En Nouvelle-Calédonie, le clivage politique traditionnel est celui qui oppose les courants indépendantistes de gauche aux courants loyalistes de droite. Ce paysage se diversifie au fur et à mesure que l'enjeu est, plus que le statut de l'île, sa gestion.
Né face à la montée de la revendication indépendantiste dans les années 1970, le camp non-indépendantiste, souvent appelé également « loyaliste », a longtemps été fédéré au sein du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) de Jacques Lafleur, fondé en 1977 sous le nom de Rassemblement pour la Calédonie (RPC)[1], et dénommé Le Rassemblement-UMP de 2004 à 2014 puis tout simplement Le Rassemblement. Mais depuis les années 1990 et la signature des Accords de Matignon et de Nouméa, le leadership de Lafleur a fortement été remis en question et a conduit à la création de plusieurs partis politiques, à quoi s'ajoutent les mouvements qui ont toujours été hostiles au RPCR. Depuis la défaite de ce dernier aux élections provinciales du 9 mai 2004 en Province Sud[2] et le retrait de Jacques Lafleur du devant de la scène politique, cette division s'est accentuée. Si la tendance non-indépendantiste n'était représentée après le scrutin de 2004 que par trois partis au Congrès, il est dispersé, à la veille de l'élection suivante de 2009, entre cinq formations au sein de l'assemblée locale à quoi s'ajoutent quatre autres mouvements. Toutefois, entre 2009 et 2022, plusieurs coalitions et rapprochements se créent ou se défont, dont notamment deux coalitions électorales pour les provinciales de 2014[3],[4], une principale lors des élections de 2019 et deux lors des élections législatives en 2022. Dans ce paysage, trois principales forces siègent au Congrès depuis une nouvelle recomposition en 2022 :
L'action politique indépendantiste naît à la fin des années 1960 avec la création de deux groupes d'extrême gauche : les Foulards rouges et le Groupe 1878. L'indépendantisme se développe ensuite dans les années 1970, notamment avec l'action de Jean-Marie Tjibaou qui théorise le concept d'Indépendance kanak socialiste (IKS) et fonde le Front indépendantiste en 1979, puis le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) en 1984. Très combatif durant les événements du début des années 1980, au cours desquels il s'oppose parfois violemment aux colons et aux anti-indépendantistes du RPCR, Tjibaou amène le mouvement indépendantiste à signer les accords de Matignon et de Nouméa, acceptant le principe de coopération entre les différentes ethnies du territoire, tout en gardant toujours l'essentiel de ses bases au sein de la population kanak. Tout comme le camp loyaliste, l'indépendantisme a connu de fortes divisions, que ce soit sur la stratégie globale ou les éléments de tactique politique, ou encore à propos de sujets dépassant la simple question d'opposition ou de soutien à l'indépendance.
Le nationalisme kanak est largement soutenu par le gouvernement chinois, déjà principal sponsor du Groupe Fer de lance mélanésien[17]. Ainsi, d'après un rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, la Chine considère la Nouvelle-Calédonie comme une « cible prioritaire » pour ses ressources minières et ses eaux territoriales, sur laquelle elle a notamment lancé une campagne de propagande intense visant à l'intégrer dans son réseau d'influence[18].
Régulièrement depuis les années 1980, des forces politiques se sont constituées pour défendre spécifiquement les intérêts de la communauté wallisienne et futunienne tout en refusant de s'inscrire complètement dans un des deux blocs loyalistes ou indépendantistes. Deux d'entre elles ont eu des élus à l'Assemblée provinciale du Sud et au Congrès :
À côté de ces deux blocs qui dominent traditionnellement le paysage politique néo-calédonien, de nouvelles formations sont apparues depuis les années 1990 dans le but de sortir de ce clivage. Pour autant, aucun de ces mouvements n'a obtenu d'élus autres qu'à l'échelon municipal (essentiellement Jean-Raymond Postic, conseiller municipal de Nouméa de 1995 à 2008) :
La politique néo-calédonienne a connu de longues périodes avec un parti dominant seul : l'Union calédonienne de 1953 à 1972, le RPCR de 1984 à 1995 et l'Avenir ensemble de 2004 à 2007 (minoritaire mais avec le soutien informel de plusieurs autres formations, le plus souvent le FLNKS). Le reste du temps, des accords, alliances ou coalitions ont été mis en place pour dégager des majorités, parfois entre des mouvements ayant des positions et idéologies très différentes.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie est composé de 54 membres issus proportionnellement des trois Assemblées de Province élus tous les 5 ans au suffrage universel direct par les citoyens calédoniens (ceux pouvant attester d'une présence sur le territoire avant 1998) au scrutin proportionnel de listes à un tour. L'actuel Congrès, dans sa cinquième mandature depuis l'accord de Nouméa, est issu des élections provinciales du 12 mai 2019, et sa composition au 16 janvier 2025 est la suivante :
Depuis le 29 août 2024, la présidente du Congrès est Veylma Falaeo (L'Éveil océanien, Province Sud).
Les Accords de Matignon ont divisé la Nouvelle-Calédonie en trois provinces :
À la suite des élections provinciales du 12 mai 2019, comme après tous les scrutins depuis celui de 2014, aucune majorité absolue ne se dégage, même si une liste s'approche de celle-ci à une voix près. Composée de 40 membres, elle envoie 32 élus au Congrès. Durant cette mandature, sa présidente Sonia Backès depuis le 17 mai 2019, élue au deuxième tour de scrutin avec la totalité des voix de sa liste (20 voix) et une majorité de celle de la liste de L'Éveil océanien (3 voix sur 4), elle est par ailleurs présidente des Républicains calédoniens :
Elle est composée de 22 élus, dont 15 envoyés au Congrès. Elle est présidée depuis 1999 par Paul Néaoutyine, du FLNKS-UNI-Palika.
Elle est composée de 14 élus, dont 7 envoyés au Congrès. Elle est présidée depuis 2019 par Jacques Lalié, du FLNKS-UC et président de l'UC Renouveau. Depuis les élections provinciales du 10 mai 2009, elle ne comporte plus que des indépendantistes. Ces élections ont toutefois été annulées par le Conseil d'État le 16 octobre 2009[30], entraînant la tenue d'un scrutin partiel le 6 décembre 2009. À la suite de ce dernier, non seulement les non-indépendantistes restent exclus de l'assemblée, mais pour la première fois depuis 1989 la liste du Palika n'a obtenu aucun siège (même si la liste « Union pour le Renouveau » menée par l'UC Renouveau a fait élire en deuxième position une membre du Palika). Toutefois, ce dernier parti retrouve une représentation (contrairement aux non-indépendantistes, qui restent exclus de l'assemblée) lors des élections provinciales du 11 mai 2014, et renforce même sa représentation au scrutin du 12 mai 2019.
Les communes traditionnellement détenues par le camp non-indépendantiste se situent surtout sur la côte ouest de la Grande-Terre (notamment toutes celles de la côte ouest de la Province Sud, seule la commune de Koumac étant un fief important loyaliste en Province Nord avec toutefois une forte présence sur les communes de Poya et Pouembout) et à l'île des Pins.
La côte est, les îles Belep et les îles Loyauté sont quant-à-elles des bastions indépendantistes, même si la ville de Thio dispose depuis 2004 d'un maire non-indépendantiste. Sur la côte ouest, les communes situées entre Koné et Kaala-Gomen (incluses) sont généralement considérées comme imprenables pour les non-indépendantistes, à quoi s'ajoute Poum à l'extrémité nord de la Grande-Terre.
Depuis les élections municipales de 2014, les maires des 33 communes de la Nouvelle-Calédonie et les compositions des conseils municipaux sont les suivants :
Si seuls ceux inscrits sur la liste électorale spéciale et bénéficient donc de la citoyenneté double calédonienne, tous les citoyens français de Nouvelle-Calédonie votent pour les élections nationales, dont les législatives. La Nouvelle-Calédonie dispose ainsi de deux députés depuis 1978 (un seul auparavant) et de deux sénateurs depuis 2011 (un avant cette date). De 1986 à 2012, les deux députés ont toujours été issus des rangs du RPCR, et surtout pour la circonscription comprenant Nouméa de 1978 à 2012, et ont donc tous siégé au sein des groupes RPR puis UMP durant cette période. Depuis 2012, les deux députés restent non-indépendantistes mais proviennent de Calédonie ensemble et sont devenus membres du groupe de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) de 2012 à 2017 puis du groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants, tous deux de centre droit. De même, tous les sénateurs depuis 1958 ont été non-indépendantistes et de droite.
Les électeurs calédoniens ont toujours eu une tendance gaulliste (94 % de « oui » à l'indépendance de l'Algérie), ou tout au moins de droite, aux élections présidentielles, à l'exception de celle de 1974, à laquelle François Mitterrand fut vainqueur en voix sur le territoire, et au second tour de 2017 au cours duquel l'archipel vote avec une très courte majorité des suffrages exprimés (et avec une très forte abstention) pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen. Elle a élu un candidat qui fut battu au plan national en 1974 (François Mitterrand au lieu de Valéry Giscard d'Estaing), 1981 (Valéry Giscard d'Estaing au lieu de François Mitterrand), 1988 (Jacques Chirac au lieu de François Mitterrand) et 2012 (Nicolas Sarkozy au lieu de François Hollande).
En 1965, 1974, 1995 et 2002, le candidat qu'il plaçait en seconde position au premier tour arrivait 3e au plan national (respectivement Jean Lecanuet, Jacques Chaban-Delmas, Édouard Balladur et Lionel Jospin). Seuls trois candidats qui furent finalement élus auraient été éliminés dès le premier tour si la Nouvelle-Calédonie avait été seule à voter : Valéry Giscard d'Estaing en 1974 (arrivé derrière François Mitterrand et Jacques Chaban-Delmas), François Mitterrand en 1988 (arrivé seulement en quatrième position, derrière Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen et Raymond Barre) et Emmanuel Macron en 2017 (arrivé en troisième position derrière François Fillon et Marine Le Pen).
La Nouvelle-Calédonie a offert plus de la majorité absolue de ses suffrages exprimés dès le premier tour à un candidat en 1965 (Charles de Gaulle), 1969 (Georges Pompidou) et 1988 (Jacques Chirac).
En 2007 et 2012, elle a voté à plus de 49 % pour Nicolas Sarkozy le candidat de l'UMP. En 2017, le candidat de la droite, François Fillon, arrive également en tête mais avec un score plus faible que ses prédécesseurs (31,13 %), concurrencé par un vote important pour Marine Le Pen (29,09 %).
Il existe trois corps électoraux distincts en Nouvelle-Calédonie.
Pour les prochaines élections au Congrès de l'archipel issu des assemblées de province (élections provinciales), un débat avait lieu entre deux définitions du corps électoral :
Le Congrès réuni à Versailles le 19 février 2007 a entériné par 724 voix pour et 90 contre le gel du corps électoral.
Deux lois du pays à venir vont permettre de privilégier les citoyens calédoniens pour l'accès à l'emploi.