La paix a pour effet de démobiliser la plupart des soldats engagés, sauf ceux de l'armée royale et les troupes autorisées par l'édit de Nantes[4]. Certains hommes d'armes éprouvent des difficultés à revenir à la vie civile et continuent d'utiliser la violence, mais pour leur propre compte.
Les frères Guilleri constituent ainsi une bande de brigands qui, pendant dix ans, pille les campagnes françaises dans les provinces de Bretagne, de Poitou, de Saintonge et de Guyenne. Ils sont faits prisonniers en 1608, condamnés à mort et roués vifs à Saintes.
Adéquation de la chanson à l'histoire des frères Guilleri
Mais le « compère Guilleri » de la chanson n'est pas présenté comme un criminel (contrairement par exemple à la Complainte de Mandrin) : il s'agit d'un chasseur qui se blesse au cours d'une partie de chasse à la perdrix et est soigné par les dames de l'hôpital le plus proche.
Il est à noter que la « chasse au perdrix » est une métaphore évoquant les armoiries des Seigneurs de l'Aunis, une des régions où sévissaient les frères Guilleri : « de gueules à une perdrix couronnée d'or ».
Dans l'ensemble, les paroles ont un aspect humoristique (le chasseur est un peu ridicule). Une phrase a cependant une dimension tragique : « Te lai[sse]ras-tu mouri[r] ? ».
Autre origine possible
Une autre interprétation repose sur le fait qu'en vieux français, « guilleri » désignait le chant du moineau, par métonymie, le moineau lui-même[5], et par métaphore le sexe masculin. C'est ainsi que le dauphin Louis, fils d'Henri IV, enfant, désignait son sexe, affirmant même qu'il y avait « un os dedans »[6].
Dans ce cas, la « chasse aux perdrix » pourrait peut-être être envisagée comme une métaphore de la recherche de compagnie féminine, avec le risque de devoir ensuite aller à l'hôpital se faire soigner.
Paroles
1.
Il était un p'tit homme
Qui s'appelait Guilleri, carabi
Il s'en fut à la chasse
À la chasse aux perdrix, carabi Refrain
Titi carabi, toto carabo,
Compère guilleri.
Te lairas-tu, te lairas-tu,
Te lairas-tu mouri?
2.
Il s'en fut à la chasse
À la chasse aux perdrix, carabi
Il monta sur un arbre
Pour voir ses chiens couri, carabi… (refrain)
3.
Il monta sur un arbre
Pour voir ses chiens couri, carabi
La branche vint à rompre
Et Guilleri tombit, carabi…
4.
La branche vint à rompre
Et Guilleri tombit, carabi
Il se cassa la jambe
Et le bras se démit, carabi…
5.
Il se cassa la jambe
Et le bras se démit, carabi
Les dam's de l'hôpital
Sont arrivées au bruit, carabi…
6.
Les dam's de l'hôpital
Sont arrivées au bruit, carabi
L'une apporte un emplâtre
L'autre de la charpie, carabi…
7.
L'une apporte un emplâtre
L'autre de la charpie, carabi
On lui banda la jambe
Et le bras lui remit, carabi…
8.
On lui banda la jambe
Et le bras lui remit, carabi
Pour remercier ces dames
Guill'ri les embrassit, carabi…
9.
Pour remercier ces dames
Guill'ri les embrassit, carabi
Elle prouve que par les femmes
L'homme est toujours guéri, carabi…
Notes sur la langue de la chanson :
« mouri », « couri » au lieu de « mourir » et « courir » (prononciation populaire de l'époque) ;
« Te lairas-tu » pour « Te laisseras-tu » (forme populaire concurrente du futur simple de l'indicatif, et du conditionnel, cf. https://fr.wiktionary.org/wiki/lairrer) ;
« tombit », « embrassit » au lieu de « tomba », « embrassa ».
Frank Funck-Brentano "Compère Guilleri", p.86-101, in Histoire du brigandage, réédition Tallandier, 1978.
Bernard Hautecloque, "Guilleri, la légende du Poitou" p.47-68, in Brigands, éditions De Borée, 2016.
Notes et références
↑Histoire de la vie, grandes voleries et subtilités de Guilleri, et de ses compagnons: Et de leur fin lamentable & malheureuse., Chez J.A. Garnier, (OCLC55791234, lire en ligne)