L'acteur hollywoodien Peter Falk, interprétant son propre rôle, arrive dans le Berlin-Ouest d'avant la chute du mur pour jouer dans un film reconstituant la chute de la capitale nazie, en 1945. Il erre dans la ville sur la trace des souvenirs de sa feue grand-mère, juive. Les passants ne sont pas sûrs de reconnaitre l'inspecteur Columbo.
Damiel (Bruno Ganz) et Cassiel (Otto Sander), deux anges invisibles, errent de leur côté à l'écoute des voix intérieures des habitants[3], « âmes mortes »[4] enfermées[5] dans leur quotidien et ses soucis, que ce soit la vieillesse, l'enfance, l'infirmité, le deuil, l'accouchement, le déménagement, le divorce. Depuis « les cieux au dessus de Berlin », ces esprits « messagers » documentent, tel le cinéaste filmant les vestiges de la ville[6], les désirs et angoisses secrètes des humains afin de témoigner de tout ce qui chez eux relève d'une démarche artistique et traduit une recherche de sens et de beauté. Présents depuis toujours, ils ont assisté, comme des enfants découvrant le monde, au début de la lumière, à la fin d'une ère glaciaire, à la formation des rivières, à l'apparition des animaux. Quand un premier homme est apparu, ils ont découvert avec lui le rire, la parole, la guerre, l'histoire. Le poète Homère (Curt Bois), comme les aveugles, croit sentir parfois une présence qu'il ne soupçonne pas être la leur et rêve que cette histoire soit désormais celle de la paix.
Préoccupé d'agir dans le monde, en quête d'un rôle inscrit dans une histoire[7], avide d'un présent qui ne soit plus l'éternité[8] qu'il dénonce comme un « monde derrière le monde »[9], Damiel éprouve la tentation de revêtir la condition humaine. C'est alors qu'il découvre une femme exilée, Marion (Solveig Dommartin), qui est devenue, à la suite d'une séparation, trapéziste dans un cirque. Quand celui-ci est sur le point de fermer, elle est au bord du désespoir, devant réinventer une fois de plus sa vie. Sensible au concret des aspirations de l'âme endolorie de la circassienne, touché par la grâce du corps féminin évoluant avec peine au-dessus du public, Damiel décide de renoncer à l'immortalité afin de pouvoir goûter auprès de Marion aux plaisirs des sens[10] et de l'effort créateur. Pour ce faire, il obtient le secours de Peter Falk mais son destin ne sera fixé que par la seule décision de la femme[11].
Fiche technique
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— A propos des anges, le ministre du cinéma de la ville embarrassé durant le tournage d'obtenir un permis de filmer côté est[15].
Le film célèbre Berlin pour son sept cent cinquantième anniversaire(de). Il est également une représentation de la ville encore séparée en deux par le mur. Depuis la disparition de celui-ci, il en est lui-même devenu un document[16]. Plusieurs scènes sont filmées à proximité du mur, comme lorsque l'ange Cassiel porte son ami Damiel, en passe de devenir homme, du côté occidental de la ville, où se trouve la funambule Marion.
Plusieurs films d'archives datés de 1945 sont insérés, évoquant le châtiment de la capitale du mal sur laquelle continuent de veiller ceux des anges qui ne sont pas déchus. Le Berlin de la guerre est longuement évoqué par une mise en abyme, la représentation du tournage d'un film sur la chute de Berlin au cours duquel des figurants, susceptibles d'avoir connus la guerre et venus jouer les Juifs devant être déportés, sont entassés dans l'abri anti-aérien d'un bunker.
Quelques plans de Berlin-Est ont été tournés clandestinement, en violation de l'interdiction[17]. Le mur filmé du côté oriental est une reconstitution en carton pâte[17].
Improvisation
La distribution est marquée par la présence de l'acteur américainPeter Falk, célèbre pour avoir incarné le héros de la série policière Columbo. Son rôle, prévu dans un premier temps pour l'ex chancelier fédéralWilly Brandt[14], fut ajouté en cours de tournage dans l'idée de créer une mise en abyme[14] complexe, la vedette, les figurants, les habitants jouant leur propres rôles dans un film, celui de Wim Wenders, qui s'improvise en filmant un film en train d'être réalisé.
Ce faisant Wim Wenders, tout en renonçant à livrer des explications précises quant à la présence des anges, passait d'un projet initial ancré dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale à un exercice plus formel de portée plus universelle qui fait place à l'imagination du spectateur. Dès lors, le film a rompu avec toute forme narrative[18] convenue pour entrer dans un lyrisme[19] que d'aucuns, agacés, qualifieront d'« emphase germanique »[20], d'autres d' « envoûtement et merveille »[21].
Wim Wenders a délibérément[22] beaucoup improvisé, se basant seulement sur des idées de scènes[14]. L'improvisation, choix esthétique assumé, procède toutefois d'une nécessité apparue au printemps 1986, celle de réaliser rapidement un film avant que la maison de production de Wim Wenders, Road Movies(de), ne fasse faillite[14]. Le réalisateur avait en effet depuis Paris, Texas, sorti deux ans plus tôt, consacré tout son temps à concevoir un projet trop vaste, Jusqu'au bout du monde[14], dont le tournage ne commencera qu'en 1990.
Seuls quelques textes ont été rédigés par Peter Handke, la « Chanson de ce que c'est qu'être un enfant »[11],[dot 1], les deux longs dialogues entre Damiel et Cassiel[11], le « Prologue pour un amour »[22],[dot 2], qui est le monologue final, en allemand, de Marion[11], ainsi que l'« Épopée de la paix », qu'imagine le Poète, et l'« Invocation du monde »[22],[dot 3], qui rassemble les dernières pensées du personnage accidenté puis que lance l'ange Damiel en s'éloignant du mourant. Les autres dialogues ont été rédigés par Wim Wenders, quasiment à chaque fois dans la nuit précédant l'enregistrement[11]. Les monologues intérieurs ont été improvisés en postsynchronisation par les acteurs eux-mêmes sur des indications du réalisateur[11].
Les acteurs s'adaptèrent à l'exercice, qui fut un surprenant moment de grâce[11]. Solveig Dommartin a inventé la plupart de ses textes, parfois à partir d'extraits choisis par ses soins du journal de Peter Handke[23] que Wim Wenders lui avait donné à lire[11]. Lors du montage, le réalisateur s'aperçut qu'il avait oublié d'enregistrer les monologues intérieurs de Peter Falk. Pour éviter des dépenses en billets d'avion, la vedette enregistra ceux ci à distance, dans un studio de Los Angeles, improvisant pas moins de deux heures de paroles, soit près des trois quarts du texte final au-delà de l'ébauche fournie par Wim Wenders, resté à Berlin[14]. De ce texte improvisé, figurent au montage final notamment le monologue sur l'étoile jaune, couleur des Tournesols[dot 4], et, ajout très personnel de Peter Falk, celui[dot 5] sur sa grand-mère[14], qui était effectivement ashkénaze.
L'actrice de théâtreSolveig Dommartin, qui deviendra au cours[25] de cette première collaboration la compagne de Wim Wenders séparé depuis quatre ans d'Isabelle Weingarten, effectuait sa première prestation au grand écran. Elle a réussi les deux exploits d'apprendre le trapèze ainsi qu'une figure d'acrobatie en seulement huit semaines puis d'effectuer sans filet à cinq mètres de haut[24] des figures en giration à la corde lisse[26]. La douloureuse[24] préparation physique et artistique de l'actrice pour les numéros au trapèze ballant et à la corde lisse a été assurée par Pierre Bergam au Trapèze Club de Paris, 55 rue Montorgueil[27]. Le professeur d'acrobatie est crédité au générique pour avoir réglé le numéro à la corde lisse mais c'est Lajos Kovacs qui joue le rôle de l’entraîneur de Marion.
Le dernier jour de tournage fut particulièrement éprouvant pour Otto Sander, très enclin au vertige. Le comédien devait jouer la scène où l'ange Cassiel, juché sur la sculpture dorée de la colonne de la Victoire, se laisse tomber dans le vide. Pour s'installer sur la structure à plus de six mètres de haut, Otto Sander absorba force calmants. Lorsqu'il se lança dans le vide, il adopta une position si improbable qu'il se cassa la jambe, malgré les matelas au sol destinés à amortir le choc.
Film hommage
Dédicaces
« Et nous : spectateurs, partout toujours, tournés vers tous et jamais dehors ! »
D'Ozu, au sujet duquel il vient de terminer Tokyo-Ga, Wim Wenders applique la leçon depuis longtemps apprise que ce n'est pas le scénario qui fait l'histoire mais le caractère. La narration cinématographique ne se construit pas par une suite d'évènements vécus par des personnages mais par l'expression au cours de ces évènements de ce qui motive les personnages[34].
Au-delà de ces trois références explicites, Wim Wenders emprunte à Hiroshima mon amour l'idée d'une ville dont l'histoire de mort sert de décor à une histoire d'amour[30]. Comme dans le film d'Alain Resnais, Wim Wenders, au moment où Homère assis dans la Bibliothèque d'État feuillète un livre d'histoire en rêvant d'une épopée pacifiste, juxtapose des images de cadavres, les souvenirs, à un commentaire évoquant la renaissance de la nature, les aspirations présentes[30].
Au cinéma d'avant-guerre, Wim Wenders emprunte également les techniques apportées directement par Henri Alekan, en particulier les surimpositions d'images et les transparences[39].
Le noir et blanc sert à Wim Wenders à montrer le monde du point de vue des anges, tel qu'ils le perçoivent, sans saveur ni désir. La couleur sert à évoquer la perception plus incarnée des êtres humains. « Les anges ne connaissent pas le monde physique [...] Ils ne perçoivent donc pas les couleurs, ils les aperçoivent parfois [...] »[42]. À sept reprises la couleur apparait brièvement avant de disparaitre, la première fois au cirque quand l'ange Damiel, les pieds sur la piste, admire l'humaine Marion, s'envolant sur son trapèze[43]. La polychromie est définitive à partir de la quatre vingt huitième minute[43].
Pour créer ce rendu si particulier de l'irréel du monde en noir et blanc, Henri Alekan a utilisé un filtre de sa fabrication, un bas de soie particulièrement fine qu'il aimait dire avoir appartenu à sa grand mère[44] et qu'il avait tendu sur un cercle[41]. Seules les dernières scènes ont été filmées sans, l'accessoire ayant été détérioré[41]. Il a en outre enrichi son monochromatisme d'un ton sépia[45].
Le passage en continu du noir et blanc à la couleur est un exploit technique. Il a fallu renoncer au dispositif, trop encombrant, mis au point par Henri Alekan de double caméra filmant en même temps, une pour le noir et blanc, une pour la couleur, l'image dédoublée par un miroir[14]. Des morceaux de pellicules couleur ont été montés sur des pellicules noir et blanc[41]. La couleur a été effacée sur certaines images de la pellicule en veillant à ne pas favoriser une tonalité de fond[14].
La couleur intervient aussi dans le noir et blanc indirectement quand l'ange voit, par la fenêtre du taxi qui l'emmène à travers Berlin meurtri par sa frontière murée, les ruines filmées en 1945 par les archives américaines. Le couleur, la vie, c'est aussi l'horreur[17].
« Je vais à la rencontre de ma propre image Et en retour ma propre image vient à moi. Elle me caresse et m'embrasse comme si Je rentrais de captivité. »
L'intention de l'auteur a été de faire « un film sur les gens, ici les gens de Berlin, qui aborde la seule question impérissable : comment vivre ? »[1]. L'existence pose la question de ce qu'elle est, question au cœur de l'approche existentialiste à laquelle s'est affrontée dès l'adolescence Wim Wenders, grand lecteur d'un Albert Camus explicitement cité[14]. Le parcours de Damiel suit en effet la trame d'une réponse à une question existentielle : pourquoi et comment un sujet est conduit à quitter une position à l'abri des horreurs du monde, la mélancolie, et s'inscrire dans une histoire[49] dans laquelle celui-ci assume ses désirs au sens spinozien de ce qu'il est[50]. C'est la prise de conscience de ses limites[51] qui transforme l'être inactif en puissance agissante et joyeuse[52].
des plans subjectifs qui tournent inexorablement face au spectateur de sorte que dans le film le sujet observateur devient l'objet observé[14] suggérant que dans la salle le spectateur se regarde lui-même à travers le film comme dans un miroir,
le lyrisme de la caméra, en ce qu'elle montre quelque chose de différent, par exemple un ange qui s'éloigne, de ce que décrit les paroles prononcées, dans cet exemple les pensées d'un motard accidenté, et ainsi, évitant le pléonasme entre texte et image, ouvre sur une signification non explicite, ici peut être, comme l'explique Agnès Godard, que l'accidenté ne survivra pas mais que la vie continue[62],
plus généralement, la distanciation créée par la continuité du film lui-même, et donc de l'existence des personnages, continuité que souligne sa force stylistique, en regard de l’hétérogénéité des destins de ceux ci voire de l'incohérence du scénario, ici Peter Falk, un ange, une immigrée, un passant, Homère, hétérogénéité que souligne l'invraisemblable de leurs situations respectives, Hollywood, les Cieux, un cirque ambulant, Berlin sous occupation, l'Antiquité,
le paradoxe qu'il y a à donner un sens à une histoire en filmant l'absurdité de l'existence auquel les personnages sont confrontés[14], ce que Wim Wenders explicite sous la formule « les histoires n'existent que dans les histoires. »[63],
la sublimation d'un désir contrarié en une œuvre cinématographique, le film réalisé, parce que nié par ce qu'il montre, devenant lui-même la réponse à la question de sens qu'il pose[14].
L'idée initiale du cinéaste, très vite abandonnée telle quelle[14], est que « quand Dieu, sans cesse déçu, s’apprêta finalement à se détourner définitivement du monde, il arriva que certains de ses anges soient en désaccord avec lui et prennent la défense de l'homme, disant que celui-ci méritait une autre chance. En colère d’être contrarié, Dieu les bannit à ce qui était alors sur terre l'endroit le plus effroyable : Berlin. Et c'est alors qu'Il s'est détourné. Tout cela s'est passé au temps que nous appelons aujourd'hui : « la fin de la seconde guerre mondiale ». Depuis ce temps, ces anges déchus de la « seconde rébellion angélique » sont emprisonnés dans la ville, sans perspective d'être libérés, encore moins réadmis au ciel. »[67]
L'idée d'anges salvateurs errant dans une ville maudite est venue à Wim Wenders en pensant, en même temps qu'à d'autres choses, aux aviateurs des forces alliées tombés sous le feu de la DCA en 1945[75].
À ceci près qu'ils portent les cheveux longs et ramassés en queue de cheval, les anges de Wim Wenders ressemblent à n'importe qui mais, idée imposée dès l'origine du tournage par le maître de la transparence qu'est Henri Alekan[14], ils restent invisibles à la plupart des humains. Seuls les enfants les voient, tels les compagnons imaginaires[19] décrits par la pédopsychiatreMargaret Svendsen[76], les suivent des yeux, échangent des regards avec eux. Ils ne voient eux-mêmes le monde qu'en noir et blanc, et ne peuvent rien sentir, goûter, toucher, mais, doués du don des langues, ils sont capables de percevoir les pensées, les souffrances et les espoirs de tous les humains. Ce sont des consciences dépourvus de sentience.
Si leur présence bienveillante et leur silencieuse miséricorde semblent redonner l'espérance à ceux qui sont dans la détresse, ils assistent impuissants au désespoir des âmes damnées. Ils ne peuvent agir contre la fatalité des accidents ni contre le libre arbitre des humains, auquel le péché originel a condamné les descendants d'Adam quand celui-ci a mangé du fruit de l'arbre de la connaissance. « Ils sont condamnés à être des témoins, n'être à jamais rien que des spectateurs, incapables d'agir en faveur des hommes ne serait ce qu'un peu ou d'intervenir dans le cours de l'histoire. »[67]
L'envers de l'incarnation
Toutefois, le héros, Damiel, n'est la réminiscence pas tant d'un ange, précisément Lucifer[77], que du Christ lui-même, du moins dans les trois moments qui le conduisent à se décider pour la vie des mortels. Ces trois moments, le regret de ne pouvoir peser le caillou qui décore la chambre de Marion, la peur de voir tomber la trapéziste au milieu de son spectacle, la fraternisation autour d'un café avec Peter Falk[dot 6], font en effet référence aux trois tentations du Christ au désert[78], l'envie que les pierres soient changées en pains, la peur de se jeter d'un toît, le désir de rejoindre les rangs de Satan pour jouir du monde[7].
Le registre évangélique est soutenu par le texte lui-même. La Chanson de ce que c'est qu'être un enfant (Lied vom Kindsein), paraphrase de l'inconcevable[79] qui sert de leitmotiv, est un poème écrit pour le film à l'automne 1986 par Peter Handke paraphrasant, peut être à son insu, saint Paul[80] : « Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je jugeais en enfant. »[81].
Cependant l'eschatologiewendersienne, pour espérer une épopée de la paix telle que l'annonce le personnage d'Homère, inverse le récit évangélique : son offre de salut proclame, dans la ligne matérialiste de Walter Benjamin, l'absence et non la venue de Dieu, invite à la désacralisation des anges et non à les rejoindre[82], dans un Berlin vaincu et non dans une Jérusalem céleste. Le héros ne se convertit pas. Comme l'annonce l'épigraphe du script[31], il fait retour à soi car ce qu'il désire, c'est non pas changer le monde[83] mais changer de monde[65], pour un Berlin« non pas à la vérité plus splendide, mais du moins tel qu'il puisse de nouveau y vivre »[84]. Il aspire en cela non à l'engagement mais au quiétisme.
« J'ai appris dans cette nuit ce que c'est que s'étonner[55] [...] Il était une fois et ainsi il sera[55] [...] Je suis ensemble[55] [...] Je sais maintenant ce qu'aucun ange ne sait[86]. »
— Postface du film écrite par l'ange Damiel devenu mortel parce que désormais inscrit dans ce qui reste une histoire d'amour« à suivre »[87].
Réception critique et diffusion
Le film reçoit 98% de critiques positives sur le site Rotten Tomatoes, pour 62 critiques et une note moyenne de 8.7⁄10, le public se montrant en général à peine moins enthousiaste[88]. Sur Metacritic, il obtient une note de 79⁄100 pour 9 critiques[89].
« Une déclaration d'amour pleine de poésie à la vie, à la sensualité et aux limites de l'existence sur terre [...] Visible à partir de 16 ans[90]. »
« Ce chef-d'œuvre méditatif de Wim Wenders est une poésie cinématographique adressée aux rêves. Dans d'enivrantes images noir et blanc et couleurs monochromes, les vétérans du théâtre que sont Otto Sander et Bruno Ganz ensorcellent de leur jeu intense. Des déplacements de caméra flottants et de sensuels collages sonores confèrent à ce film primé une force de rayonnement à l'effet presque hypnotique. »
« [...] travail de deuil, où le passé reste inoubliable. C’est l’accumulation de blancs et de noirs, de cicatrices et de terrains vagues où histoire et mémoire se conjuguent pour nous dire l’époque (la nôtre) qui a vu s’effondrer les utopies. Où la beauté d’une trapéziste de cirque donne pourtant envie à un ange de perdre ses ailes pour devenir un simple mortel qui va déraper sur la rugosité des choses le froid, la mort, animé par le désir — aussi — d’être humain. »
« Pas de grands bonheurs spectaculaires, que des infimes [...] Peut-on faire plus simple ? »[96]
— Éloge à la fugacité et l'élégance.
« Camera : Henri Alekan. C'est à peu près tout le profit qu'on peut faire du film de Wenders (scénario : Peter Handke) niais et excessivement long. Un cinéma de pacotilles, jacasseur, encombré d'artifices[97]. »
Pour ses trente ans, le film est restauré en 4K par Wim Wenders grâce au soutien du MBB, du FFA et du CNC puis ressort en salles le [99]. Seule la version restaurée, après trente années de diffusion, rend justice à l'art d'Henri Alekan, toute la subtilité du noir et blanc original ayant été anéantie par les six copies successives par lesquelles le montage avait dû passer pour obtenir des transitions continues vers la couleur[41].
Le , Arte le rediffuse en hommage à Bruno Ganz, disparu le .
Le manque de moyens a conduit Wim Wenders à remplacer la fin prévue par un insert « à suivre », qui clôture le film[14]. Le personnage joué par Otto Sander, lequel avait appris en vain un long et difficile monologue, devait à son tour faire le choix de devenir humain et connaitre un parcours inverse de l'histoire d'amour que vit Damiel, un parcours de délinquance, de toxicomanie et finalement de délire[14]. Justice est rendue à un Otto Sander frustré quand six ans plus tard Wim Wenders donne une suite, intitulée Si loin, si proche ! (In weiter Ferne, so nah!), où Willem Dafoe et Nastassja Kinski viennent rejoindre la distribution. Le film se déroule après la chute du mur de Berlin.
En 2015, le scénariste Sebastiano Toma et son frère dessinateur, Lorenzo, tirent du scénario mais aussi de photographies contemporaines un roman graphique[103]. Les auteurs ont fait le choix de ne pas reprendre le décor urbain du temps du mur désormais indéchiffrable et de représenter d'autres monuments emblématiques de Berlin[104].
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↑« I wonder if she's Jewish. What a dear face! Interesting, what a nostril, a dramatic nostril. These people are extras, extra people. Extras are so patient. They just sit. Extras, these humans are extras, extra humans... Yellow star means death. Why did they pick yellow? Sunflowers. Van Gogh killed himself. »
↑« Here, to smoke, have coffee. And if you do it together it's fantastic. Or to draw: you know, you take a pencil and you make a dark line, then you make a light line and together it's a good line. Or when your hands are cold, you rub them together, you see, that's good, that feels good! There's so many good things! But you're not here - I'm here. I wish you were here. I wish you could talk to me. 'Cause I'm a friend. Compañero! »
Robert Phillip Kolker & Peter Beicken, « Wings of Desire: Between Heaven and Earth », in The Films of Wim Wenders: Cinema as Vision and Desire, CUP, Cambridge, 1993 (ISBN0521380642).
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L'année indiquée est celle de la cérémonie. Les films sont ceux qui sont proposés à la nomination par l'Allemagne ; tous ne figurent pas dans la liste finale des films nommés.