Au moment de l'installation d'Élisabeth en Allemagne, Adolf Hitler vient tout juste d'instaurer sa dictature et, même si la princesse et son époux ne rejoignent jamais le parti national-socialiste, ils en ressentent toute l'influence. Utilisés pour leurs liens familiaux avec le régent Paul de Yougoslavie et le duc de Kent, époux des sœurs d'Élisabeth, les Toerring soutiennent la politique du Führer auprès de leur parentèle, ce qui n'est pas sans amener des tensions au moment de la Seconde Guerre mondiale.
Isolée de sa famille après l'invasion de la Yougoslavie par le Troisième Reich (1941), Élisabeth sort affaiblie du conflit mondial, mais reprend néanmoins sa place au sein du gotha européen. Atteinte d'un cancer, elle meurt en 1955 et sa dépouille est enterrée dans la nécropole familiale des Toerring, à Winhöring.
Famille
Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations contenues dans cette section proviennent du site internet The Peerage[1].
Du mariage d’Élisabeth et de Charles-Théodore naissent deux enfants :
Hans Veit de Toerring-Jettenbach (1935), comte de Toerring-Jettenbach, qui s'unit, en 1964, à la princesse Henriette de Hohenlohe-Bartenstein (1938). D'où trois enfants :
Clarissa de Toerring-Jettenbach (1965), comtesse de Toerring-Jettenbach, qui épouse le prince Tassilo de Hohenlohe-Schillingsfürst (1965),
Ignatius de Toerring-Jettenbach (1966), comte héréditaire de Toerring-Jettenbach, qui s'unit à Robiana Mentasti-Granelli (1976),
Karl de Toerring-Jettenbach (1969), comte de Toerring-Jettenbach, qui se marie, en 2009, à Natasha Ivanova (1975) ;
Hélène de Toerring-Jettenbach (1937), comtesse de Toerring-Jettenbach, qui épouse, en 1956, l'archiduc Ferdinand d'Autriche (1918-2004). D'où trois enfants :
Élisabeth d'Autriche (1957-1983), archiduchesse d'Autriche, qui s'unit, en 1982, à James Litchfield (1956),
Maximilien d'Autriche (1961), archiduc d'Autriche, qui s'unit, en 2005, à Sara Maya Al-Askari (1977).
Biographie
Petite enfance (1904-1909)
Une enfance grecque
La famille d'Élisabeth, en 1909. De gauche à droite, apparaissent la princesse Olga, le prince Nicolas, la princesse Élisabeth, la grande-duchesse Hélène et la princesse Marina.
Deuxième fille du prince Nicolas de Grèce et de la grande-duchesse Hélène Vladimirovna de Russie, la princesse Élisabeth voit le jour le au palais de Tatoï[2],[3],[4]. Surnommée « Woolly » à cause de son épaisse chevelure[5],[6], l'enfant naît moins d'un an après sa sœur aînée Olga[3], avec laquelle elle devient très proche en grandissant[7]. Deux ans plus tard, la famille s'élargit à nouveau avec l'arrivée de la princesse Marina, qui n'a pas tout à fait la même complicité avec ses aînées[8].
Régulièrement vêtues à l'identique par leur mère[9], les trois fillettes grandissent au sein d'un foyer aimant et uni[10]. Ensemble, leurs parents s'expriment généralement en anglais[11] et c'est cette langue que les enfants utilisent le plus spontanément[12],[13], même si elles maîtrisent parfaitement le grec[11], qu'elles parlent notamment entre elles à l'étranger lorsqu'elles ne veulent pas être comprises[14]. Pendant leur petite enfance, Élisabeth et ses sœurs reçoivent une éducation relativement simple, sous la supervision d'une gouvernante britannique du nom de Kate Fox[15],[16]. Élevées dans la foi orthodoxe[17], les princesses reçoivent leur instruction religieuse de Ioulía Somáki-Karólou, une amie de leur grand-mère paternelle, la reine des Hellènes Olga[18].
En Grèce, Élisabeth et les siens résident au palais Nicolas[N 2], cadeau de mariage athénien du tsar de Russie à sa cousine[15],[19],[20]. Pendant le règne de Georges Ier, la famille séjourne aussi régulièrement à Tatoï, où Élisabeth et ses sœurs retrouvent avec plaisir leurs nombreux cousins et cousines grecs[7]. Après l'accession au trône de Constantin Ier, cependant, les parents de la princesse acquièrent leur propre résidence secondaire, à Kephissia[21]. Kate Fox étant une adepte des sorties au grand air, Élisabeth fréquente régulièrement les plages de Vouliagméni et de Phalère, où elle s'adonne à la natation et aux bains de soleil[7]. Avec leurs parents, l'enfant et ses sœurs ont également l'habitude de visiter sites archéologiques, musées et galeries d'art[21].
Voyages et relations familiales
Réunion familiale autour du tsar Nicolas II et de son épouse. La petite Élisabeth se trouve juste au-dessus de l'empereur (v. 1910).
Le prince Nicolas et son épouse se rendant une à deux fois par an en Russie, Élisabeth et ses sœurs effectuent, dès leur plus tendre enfance, des séjours dans le pays de leur mère[22],[23],[24]. Leur première visite dans l'empire tsariste coïncide d'ailleurs avec la révolution de 1905, ce qui oblige les princesses à quitter précipitamment Saint-Pétersbourg et à trouver refuge à Schwerin avec leur grand-mère maternelle[25].
Pour les fillettes, ces voyages en Russie sont l'occasion de retrouver leur nombreuse parentèle Romanov : d'abord la branche des Vladimirovitch (autrement dit le grand-duc Vladimir, la grande-duchesse Maria Pavlovna, leurs trois fils et les familles de ceux-ci)[26], ensuite la branche des Konstantinovitch (issue du grand-duc Constantin Nikolaïevitch, grand-père maternel du prince Nicolas)[27] et enfin la famille impériale elle-même (et notamment les trois derniers enfants du tsar Nicolas II, plus proches en âge des princesses grecques)[28].
Si le grand-duc Vladimir intimide ses petites-filles avec sa voix de stentor, la grande-duchesse Maria Pavlovna se révèle une grand-mère aimante et généreuse, qui choie les princesses tout en surveillant attentivement leur éducation et leurs manières[29],[30]. La grande-duchesse est cependant à l'origine d'un important traumatisme dans la vie d'Élisabeth et de ses sœurs. En 1913, Maria Pavlovna contraint, en effet, sa fille et son gendre à renvoyer Kate Fox, sous peine de les priver de tout soutien financier en cas de refus[31],[32],[33]. L'Anglaise est alors éloignée de ses protégées, sans même pouvoir leur dire au revoir. En dépit de cet événement, Élisabeth et sa famille conservent toute leur affection à la gouvernante, qui revient à leur service après la disparition de son ennemie, en 1921[34],[35],[36],[37].
Dans les mêmes moments, se produit la mise à l'écart de Kate Fox et l'éducation des trois fillettes prend un tour nouveau[18]. Confiées aux soins de deux tutrices, une Française nommée Mlle Perrin[33] et une Grecque nommée Kyria Anna[18], les princesses reçoivent des cours de littérature française, d'allemand et de gymnastique[50] tandis que leur instruction religieuse est renforcée en vue de leur première communion[18]. Avec sa sœur Olga, Élisabeth suit, en outre, des leçons d'équitation et devient bientôt une cavalière émérite, ce qui la distingue de son aînée[51]. Dans un premier temps, ces cours se tiennent dans les jardins du palais royal et c'est sur des poneys appartenant à leurs cousins le prince Paul et la princesse Irène que les petites filles apprennent à monter à cheval[52]. Cependant, le refroidissement des relations entre la reine Sophie et la grande-duchesse Hélène conduit ensuite les petites filles à s'entraîner loin du palais royal[53].
La Première Guerre mondiale et le Schisme national (1914-1917)
Au sein même de la famille royale, la question de la participation au conflit mondial n'est pas sans causer des tensions, d'autant que la mère d'Élisabeth suspecte la reine Sophie de soutenir la cause de son frère, le KaiserGuillaume II[62]. Outre ces divisions, qui conduisent Élisabeth à voir moins régulièrement les filles du roi Constantin Ier[63], la guerre apporte aussi son lot de difficultés financières. Les revenus du prince Nicolas dépendant très largement de l'apanage de son épouse, son foyer est lourdement affecté par la crise économique qui sévit dans l'Empire russe[64]. Longtemps préservée des combats, la capitale hellénique est, en outre, frappée par des tirs alliés en , ce qui contraint Élisabeth et ses sœurs à trouver refuge dans les caves du palais Nicolas[65],[66].
La situation de la famille s'aggrave encore en 1917. En février, une révolution renverse le régime tsariste, privant Constantin Ier du dernier de ses soutiens au sein de l'Entente. Dans le même temps, l'inquiétude se développe quant au sort des membres de l'ancienne famille impériale[65]. Comme de nombreux autres Romanov, les deux grands-mères d'Élisabeth se retrouvent en effet prises au piège dans leur palais[65],[67] tandis que plusieurs autres parents de la fillette sont arrêtés[N 3]. Finalement, en juin, l'Entente contraint Constantin Ier à abdiquer en faveur de son deuxième fils, le prince Alexandre, et à partir en exil[68]. D'abord épargnés par les événements, le prince Nicolas et les siens sont bientôt poussés à abandonner la Grèce à leur tour, ce qu'ils font le suivant[69],[70],[71],[72].
L'exil suisse et l'inquiétude pour les Romanov (1917-1920)
En Suisse, Élisabeth et les siens mènent une vie itinérante qui les conduit successivement à Saint-Moritz[73], Zurich[74], Ouchy[75], Villeneuve[36] et Montreux[36]. La fortune de la grande-duchesse Hélène ayant été confisquée par les bolcheviks, la famille est contrainte de renvoyer une partie de ses domestiques[74]. Par mesure d'économie, Élisabeth doit en outre partager, pour la première fois de sa vie, une chambre avec ses sœurs. Du fait des pénuries de charbon, et donc d'eau chaude, liées à la guerre, l'adolescente est, par ailleurs, contrainte à se limiter à un seul bain par semaine. Pendant un temps, la princesse et ses sœurs sont scolarisées dans une école de Zurich, mais leurs difficultés en allemand contraignent finalement leurs parents à recourir à l'instruction à domicile, supervisée par une préceptrice trilingue nommée Mlle Genand[74].
La situation de leur parentèle russe est une autre source d'inquiétude pour Élisabeth et les siens. Certes, la famille du prince Nicolas a le soulagement de retrouver saines et sauves la reine Olga (en juin-)[75],[76],[77] et la grande-duchesse Maria Pavlovna (en )[78],[79], mais cette dernière a été très affaiblie par les privations, et elle meurt quelques mois seulement après avoir réussi à fuir son pays[80]. Beaucoup d'autres Romanov sont moins chanceux[76],[80] et la nouvelle de l'assassinat de la famille impériale sème ainsi la consternation chez les exilés grecs[75]. Seule consolation pour le petit groupe : la branche des Vladimirovitch (à laquelle appartient la grande-duchesse Hélène) a été entièrement épargnée par la guerre civile et la répression communiste[80]. La grande-duchesse Maria Pavlovna est, en outre, parvenue à sauver ses bijoux, ce qui assure quelques subsides à la famille d'Élisabeth[80].
En dépit de ces préoccupations et des mesquineries dont sont périodiquement victimes les exilés grecs de la part de l'Entente et des autorités helvétiques[81], l'exil est aussi une période de découvertes pour Élisabeth et ses sœurs. Les princesses apprennent ainsi à skier et à faire du patin à glace[82]. Elles reçoivent, par ailleurs, des cours de danse et participent à leurs premiers thés dansants[75],[83]. Avec son aînée, Élisabeth s'adonne également au tennis, sport pour lequel les deux sœurs se passionnent[75]. Finalement, le séjour suisse est aussi l'occasion, pour les adolescentes, d'assister au mariage de leur oncle Christophe de Grèce avec une riche Américaine nommée Nancy Stewart en [36],[84].
Une princesse à la recherche d'un époux (1920-1934)
Au sein de la famille royale, la fin de l'exil est aussi l'occasion d'autres réjouissances, qui conduisent Élisabeth à voyager en France, en Roumanie et à l'intérieur de la Grèce[86]. En , le diadoqueGeorges épouse en effet la princesse Élisabeth de Roumanie à Bucarest. Le mois suivant, la princesse Hélène se marie au prince royal Carol de Roumanie à Athènes[35],[86]. Finalement, en novembre, a lieu le baptême du petit prince Philippe, à Corfou[35],[86]. En , une autre union semble, par ailleurs, se dessiner avec les fiançailles de la princesse Olga et du prince royal Frédéric de Danemark[88].
Ce projet à peine rendu public, il est cependant annulé par l'héritier du trône danois, qui commet en outre l'impair de s'ouvrir de sa décision à Élisabeth avant même d'en parler à la principale concernée, plaçant la princesse dans une position très inconfortable vis-à-vis de sa sœur aînée[89]. Or, le prince scandinave a déjà commis un autre faux pas impliquant Élisabeth quelque temps auparavant[N 4] : lors de la présentation officielle du jeune couple à la foule athénienne, Frédéric a pris la main d'Élisabeth au lieu de celle d'Olga, humiliant ainsi sa promise[90],[91],[92].
À cette rupture, s'ajoute un autre malheur, dont les conséquences sont bien plus graves pour Élisabeth et les siens. La situation militaire de la Grèce face à la Turquie allant de mal en pis en Asie mineure, un coup d'État a lieu dans le royaume hellène, contraignant Constantin Ier à abdiquer en faveur du diadoque le [93],[94],[95]. Dans les semaines qui suivent, une purge touche l'État grec et le prince André est arrêté[96]. Sauvé de justesse par l'intervention des puissances étrangères, il doit néanmoins s'exiler[96], ce à quoi se résout également le prince Nicolas[96],[97]. Réduit au statut de roi fantoche, Georges II lui-même est finalement contraint à abandonner la Grèce, et la république est proclamée le [98], privant Élisabeth et sa parentèle de leur nationalité hellène[N 5],[99],[100].
Une longue période d'itinérance (1922-1933)
La grande-duchesse Hélène et le prince Nicolas lors du mariage de leur fille Olga à Belgrade (1923).
Lorsque se produit l'abdication du roi Constantin Ier, Élisabeth se trouve à Paris avec sa mère et ses sœurs[96]. Une fois rassurée sur le sort de son père, dont la rumeur veut qu'il a été assassiné durant le coup d'État[96], la jeune fille quitte néanmoins la capitale avec Kate Fox et Marina, pour des vacances à Chamonix[101],[102],[103]. Le petit groupe gagne ensuite San Remo, où la famille se réunit pour les fêtes de fin d'année[101],[104]. Les retrouvailles sont cependant de courte durée du fait du décès de l'ancien roi des Hellènes, le , et du départ subséquent des parents de la princesse à Palerme pour les funérailles[96]. En dépit des événements, Élisabeth et Olga se rendent à Grasse pour le mariage de leur amie Marie-Laure Bischoffsheim avec le vicomte Charles de Noailles[105]. Après cela, Élisabeth gagne le Tyrol avec Marina[101],[106], où les deux sœurs subissent une ablation des adénoïdes[103].
Leur exil s'éternisant, le prince Nicolas et sa famille établissent leur résidence à Paris[70],[107],[108]. Encouragée par son père, Élisabeth y prend alors des cours de dessin et de peinture en compagnie de Marina[6],[109]. Elle soutient, par ailleurs, sa mère dans les actions qu'elle mène en faveur des Russes blancs réfugiés en France[109],[110],[111]. Le prince Nicolas étant parvenu à louer son palais athénien[101],[112], la situation financière de la famille s'améliore et le petit groupe gagne le Royaume-Uni, où Olga et Élisabeth font leurs débuts dans la bonne société en [101]. Après avoir été reçues par le roi George V et la reine Mary[113], les deux sœurs vont de bal en bal, avec l'espoir d'attirer l'attention du prince de Galles ou de l'un de ses frères célibataires, sans le moindre succès[114]. Lors d'une soirée chez Lady Zia Wernher, la princesse Olga fait néanmoins la connaissance du prince Paul de Serbie[101],[113], qui ne tarde pas à lui demander sa main[115],[116]. Moins chanceuse que son aînée, Élisabeth a cependant la satisfaction de se rendre à Belgrade pour assister au mariage, le [117].
Pendant les années qui suivent, la princesse mène une vie itinérante à travers l'Europe. Durant l'été 1924, on la retrouve à Londres avec Marina, où elle continue à fréquenter les bals de l'aristocratie[118],[119]. En , elle se rend en Italie pour assister aux noces de la princesse Mafalda de Savoie avec le prince Philippe de Hesse-Cassel[120]. En 1927, elle passe plusieurs mois en Slovénie et en Serbie avec sa sœur aînée et son beau-frère[120], avant de rendre visite à sa cousine Hélène en Roumanie[121]. En 1929, elle retourne à Bucarest avec Olga et les enfants de celle-ci[122]. Finalement, elle revient en Slovénie[123],[124] et en Allemagne durant l'année 1933[123]. Pour ses proches, qui la voient prendre de l'âge avec angoisse[5],[125], chacun de ces voyages est l'occasion d'échafauder des projets matrimoniaux. Outre le futur Édouard VIII[126], il est ainsi envisagé d'unir Élisabeth au prince royal Humbert d'Italie[5],[6],[127],[128],[129] et au prince Nicolas de Roumanie[5],[6],[130]. Pendant un temps, on espère aussi la voir se marier à Lord Ivor Spencer-Churchill, sans davantage de succès[131].
Désargentée mais réputée pour sa beauté, la princesse vend alors son image à la marque de cosmétiques américaine Pond's[5],[6],[132], qui appartient depuis 1987 à Unilever[5]. Dans les publicités dans lesquelles elle apparaît au côté de sa sœur Marina, elle est décrite comme « aussi jolie qu'une princesse de conte de fée et possédant toute la grâce et la dignité propre à son héritage grec parce qu'elle est charmante, joyeuse, versatile et très belle »[5].
Fiançailles et mariage (1933-1934)
La princesse Élisabeth lors de son mariage (1934).
Élisabeth et Charles-Théodore sympathisent rapidement et se revoient à plusieurs reprises, tant en Bavière qu'à Bohinj, en Yougoslavie. Cependant, le comte ne témoigne d'abord que d'un intérêt limité à la princesse, au grand dam de la famille de celle-ci[133],[138]. Le , Charles-Théodore profite néanmoins d'un nouveau séjour à Bohinj pour demander la main d'Élisabeth, qui accepte sans hésitation[133],[139],[140],[141],[142],[143]. Dans les semaines qui suivent, la jeune femme se rend à Munich, pour y rencontrer sa future belle-famille[139].
Le prince Nicolas de Grèce connaissant toujours des difficultés financières, son gendre Paul a la délicatesse de racheter à la grande-duchesse Hélène certains de ses bijoux afin de l'aider à réunir l'argent nécessaire à la constitution du trousseau d'Élisabeth[139],[144]. Accompagnée d'Olga, cette dernière peut ainsi se rendre à Paris pour ses achats[139],[145] et choisit un modèle du couturier Jean Patou comme robe de mariée[139].
Charles-Théodore de Toerring-Jettenbach (en deuxième position) avec ses parents et sa fratrie, vers 1910.
Après leur mariage, Élisabeth et Charles-Théodore s'installent à Munich[149],[150]. La princesse y donne le jour à un petit garçon, né à peine plus d'un an après l'union de ses parents, le , et prénommé Hans Veit comme son défunt grand-père paternel[151],[152]. Deux ans plus tard, une petite fille, née à Winhöring le et baptisée Hélène en l'honneur de sa grand-mère maternelle, vient à son tour agrandir la famille après un accouchement difficile[142],[153],[154]. Mère aimante et attentionnée, Élisabeth communique avec ses enfants en anglais, langue qu'elle utilise aussi avec son époux[142]. Bien qu'elle reste orthodoxe jusqu'à sa mort, la princesse élève sa progéniture dans la foi catholique[142].
L'arrivée des deux enfants n'empêche pas Élisabeth et son époux de continuer à parcourir l'Europe pour retrouver leur parentèle. La princesse Marina ayant finalement épousé le duc de Kent en [155], les Toerring effectuent plusieurs séjours en Grande-Bretagne[156]. Ils continuent, par ailleurs, à rendre fréquemment visite à la princesse Olga et au prince Paul, en Yougoslavie[157]. En 1935, la monarchie est restaurée en Grèce[158] et les parents d'Élisabeth prennent la décision de revenir vivre à Athènes[159]. En 1937, Élisabeth revient dans le pays de son enfance à l'occasion du mariage du diadoque Paul avec la princesse Frederika de Hanovre[160]. La mort du prince Nicolas, en 1938[159],[161],[162], conduit sa fille à retourner en Grèce pour ses funérailles[163]. Par la suite, la princesse y effectue d'autres séjours afin d'aider la grande-duchesse Hélène à régler ses affaires[164].
Durant ces années, Élisabeth accueille également régulièrement sa parentèle en Bavière[165],[166],[167]. En 1938, le 35e anniversaire de la princesse Olga est ainsi célébré chez les Toerring, au château de Winhöring[164]. Dans son pays d'adoption, Élisabeth est aussi en contact étroit avec ses cousines Marguerite, Théodora, Cécile et Sophie de Grèce, qui ont elles aussi épousé des princes allemands[137],[168].
D'après le comte Hans Veit de Toerring-Jettenbach[N 6], ses parents n'avaient aucune sympathie pour le nazisme. Il le justifie en disant que sa famille était catholique, et appartenait donc à une communauté persécutée par Adolf Hitler, et que son père a été exclu de l'armée par le « décret des princes » de 1940, ce qui ne pouvait que l'éloigner du régime nazi[161]. De fait, Élisabeth et son époux n'ont jamais adhéré au parti national-socialiste[137], et cela contrairement à plusieurs des cousins et cousines de la princesse[N 7]. En outre, les communications d'Élisabeth et de Charles-Théodore étaient étroitement surveillées par les autorités allemandes du fait de leurs liens avec des puissances étrangères[N 8],[169].
Malgré tout, les discussions souvent vives entre les Toerring, d'une part, et les Kent, les Yougoslavie et la grande-duchesse Hélène, d'autre part, montrent qu'à la fin des années 1930, Charles-Théodore et Élisabeth soutiennent volontiers la politique menée par le Führer[170],[171]. Par ailleurs, en 1938, le comte accomplit son devoir militaire sans sourciller lors de l'Anschluss[163] et de l'invasion des Sudètes[172]. Quant à Élisabeth, elle aide activement sa sœur Olga à organiser la réception d'Hermann Göring et de sa femme Emmy à Belgrade en 1935[173]. Plus tard, au début de la Seconde Guerre mondiale, la princesse trouve quelque temps refuge en Yougoslavie avec ses enfants, mais c'est uniquement pour échapper au rationnement et non pour des raisons politiques qu'elle quitte l'Allemagne[174].
Pour l'historien Jonathan Petropoulos, spécialiste des relations entre le gotha allemand et le régime nazi, les fréquents séjours des Toerring en Yougoslavie et en Grande-Bretagne durant les années 1930 jouent certainement un rôle dans la diplomatie du Reich[175]. Ainsi, il n'est pas anodin qu'Élisabeth et son époux soient conviés à Berlin par les autorités allemandes au moment de la visite officielle du régent Paul de Yougoslavie, en [168],[176],[177]. De la même façon, les liens entre le comte de Toerring-Jettenbach et son beau-frère le duc de Kent sont probablement utilisés par le régime nazi pour établir un contact direct avec les Windsor[137]. Il convient néanmoins de relativiser le rôle des Toerring dans la mise en place du nouvel ordre européen. Comme l'écrit Jonathan Petropoulos, « il y a eu des indices que le comte de Toerring et Philippe [de Hesse-Cassel] ont aidé à faire basculer le prince Paul dans le camp allemand, mais si c'est le cas, ils n'ont été que les pions d'une équation beaucoup plus large »[176].
Dernières années
Le château familial des Toerring, à Winhöring (2003).
Dans les années qui suivent, la princesse a le plaisir de renouer directement des liens avec sa parentèle européenne. En , Élisabeth est ainsi autorisée à rendre visite à sa sœur Marina, au Royaume-Uni. C'est l'occasion, pour elle, de participer à l'anniversaire de la reine douairière Mary de Teck, qui fête ses 80 ans[161],[181]. Puis, en juin, Élisabeth se rend à Athènes avec Marina pour y retrouver Olga et leur mère[182]. Malgré tout, en novembre suivant, Élisabeth n'est pas conviée au mariage de son cousin le prince Philippe avec l'héritière du trône britannique. Elle doit alors se contenter de célébrer l'événement avec les sœurs du marié et d'autres membres de leur parentèle allemande au château de Marienburg. Quelques jours plus tard, elle reçoit néanmoins la visite de Marina, qui lui décrit en détail l'événement[183].
En , Élisabeth retrouve pour la première fois son beau-frère, le prince Paul. Aux yeux de l'ancien régent de Yougoslavie, la comtesse de Toerring apparaît alors prématurément vieillie et diminuée[184],[185]. Dans les années qui suivent, Élisabeth souffre de différents problèmes de santé. En , elle est hospitalisée quelques semaines en Suisse pour des problèmes digestifs et de la fatigue[186]. À l'automne 1952, elle est opérée d'une tumeur à Athènes[187]. En , la princesse est à nouveau hospitalisée pour une attaque d'arthrite et de rhumatisme[188]. Elle meurt d'un cancer quelques jours plus tard, le [N 9], à l'âge de 50 ans[161],[189].
Après une cérémonie privée, la princesse est enterrée dans la nécropole des Toerring, attenante à la chapelle du château familial, à Winhöring[189],[190].
Titres et honneurs
Titulature
– : Son Altesse Royale la princesse Élisabeth de Grèce et de Danemark ;
– : Son Altesse Royale et Illustrissime la comtesse de Toerring-Jettenbach.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Sur Élisabeth
(en) Arturo E. Beéche, « Princess Elisabeth, Countess zu Toerring-Jettenbach », dans Prince Nicholas of Greece, My Fifty Years, Eurohistory, (ISBN0977196135).
(en) Arturo E. Beéche, « So Happy: Woolly - Toto. Princess Elisabeth of Greece & Count Carl Theodor zu Toerring-Jettenbach », Eurohistory. The European Royal History Journal, vol. 14.3, noLXXXI, , p. 33-38.
(en) Ilana D. Miller, « Three Greek Beauties: The Daughters of Prince Nicholas of Greece », Eurohistory. The European Royal History Journal, vol. 19.2, noCX, , p. 18-28.
(es) Ricardo Mateos Sáinz de Medrano, « Isabel, condesa de Toerring-Jettenbach », dans La Familia de la Reina Sofía: La Dinastía griega, la Casa de Hannover y los reales primos de Europa, Madrid, La Esfera de los Libros, (ISBN978-84-9734-195-0), p. 263-265.
(el) Αλκμήνη Παλαιολόγου, « Πριγκίπισσα Ελισάβετ της Ελλάδας, κόμισσα Τέρρινγκ-Γιέτενμπαχ », dans Πριγκίπισσες της Ελλάδος, Athènes, εκδόσεις Φερενίκη, (ISBN960-7952-47-2), p. 199-202.
(es) Ricardo Mateos Sáinz de Medrano, La Familia de la Reina Sofía : La Dinastía griega, la Casa de Hannover y los reales primos de Europa, Madrid, La Esfera de los Libros, , 573 p. (ISBN978-84-9734-195-0).
Albums photographiques consacrés à la famille royale de Grèce
(en) Arturo E. Beéche, « Princess Elisabeth, Countess zu Toerring-Jettenbach (1904-1955) », dans Dear Ellen… Royal Europe Through the Photo Albums of Grand Duchess Helen Vladimirovna of Russia, (ISBN098546030X), p. 62-70..
(en) Louise Heren, British Nannies and the Great War : How Norland's Regiment of Nannies Coped With Conflict & Childcare in the Great War, Pen & Sword Books Ltd, (ISBN1473827531).
↑Dans Dear Ellen…, le comte explique : « Différents auteurs et biographes, y compris Balfour l'ex-mari de ma cousine Élisabeth, ont insinué à tort que mon père était un Nazi. Une biographe de ma tante Marina, Madame Watson, l'a même dit dans son livre. Cependant, rien ne pourrait être plus éloigné de la réalité. Les gens comme mon père se trouvaient dans une position difficile. En tant que catholique, il n'aurait jamais soutenu Hitler. En tant qu'aristocrate, il a été banni et persécuté par les Nazis, particulièrement après le décret des princes. N'oubliez pas que ses cousins royaux bavarois étaient aussi vicieusement persécutés par les Nazis et ont même été envoyés dans des camps de concentration. Non, mon père vivait dans la peur constante d'être arrêté à tout moment et je me suis demandé plus tard pourquoi nous n'avions pas subi le même destin que nos cousins bavarois. » Le comte ajoute : « Pour ma mère, la guerre a été une période vraiment très éprouvante. […] Elle ne pouvait pas parler anglais en dehors de la maison et ses opinions concernant les Nazis étaient tranchées. » (Beéche 2012, p. 67-68).
↑Le comte Hans Veit de Toerring-Jettenbach raconte : « J'ai entendu une dispute entre mes parents pendant que nous étions en voiture. Mère a fait des remarques très dures concernant Hitler et la situation de l'Allemagne, [et] mon père lui a dit sèchement de prendre garde à des commentaires comme ceux-ci en disant : « si votre opinion était exprimée de cette manière en public, Woolly, nous serions envoyés en chambre à gaz ». Il y avait des espions partout et il fallait faire très attention. Ma mère aimait employer l'anglais pour communiquer, mais pendant la guerre, elle ne pouvait l'utiliser qu'avec notre père et nous. Si quelqu'un l'avait entendu parler anglais en public, nous aurions eu de sérieux problèmes car il y avait des espions partout et chaque lieu était infiltré par les Nazis et leurs partisans et collaborateurs. » (Beéche 2011, p. 36-37).
↑La princesse meurt le jour des 20 ans de son fils et le lendemain de son 21e anniversaire de mariage (Beéche 2012, p. 68).
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