et qui espère pouvoir toujours rester jeune[62]. La production se fait en famille avec sa femme Brooke et sa belle-sœur Lynne comme actrices principales, et son neveu Michael Matzdorff comme monteur[61]. Tony Shalhoub joue également dans le film avec sa sœur Susan et son frère Michael, mais aussi Gary Sinise[61],[62]. Made-Up reçoit un accueil favorable en festival, recevant le prix du public au SXSW Film Festival[63]. Toutefois, les critiques sont mitigées. The New York Times pense qu’il s’agit « davantage d’un film fait maison que d’une comédie subtile et complexe sur le thème de la vanité[64]. » Cependant, le magazine Rolling Stone estime que « le réalisateur Tony Shalhoub est tout aussi lumineux et nuancé que l’acteur. Son don pour le rire grinçant […] fait de Made-Up une œuvre caustique et désopilante[62]. » Lors d’une conférence à l’école d’art dramatique de l’université du Sud de la Californie en 2016, Tony Shalhoub donne son point de vue sur le métier de réalisateur et sur le travail d’improvisation : « La clé pour mettre en scène – si cela est possible bien évidemment – est d’avoir la patience de laisser les événements arriver naturellement et de les faire entrer dans le jeu du comédien. Mais personnellement, j’ai du mal à me départir de la direction d’acteur[65]. » Même s’il a apprécié cette expérience, sa passion reste la scène, et tout particulièrement le théâtre[61]. En 2007, il est justement à l’affiche de la pièce off-Broadway intitulée The Scene, une comédie noire avec Anna Camp et Patricia Heaton[66].
Sa carrière se diversifie encore lorsqu’il devient le doubleur du personnage de Luigi à partir de 2006. Cette voiture anthropomorphe, vendeuse de pneus, apparaît pour la première fois dans le film d’animationCars, réalisé par les studios Pixar[67]. Elle permet à l’acteur de retravailler son accent italien puisque Luigi est une Fiat 500[68]. « Je me sens vraiment relié à ce personnage. […] Il est toujours excité et impatient », déclare Tony Shalhoub alors qu’il enregistre sa voix pour une attraction du parc Disney California Adventure en 2016[69]. Il participe au doublage des deux autres volets de la trilogie en 2011 et 2017, ainsi qu’à la série et aux jeux vidéo dérivés[59]. En 2008, il met à nouveau sa voix à contribution pour la lecture de The Cricket in Times Square, un livre pour enfants de George Selden publié en 1960[70]. Sa performance de narrateur lui vaut une nomination pour le Grammy Award du meilleur livre audio pour enfants[71]. Après la fin de la série Monk et ces différentes expériences artistiques, Tony Shalhoub décide de se consacrer pleinement au théâtre et son retour s’annonce fructueux.
De Broadway à Amazon Studios (2010-2023)
La reconnaissance au théâtre : Golden Boy, Act One et The Band’s Visit
Il foule à nouveau les planches du théâtre de Broadway en 2010 grâce à son ami Stanley Tucci qui le fait jouer dans sa nouvelle mise en scène de Lend Me a Tenor au théâtre Music Box[72],[73]. Cette comédie écrite par Ken Ludwig en 1986 mélange à la fois l’univers de la farce et du slapstick[74]. En 1934, Henry Saunders, le tempétueux directeur de l’opéra de Cleveland joué par Tony Shalhoub, reçoit le célèbre ténor italien Tito Merelli, joué par Anthony LaPaglia. Mais son arrivée à l’hôtel connaît de multiples rebondissements et catastrophes en série[75]. La performance de Tony Shalhoub, qui partage la scène avec son épouse Brooke, est unanimement saluée par la critique[74],[75]. L’agence Reuters écrit notamment : « Shalhoub et LaPaglia, récemment libérés de leurs rôles respectifs à la télévision dans Monk et FBI : Portés disparus, délivrent chacun une interprétation comique virevoltante[76]. » L’acteur enchaîne ensuite avec un autre succès. En 2012, il est Monsieur Bonaparte dans la pièce Golden Boy, écrite en 1937 par Clifford Odets et mise en scène par Bartlett Sher au théâtre Belasco[77]. Ce rôle avait déjà été joué en 1939 par Lee J. Cobb dans une adaptation cinématographique de Rouben Mamoulian intitulée L’Esclave aux mains d’or[78]. Joe, le fils de l’Italo-Américain Monsieur Bonaparte joué par Seth Numrich, renonce aux rêves de son père, qui voulait le voir devenir violoniste, pour se lancer dans la compétition de boxe[77]. Le critique du New York Times a été ému par la prestation de Tony Shalhoub : « [Il] insuffle à son personnage une tendresse mélancolique qui n’est jamais larmoyante. La scène décisive où Joe implore son père de lui donner sa bénédiction pour sa nouvelle carrière – et celui-ci refuse – est interprétée avec une justesse émotionnelle absolument naturelle qui la rend encore plus émouvante[79]. » L’acteur est alors nommé une nouvelle fois pour le Tony Award du meilleur second rôle dans une pièce, mais aussi pour le Drama Desk Award dans la même catégorie[38].
En 2014, il est cette fois nommé pour le Tony Award du meilleur acteur pour son interprétation de trois rôles dans la pièce Act One mise en scène par James Lapine au théâtre Vivian Beaumont[80],[81]. Cette œuvre s’inspire de l’autobiographie de Moss Hart, né dans le Bronx en 1904 au milieu d’une famille juive et pauvre d’origine anglaise et devenu plus tard un célèbre dramaturge et metteur en scène à Broadway[82]. Santino Fontana l’interprète à l’âge adulte, tandis que Tony Shalhoub l’incarne à un âge plus avancé. Ce dernier est également présent sur scène dans la peau de son père, mais aussi sous les traits de son mentor George S. Kaufman[80]. Pour pouvoir différencier ces rôles, l’acteur attribue à chacun un geste particulier[80]. Sa performance est diffusée à la télévision américaine sur la chaîne PBS le [83]. La même année, il donne la réplique à Diane Lane dans The Mystery of Love and Sex, une comédie de Bathsheba Doran mise en scène par Sam Gold au théâtre du Lincoln Center, tout en renouant avec le théâtre de l’absurde de Samuel Beckett en jouant avec sa femme Brooke dans Oh les beaux jours mis en scène par Andrei Belgrader au théâtre Flea[84],[85]. Pour l’acteur, cette pièce est « énigmatique, complètement imprévisible, tout en étant émouvante, drôle et, d’une certaine manière, amèrement romantique[86]. » Le couple, à la ville comme à la scène, enchante les critiques, de The Guardian au New York Post[87],[88].
Son travail au théâtre finit par être définitivement reconnu en 2017. Cette année-là, il intervient tout d’abord dans The Price, une pièce écrite par Arthur Miller en 1968 et mise en scène par Terry Kinney au théâtre American Airlines[89]. Cette pièce raconte l’histoire de Victor Franz qui a sacrifié ses études pour soutenir financièrement son père pendant la Grande Dépression. Tony Shalhoub joue le rôle de son frère Walter, un brillant médecin, aux côtés de Mark Ruffalo, Jessica Hecht et Danny DeVito[90]. « Lorsque Walter, le frère aîné, arrive sous les traîts de Tony Salhoub, la pièce peut enfin commencer », écrit la critique de Variety. « Il est un merveilleux acteur, tout en nuances, et son sourire en coin est à la fois un signe de protection et de menace[89]. » Mais le succès arrive véritablement avec The Band’s Visit, une comédie musicale écrite et composée par David Yazbek à partir d’un livre d’Itamar Moses et adaptée au cinéma par Eran Kolirin sous le titre La Visite de la fanfare en 2007[91]. Cette pièce met en scène la rencontre inattendue entre les membres de l’orchestre de la police d’Alexandrie, perdus au beau milieu du désert du Néguev alors qu’ils devaient jouer dans un centre culturel arabe à Petah Tikva, et Dina, la propriétaire israélienne d’un café dans un village imaginaire nommé Bet Hatikva[92]. The Band’s Visit remporte un important succès critique et public au théâtre Ethel Barrymore[93]. En jouant le rôle du colonel Tewfiq Zakaria de à , Tony Shalhoub participe pour la première fois à une comédie musicale et à cette occasion, il interprète a cappella le poème Itgara’a en arabe[93]. « Je n’étais pas seulement intimidé, j’étais terrorisé. J’ai alors tenté de lutter bec et ongles. Mais j’avais besoin d’aide et de soutien. J’ai travaillé avec un coach vocal autant que faire se peut[93]. » En 2018, il remporte le Tony Award du meilleur acteur dans une comédie musicale et dédie sa récompense à son père libanais qui a émigré aux États-Unis dans les années 1920[94]. Sa réussite au théâtre est désormais confirmée.
Son retour sur le petit écran n’est pas immédiatement gratifiant. À partir de la rentrée 2013, il fait partie de la distribution principale d’une nouvelle comédie de CBS centrée sur la vie de plusieurs hommes divorcés et intitulée We Are Men[109]. Toutefois, les critiques sont absolument défavorables, notamment en France, où Télérama en parle comme d’une « suite de postures caricaturales finissant quasi systématiquement dans la misogynie[110]. » La série est déprogrammée après seulement deux épisodes sans même attendre la diffusion des neuf autres restant[111]. Mais Tony Shalhoub dépasse cet échec en décrochant le rôle d’un médecin urgentiste dans Nurse Jackie en 2015, puis celui d’un sénateurrépublicain dans BrainDead en 2016[112],[113]. Le comédien estime que ce personnage ressemble un peu à Donald Trump dans le sens où « il est complètement sans filtre et n’éprouve aucun remords, ce qui est assez libérateur pour un acteur », déclare-t-il[114].
Même s’il a étudié l’art dramatique à l’université, Tony Shalhoub déclare ne pas adhérer à une méthode de jeu en particulier, préférant explorer toutes les possibilités qui s’offrent à lui[7]. Pour interpréter physiquement Adrian Monk, il passe alternativement du drame à la comédie, à la manière des comédiens du cinéma muet comme Charlie Chaplin et Buster Keaton[120]. En même temps, il donne une épaisseur psychologique à son personnage en lui imaginant un passé[12]. Le médecin Richard G. Petty, spécialiste des troubles obsessionnels compulsifs, a d’ailleurs déclaré dans un article en 2007 que son interprétation était très réaliste[121]. Tony Shalhoub explique qu’il a pu perfectionner son rôle avec les scénaristes et les monteurs de la série en occupant le poste de producteur délégué, ce qui lui a permis de garder une forme de contrôle et de liberté[65]. De façon générale, il considère que l’acteur qui l’a le plus influencé reste Peter Sellers[122].
Au cours de sa carrière, Tony Shalhoub est parvenu à s’extraire des stéréotypes raciaux auxquels il pouvait être rattaché en raison de ses origines libanaises : « Ma vie ne consiste pas à choisir entre jouer un Arabe et ne pas jouer un Arabe. Il peut y avoir un piège à trop vouloir exagérer et souligner ce terme d’Arabo-Américain », dit-il en 2007[12]. Le comédien est parvenu à jouer aussi bien des immigrés italiens, que des Espagnols ou encore des personnes juives[65]. « Certains acteurs sont très bons dans ce qu’ils font, mais restent limités à un seul domaine en fonction de leurs capacités, explique-t-il en 2016. Il existe pourtant une multitude de rôles différents[65]. » Tony Shalhoub essaie de changer le regard porté sur les Arabo-Américains dans l’industrie cinématographique hollywoodienne, notamment à travers les films du cinéaste Hesham Issawi[56],[123]. En 2005, il participe à la mise en place du Concours du meilleur réalisateur arabo-américain dans le but d’encourager la création chez les jeunes artistes qui pourront ainsi raconter leurs propres histoires[124].
Engagements politiques et philanthropiques
Tony Shalhoub est très clair sur son orientation politique : « J’ai toujours été un démocrate et même parfois ce qu’on appelle un indépendant[114]. » Il est à la fois un acteur et un citoyen engagé : « Je suis à l’affût de tout ce qui se passe dans le monde : de la guerre en Irak aux scandales dans notre gouvernement, aux combats pour garder nos droits et libertés en Amérique face aux conservateurs qui remettent, selon moi, toujours la constitution américaine en cause[6]. » En 2002, il fait partie des artistes de cinéma, comme Martin Sheen ou Héctor Elizondo, ayant manifesté publiquement son désaccord pour l’envoi des troupes américaines en Irak[125]. Il rejoint notamment l’association MoveOn avec d’autres activistes pour faire pression sur la Maison-Blanche afin de trouver une résolution diplomatique plutôt que militaire au conflit : « Nous devons être courageux et faire entendre cette voix qui est celle de l’opinion publique », dit-il en 2003[126]. La même année, il est membre du jury pour l’opération « Bush in 30 seconds » visant à créer des campagnes publicitaires critiquant les décisions politiques du président George W. Bush[127]. Tony Shalhoub soutient également le principe de réconciliation pacifique entre Israël et Palestine à travers l’organisation Parents Circle-Families Forum qui encourage le dialogue entre les deux communautés[128].
Dans le cadre d’un entretien avec la professeure de sociologie Violaine Roussel de l’université Paris-VIII en 2004, il justifie son engagement politique en ces termes : « Notre devoir en tant que citoyen n’est pas d’apporter des solutions rapides et violentes, il s’agit plutôt d’interroger nos pratiques et nos expériences en réfléchissant à des idées qui peuvent être testées puis ajustées, tout en étudiant les lois internationales et constitutionnelles afin d’agir en toute connaissance de cause au moment opportun […][129]. » Il met justement cette pensée en pratique lors des manifestations des fonctionnaires publics dans l’État du Wisconsin en 2011. Le 12 mars, il participe avec l’actrice Susan Sarandon à une marche vers le Capitole à Madison pour contester les décisions budgétaires du gouvernement républicain local[130]. Il prononce un discours devant plus de 100 000 manifestants en considérant qu’il s’agit de « la naissance d’un mouvement national, un mouvement destiné à restaurer les droits des travailleurs[130],[131]. » Ses prises de position se font entendre au sein même du parti démocrate, comme lors de sa convention nationale à Charlotte en 2012, où il critique l’arrêt Citizen United pris par la Cour suprême en 2010 qui, selon lui, associe de manière beaucoup trop pernicieuse le pouvoir financier et le pouvoir politique aux États-Unis[132],[133]. Néanmoins, Tony Shalhoub n’a pas hésité à participer à une collecte de fonds pour la réélection de Barack Obama en 2012, qui est par ailleurs venu le voir jouer dans la pièce The Price en 2017[134],[135].
Tony Shalhoub est marié à l’actrice Brooke Adams depuis [141]. Ils se sont rencontrés pour la première fois trois ans auparavant en jouant ensemble dans la pièce The Heidi Chronicles à Broadway[37]. À l’époque, Brooke Adams a adopté seule une fille nommée Josie, puis le couple en adopte une deuxième appelée Sophie après leur mariage en 1994[142],[143]. « Avoir des enfants, déclare l’acteur, vous force à vous ouvrir encore plus sur le monde qui vous entoure. C’est quelque chose de sain et cela vous permet de progresser sur un plan personnel. C’est l’idée aussi de donner sans forcément recevoir[6]. » Ils vivent principalement à Los Angeles, tout en ayant une maison de vacances sur l’île de Martha’s Vineyard, dans le Massachusetts[144],[145].
La famille de Tony Shalhoub gravite beaucoup autour du milieu artistique et culturel. Tout d’abord, sa femme et lui se sont souvent donné la réplique au théâtre, à la télévision et au cinéma, notamment dans cinq épisodes de Monk entre 2002 et 2009[146]. Il a également fait jouer sa belle-sœur Lynne Adams dans son film Made-Up en 2002[37]. Parmi ses frères et sœurs, deux d’entre eux sont aussi comédiens : Susan, connue notamment pour son rôle de Florence dans la série Stranger Things, et Michael, qui a aussi fait quelques apparitions dans Monk[147],[148]. Par ailleurs, son frère Dan, responsable d’une entreprise de nettoyage de stores à Milwaukee, a participé à l’émission de téléréalitéAmerican Inventor en 2006 pour présenter une invention permettant de ramasser les déjections canines sans avoir à se baisser[149],[150]. Enfin, il est également l’oncle du monteur et réalisateurMichael Matzdorff et le cousin de l’animateur de radio d’origine germano-libanaise Jonathon Brandmeier[61],[151],[152].
2017 : Mickey et ses amis : Top Départ ! (Mickey and the Roadster Racers), saison 1, épisode 3 : La Course du ruban Rigatoni - Voyage à Rome (Race for the Rigatoni Ribbon/Roaming around Rome) : Luigi
1979 : Buried Child de Sam Shepard, mise en scène par Adrian Hall au théâtre du répertoire de Yale : Vince
1979 : The Bundle d’Edward Bond, mise en scène par John Madden au théâtre du répertoire de Yale : le premier soldat / Wang (remplaçant pour ce rôle)
1979 : Mesure pour mesure (Measure for Measure) de Shakespeare, mise en scène par John Madden au théâtre du répertoire de Yale : Claudio
1980 : Ubu roi d’Alfred Jarry, mise en scène par Andrei Belgrader au théâtre du répertoire de Yale : Ladislas / le général Lascy / Michel Fédérovitch / un palotin / un magistrat / un financier / un paysan
1980 : Timon d’Athènes (The Life of Tymon of Athens) de Shakespeare, mise en scène par Lloyd Richards au théâtre du répertoire de Yale : un poète / un peintre / un joaillier / un marchand (remplaçant pour les quatre rôles)
1983 : The Boys from Syracuse, comédie musicale écrite par Lorenz Hart et composée par Richard Rodgers, mise en scène par Alvin Epstein au Loeb Drama Center : le sergent
1983 : Baby with the Bathwater de Christopher Durang, mise en scène par Mark Linn-Baker au théâtre Hasty Pudding : le père / la voix du psychologue
1983 : L’École de la médisance (The School for Scandal) de Sheridan, mise en scène par Jonathan Miller au Loeb Drama Center : Joseph Surface
1983 : Mesure pour mesure (Measure for Measure) de Shakespeare, mise en scène par Andrei Belgrader au Loeb Drama Center : Angelo
1987 : Henri IV (première partie) (Henry IV, Part 1) de Shakespeare, mise en scène par Joseph Papp au théâtre Delacorte : Edward Poins / Sir Richard Vernon
Sauf mention contraire ou complémentaire, la liste des distinctions est issue du site Internet Movie Database pour le cinéma et la télévision, et du site officiel de Playbill pour le théâtre[38],[50].
Récompenses
Tableau récapitulatif des récompenses de Tony Shalhoub au cinéma et à la télévision
↑ a et b(en) Andrew Koch, « Tony Shalhoub Shares His Father’s Immigration Story at the Tony Awards », Family Tree Magazine, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Kendra Meinert, « Tony Shalhoub talks about growing up in Green Bay, Lombardi-era Packers on WTF podcast », Green Bay Press-Gazette, (lire en ligne, consulté le ).
↑ ab et c(en) N. F. Mendoza, « With an eye on…: Tony Shalhoub’s Wings lets him be the driver and the passenger happy to go along for the ride », Los Angeles Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Michael Fleming, « Harrelson in Dog house; Shalhoub off Wings », Variety, (lire en ligne, consulté le ).
↑« X-Files : les guest-stars les plus folles passées par la série », Première, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) Ray Richmond, « Stark Raving Mad », Variety, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Tim Brooks et Earle Marsh, The Complete Directory to Prime Time Network and Cable TV Shows : 1946–Present, Ballantine Books, , 9e éd. (1re éd. 1979), 1832 p. (ISBN978-0-345-49773-4, lire en ligne), p. 1695.
↑(en) Harry Haun, Kenneth Jones et Sean McGrath, « Turturro, Shalhoub & Lloyd Wait for Godot at NY’s CSC, Nov. 10-Dec. 20 », Playbill, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) « Tony Shalhoub », sur Internet Movie Database (consulté le ).
↑(en) Mike Scott, « Big Easy Short Film Festival – now the Big Easy International Film Festival – thinks big », The Times-Picayune, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) Dave Itzkoff, « Golden Boy Cast Features Tony Shalhoub, Yvonne Strahovski and Danny Burstein », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Alexis Soloski, « Happy Days review – a real-life showbiz couple act in a bleak portrait of marriage », The Guardian, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Frank Scheck, « Tony Shalhoub and Brooke Adams bring renewed joy to Happy Days », New York Post, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) Marilyn Stasio, « Broadway Review: The Price Starring Mark Ruffalo, Tony Shalhoub, Danny DeVito », Variety, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Ben Brantley, « Review: The Band’s Visit Is a Ravishing Musical That Whispers with Romance », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Marilyn Stasio, « Broadway Review: The Band’s Visit », Variety, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) Anne Easton, « BrainDead Star Tony Shalhoub on New Political Drama (And Why He Loves Weiner Doc) », The New York Observer, (lire en ligne, consulté le ).
↑Mathilde Cesbron, « La Fabuleuse Mme Maisel : la série qui porte bien son nom », Le Point, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Kirsten Chuba, « Emmys: Tony Shalhoub Dedicates Supporting Actor Win to Marvelous Mrs. Maisel’s Amy Sherman-Palladino », The Hollywood Reporter, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Bleuwenn Lechaux et Violaine Roussel, Voicing Dissent : American Artists and the War on Iraq, Routledge, , 320 p. (ISBN0-203-86447-6, lire en ligne), p. 115.
↑(en) Lynette Clemetson, « Threats and Responses: Dissent; Protests Held Across the Country to Oppose War in Iraq », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Brian Koenig, « Monk TV Actor Tony Shalhoub Blasts Citizens United Ruling », The New American, (lire en ligne, consulté le ).
↑Anne Deysine, « Et la Cour suprême américaine inventa le casino électoral », Le Monde diplomatique, no 747, , p. 18–19 (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Mackenzie Weinger, « Celebrities open wallets for Obama », Politico, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Associated Press, « Obama Returns to Broadway to See Arthur Miller’s The Price », The Hollywood Reporter, (lire en ligne, consulté le ).
La version du 2 mai 2021 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.