Gaston Ghrenassia[3] est le fils de Sylvain Ghrenassia et Suzanne Zaouch, une famille arabe juive d’Algérie, musiciens de malouf[4]. Il se définit lui-même comme juif d'origine berbère[5] d'Aïn Abid. Son père est violoniste dans l’orchestre de Raymond Leyris dit Cheikh Raymond (son futur beau-père).
Il apprend la guitare avec son cousin Jean-Pierre, mais aussi avec des amis gitans qui lui donnent le surnom de « petit Enrico », son futur prénom d’artiste. Son nom d’artiste résulte d’une erreur de la secrétaire de la maison de disques qui a mal compris son nom au téléphone et le baptise « Macias », alors qu’Enrico lui avait soufflé « Nassia »[6].
Carrière
Débuts (1956-1963)
D’abord instituteur en 1956[7], il rejoint l’orchestre de Cheikh Raymond. Ce dernier, symbole de l’échange entre les communautés d’Algérie, est assassiné en juin 1961 par le FLN, à Constantine. La famille Ghrenassia se décide à quitter l’Algérie le , soit onze mois avant la fin de la guerre. C'est durant cette traversée nostalgique de la Méditerranée comme de nombreux expatriés, qu'il compose à la guitare « J'ai quitté mon pays, j'ai quitté ma maison »[8]. La famille s’installe à Argenteuil.
Il travaille irrégulièrement, vit de petits boulots tout en se produisant dans les cabarets. Repéré, il fait la première partie d’un concert de Gilbert Bécaud.
Il passe en 1962 pour la première fois à la télévision dans l’émission Cinq colonnes à la une pour illustrer un reportage sur les rapatriés d'Algérie[6]. Son interprétation de la chanson Adieu Mon pays, devient le symbole de l’exil des Pieds-Noirs et il devient célèbre. Il adopte alors le pseudonyme d’Enrico Macias en 1964.
Pathé Marconi sort son premier album en 1963, avec le titre phare Enfants de tous pays[8].
Reconnaissance (années 1960 à 1990)
Au printemps 1964, il fait la première partie des Compagnons de la chanson à l'Olympia de Paris. Il touche le public avec des chansons comme Paris, tu m'as pris dans tes bras.
À partir de ce moment, il parcourt le monde, enregistrant et chantant en français, en arabe algérien, en espagnol ou en italien, éprouvant son répertoire avec un grand succès sur tous les continents et dans des pays d'Orient tels que le Liban, Israël, la Grèce ou la Turquie où nombre de ses chansons sont traduites et interprétées par des artistes turcs. En 1968, ses débuts nord-américains au Carnegie Hall de New York font salle comble et il poursuit ainsi à Chicago, Dallas, Los Angeles. Il chante également au Canada et dans les pays d'Europe du Sud, aussi en Union soviétique où il se produit dans plus de 40 villes (1966) ou au Japon (1966).
Malgré l'énorme popularité d'Enrico Macias en URSS, il se trouve qu'après la guerre des Six Jours où il a chanté pour les soldats de Tsahal, et la victoire d'Israël en 1967, le nom du chanteur est secrètement interdit dans la « Patrie du communisme ».
En 1976 , il reçoit un disque d'or pour sa composition Mélisa.
Juste après le traité de paix israélo-égyptien de 1978, le président égyptien Anouar el-Sadate invite Macias - interdit dans les pays arabes - à chanter devant un public de 20 000 personnes au pied des pyramides. Lors de cette prestation, il chante et délivre un message de paix. En 1981, il composera la chanson Un berger vient de tomber à la mémoire de Sadate qui a été assassiné.
En 1998, il devient membre du conseil de surveillance du groupe Partouche. Il est également directeur général délégué de la Société européenne de grands restaurants, qui gère entre autres le Laurent, appartenant au groupe.
Dans les années 1990, Macias s'essaie comme acteur de théâtre dans la pièce Quelle Nuit, jouant le rôle d'un juge dans le téléfilm français Monsieur Molina ou d'un père de famille dans La Vérité si je mens II (2001)
Depuis 2000
Sa décision de jouer des concerts en Algérie suscite une énorme controverse. Après l'annulation d'un projet de tournée en Algérie en 2000, il a écrit un livre, Mon Algérie (Editions Plon en octobre 2001) commercialisé comme une « véritable histoire d'amour entre un homme et sa patrie ».
En 2008, il est ruiné, ayant perdu 20 millions d'euros dans la crise financière islandaise à la suite de la faillite de la banque Landsbanki dans laquelle il avait investi cette somme en hypothéquant sa villa de Saint-Tropez[9].
En 2011, il joue dans le film Bienvenue à bord en tant que lui-même.
En tournée de célébration de ses 60 ans de carrière, accompagné de ses 8 musiciens (dont son fils à la guitare électrique), il se produit en concert gratuit le 29 juillet 2023 à Mâcon, esplanade Lamartine, sur la scène du festival Été frappé (dont il est cette année-là la tête d'affiche) devant 4 000 spectateurs conquis. En préambule, le chanteur avait reçu dans l'après-midi la médaille de la ville des mains du maire Jean-Patrick Courtois[15],[16].
Vie privée
En 1962, il épouse Suzy Leyris (1940-2008)[17], la fille de Raymond Leyris.
Le couple a deux enfants : Jocya (1964) et Jean-Claude (1969)[18].
Le , il révèle à l'émission L'Heure des pros avoir contracté la Covid-19 dont il est guéri[22]. Le mai, il est victime d'une mauvaise chute au cours d'une promenade à proximité de son domicile, qui lui brise le col du fémur ; il est opéré le [23].
Il est le cousin éloigné du journaliste Paul Amar, leurs grands-pères étaient cousins germains[24].
Placements financiers et contentieux avec Landsbanki
En 2007, Enrico Macias et sa femme contractent un prêt de 35 millions d'euros auprès de Landsbanki Luxembourg, filiale luxembourgeoise de la banque islandaise Landsbanki. Ce prêt est gagé notamment sur la villa du chanteur à Saint-Tropez. Ils perçoivent une part du prêt (9 millions d'euros), ayant besoin de liquidités pour rénover cette villa, tandis que l'autre est placée par la banque sur des fonds à forts rendements potentiels mais à risque (dits fonds spéculatifs, de gestion alternative ou hedge fund), dans l'attente de ce que les gains de ces placements permettent de couvrir la somme perçue, les intérêts de l'emprunt voire l'ensemble de la somme empruntée, par effet de levier.
Ces placements ayant perdu de leur valeur lors de la crise financière de 2008 en Islande, la banque est mise en liquidation et les liquidateurs de la banque réclament les garanties engagées pour le remboursement du prêt. Ayant refusé le remboursement réclamé, Enrico Macias est poursuivi et condamné en 2014 par un tribunal de Luxembourg à verser 30 millions d'euros à la filiale[25]. Il conteste cette décision, dont l'exécution est suspendue en France[26]. Le chanteur a assuré à Nice-Matin qu'il n'abandonnerait pas son combat judiciaire. « Je vais la garder. On ne me la prendra jamais », a-t-il indiqué. Cette décision est confirmée en appel en 2017 et son pourvoi en cassation est rejeté en 2019[27]. Il porte plainte en France pour escroquerie contre la banque. Lors de l'ouverture du procès en mai 2017, Enrico Macias se montre déterminé. « Cela fait dix ans que je vis avec la peur au ventre de perdre mon seul bien. J'ai sué pour l'avoir. J'ai travaillé près de cinquante ans pour obtenir ce privilège d'avoir une belle propriété », a-t-il confié, tout en insistant sur le fait qu'on lui avait « menti, [et qu'on l'avait] trompé et escroqué ». Le 28 août 2017, il perd son procès en France contre la banque islandaise[28]. Il perd à nouveau en appel en janvier 2020[29] et ses recours en cassation (avec d'autres emprunteurs) sont déclarés irrecevables le 17 novembre 2021[30]. Le 7 décembre suivant, la Cour européenne des droits de l'homme condamne le Grand-Duché de Luxembourg à verser 12000 euros de dommages et intérêts à Enrico Macias du fait de la gestion de son dossier contentieux. Cette décision ne remet pas en cause le recouvrement des sommes réclamées par la filiale luxembourgeoise de Landsbanki[31].
Engagements
Engagement en faveur d’Israël
En , Enrico Macias est décoré par le ministère israélien de la Défense « pour son soutien à l’État d’Israël et à son armée tout au long de sa carrière »[32].
Enrico Macias participe ponctuellement à des événements et manifestations de soutien à Israël. En janvier 2008, il parraine le gala de l’association Migdal, destiné à apporter un soutien aux militaires de l’unité Magav, chargée de la surveillance des frontières israéliennes[33]. Le , il est présent à un rassemblement de solidarité avec les victimes israéliennes[34],[35], organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en réaction à une manifestation ayant eu lieu la veille dénonçant l’intervention de l’armée israélienne (Tsahal) dans la bande de Gaza[36],[37].
En , dans une interview au journal Le Parisien, il se montre perplexe face aux juifs qui se sentent mal à l'aise en France et qui décident de partir pour Israël. Il aborde également la cause palestinienne avec une anecdote qui lui est arrivée peu de temps auparavant, en déclarant[19] :
« L'antisémitisme, il faut le combattre, pas le fuir. J'en ai été victime à mes débuts. Aujourd'hui, on ne m'insulte plus, mais parfois je me retrouve dans des situations délicates. Il y a peu, un jeune Maghrébin m'a interpellé dans la rue en me disant : Salut Enrico, et en ajoutant Vive la Palestine. Je lui ai dit : Je suis d'accord, vive la Palestine. Moi aussi je peux le crier. Mais je veux que tu cries aussi vive Israël. Et tous les deux on a crié Vive Israël, vive la Palestine ! Quelle leçon je lui ai donnée. »
Dans son autobiographie, L'Envers du ciel bleu, parue en 2015, il évoque son combat pour la paix dans le conflit israélo-palestinien[38].
Le 10 octobre 2023, quelques jours après le début du conflit opposant Israël au Hamas, lors de l'émission L'Heure des pros 2 sur CNews, il a appelé à « dégommer », « peut-être même physiquement », les membres du parti La France insoumise en raison de leurs déclarations à propos de la guerre israélo-palestinienne[39].
N'étant pas, depuis 1961, autorisé à retourner en Algérie[42], il prévoit néanmoins d’accompagner le président Sarkozy, lors d’un voyage officiel dans ce pays en . Il doit y renoncer, à la suite de l’opposition des autorités algériennes, en particulier du Premier ministre Abdelaziz Belkhadem et du ministre des Anciens Combattants Cherif Abbas. Il évoque ce refus de le laisser visiter son pays natal dans la chanson Je suis resté fidèle (Le Voyage).
S'il a grandi dans la musique judéo-arabe, Enrico Macias se lance rapidement à son arrivée en France dans des chansons de variétés orientalistes, inspirées par la musique arabo-andalouse (Adieu mon pays, Les filles de mon pays), où l’influence de Lili Boniche est patente (L’Oriental)[a]. Son professeur est alors Raymond Leyris, maître du malouf constantinois, en filiation directe avec la musique arabo-andalouse.
Au cours de son arrivée en France, le style de ses disques évolue vers une musique moins marquée et plus facilement accessible au grand public ; il change son instrument, le oud, pour la guitare. Pour toucher un large public, il compose des chansons dont la structure et l'harmonie sont occidentales. Il reste néanmoins attaché à ses racines musicales dans les chansons qu’il interprète en concert, ou en 1979, quand il invite les Gipsy Kings à assurer sa première partie à l’Olympia après qu’il eut fait de même avec la chanteuse Danièle Danaé. De même, il adopte les rythmes à la mode de la valse, de la bossa. Plus tard[Quand ?], il essaie de renouer de façon plus systématique avec la musique arabo-andalouse.
Parmi les divers paroliers qui ont signé les textes du répertoire de Macias, Jacques Demarny accompagna une grande partie de la carrière de cet interprète (dans les années 1960 à 1980) et fut l’auteur de la majorité de son répertoire (une centaine de chansons).
↑Patronyme d'origine arabe du nom de la tribu des « Ghenaissia », Laurent Herz, Dictionnaire étymologique de noms de famille français d'origine étrangère et régionale : avec l'étymologie de quelques noms étrangers célèbres, L'Harmattan, 1997, p. 130.
↑Roger Berg, Chalom Chemouny, Franklin Didi, Guide juif de France, Éditions Migdal, 1971, p. 429.
↑Enrico Macias, L'Envers du ciel bleu, Le Cherche Midi, 2015, p. 16.
↑ a et bIsabelle Morizet, « Enrico Macias » dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie sur Europe 1, 17 février 2013.
↑Ambre Grayman, « Migdal/Magav : Le même combat pour la paix », sur Guysen news international, (consulté le ) : « À noter enfin que le gala a bénéficié du parrainage d’Enrico Macias ».