Le cycle est composé pour la future comtesse Marie-Blanche de Polignac à la demande d'Étienne de Beaumont, et est destiné à être interprété en privé lors d'un bal baroque, « l'Antiquité sous Louis XIV », organisé par le comte de Beaumont en son hôtel de Masseran. La soirée se déroule le 30 mai 1923 et est l'objet d'une brouille entre Satie et Fargue, pourtant « vieux compères de bistrot des années montmartroises »[3]. En effet le nom de Fargue est absent du programme de la soirée et le poète en prend ombrage, si bien qu'il insulte son hôte, qui se résout à le provoquer en duel. Le combat singulier n'aura finalement pas lieu mais la fâcherie est consommée[4].
La première audition publique est donnée en décembre de la même année, salle des Agriculteurs[5], par la cantatrice Jane Bathori et le compositeur au piano[6].
Structure
Le cahier, d'une durée d'exécution de quatre minutes environ[7], comprend cinq mouvements[8], des pages « courtes mais pleines de surprise »[2] :
La première pièce, Air du rat, sur un poème empli de mots inventés, se présente comme une comptine, « sur un motif harmonique repris sept fois ». La deuxième, Spleen, aux tournures modales, « s'achève sur un éclat véhément ». La troisième, La grenouille américaine, s'ouvre sur un long prélude instrumental[2].
La très courte quatrième mélodie, Air du poète, qui tient en dix mesures, est « plus à dire qu'à chanter ». Enfin, la Chanson du chat, qui clôt le recueil, renoue avec l'esprit des comptines, impression accentuée par la présence d'échos de Compère Guilleri et la « forme régulière en deux courtes strophes[10] ».
Bruno Giner considère les Ludions comme une synthèse idéale des différents styles musicaux de Satie : « on retrouve le style caf' conc' et music-hall dans l'Air du rat et La grenouille américaine, un soupçon de musique d'ameublement à l'allure répétitive dans Spleen, une mélodie « blanche » à la Socrate dans l'Air du poète, et quelques loufoqueries basées sur des jeux d'onomatopées dans l'irrésistible Chanson du chat[3] ».