Après son départ de l'Élysée, sa santé continue de se détériorer au fil des années. Les spécialistes affirment qu'il souffre d'un déclin cognitif sévère qui peut résulter de son AVC en 2005[1],[2]. La dernière séance du Conseil constitutionnel à laquelle il assiste est celle du . Dans un courrier de , il annonce son retrait de l'institution. Il effectue sa dernière apparition publique le , pour la remise des prix de la Fondation Chirac[3],[4],[5]. Sa fille Claude contrôle rigoureusement la communication autour de lui et les visites qu’il reçoit, faisant en sorte qu'il n'y ait plus de photographies de son père vieillissant et malade[6].
Jacques Chirac est hospitalisé entre 2013 et 2015, notamment pour une crise de goutte et une intervention rénale[7]. Le , c'est en fauteuil roulant qu'il assiste, à la basilique Sainte-Clotilde, aux obsèques de sa fille Laurence, décédée l'avant-veille[8]. En août de la même année, malgré sa santé déclinante, il peut séjourner à Agadir[9] mais il est rapatrié en urgence à la suite d'une sévère pneumonie, son pronostic vital étant engagé[10],[11],[12] ; il est hospitalisé près d'un mois à la Pitié-Salpêtrière[13]. Son fidèle Daniel Le Conte témoigne en 2017 que « le président a les yeux perdus dans des pensées indéchiffrables. […] Jacques Chirac n'a plus envie de faire l'effort [de parler], juste celui d'écouter, et encore », en ajoutant que sa fin de vie est bien différente de celle de François Mitterrand qui a conservé son esprit[12]. En , Jean-Louis Debré et Erwan L'Éléouet, biographe de Bernadette Chirac, indiquent que le président est quasiment mutique et ne reconnaît plus que sa femme, sa fille et ses auxiliaires de vie[14],[15].
À la fin de sa vie, il ne quitte plus un appartement où il est installé à partir de fin 2015, dans un hôtel particulier du 4, rue de Tournon. Situé au rez-de-chaussée côté cour, il est plus adapté à son état de santé que son ancien domicile du quai Voltaire et lui est prêté par son ami François Pinault. C'est là qu'il meurt le à 7 h 45[16], d'une insuffisance rénale[1], à l'âge de 86 ans[17],[18]. Sa famille annonce que l'ancien président « s'est éteint au milieu des siens, paisiblement »[19].
Réactions
De nombreuses personnalités politiques françaises et à l’étranger lui rendent hommage. Valéry Giscard d'Estaing, qui a été son adversaire politique à droite, déclare avoir « appris avec beaucoup d'émotion la nouvelle de la disparition de l'ancien président de la République ». Pour Nicolas Sarkozy, son successeur à l’Élysée en 2007, Jacques Chirac « a incarné une France fidèle à ses valeurs universelles et à son rôle historique », ajoutant que « c'est une part de [s]a vie qui disparaît ». Selon François Hollande, « Jacques Chirac avait su établir un lien personnel avec les Français ». Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, déclare que « Jacques Chirac fait désormais partie de l'histoire de France, une France à son image : fougueuse, complexe, parfois traversée de contradictions, toujours animée d'une inlassable passion républicaine ». Pour Gérard Larcher, président du Sénat, « Jacques Chirac aura incarné l’âme de la France »[20]. François Bayrou, président du MoDem, évoque à propos de Jacques Chirac un « attachement à l'unité des Français et aux valeurs républicaines »[21]. Une minute de silence est observée à l'Assemblée nationale et au Sénat le jour de sa mort[22], ainsi qu'aux Nations unies. Une journée de deuil national est décrétée en France pour le [23]. Emmanuel Macron annule un déplacement pour un débat prévu à Rodez pour faire le soir même une allocution télévisée. Il estime que « le président Chirac incarna une certaine idée de la France » et « était un grand Français, libre, […] amoureux taiseux de notre culture »[24].
Il est noté la réaction tardive des autorités américaines avec une déclaration du secrétaire d'État Mike Pompeo le [25], la Maison Blanche indiquant que l'ambassadrice américaine représenterait les États-Unis lors des obsèques[25]. La première personnalité américaine à avoir réagi est l'ancien président Bill Clinton, qui a salué la mémoire de Jacques Chirac au lendemain de sa mort[25] et annoncé sa présence aux obsèques.
Le Premier ministre japonais, Shinzō Abe, se rend à l'ambassade de France au Japon pour rendre hommage à Jacques Chirac le jour des obsèques de l'ancien président et adresse un message de condoléances à Bernadette Chirac[26],[27].
Des réactions plus nuancées voire critiques se font cependant entendre. Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière, le qualifie de « politicien bourgeois » et considère qu'il « ne laissera qu’un bon souvenir aux travailleurs : la grève de 1995 »[28]. D'autres personnalités de gauche radicale lui reprochent son discours sur « le bruit et l'odeur » des immigrés, la poursuite de la Françafrique et sa politique sociale[28]. Le journaliste d'investigation Edwy Plenel insiste quant à lui sur la condamnation judiciaire de l'ancien président et sur un héritage « bien maigre » au vu de ses 40 années en politique, tandis que le journaliste à The Economist Daniel Knowles écrit qu'il était « le dernier président français à avoir reçu d’énormes sacs d’argent des présidents africains pour soutenir ses campagnes de réélection »[29]. Jean-Marie Le Pen se déclare « un peu choqué » par l'émoi national autour de sa mort, estimant qu'il a été « l’accélérateur du déclin de la France » et qu'il « n’a rien réussi à proprement parler »[30]. De son côté, le magistrat Éric Halphen déclare : « Il aura montré le mauvais côté de la politique, c’est-à-dire celui où l’on se sert des marchés publics pour enrichir un parti afin d'arriver au pouvoir. Je retiendrai surtout le chef de l’État qui a abaissé la fonction présidentielle, car il est arrivé au pouvoir par de mauvais chemins »[31].
Raphaëlle Bacqué rappelle qu'un mot revient sans cesse dans ces hommages, celui de « sympathique », qui compense son bilan politique maigre : « l'humain chaleureux semble sans cesse invoqué comme pour rattraper le président médiocre »[32]. Cette analyse est confirmée par la presse internationale, qui loue sa personnalité, pas son bilan[33]. Un éditorial du Monde indique : « Sans doute ne prépara-t-il pas assez solidement la France, son économie et son industrie à affronter les défis de la mondialisation. À ce titre, il ne peut guère rivaliser avec ses prédécesseurs et leurs œuvres. Mais sa longévité, sa ténacité et sa personnalité en ont fait le passeur d’un siècle à l’autre. Jacques Chirac, un destin au reflet d’une époque »[34].
Hommages
La ville de Paris, dont Jacques Chirac a été maire pendant 18 ans, et l'administrateur de la Tour Eiffel décident d'éteindre les lumières de l'édifice au soir de sa mort[35].
Fait inédit après la disparition d'un président de la République, le palais de l'Élysée ouvre ses portes au public afin de laisser les citoyens déposer un mot dans un recueil de condoléances[36], une heure après l'intervention télévisée d'Emmanuel Macron. Le même soir, Emmanuel Macron et son épouse, Brigitte, se rendent au domicile des Chirac, pour présenter leurs condoléances et se recueillir devant la dépouille de l'ancien président. Ils sont les seuls à être reçus, avec l'ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres, afin de ménager Bernadette Chirac, décrite comme très affaiblie[37].
Le président de la République Emmanuel Macron décrète une journée de deuil national pour le lundi , comme cela avait été le cas à la mort de précédents présidents, Charles de Gaulle en 1970, Georges Pompidou en 1974 et François Mitterrand en 1996 et seulement la huitième fois qu'une journée de deuil national est décrété en France depuis 1958 et le début de la Ve République[38]. Emmanuel Macron décide aussi d'une minute de silence dans les administrations et les écoles ce jour-là à 15 heures.
Le jour de la mort de Jacques Chirac se produit un important incendie dans l'usine Lubrizol de Rouen, usine classée Seveso, que la couverture de la mort de l'ancien président de la République éclipse dans les médias[41]. Plusieurs internautes réagissent sur les réseaux sociaux, ce dont quelques médias se font l'écho[42], mais il faut attendre le surlendemain pour que les médias traitent de cet incendie et de ses conséquences.
Obsèques
Peu après l'annonce de la mort de Jacques Chirac, la présidence de la République annonce des funérailles nationales[43].
L'évêque de Nanterre Matthieu Rougé, quand il était en mission au diocèse de Paris, avait préparé ces obsèques avec la famille. Il indique que « ce qui a toujours guidé la famille Chirac, c'est la volonté de rester dans la jurisprudence des précédentes obsèques des anciens présidents de la République. Charles de Gaulle avait eu une cérémonie intime à Colombey-les-Deux-Églises, Georges Pompidou un enterrement familial à Orvilliers et François Mitterrand à Jarnac, tout en permettant un recueillement national en simultané. Il y aura aussi, pour Jacques Chirac, un temps dédié aux proches et la possibilité pour tous de saluer la mémoire de l'homme d’État »[44]. À la différence des précédents présidents défunts, la cérémonie a lieu en présence de la dépouille de Jacques Chirac.
Parmi les milliers d'anonymes présents, plusieurs personnalités politiques viennent lui rendre hommage à l'instar de ses anciens ministres Philippe Douste-Blazy, Gilles de Robien, Jacques Toubon, Alain Madelin, Jean-Louis Debré et Frédéric de Saint-Sernin, et des députés Cédric Villani et Benjamin Griveaux. Un livret d’une dizaine de pages intitulé Jacques Chirac par ses mots, préparé par la famille, est distribué à l’assistance. Une bande-son est diffusée avec neuf extraits de discours de Jacques Chirac, du discours du Vél’ d’Hiv’ à l'allocution télévisée d'adieu de 2007. Devant l'importance de la foule, l'accès reste ouvert au public toute la nuit jusqu'à 7 h[45].
La famille Chirac fait savoir que la présence de Marine Le Pen n'est pas souhaitée alors que la députée et présidente du RN avait initialement indiqué qu'elle viendrait[53] ; cette dernière renonce finalement à assister à la cérémonie d’hommage[54].
80 dignitaires étrangers[56], dont une trentaine de chefs d'État et de gouvernement et de nombreux ambassadeurs assistent également à la cérémonie. Parmi eux :
À la suite d'un « malentendu » entre l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder et le palais de l'Élysée, ce dernier, proche de Jacques Chirac, n'est finalement pas présent[64].
La place Saint-Sulpice, située devant l'église, est ouverte au public et deux écrans géants retransmettant la cérémonie sont dressés devant la façade de Saint-Sulpice.
Selon Le Figaro, Jacques Chirac repose dans « un cercueil en pin massif orné d’une croix simple, aux poignées en métal, fait sur-mesure dans le Jura » par la maison Henri de Borniol. Les dimensions du cercueil ont été adaptées pour accueillir la dépouille de l’ancien président qui était de grande taille (1,89 m). Un deuxième cercueil a également été fabriqué, en cas d’imprévu[66],[67].
Le cimetière du Montparnasse connaît une forte hausse de fréquentation dans la semaine suivant l’inhumation de Jacques Chirac[68]. Un mois après sa mort, 20 minutes constate que l’affluence s’est atténuée et que la tombe de l’ancien président « fait partie des tombes visitées mais au même titre que celles d’autres personnalités »[69]. Le quotidien relève que, malgré la présence d’affiches indiquant l’emplacement de la tombe, « sa sépulture n’est pas devenue un lieu de pèlerinage »[69], contrairement aux tombes de Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises et de François Mitterrand à Jarnac[70].
En Corrèze, fief politique de Jacques Chirac, plusieurs hommages ont lieu. Nombre de drapeaux sont mis en berne dans les mairies du département. À Sarran, le musée qui porte son nom reste exceptionnellement ouvert le soir de sa mort[73].
De nombreuses personnalités politiques corréziennes, comme le maire d'Ussel Christophe Arfeuillère, le député Christophe Jerretie et le président du conseil départemental Pascal Coste, rendent hommage à l'ancien président, qui fut député de la Corrèze à plusieurs reprises entre 1967 et 1995. Tous soulignent ses apports positifs à la Corrèze notamment par le biais de sa Fondation[74].
Le , lors d'un salon de l’élevage à Ussel, les discours d'hommage à Jacques Chirac sont suivis d'une minute d'applaudissement[75]. Le , une messe à la cathédrale de Tulle réunit plus de 650 personnes[76]. Le même jour, environ 250 personnes assistent aux hommages du conseil départemental de la Corrèze. Christophe Arfeuillère, par ailleurs vice-président du département, évoque une Corrèze « aujourd'hui orpheline »[77].
La Fondation Jacques Chirac, qu'il a créée en 1971, lui rend hommage le à son siège d'Ussel. Outre les élus de Haute-Corrèze qui ont un établissement de la Fondation sur leur commune, elle est suivie par de nombreux employés et résidents[78]. La Fondation Jacques Chirac est le premier employeur de la Corrèze avec 830 salariés[79].
Un hommage officiel, à la demande de la famille et du département, se tient le [80],[81].
Hommages au Parlement
Le , le Premier ministre Édouard Philippe rend hommage au président Jacques Chirac dans un discours à l'Assemblée nationale, suivi d'une minute de silence dans l'hémicycle, en présence en tribune des anciens présidents de l'Assemblée Jean-Louis Debré et Patrick Ollier et des anciens Premiers ministres Alain Juppé et Édith Cresson. Une exposition regroupant des photos de Jacques Chirac dans l’hémicycle, mais aussi sur sa terre d’élection ou au Salon de l'agriculture, ainsi que des anciennes brochures électorales ou professions de foi, et ses fiches de député remplies à la main sont présentées dans le salon de la Paix (dit salle des pas perdus) en l’honneur de l’ancien président qui fut député entre 1967 et 1995[82],[83].
Un hommage lui est également rendu au Sénat, le , par le président Gérard Larcher, qui salue « un sublime guerrier de la politique »[84],[85].
↑ abcdefghijk et lBenoît Floc'h, Béatrice Gurrey et Solenn de Royer, « Adieux intimes et offices solennels pour un dernier hommage à Jacques Chirac », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).