Mona Chollet naît en 1973 à Genève. Elle est binationale franco-suisse. Son père est commerçant ; sa mère, d'origine égyptienne, travaille pour Swissair au Caire, puis devient comédienne et professeure de théâtre à Genève. Elle a un frère cadet[1].
Elle est ensuite pigiste pour Charlie Hebdo mais son contrat est interrompu en 2000 après sa contestation d'un éditorial du directeur de la rédaction Philippe Val, où il écrivait que les Palestiniens « ne se conduisent pas comme des gens civilisés »[3],[4].
Journaliste au Monde diplomatique entre 2005[1] et 2022, et cheffe d'édition[5] à partir de 2016, elle anime le site de critique culturelle Périphéries[6], en partenariat avec Thomas Lemahieu.
Elle anime aussi pour 19 épisodes une chronique sur Arte radio, L'esprit d'escalier (2004-2005), qui aborde des sujets de société, notamment le féminisme et les médias.
Elle vit à Paris depuis la fin de ses études de journalisme à Lille[1].
Elle a proposé une critique sévère des Femen dans un article du Monde diplomatique intitulé « Femen partout, féminisme nulle part »[7],[8],[9],[10]. Elle leur reproche notamment de manifester les seins nus : « Dans le fumeux "sextrémisme" promu par le groupe, il y a tout à parier que c’est surtout "sexe" qui fait tilter la machine médiatique. […] L'intérêt pour les Femen s'avère parfaitement compatible avec l'anti-féminisme le plus grossier »[11].
En 2014, elle défend l'abolition de la prostitution[12]. Toutefois, en 2021, dans Réinventer l'amour, elle affirme « regrette[r] amèrement d'avoir pris position, il y a quelques années, pour la pénalisation des clients de la prostitution, en croyant aux promesses qui étaient alors faites de garantir la sécurité physique et matérielle des personnes prostituées »[13].
Mona Chollet accuse, de son côté, l’État israélien et ses alliés objectifs « [d'instrumentaliser] de la manière la plus abjecte la peur existentielle créée par le génocide des Juifs d’Europe »[21].
La Tyrannie de la réalité
Dans La Tyrannie de la réalité, Mona Chollet analyse l'usage pernicieux fait aujourd'hui de la notion de réalité dans les discours politique et médiatique. Une vision étroite de la « réalité », qui condamne les rêveurs (écrivains, cinéastes, poètes, etc.[22]) comme d'excentriques inadaptés et qui permet de brandir ce mot pour couper court à toute contestation. Parce qu'elle renvoie toujours le sujet à l'actualité la plus immédiate, l'évocation de la « réalité » engendre un sentiment de fatalisme et d'impuissance. Selon Nicole Aubert, psychologue, la « réalité » dont parle Mona Chollet est aussi bien le culte du travail, de la consommation, la loi du profit et la dureté inhérente à l'entreprise, que la croyance qu'il n'y a pas d'alternative à la société de consommation[22].
Mona Chollet retrace le parcours de la notion de « réalité » depuis l'émergence du rationalismecartésien et montre les conséquences néfastes de cette vision partielle dans les domaines politique, littéraire ou encore environnemental et médiatico-journalistique. L’autrice en appelle à une prise de recul et à un ressourcement qui rappellent les théories du philosophe canadien Charles Taylor, théories réaffirmant l'idéal d'authenticité dévoyé par la modernité hyper-rationaliste.
Beauté fatale, les nouveaux visages d'une aliénation féminine
Beauté Fatale, publié en février 2012 aux éditions de la Découverte, analyse les industries de la mode et de la beauté et les injonctions que ces industries produisent concernant le corps des femmes. L'ouvrage dépeint les conditions de travail des mannequins dans le monde de la mode et de la haute-couture, ainsi que les modes de fonctionnement des entreprises qui produisent les représentations de ce qui est considéré comme socialement désirable en matière d'apparence et de comportement des femmes (entreprises du cosmétique, du luxe). Beauté fatale s'intéresse aussi aux conséquences que ce modèle a pour certaines femmes, par exemple pour celles qui se trouvent en défaut de paiement après des emprunts élevés pour des opérations de chirurgie esthétique[23].
Chez soi, une odyssée de l'espace domestique
Dans Chez soi, Mona Chollet explore le lieu d'habitation sous toutes ses facettes : elle analyse la problématique du mal-logement et de la gentrification, les diverses injonctions sociales qui incitent à sortir plutôt qu'à rester tranquillement à la maison, mais aussi, et surtout pour les femmes, l'incitation à entretenir et à décorer impeccablement leur intérieur[7].
Elle consacre une partie de son ouvrage à l'analyse de l'historiographie moderne et contemporaine, trouvant que cette dernière, qui n'établit jamais de lien entre chasse aux sorcières et misogynie, peine du coup à expliquer ce fait historique de façon convaincante. Elle trouve dans la misogynie actuelle des parallèles entre le traitement réservé aux sorcières des XVIe et XVIIe siècles et l'époque contemporaine, en particulier en ce qui concerne les volontés d'indépendance et/ou de non-maternité[29] qui suscitent, selon elle, encore une forme d'opprobre sociale. Elle évoque aussi cette « mode des sorcières », devenues un symbole du féminisme[30].
Le livre, jugé « succès de la rentrée » à l'[31], s'était vendu à 115 000 exemplaires en , huit mois après sa parution[32]. À la rentrée 2021, il dépasse les 250 000 ventes[33].
Réinventer l'amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles
À la suite du Mouvement MeToo, la question de la séduction se pose : qu'est-ce qui peut être dit ? Qu'est-ce qui ne peut pas l'être ? Comment flirter et séduire sans agresser ? Avec l'essai Réinventer l'amour, Mona Chollet décrypte la complexité des rapports amoureux, puis analyse les influences, plutôt mauvaises, du patriarcat sur les relations entre hommes et femmes. Elle observe que dans le modèle patriarcal « L'homme est beau quand il est puissant. La femme est belle quand elle est faible. ». Pour contrecarrer cela, l'autrice invite à la réinvention du couple et à revoir les manières de voir et de traiter le féminin[34]. Le livre aborde aussi les violences faites aux femmes[35].
Le livre est notamment salué pour la finesse de son analyse et le détail des sources employées. Mona Chollet cherche à mettre en avant des arguments pour réinventer l'amour, en faveurs de relations homme-femme plus saines et sereines[36]. Cette réinvention des rapports contribue par ailleurs à l'émancipation de la femme. Elle permet aussi aux hommes de mieux connaître les femmes et réciproquement. L'objectif général est de souligner que la femme n'a pas à se faire petite dans le couple[34]. Malgré le sujet complexe de l'essai, celui-ci ne se place pas dans l'anti-masculin : au contraire, l'autrice souhaite que les hommes se saisissent de la problématique des relations hétérosexuelles autant que les femmes[37].
Mona Chollet (dir.) et Pierre Rimbert (dir.), Les révoltés du travail, Paris, Le Monde diplomatique, coll. « Manière de voir » (no 103), , 98 p. (ISSN1241-6290, SUDOC132117061)
Mona Chollet (dir.) et Evelyne Pieiller (dir.), Mauvais genres, Paris, Le Monde diplomatique, coll. « Manière de voir » (no 111), , 98 p. (ISSN1241-6290, SUDOC145004759)
Mona Chollet (dir.), L'urbanisation du monde, Paris, Le Monde diplomatique, coll. « Manière de voir » (no 114), , 98 p. (ISSN1241-6290, SUDOC147929148)
Mona Chollet (dir.), Changer la vie : Mode d'emploi, Paris, Le Monde diplomatique, coll. « Manière de voir » (no 136), , 98 p. (ISSN1241-6290, SUDOC180288539)
Mona Chollet (dir.), Écrans et imaginaires : Séries, divertissements, télé-réalité, Paris, Le Monde diplomatique, coll. « Manière de voir » (no 154), , 98 p. (ISSN1241-6290)
En collaboration
Mona Chollet, Olivier Cyran et Sébastien Fontenelle, Les Éditocrates ou Comment parler de (presque) tout en racontant (vraiment) n'importe quoi, Paris, La Découverte , coll. « Cahiers libres », , 196 p. (ISBN978-2-7071-5869-7, SUDOC139072322)
↑Elle raconte : « Quelques jours après, il m’a convoquée et il m’a annoncé qu’il arrêtait mon CDI après le mois d’essai, alors que j’étais pigiste depuis un an. Ça m’a sidérée. » Voir : Olivier Cyran, « L'opinion du patron », sur Les Mots sont importants, (consulté le ).
↑Mona Chollet, « L'utopie libérale du service sexuel », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le ).
↑Mona Chollet, Réinventer l'amour, Paris, La Découverte, coll. « Zones », , 276 p. (ISBN978-2355221743), p. 235, note 40.
↑Samuel Forey, « Guerre Israël-Hamas : une enquête de l’ONU confirme les « violences sexuelles » commises lors de l’attaque du 7 octobre », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑« Attaques du 7 octobre. L’ONU a-t-il tardé à reconnaître les violences sexuelles commises par le Hamas contre les femmes israéliennes ? », Courrier international, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Shira Rubi, « Israel investigates an elusive, horrific enemy: Rape as a weapon of war », The Washington Post, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) « Sexual Violence Evidence Against Hamas Is Mounting, but the Road to Court Is Still Long », Haaretz, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Caliban and the witch : women, the body and primitive accumulation, Brooklyn, NY, Autonomedia, , 285 p. (ISBN978-1-57027-059-8, lire en ligne), traduit en français en 2017.
↑« Ce livre explique pourquoi les femmes qui ne veulent pas d'enfant sont vues comme les sorcières d'aujourd'hui », Le Huffington Post, (lire en ligne, consulté le ).
↑« [LIVE] Viens parler des sorcières avec Mona Chollet à la rédac ! », madmoiZelle.com, (lire en ligne, consulté le ).
↑Amandine Schmitt, « Mona Chollet : la sorcière est l'avenir de la femme », Bibliobs, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Mona Chollet : “L’élection de Trump, prédateur sexuel avéré, a aussi été un élément déclencheur de MeToo” », Les Inrocks, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Mona Chollet : “La sorcière est un condensé de tout ce qui dérange chez les femmes” », Télérama.fr, (lire en ligne, consulté le ).