Georges David Wolinski naît d'une mère franco-italienne, Lola Bembaron, et d'un père chef d’entreprise de ferronnerie d’art à Tunis, Siegfried Wolinski[4]. Alors qu'il est âgé de deux ans, son père est assassiné[5] et sa mère tuberculeuse est envoyée en sanatorium en France ; il est alors élevé par ses grands-parents maternels pâtissiers, et ne rejoint sa mère remariée qu'à l'âge de 13 ans.
Au lycée de Briançon, où il étudie de 1946 à 1952, il anime un journal, Le Potache libéré[6]. En 1954-55, il étudie en classe de Sciences Ex au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, où il anime un journal, Le Crypto-Journal[réf. souhaitée]. Il y rencontre sa première femme, Jacqueline Saba dite « Kean », épousée en 1961, avec qui il a deux filles[7], et qui meurt en 1966 des suites d'un accident de voiture en voulant éviter un chien, alors qu'il se reposait à l'arrière.
Georges Wolinski oscille au début entre des styles très différents, pour se fixer à terme sur un graphisme évoquant au départ celui de Copi. Rapidement, il acquiert une patte spécifique qui met l’accent, malgré un trait épuré, sur l'expressivité des personnages là où au contraire Copi les voulait neutres. Les événements de mai 1968 font connaître son travail via l’éphémère revue Action, où il dessine régulièrement. Les personnages de Wolinski plaisent et sont sollicités pour des campagnes de publicité d’envergure nationale :
Immeuble « Le Broca », rue Broca, dans le 13e arrondissement de Paris, où il fait apparaître son personnage du roi (qui se demande s'il est « digne de vivre au Broca »).
IBM (Wolinski dessine un de ses personnages qui balance ses papiers à l’ordinateur en lui disant : « Tiens, débrouille-toi ! »)
Rizla+, papier à cigarette (une jeune femme sort d'un paquet en déclarant « je suis dans les petits papiers de Riz la + » ; une jeune femme s'habille de petits papiers, etc.)
« Fumeurs, non-fumeurs, la liberté c'est réciproque. », Éditions Ubique Group (1989), pour le CDIT[9].
Renault 4 GTL (un auto-stoppeur est pris par la conductrice de la Renault et partent ensemble jusqu'à la mer) en 1978.
Ces publicités seront reprochées à Wolinski par les puristes. Il les choisit pourtant au compte-gouttes, n’acceptant que celles qui lui donnent prétexte à faire des choses qui l’inspirent.
Presse écrite
Hara-Kiri
Wolinski intègre dès 1960 l'équipe d'Hara-Kiri, aux côtés de Cavanna et Choron. En , il collabore à la nouvelle version hebdomadaire du journal : dans le premier numéro, il représente un personnage s'esclaffant au sujet de différents thèmes d'actualité, dont les « pendus de Bagdad ».
L'Enragé
Pendant les événements de Mai 68, Wolinski — qui a commencé par dessiner dans Action — fonde avec Siné le journal L’Enragé, dans lequel ses dessins prennent une coloration politique. Le journal disparaîtra vite, mais le ton du futur Hara-Kiri Hebdo (puis Charlie Hebdo) commence à apparaître.
France Soir
Après la parenthèse d’Action, Wolinski est sollicité pour tenir une page de contestation dans le quotidien France-Soir de Pierre Lazareff, où il prend l’habitude de ne « pas seulement y contester la société, comme tout le monde, mais aussi le directeur du journal », comme il le résume. La collaboration prendra vite fin.
Charlie Hebdo
C’est dans Hara-Kiri hebdo devenu par la suite Charlie Hebdo, que Wolinski prend sa pleine mesure en dessinant de façon pratiquement hebdomadaire deux personnages repris d’Action : un gros sûr de lui et dominateur, et un maigre d’allure timide, qui tiennent des propos de café du commerce, mais toujours présentés de façon humoristique. Commençant imperturbablement par un « Monsieur », qu’on devine prononcé avec emphase, les bandes présenteront ces morceaux de bravoure typiques du style wolinskien :
« Monsieur, je suis pour la liberté de la presse à condition que la presse n’en profite pas pour dire n’importe quoi ! »
« Monsieur, il y a des moments où je me demande si ça valait la peine de gagner la guerre contre un homme qui nous aurait débarrassés du communisme. »
« Le socialisme, c’est comme la marijuana : c’est peut-être inoffensif, mais ça peut conduire à des drogues plus dures comme le communisme. »
La bande hebdomadaire se nomme au début « L’évolution de la situation ». Elle inspirera ensuite plusieurs revues théâtrales de Claude Confortès, toutes nommées « Le roi des cons », d'après le nom d'un personnage de benêt couronné, créé par Wolinski pour donner un visage à cette expression populaire. Ce personnage apparaît pour la première fois dans Charlie Hebdo n° 48 du avec le titre « Le Chah au roi des cons : vous avez bien fait de venir »[10]. Le Shah d'Iran recevait alors de nombreuses têtes couronnées lors de la célébration du 2 500e anniversaire de la fondation de l'empire perse.
L’Humanité
Appréciant l'humour de Wolinski, Roland Leroy, le directeur de L'Humanité — journal auquel il collaborera de 1977 à 1984[11] —, lui propose de devenir dessinateur officiel du quotidien, en lui garantissant qu’il pourra « y caracoler en toute liberté ». Au grand désespoir de Cavanna, Wolinski accepte en donnant comme excuse que « ça l’amuse d’être honnête ». Mais il ne donne plus à ses dessins le caractère militant et parfois agressif qu’ils avaient dans Action, et opte au contraire pour un style bon enfant où il se moque presque de lui-même et où percent parfois des allusions au style du dessinateur du Monde à l’époque, qui est alors Konk. Bien que dénués de ce côté grinçant qui était sa marque de fabrique, ses dessins de l’époque ne perdent rien de leur drôlerie ; et puis la collaboration avec Charlie Hebdo et Hara-Kiri continue pour ce genre de dessins-là[12].
Paris-Match
Wolinski franchira une dernière étape de sa carrière en devenant également dessinateur à Paris-Match : son mode de contestation a fini par faire partie du paysage français, et Wolinski, dorénavant, de l’establishement, comme un Sempé.
Bandes dessinées et illustrations
Wolinski a été un auteur de bande dessinée. Il a été le scénariste de la série des Paulette, dessinée par Georges Pichard et publiée notamment dans la revue italienne Linus dont il rencontre le fondateur Giovanni Gandini à l'époque où Wolinski est rédacteur en chef de Charlie Mensuel[13]. Outre ses dessins humoristiques politiques, a signé dans des journaux comme Charlie Mensuel plusieurs séries mettant en scène des personnages récurrents, comme Georges le tueur ou Cactus Joe.
À l’initiative de Jérôme Duhamel, Wolinski collabore à un livre commun avec le dessinateur du FigaroJacques Faizant. « C’est mon bon facho », dit Wolinski. « C’est mon bon gaucho », dit Faizant. Et tous deux ajoutent en commun qu’ils n’en pensent pas un mot, mais qu’au cas où il y aurait une épuration, ils préfèrent se faire des relations dans l’autre camp à tout hasard.
Il est aussi l'auteur d'une page dessinée intitulée J'hallucine !, dans le magazine mensuel pour adolescents lycéens du groupe Bayard-Presse Phosphore, au début des années 1990, où il met en scène dans des saynètes sa fille Elsa, alors elle-même ado en pleine « féminisation » et disant fréquemment « j'hallucine ! », avec souvent son propre double dessiné.
En 1986, il réalise des illustrations dans L'Architecte du Désordre de Y. C. Rivière.[réf. nécessaire]
Associé avec Pierre Barkats, un avocat américain, Georges Wolinski crée en 2007 Hannukah Harry, petit personnage universel qui parcourt les époques et interpelle le lecteur sur l'état de la planète. C'est lui qui a apporté le feu aux sauvages dans leurs grottes et il se sent un peu coupable quelque part du réchauffement climatique.
En 1966, Georges Wolinski perd sa première épouse, Jacqueline Saba, dans un accident de voiture[16]. Il a eu avec elle deux filles, Frédérica et Natacha[17]. Il rencontre en 1968 Maryse Bachère, qu'il épouse en 1971 ; de leur union naît, en 1974, leur fille Elsa, devenue écrivaine[4].
Wolinski ne se veut pas dans la vie aussi libertin que ses personnages. Dans sa Lettre ouverte à ma femme, déclaration d’amour à sa femme Maryse, il s’émerveille que, sur dix ans de vie commune, ils n’aient passé que trois nuits séparés. Dans sa réponse quelques années plus tard, Chambre à part, Maryse précisera qu'ils dormaient dans le même logement, mais pas systématiquement dans le même lit.
Invité à Apostrophes[18], en 1984, avec Jean d'Ormesson et Siné, Jean d'Ormesson l'interpelle : « Mais enfin, quand vous sautez une fille, ça vous amuse encore, ou vous croyez que vous êtes au bureau ? » Il répond avec le plus grand sérieux : « Mais d'abord, je ne saute pas une fille, je fais l’amour avec ma femme.[..] et je l'ai déjà dit, je mets dans mes dessins tout ce que je ne fais pas dans la vie. Ce sont les dessins d'un homme sage. »
Sa veuve Maryse Wolinski, romancière et ancienne journaliste meurt le 9 décembre 2021 à l'âge de 78 ans des suites d'un cancer du poumon[19].
Plusieurs voyages à Cuba depuis les années 1970 lui inspirent une sympathie pour le modèle de développement de l'île.
En 1993, durant les années de la « période spéciale » (les pays d'Europe de l'Est représentaient 80 % des échanges commerciaux de Cuba et leur écroulement provoqua un recul brutal du PIB cubain), il participe à la fondation de l'association « Cuba Si » dont l'objectif initial était d'apporter du papier et des fournitures scolaires aux écoles. L'association existe toujours aujourd'hui[21].
Secours populaire
Dans les années 1980-1990, Georges Wolinski a dessiné gracieusement pour le journal du Secours Populaire français, Convergence[22].
En hommage à Wolinski, et avec l'accord de sa veuve, Maryse Wolinski, le prix de la BD du Point, décerné depuis 2004 et dont le jury était présidé par le disparu, prend le nom de « Prix Wolinski de la BD du Point »[25].
En , une gargouille à son effigie — le représentant entouré de deux femmes nues — a été créée sur la tour de la Lanterne à La Rochelle. Une seconde gargouille est à l'effigie de Cabu[27].
Le 6 février 2016, la médiathèque de la ville de Noisy-le-Grand est baptisée en hommage à Georges Wolinski. Lors de l'inauguration, sa femme Maryse Wolinski est présente.
Fin 2022, un club de comédie est ouvert à Bruges en Belgique, qui porte le nom de Wolinski, en son honneur[29].
Wolinski a participé en tant qu’auteur à la série Palace de Jean-Michel Ribes. Dans le générique de fin, on le voit descendre le grand escalier en compagnie de Ribes, Topor et tous les autres créateurs.
↑Centre de documentation et d'information sur le tabac (Fédération nationale des planteurs de tabac, Association de fournisseurs communautaires de cigarettes, Seita, Confédération des chambres syndicales de débitants de tabac). Ses dessins sont en lien avec leur campagne pour le lien entre les fumeurs et les non-fumeurs : « À chacun ses plaisirs. Pour nous, il y a celui de fumer. Plaisir que vous pouvez ne pas partager. Alors, parlons. D'accord pour que notre plaisir ne gêne pas le vôtre. Évitons les abus d'un côté comme de l'autre. Pour que la vie, ensemble, reste un plaisir. »
« Hommage à Charlie Hebdo : pour rendre hommage aux victimes de l'attaque terroriste contre Charlie Hebdo, Mélanie Croubalian vous propose de réentendre l'entretien qu'elle avait eu avec le dessinateur Georges Wolinski le 2 octobre 2014. Wolinski a perdu la vie dans cet attentat, de même que 11 autres personnes. »
Martine Mauvieux (dir.), Wolinski, 50 ans de dessins [exposition, Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, Paris, -], Hoëbeke, Bibliothèque nationale de France, Paris, 2012, 158 p. (ISBN978-2-7177-2520-9)
Numa Sadoul, Dessinateurs de presse : entretiens avec Cabu, Charb, Kroll, Luz, Pétillon, Siné, Willem et Wolinski, Glénat, Grenoble, 2014, 215 p. (ISBN978-2-344-00016-8)
Emmanuelle Brugerolles (dir.), Georges Wolinski. Humour, Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, 2021.