L'ordre de Saint-Benoît, plus connu sous le nom d'ordre des Bénédictins, est une fédération de monastères occupés par des moines ou des moniales, les Bénédictins ou Bénédictines y suivant la règle de saint Benoît résumée par la maxime « Ora et labora » (« prie et travaille »). Cet ordre monastique fondé vers 529 par saint Benoît de Nursie, considéré traditionnellement comme le plus ancien de l'Église catholique, regroupe des organisations monastiques plus ou moins autonomes qui ont marqué profondément le monde occidental par leur contribution essentielle dans l'économie, la culture et la liturgie de l'Europe médiévale.
Le monachisme bénédictin connaît un premier apogée avec le rayonnement de l'ordre de Cluny puis celui de Cîteaux. Les nombreuses difficultés qui affectent les ordres monastiques dès la fin du XIIIe siècle suscitent de lentes réformes monastiques qui débutent au XVe siècle avec la création d'une nouvelle institution bénédictine, la congrégation.
Après plusieurs périodes de fort déclin, notamment la défection pendant la Réforme protestante et la suppression des congrégations par la Révolution, le monachisme bénédictin connaît une phase de reconstruction au XIXe siècle et est entièrement réorganisé en 1893 par le pape Léon XIII à l'origine de la création de la Confédération bénédictine.
Présentation de l'ordre
But
D'après le 265epape, Benoît XVI, saint Benoît« indiqua à ses disciples comme objectif fondamental et même unique de l'existence, la recherche de Dieu »[1]. Ce dernier étant considéré comme universel et éternel, cette quête implique l'ordre dans les tâches : évangélisation et défrichement de l'Europe, conservation et transmission de la culture classique au Moyen Âge, collation et traduction des œuvres des Pères de l'Église à partir du XVIIe siècle, éducation, etc. Au moins par deux fois[2], la règle du fondateur suggère même que les activités des moines ne les obligent pas à délaisser leur monastère :
« Le monastère doit, autant que possible, être disposé de telle sorte que l'on y trouve tout le nécessaire : de l'eau, un moulin, un jardin et des ateliers pour qu'on puisse pratiquer les divers métiers à l'intérieur de la clôture. De telle sorte que les moines n'auront pas besoin de se disperser au-dehors, ce qui n'est pas du tout avantageux pour leurs âmes[3]. »
Écrite au VIe siècle, la règle de saint Benoît connaît rapidement un certain succès, peut-être grâce à sa modération par rapport aux autres règles monastiques existant à l'époque. En 817, elle est imposée à tous les monastères de l'Empire carolingien, d'où le surnom de Père des moines d'Occident donné à saint Benoît.
Certains affirment que la devise Ora et labora (« prie et travaille ») synthétise la vie de l'ordre, bien qu'elle ne figure pas dans la règle. En tous cas, cette règle propose un équilibre entre prière et travail (le refus de l'oisiveté est central et le travail manuel est valorisé), prière personnelle et prière communautaire, gouvernement par l'abbé et participation des frères, obéissance et responsabilité de chacun[note 2].
Organisation d'ensemble
Au IVe concile de Latran en 1215, le mot « bénédictin » apparut pour désigner les moines qui n'appartenaient à aucun ordre centralisé[4], par opposition aux cisterciens, qui suivent également la règle de saint Benoît, mais dont l'Ordre est assez fortement centralisé.
Néanmoins le pape Léon XIII a institué en 1893 une confédération bénédictine, union fraternelle des congrégations de moines qui vivaient sous la règle de saint Benoît (hors cisterciens et camaldules), restant sauve l’autonomie des congrégations et des monastères.
Habillement
L'habit des bénédictins est en général noir (ils sont souvent appelés les « frères noirs » ou encore « moines noirs », jusqu'à l'appellation de bénédictins qui apparaît pour la première fois dans la bulle Summi magistri dignatis du du pape Benoît XII)[5]. Les bénédictins olivétains, qui ont choisi de porter un vêtement blanc, constituent une exception à cette règle (et les moines de cet ordre sont parfois appelés « bénédictins blancs » pour cette raison). Par ailleurs, l'ordre apparenté des cisterciens a opté pour une robe blanche, ce pourquoi ils sont parfois appelés les « moines blancs » (mais ils n'appartiennent pas canoniquement à l'ordre de saint Benoît, même s'ils en suivent la règle).
Les bénédictins portent une coule noire à capuchon, et une ceinture noire autour de la taille. Le scapulaire (noir ou plus rarement blanc), habit monastique par excellence, est porté par les profès solennels lors des offices et principaux actes de la vie communautaire. En plus du fait qu'ils ne portent pas encore le scapulaire, les novices sont identifiables grâce à leur coule : celle-ci est plus courte que ceux des moines ayant achevé le noviciat ; chez les moniales, novices et jeunes professes portent souvent un voile blanc.
L'usage de se raser la tête s'est généralement maintenu à travers les siècles, avec des variantes (par exemple « couronne monastique » avant la Révolution et dans la congrégation de Subiaco avant le concile Vatican II (1962), ou « tonsure cléricale » seule dans la congrégation de Solesmes).
Missions
Aujourd'hui, les bénédictins, en plus de leur vie monastique de contemplation et de célébration de la liturgie, sont engagés dans diverses activités, notamment l'éducation, l'engagement missionnaire et les travaux érudits[6].
Particularités des Bénédictines
Il existe des religieuses bénédictines. Ce sont des moniales qui suivent la règle de saint Benoît. Elles auraient été instituées au VIe siècle par sainte Scolastique, sœur de saint Benoît. Leur habit est le même que celui des moines de même congrégation sauf qu'elles portent un voile à la place du capuchon. C'est à cet ordre qu'appartenaient les oblates instituées par sainte Françoise.
Le premier monastère est établi au mont Cassin vers 529[7] par Benoît de Nursie qui y élabore sa règle. Les monastères bénédictins se répandent alors dans toute l'Europe et donnent naissance à plusieurs congrégations devenues célèbres, bien que les premiers carolingiens aient corrélé leur intérêt du monachisme à leur propre volonté de pouvoir et d'expansion territoriale[8]. Ainsi, dans les dernières années du règne de Charlemagne un net relâchement s'instaure dans de nombreux monastères. En 817, l'empereur Louis le Pieux sur les conseils de Benoît d'Aniane tente de réformer l'institution monastique, instituant une observance uniforme dans l'ensemble des monastères et l'élection libre de l'abbé, éléments essentiels dans le développement de l'ordre bénédictin en Europe, donnant le véritable essor de la règle de saint Benoît[9]. Les deux synodes tenus à Aix-la-Chapelle en et , par l'empereur Louis le Pieux et la publication du « capitulaire monachorum », permettent à Benoît d'Aniane de faire appliquer cette règle dans plus de vingt monastères en Aquitaine et au-delà[8]. Par la suite, la mort de Benoît d'Aniane en 821, la dislocation de l'empire carolingien et les invasions réduisent pratiquement à néant les résultats acquis. De la fin du IXe au début du Xe siècle, la vie bénédictine connaît un net déclin, aggravé par l'habitude prise par les souverains de disposer de leurs fondations religieuses comme ils pratiquaient avec les biens fiscaux, à savoir qu'un abbé laïc prenne possession d'une enclave ecclésiastique et y réside avec femmes, enfants et sa suite, rendant la vie de clôture impossible[8].
Le monachisme bénédictin connaît une première vague de renouvellement avec le rayonnement de l'ordre de Cluny au Xe siècle puis celui de Cîteaux au XIIe siècle, ces deux ordres introduisant une rupture fondamentale avec la tradition bénédictine par leur ouverture aux catégories sociales inférieures grâce au statut de convers (simples laïcs vivant aux côtés des moines de chœur) chargés des travaux agricoles et manuels, et des affaires séculières d'un monastère[10]. D'autres mouvements réformateurs donnent naissance à de nouveaux ordres issus du vieux tronc bénédictin (camaldules, chartreux, célestins, Sylvestrins, olivétains…). Ayant acquis une puissance importante grâce à ses domaines et ses couvents, l'ordre bénédictin atteint son apogée vers la fin du XIIe siècle, possédant alors en France environ 2 000 abbayes et 20 000 prieurés, et en Europe 100 000 monastères[11]. Confronté au nombreuses difficultés qui affectent les ordres monastiques dès la fin du XIIIe siècle, l'ordre connaît une certaine désorganisation (avec notamment le régime de la commende) et un relâchement. De lentes réformes monastiques sont engagées au XVe siècle avec la création d'une nouvelle institution bénédictine, la congrégation. Il s'agit d'une fédération qui regroupe des monastères autonomes et qui est nommée d'après son fondateur, son pays d'origine ou son saint patron, et qui permet de leur donner un pouvoir unifié. Ces réformes ne deviennent efficaces qu'au XVIIe siècle, avec notamment la fondation de la congrégation de Saint-Vanne en 1604, de la congrégation de Saint-Maur en 1618, des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire en 1621 et des Bénédictines de l'Adoration perpétuelle en 1653[6]. Ce nouvel essor permet aux effectifs bénédictins de s'élever à 150 000 membres[12] sur les 300 000 religieux que totalisent tous les ordres monastiques au milieu du XVIIIe siècle[13].
Le , l'Assemblée constituante française décide l'abolition des vœux monastiques et la suppression des ordres et congrégations régulières. Certains bénédictins français retournent à la vie civile (devenant parfois même maires, responsables de bibliothèques municipales), d'autres s'exilent[14]. Si la Révolution française démantèle l'ordre bénédictin et le monachisme, le XIXe siècle est marqué par un grand mouvement de renaissance en France avec Dom Prosper Guéranger qui restaure l'ordre bénédictin en 1833 à l'abbaye de Solesmes, et Jean-Baptiste Muard qui fonde l'abbaye de la Pierre-Qui-Vire en 1850[15]. Les lois de 1901, 1904 et 1905 portent un coup à cette renaissance, les congrégations acceptant de se soumettre à l'autorité de l'évêque ordinaire ou les bénédictins choisissant l'exil, la dispersion. La situation d'exil a pu conduire à la fixation dans le lieu où les congrégations se sont exilées ou à leur retour pur et simple quelques décennies plus tard[16].
Au cours de la première moitié du XIXe siècle, on assiste à une restauration de l'ordre bénédictin qui bénéficie de la recharge sacrale[note 3]. En 1893, toutes les abbayes et maisons bénédictines autonomes s'unifient dans la confédération bénédictine formée par le bref apostolique Summum semper du pape Léon XIII[6].
En 2005, on dénombre dans le monde environ 8 000 bénédictins répartis dans 435 monastères ou prieurés formant 21 congrégations, 16 000 moniales et sœurs dans 840 abbayes ou maisons formant 61 congrégations[11].
Les bénédictins prirent le monastère Sainte-Marie-de-la-Miséricorde à Galata (Constantinople), en 1427 sous la direction de Dom Nicolas Meynet, et le renommèrent abbaye Saint-Benoît. Ce monastère et sa chapelle sont placés sous la protection de l’ambassade de France auprès de la Sublime Porte en 1540, après la demande du roi François Ier et l’autorisation du sultan Soliman le Magnifique, François Ier utilise le prétexte de la protection des chrétiens des terres ottomanes pour conclure une alliance avec la puissance musulmane, au travers d'accords intitulés «Capitulations de l'Empire ottoman »[17]. Des capitulations qui réglaient le statut des étrangers dans l'Empire ottomans furent établies vers 1535-1536 entre le sultan Soliman le Magnifique et le roi de France François Ier. Grâce à ce statut privilégié, les bénédictins devinrent les protecteurs des populations catholiques de l’Empire ottoman[18]. Cette institution existe toujours, sous la forme du lycée Saint-Benoît.
Actuellement, la confédération bénédictine est composée de 22 congrégations masculines[19] comptant un total de 8 694 moines en 1995 et de 61 congrégations et fédérations de moniales et sœurs (au nombre de 16 000) O.S.B., réparties dans 840 abbayes et autres monastères féminins.
Monastère de la Sainte Croix, Rostrevor (Mont-Olivet). Fondé en 2004 par un moine originaire de Belfast et quatre venant de la communauté du Bec-Hellouin (Normandie).
Israël
Abbaye Sainte-Marie de la Résurrection d'Abu Gosh (Mont-Olivet) fondée à partir de frères et moniales de la communauté du Bec-Hellouin (Normandie) installés en 1976. (Domaine national français en Terre Sainte).
Abbaye de Keur Moussa à 50 km de Dakar, inaugurée en 1963. Dom Philippe Champetier de Ribes (décédé à 86 ans le ), polytechnicien et officier d'artillerie, entré à 23 ans à l'abbaye de Solesme (Sarthe) dont il devint prieur, est désigné en 1960 comme responsable de la fondation de Solesmes au Sénégal. Il part avec huit autres moines français. Le monastère est construit sur un terrain offert par l'archevêché de Dakar. Il avait démissionné de sa charge d'abbé en 2000, remplacé par le P. Ange-Marie Niouky, Sénégalais, à la tête d'une quarantaine de moines dont six Français.
↑En référence aux trois vœux monastiques prononcés par les Bénédictins : un vœu de stabilité, un vœu de conversion des mœurs et un vœu d'obéissance.
↑« L’expression « Ora et labora » (« prie et travaille »), qui n’est pas dans la règle, a faussé en quelque sorte la compréhension de cette dernière puisqu’elle distingue deux éléments qui ne forment qu’un tout et une unique perspective quotidienne : le moine doit prier continuellement soit seul, soit en communauté, soit avec des textes spécifiques (textes bibliques organisés dans le cadre de l’office divin) qu’il récite ou médite, soit en écrivant ou en exprimant sa prière par toute autre manière, artistique et artisanale par exemple, mais aussi lorsqu’il travaille de ses mains pour permettre au monastère de vivre, ou qu’il accomplit les tâches ménagères nécessaires au fonctionnement de la communauté (service de la cuisine, du réfectoire, laverie, etc.) ». Cf Daniel-Odon Hurel, Les Bénédictins, Robert Laffont, , p. 8.
↑« À la chute de Napoléon Ier (1815), il ne restait qu’une trentaine de monastères bénédictins sur les 1 500 répartis à travers l’Europe au milieu du XVIIIe siècle, soit quelques centaines de moines. En 1850, ils étaient environ 1 600, et près de 6 000 en 1900 ». Cf. Bernard Hours, Histoire des ordres religieux, Presses universitaires de France, , p. 92.
↑Jacques Berlioz, Moines et religieux au Moyen Âge, Seuil, , p. 8.
↑ ab et cMarc Mègemont, « Chanteuges une fondation issue du renouveau bénédictin », Moyen Âge, no 131, novembre-décembre 2022, janvier 2023, p. 73 (ISSN1276-4159).
↑Ivan Gobry, Les moines en Occident. De saint Benoît d'Aniane à saint Bruno (750-1100), F.-X. de Guibert, , p. 73.
↑Marie-Madeleine De Cevins, Jean-Michel Matz, Structures et dynamiques religieuses dans les sociétés de l’Occident latin (1179-1449), Presses universitaires de Rennes, , p. 170.
↑ a et bDictionnaire du Moyen Âge, histoire et société, Encyclopædia Universalis, , p. 144.
↑Raymond Hostie, Vie et mort des ordres religieux, Desclée de Brouwer, , p. 348-349.
↑Raymond Hostie, Vie et mort des ordres religieux, Desclée de Brouwer, , p. 8.
↑Gaston Duchet-Suchaux, Monique Duchet-Suchaux, Les Ordres religieux, Flammarion, , p. 44.
↑Patrick Cabanel et Jean-Dominique Durand, Le grand exil des congrégations religieuses françaises, 1901-1914, Éditions du Cerf, , p. 205.
↑Gérard Pélissié du Rausas, Le régime des Capitulations dans l'Empire ottoman, éditions A. Rousseau, Paris, 19020
↑Mahmut Esat Bozkurt, Du régime des Capitulations ottomanes : leur caractère juridique d'après l'histoire et les textes, éditions Stamboul, Fribourg, Suisse, 1928 (thèse présentée en 1918 à la faculté de l'université de Fribourg pour l'obtention du grade de docteur en droit).
Yves Soulingeas et André Brochier, Guide des établissements bénédictins en Haute-Loire : in Cahiers de la Haute-Loire 1980, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire, (lire en ligne).
Gazeau Véronique, Normannia monastica, princes normands et abbés bénédictins. Prosopograpie des abbés bénédictins. 2 vol., Publications du CRAHM, 2007 (ISBN978-2-902685-38-7).
Daniel-Odon Hurel, Prières des bénédictins, XVIe – XXe siècle, Éditions du Seuil, 2010 (ISBN978-2-020973-12-0).
Antonio de Yepes, Crónica general de la Orden de San Benito, 7 vol., 1609-1621.