Le père de Sabine Weiss est ingénieur chimiste[3] et fabrique des perles artificielles à partir d’écailles de poissons. La famille demeure à côté du poste frontière à Saint-Gingolph, qu’elle quitte alors qu’elle est encore enfant. Attirée très jeune par la photographie, elle dit elle-même : « J'ai pris conscience très jeune que la photographie serait mon moyen d'expression. J'étais plus visuelle qu'intellectuelle… Je n'étais pas très douée pour les études. J'ai quitté le lycée, je suis partie un jour d'été à bicyclette »[4]. Sabine Weiss commence à photographier en 1935 à l’âge de 11 ans avec un appareil photo acheté avec son argent de poche. Son père la soutient dans son choix, et elle apprend plus tard la technique photographique, de 1942 à 1946, auprès de Paul Boissonnas, fils de Frédéric Boissonnas, photographe de studio à Genève. Elle obtient son diplôme en 1945[réf. nécessaire].
Paris
Elle s’installe à Paris en 1946[3] et devient l’assistante de Willy Maywald : « Quand je suis venue à Paris, j'ai pu travailler chez Willy Maywald à qui un ami m'avait recommandée. J'y ai travaillé dans des conditions inimaginables aujourd'hui, mais avec lui j'ai compris l'importance de la lumière naturelle. La lumière naturelle comme source d'émotion »[4]. Willy Maywald travaillait à cette époque au premier étage d’une remise du 22, rue Jacob qui appartenait à un antiquaire, il n’y avait ni l’eau ni le téléphone. Ce travail lui permet pourtant de côtoyer le Tout-Paris de l’époque. Elle assiste ainsi à l’ouverture de la maison Dior et à la présentation de la première collection au 37, avenue Montaigne. En 1949, elle rencontre le peintre américain Hugh Weiss, qu’elle épouse le ; le couple adoptera une fille[5]. Elle ouvre alors son propre studio. Ses photographies témoignent de l’optimisme des années d’après-guerre : « C'était une belle période. Nous étions entre la fin de l'occupation allemande et le début de l'américanisation. Les gens sortaient d'une terrible épreuve et pensaient pouvoir tout rebâtir » déclare-t-elle[6].
Le fait qu’elle soit l’une des rares femmes de l’univers de la photographie à l’époque n’est pas un problème. Pour le photojournaliste Hans Silvester, qui a travaillé avec elle sur les peuples de l’Omo (Éthiopie), : « Bien qu'elle soit dans un milieu très masculin, elle a vraiment réussi à se faire accepter immédiatement, à s'imposer comme ce qu'elle est depuis : une très grande photographe que j'estime et admire »[6].
En 1957, Sabine Weiss réalise une série de photographies du peintre Kees van Dongen, qu’elle découvre avec son mari, et sur un coup de cœur achète un petit cabanon avec vue sur les ruines du château de Grimaud en Provence. Ils agrandissent la maison en 1969 et y viennent régulièrement en famille jusqu’à la mort de son mari en 2007[7].
En 1983, elle obtient une bourse du ministère des Affaires culturelles françaises et réalise une Étude sur les Coptes d’Égypte. Le même ministère lui délivre en 1992 une autre bourse lui permettant de réaliser une Étude sur la Réunion.
Elle publie une quarantaine d’ouvrages dont 100 photos de Sabine Weiss pour la liberté de la presse par Reporters sans frontières en 2007.
En 2017, Sabine Weiss fait don de l’ensemble de ses archives, riches de 200 000 négatifs, 7 000 planches-contact, environ 2 700 tirages vintage et 2 000 tardifs, 3 500 tirages de travail et 2 000 diapositives au musée de l'Élysée, à Lausanne[3],[8]. Ses photographies, aujourd’hui tirées par Guillaume Geneste[9], sont diffusées par l’agence Gamma-Rapho.
Son travail personnel est attaché à la vie dans son quotidien, aux émotions et aux gens. Il mêle habilement poésie et observation sociale, c’est pour cette raison que l’on rattache son œuvre au courant de la photographie humaniste : « lumière, geste, regard, mouvement, silence, repos, rigueur, détente, je voudrais tout incorporer dans cet instant pour que s'exprime avec un minimum de moyen l'essentiel de l'homme. »[4]. « Mes photos (…) expriment un certain amour que j'ai pour la vie. »[4]. C'est un témoignage à montrer[14].
Sabine Weiss, comme le photographe Bernard Plossu, récuse le statut d’artiste. Son but est de témoigner plutôt que de créer : « Je témoignais, je pensais qu'une photo forte devait nous raconter une particularité de la condition humaine. J'ai toujours senti le besoin de dénoncer avec mes photos, les injustices que l'on rencontre »[4]. « Je n'aime pas les choses très éclatantes mais plutôt la sobriété… il ne s'agit pas d'aimer bien, il faut être ému. L'amour des gens, c'est beau. C'est grave, il y a une profondeur terrible. Il faut dépasser l'anecdote, dégager le calice, le recueillement. Je photographie pour conserver l'éphémère, fixer le hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage. L'appareil les ramasse, les fige au moment même où ils disparaissent. »[4]. Ce qu'elle préfère ce sont les photographies faites pour le plaisir pendant son temps libre.
La photographe utilise essentiellement le noir et blanc en axant sa recherche sur un cadrage précis, une certaine qualité de lumière, des ambiances. « Je n'attends jamais, je fais de la photographie spontanée »[14]. Elle aime travailler la composition de ses photographies. Au besoin, elle n'hésite pas à recadrer[14]. Son œil de photographie a été éduqué par les peintures. Elle fait de la photographie un art de vivre, en arpentant les rues de Paris, souvent la nuit[5], pour trouver des sujets variés mais toujours proche de l’homme dans ses moments universels : scènes de rue, solitudes, enfants, croyances, figures humaines dans le brouillard, fugacité d’une émotion. On retrouve dans sa production beaucoup d’enfants, de vieillards, de sourires de stars, tous reliés par une caractéristique commune de spontanéité et simplicité : « J'aime beaucoup ce dialogue constant entre moi, mon appareil et mon sujet, ce qui me différencie de certains autres photographes qui ne cherchent pas ce dialogue et qui préfèrent se distancier de leur sujet. »[4].
Robert Doisneau dit à propos des photographies de Weiss : « Les scènes, en apparence inoffensives, ont été inscrites avec une volontaire malice juste à ce moment précis de déséquilibre où ce qui est communément admis se trouve remis en question. »[4].
Publications
Années 1960
Catherine Valogne, J'aime le théâtre, Lausanne, Editions Rencontre, , 301 p.
Sabine Weiss et Elisabeth Guimard, Poussettes, charrettes et roulettes, , 80 p. (ISBN978-2951365919)
Sabine Weiss et Julien Gracq (photogr. Sabine Weiss), Plénièrement, Fata Morgana, 24 p.
Sabine Musée de l'Hôtel-Dieu-Maximilien Luce et Gabriel Bauret, Musiciens des villes et des campagnes, Filigranes éd. Musée de l'Hôtel-Dieu Ville de Mantes-la-Jolie, (ISBN978-2-35046-074-1)
Claudia de' Medici: eine italienische Prinzessin als Landesfürstin von Tirol (1604 - 1648), Tyrolia-Verl, (ISBN978-3-7022-2615-2)
(langue non reconnue : eng) Sabine Weiss, Marion Weiss, Hugh Weiss et Marcel Vieugels, See and Feel, ABP Public Affaires, , 432 p.
Années 2010
« Masques et Rites, Burkina Faso », Trou, no 20, 2010.
↑(it) « "Sabine Weiss. La Poesia Dell'istante": Al Ducale la mostra che racconta la più importante fotografa umanista del dopoguerra », Goa Magazine, (lire en ligne, consulté le )
1997 : Regards croisés, avec Claude Villers sur France 3.
2011 : Sabine Weiss, une vie de photographe, documentaire de Franck Landron, Les Films en Hiver, 52 min[voir en ligne]
2014 : Mon métier de photographe, vidéo de Stéphanie Grosjean, présentée par le Salon de la photographie à Paris pour l’exposition rétrospective « Chère Sabine ».
2017 : Les 1001 vies de Sabine Weiss, de Jean-Baptiste Roumens, musée de l'Élysée, (en ligne sur elysee.ch).
2022 : Le siècle de Sabine Weiss, film de Camille Ménager, produit par Brotherfilms, Alice Mansion et Emmanuel François, avec la participation de France Télévisions. Diffusé sur France 5 le vendredi 3 février à 22h 45 et le jeudi 23 février à 12h. Disponible en replay sur le site de France 5 jusqu'au 5 juillet 2023.