André Jolivet naît le à Montmartre d'un père peintre amateur et comptable à la Compagnie générale des omnibus et d'une mère pianiste amateur. Très jeune, il est attiré par l'art ; la peinture, le théâtre, la poésie le passionnent. C'est l'abbé Théodas, maître de chapelle de Notre-Dame de Clignancourt, fondateur de la chorale « Les Ménétriers » qui l'initie dès 1913 aux techniques d'écriture et lui fait découvrir les polyphonies des XVIe et XVIIe siècles[1]. Le préférant au piano, il apprend le violoncelle avec Louis Feuillard. C'est Georges Valmier, peintre cubiste et baryton, rencontré aux « Ménétriers » en 1919, lorsque celui-ci revient s'installer à Montmartre après-guerre, avec qui il travaille la peinture qui, comprenant sa passion pour la musique, lui fait rencontrer Paul Le Flem.
En 1921, Jolivet entre à l'École normale d'instituteurs d'Auteuil, et s'oriente parallèlement vers la musique. De 1927 à 1932, Paul Le Flem lui fait travailler l'harmonie et le contrepoint. Avec Le Flem, Jolivet apprend la rigueur et la discipline de l'écriture, découvre Schönberg, Berg et Bartók, pour lequel il a une constante admiration, lui dédiant en 1945, année de la disparition de Bartók, sa sonate no 1 pour piano. En 1929, Le Flem le recommande à son ami Edgard Varèse dont il devient l'élève. De 1930 à 1933, Varèse lui enseigne le son « matière » et bouleverse radicalement son approche de la musique. De l'enseignement de son maître, Jolivet dit plus tard : « Avant Varèse, j'écrivais avec des notes, après Varèse, je composais avec des sons »[2]. En 1935, avec Mana, six pièces pour piano, Jolivet a établi son langage personnel. Cette œuvre, qui permet à Jolivet de s'imposer dans le milieu musical, avait notamment la faveur d'Olivier Messiaen, qui lui consacra un article élogieux[3].
En 1936, avec Yves Baudrier, Daniel-Lesur et Olivier Messiaen, il crée « Jeune France », groupe destiné à promouvoir la nouvelle musique française et « propager une musique vivante dans un même élan de sincérité, de générosité, de conscience artistique » (Manifeste de la Jeune France)[4]. En 1939, Jolivet est mobilisé à Fontainebleau. L'expérience de la guerre lui inspire Les Trois Complaintes du soldat. De 1945 à 1959, il est directeur musical de la musique à la Comédie-Française. Les nombreuses musiques de scène qu'il compose alors ou réorchestre, viennent s'ajouter à un catalogue où figurent des œuvres aussi importantes que les douze concertos pour huit instruments différents, de nombreuses partitions symphoniques ou de musique de chambre.
En 1959, il fonde à Aix-en-Provence le Centre français d'humanisme musical, lieu estival dont la vocation était d'être un lieu de rencontre entre compositeurs, musiciens et étudiants. Mais, victime du succès rencontré par cette entreprise, Jolivet dut y renoncer en 1964, préférant se consacrer essentiellement à la composition plutôt qu'à la lourde organisation de cette académie. Entre 1959 et 1962, il est appelé auprès d'André Malraux comme conseiller technique à la direction générale des Arts et lettres. De 1966 à 1970, il est professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
On peut déterminer 3 grandes périodes dans la production de Jolivet. La 1re, qui couvre les années 1930 et dans laquelle il compose notamment Mana, la Danse incantatoire, les Danses rituelles, est caractérisée par une recherche de musique « humaine, religieuse, magique et incantatoire », par un retour aux sources. L'influence de son maître Varèse n'y est pas étrangère. La seconde période est celle des années 1940, de l'expérience de la guerre, qui pousse Jolivet à se rapprocher du public en composant une musique plus accessible, écrite dans un langage plus simple (Les Poèmes intimes, Les 3 Complaintes du soldat). La dernière période constitue une synthèse des deux autres, que l'on peut situer à partir de la composition de la Sonate pour piano n°1 et dans laquelle s'effectue l'alchimie entre toutes les composantes des autres périodes, c'est-à-dire entre lyrisme, clarté et langage complexe ; audace et tradition humaniste ; primitivisme, ésotérisme et simplicité. Mais c'est toujours l'émotion dans les œuvres de Jolivet qui prévaut sur la virtuosité.
Hilda Jolivet : Avec André Jolivet, Ed. Flammarion, 1978
Jean-Jacques Brothier : La Jeune France, Yves Baudrier, André Jolivet, Daniel-Lesur, Olivier Messiaen, Paris, Association des Amis de la Jeune France, 1955.
Laetitia Chassain, Lucie Kayas : André Jolivet. Portraits, Arles, Actes Sud, 1994, 192 p.
Serge Gut : Le Groupe Jeune France : Yves Baudrier, Daniel Lesur, André Jolivet, Olivier Messiaen, Paris, H. Champion, 1977, 158 p.
Odile Jaubourg, Anne-Hélène Rigogne : André Jolivet (1905-1974) : un musicien humaniste, Amiens, Bibliothèque municipale, 1995, 26 p.
Lucie Kayas : André Jolivet, Paris, Fayard, 2005, 604 p.
Catherine Massip : André Jolivet, homme de théâtre, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1994, 13 p.
Gérard Moindrot : Approches symboliques de la musique d'André Jolivet, Paris, L'Harmattan, 1999.
Pierre Petit : Images musicales : Jolivet, Milhaud, Honegger, Casadesus, Satie, Paris, Société d'Histoire et d'Archéologie Le Vieux Montmartre, 1995, 47 p.
↑Livret du CD Mana, Sarabande sur le nom d'Erik Satie, Cosmogonie, 2 Mouvements, Romance barbare, Étude sur les modes antiques, Pascal Gallet, Vol.1, Ed. Maguelone