L'abbaye de Saint-Claude - appelée monastère de Condat à son origine puis abbaye de Saint-Oyand de Joux au Moyen Âge - est une ancienne abbaye bénédictine située à Saint-Claude dans le massif du Jura qui a existé du Ve au XVIIIe siècle et dont il ne reste plus que des vestiges.
Un premier ermitage est fondé vers 420 par saint Romain et saint Lupicin au confluent de la Bienne et du Tacon dans le sud du massif du Jura : la particularité du lieu donne son nom à l'institution que l'on désigne comme le monastère de Condat (le mot signifiant en effet « confluence »). Le rôle majeur joué par saint Oyand, abbé qui transforme vers l'an 500 la fondation des Pères du Jura en vrai monastère, conduit à un culte du saint qui s'établit aux VIIe et VIIIe siècles et on désigne dès lors le monastère sous le nom de Saint-Oyand de Joux (orthographié aussi avec des variantes comme Oyend) qu'il conserve jusqu'à la fin du Moyen Âge. Cependant, on découvre en 1160 le corps intact de saint Claude décédé plus de quatre siècles auparavant en 699 : abbé renommé de Saint-Oyand à la fin du VIIe, il y avait fait évoluer la règle monastique vers celle de saint Benoît. Cette découverte initie un culte du saint thaumaturge et un pèlerinage qui deviendra très important (le roi Louis XI s'y rend en 1456 et 1482). Le nom de Saint Claude est alors associé à celui de Saint-Oyand puis finit par supplanter l'ancienne dénomination à l'époque moderne[1].
L'abbaye est enrichie par les donations et par les pèlerinages qui développent la ville et font naître un important artisanat religieux : elle possède nombre de prieurés et d'églises ou chapelles dans plusieurs évêchés qui constituent la puissante « Terre de Saint-Claude » et conservera son indépendance en étant directement rattachée au Saint-Siège. Dès le XIVe siècle les riches moines nobles de Saint-Claude ne respectent plus la règle bénédictine et en 1510 le régime de commende s'installe. Malgré les tentatives de réforme le relâchement monastique perdure et les conflits entre les moines et les prieurs conduisent à la sécularisation de l'abbaye en 1742 : elle est transformée en chapitre de 16 chanoines dirigés par quatre dignitaires dont un prieur. Une réorganisation ecclésiale en profondeur est entreprise dans le même temps avec la création du nouvel évêché de Saint-Claude pour « procurer à l'Église une sentinelle vigilante aux portes mêmes de Genève » et l'église abbatiale devient la cathédrale de Saint-Claude. Le chapitre de Saint-Claude y est rattaché et défend victorieusement ses droits seigneuriaux comme la mainmorte sur les serfs du Haut-Jura qui malgré l'implication de Voltaire et de l'avocat Cristin ne seront affranchis que par la Révolution lors de la Nuit du 4 août 1789 ; l'abolition réelle n'entrant en vigueur qu'après les décrets d'application du 15 mars 1790.
Le la Constituante « met les biens de l’Église à la disposition de la nation » et les mainmortables de la Terre de Saint-Claude deviennent propriétaires des biens dont ils étaient les usufruitiers. L'évêque refuse la Constitution civile du clergé et s'exile, puis le la Constituante supprime les institutions religieuses et un décret municipal du l'applique au chapitre de la cathédrale. Les maisons canoniales et les bâtiments de l'abbaye sont vendus comme biens nationaux en et disparaissent comme tels. Ne subsiste que l'ancienne église abbatiale devenue la cathédrale en 1742 [2].
Dénomination
Le monastère primitif est désigné sous les noms de Condadisco, Monasterium Condatescensis ou Condatense signifiant « Confluent », et relié au lieu où s'établirent les Pères du Jura, fondateurs d'un ermitage aux temps mérovingiens au confluent de la Bienne et du Tacon[3]. La renommée de saint Oyand qui fit de l'ermitage une véritable fondation monastique à la fin du Ve siècle entraîne la nouvelle dénomination de Saint-Oyand-de-Joux, cette titulature est attestée dans les sources à compter du VIIIe siècle et prévaut durant tout le Moyen Âge avec des variantes orthographiques[4].
Le développement du culte de Saint Claude à partir du XIIe siècle va induire un nouveau changement de nom qui apparaît au XIIIe siècle et s'impose à l'époque Moderne[5]. La « Terre de Saint-Claude » est mentionnée dès 1466 et la titulature « abbaye de Saint-Claude » (« Monasterium sancti Claudii », parfois avec une précision géographique « Saint-Claude au Mont Jura ») commence à être utilisée dans les textes officiels au XVIe siècle comme (en 1538 arrêt de Charles-Quint, deux documents de la fin du XVIe (1574 et 1589)[6]. C'est cette dénomination que retiennent la plupart des auteurs d'une Histoire de l'abbaye (Dunod de Charnage, Histoire de l'abbaye de Saint-Claude dans Histoire des Séquanois et de la province séquanoise 1735, pages 91 et suivantes[7], Abbé Ferroul-Montgaillard Histoire de l'abbaye de St-Claude: depuis sa fondation jusqu'à son érection en évêché, 2 volumes, 1834, [lire en ligne], Dom Benoît, Histoire de l'abbaye et de la Terre de Saint-Claude, Montreuil-sur-mer, vol. I, 1890, vol. II, 1892).
Histoire
Romain et Lupicien
L'ermitage de Condat
Au début du Ve siècle, à l'âge de 27 ans, Romain de Condat, originaire d'Izernore dans le Haut-Bugey, est rejoint par son frère Lupicin de Lauconne dans son voyage au cœur des forêts du Jura en quête de spiritualité. Ils se dirigent en direction de Moirans-en-Montagne mais le lieu ne les satisfait pas. Ils décident de descendre jusqu'à la Bienne et de continuer en direction de Jeurre, déjà habité à cette époque, car c'était un point fortifié par les Romains pour contrôler le passage vers l'Helvétie. Arrivé aux alentours de Saint Claude, nommé alors Condat (qui signifie en celte, confluent, car situé au lieu où se rejoignent le Tacon et la Bienne), ils y fondent un ermitage à l'ombre d'une grotte et auprès d'un ruisseau nommé "la Rochette". Bientôt rejoint par d'autres, ils construisent des cellules au pied d'une petite colline et décident d'élaborer des règles de vie en s'inspirant de celles de saint Basile, de saint Pacôme et de l'œuvre de Cassien (cette règle prescrit un jeûne rigoureux autorisant la consommation de lait et d'œufs, ne laissant la viande qu'aux malades, les moines observent un silence presque continuel et la journée est consacrée au travail) ; la règle des bénédictins, ou moines noirs, ne sera appliquée qu'à la fin du Xe siècle. Leur communauté s'agrandissant très vite, ils se lancent dans l'édification de granges monastiques (probablement à Étables, Villard-Saint-Sauveur, Septmoncel et Cinquétral) destinées à l'exploitation agricole des terres défrichées[8], puis plus tard d'un deuxième lieu de culte à Saint-Lupicin, alors nommé Lauconne, dont Lupicin de Lauconne devient le premier abbé[9].
L'entretien de deux monastères et des nombreux moines qu'ils abritent devenant difficile dans ces contrées désertes, les deux frères accompagné d'un disciple nommé Pallade partent au devant du roi Chilpéric alors à Genève pour solliciter son aide : "Prince, nous sommes les serviteurs du grand Dieu, avec son aide, nous avons pénétré au milieu de la forêt du Jura, pour y vivre dans l'état monastique. Seuls d'abord, et uniquement appliqués à nos saints exercices, nous n'avons pas tardé à voir arriver auprès de nous, des divers points de la contrée, une jeunesse nombreuse et animée du plus vif désir de servir Dieu dans la solitude, il nous a fallu céder à leurs instances réitérées. Devenus les pères de ces ouailles que le divin Pasteur nous a confiées, nous leur donnons la nourriture spirituelle ; mais comme nous n'avons ni terres, ni revenus, la nourriture corporelle leur manque quelquefois, et c'est pourquoi nous avons recours à votre libéralité". Le monarque fit don de terres, d'une dotation annuelle de blé, de vin et de cent sous d'or. De là les trois hommes se dirigèrent vers Agaune, alors simple sanctuaire, pour vénérer les reliques des martyrs de la légion thébaine. Avant d'entreprendre le voyage de retour la légende raconte que Romain fonda le monastère de Romainmôtier[9].
Le prieuré de la Balme
À l'image de ses frères, Iole (ou Yole[10]), qui veut également consacrer sa vie à servir Dieu, vient rejoindre l'abbaye de Condat où ils la reçoivent et l'installent comme abbesse au monastère de la Balme, ou la Baume, à Pratz, autrefois nommé Saint-Romain-de-Roche. Les moniales se doivent de vivre dans la plus sévère retraite, elles ne peuvent pas même recevoir leurs parents, ni leur écrire. C'est ce lieu qui recevra la dépouille de saint Romain, conformément à son vœu, avant qu'elle ne rejoigne Saint-Claude lors de la destruction de la Balme ; son frère sera inhumé à Saint-Lupicin où, en 1689, lors du déplacement du maître-autel, il fut découvert une tombe contenant des ossements et une lame de plomb sur laquelle était gravé : "hic requiescit beatus Lupicinus abbas (ici repose le bienheureux Lupicien, abbé)"[9].
Dès le IXe siècle un diplôme de Charles II le Chauve au sujet des reliques de Lupicin stipulant que "dans ce lieu repose le corps du bienheureux Lupucien (In ipsid cellâ Corpus beati Lupicini jacet)", vient préciser que le monastère de Saint-Lupicin est à cette époque déjà un prieuré comme le montre l'utilisation du mot "cellâ, qui depuis le concile d'Aix-la-Chapelle en 817 accorde aux abbés le droit d'avoir de petits monastères nommé "cellà". Quant à celui de la Balme, aujourd'hui Pratz, il devenait un prieuré probablement depuis l'invasion des Sarrasins qui sous la conduite d'Abd al-Rahmân au VIIIe siècle ravage la Bourgogne[9].
Oyend de Condat
Saint Oyend (450 - 510), nommé aussi Eugendus, naît dans le milieu du Ve siècle. À l'âge de six ans, il part s'instruire sous la direction de Romain et de Lupicin qui viennent de fonder le prieuré de Condat et le confient à saint Viventiole, alors moine dans ce lieu. Après le décès des deux pères fondateurs, l'abbé qui prend la tête du monastère choisit comme coadjuteur Oyend. Quelques années plus tard, ce dernier lui succède naturellement. La renommée des ermites attirant des disciples de plus en plus nombreux, l’ermitage originel se transforme peu à peu en communauté monastique. Au début du VIe siècle, Oyend, le quatrième abbé, régularise la vie communautaire selon la règle de Tarnate (nom originel de l'abbaye d'Agaune puis fixe une règle portant son nom avec notamment l'usage de la psalmodie perpétuelle). Il s'entoure également d'érudits dont Viventiole. Après sa mort survenue vers le début de la soixantaine, son successeur, Antidiole, fait bâtir une église sur sa tombe. La renommée de cet abbé donne alors son nom à l’abbaye : Saint-Oyend de Joux[11].
Alors que les trois monastères vivent paisiblement en ce VIe siècle, un incendie ravage celui de Condat. Devant quitter leur lieu de prière, les moines trouvent refuge dans celui de Lauconne (Saint-Lupicin). Oyend en profite pour relever entièrement son abbaye détruite. Composée jusqu'alors de petites cellules individuelles, il les remplace par des dortoirs spacieux et l'oratoire primitif laisse place à une église. L'époque bénéficie d'un calme propice à l'essor des trois abbayes et au développement de leurs écoles et de leurs bibliothèques[12], toutes deux si renommées que Charles II le Chauve, roi des Francs, confiera à l'un de leurs élèves, devenu moine, la direction du monastère de son palais. Dans le même élan, l'abbé Antidiole envoie deux de ses religieux, Aubert et Didier, dans la région de Saint-Point-Lac. Condat participe ainsi à la fondation des villages de L'Abbaye et de Villers-sous-Chalamont ainsi que de ce qui deviendra plus tard l'abbaye de sainte Marie-Madeleine du Lac et celle de Goaille[9].
Saint-Claude
Fondation de la ville
C'est sous l'autorité d'Olympe, sixième abbé de Condat, que sont posées les fondations de la ville de Saint-Claude, qui prendra le nom de Saint-Oyand-de-Joux jusqu'au XIIIe siècle en succession de Condat. Les premières maisons voient le jour au lieu-dit "les Moulins" pour, petit à petit, se rapprocher du monastère et une chapelle est construite sur une éminence au nord de l'abbaye, en l'honneur de saint Étienne, pour permettre aux laïcs de suivre l'office, car à cette époque, ils ne peuvent y participer qu'à certains jours solennels. La population augmentant régulièrement et s'ajoutant aux nombreux religieux qui peuplent le lieu, l'abbé Sapient se voit obliger de faire transformer la chapelle en église, malheureusement, quelques années plus tard, un incendie la ravageait, elle fut rebâtie sous l'invocation, cette fois, de saint Romain et existait encore peu après la révolution de 1790. Au cours du VIIIe siècle, grâce à l'estime qu'avait Pépin le Bref envers l'abbé Hippolyte, le monastère est agrandi et le grand cloître érigé, permettant de faire communiquer l'ancienne église avec celle de Saint-Pierre ; dans le même temps, des terres lui sont données dans le diocèses de Langres, Mâcon et Châlon, permettant d'y établir des prieurés. Au XVIe siècle, à la suite d'un incendie, le monastère et le palais abbatial sont restaurés par l'abbé Ferdinand de Rye. Cet édifice, adossé à la nouvelle église et à celle de Saint-Claude, forme une des façades de la place Saint-Pierre, les trois autres côtés sont occupés par la cathédrale et les maisons des religieux. Cette place, ornée d'une fontaine, s'ouvre sur la ville par une porte flanquée de la "tour de l'horloge" qui sert de prison. Trois autres portes permettent l'accès à l'abbaye, l'une sur le chemin de Genève par Septmoncel, l'autre sur le chemin des Bouchoux et la dernière sur la rue Neuve. L'abbaye présente une enceinte carrée, armée de tours. Les logements des religieux sont spacieux et possèdent des jardins. Avec la nomination du cardinal d'Estrées sur le siège d'abbé en 1680, vient le temps de la construction du nouvel hôpital de Saint-Claude, en remplacement de l'ancien hospice plusieurs fois détruit. Le , un gigantesque incendie fait quatre-vingts victimes et détruit la ville, alimenté dans sa progression par les "tavaillons" (tuiles en bois de pin et non en ardoise) qui couvrent tous les toits. À 12h45, ce jour-là, une colonne de fumée s'élève d'une maison située en haut de la rue du "pré", le brasier, alimenté par un vent d'est très violent, se lance en direction du couvent des Carmes. De là, il se répand dans la rue "Poyat" dont les nombreux magasins l'alimentent et s'avance dans le faubourg qu'il parcourt rapidement. Le couvent des Capucins, pourtant à l'opposé, est à son tour la proie des flammes, avant qu'il ne fonde sur la cathédrale, puis se rue sur l'hôpital dont les malades devront la vie sauve à l'infirmier nommé Vincent. Dans cette ville de quatre mille habitants, il ne reste que quelques maisons debout, dont celle de Jacquet qui avait réussi à subtiliser le bras de saint Claude avant la destruction de la relique par le représentant Lejeune[9].
La renommée de son école
La renommée de Condat allait grandissant à tel point que Lothaire Ier, empereur d'Occident, appelait l'abbé Remi auprès de lui pour être pourvu du titre d'archichapelain. Ce titre donne ainsi le pas à l'abbé de Condat sur tous les évêques et archevêques de l'empire et l'octroi du rôle d'arbitre dans les affaires ecclésiastiques. En ayant la charge de cet office particulier Remi ne peut donc pas gouverner Condat tant sa présence auprès de l'empereur est indispensable, aussi confie-t-il la direction de son monastère à un fidèle nommé Mannon. Celui-ci participe à l'épanouissement de l'école de Condat qui devient un vivier d'érudits, ceux de ses élèves qui peuvent être envoyé à l'université sont pris en charge financièrement par l'abbaye. Pour parfaire cette estime réciproque entre le monarque et l'abbé de Condat, l'empereur lui remet un diplôme en 852 confirmant l'affranchissement pour l'abbaye de l'état de dépendance où elle se trouvait alors, il la rétablissait dans tous ses droits acquis par ses prédécesseurs et se portait dorénavant comme protecteur du monastère : "c'est pourquoi, pour le bien de notre âme, faisant droit à la demande de l'archevêque Remy, nous maintenons les moines dudit monastère dans leurs possessions, afin qu'ils en jouissent sous notre autorité, et cela de telle sorte que ceux qui le gouverne ne puissent jamais en être évincés en quoi que ce soit". À cette époque les terres appartenant à l'abbaye sont celles de Molinges, de Viry, de Dortan, de Borbonce, de Salaise, de Chavane, de lect, de Lauconne, de Sessia, de Coisia, de Céligna, de Martigna, de Moirans, de Chancia, de Meussia, d'Onoz, d'Attigna, d'Ambutrix... L'abbé Remi avait été nommé évêques de Lyon aussi son successeur, en la personne d'Aurélien, occupe-t-il le même poste ainsi que celui d'archichapelain. Ce dernier abbé fut chargé de relever le monastère d'Ainay alors en ruine et pour ce faire il envoya plusieurs religieux de Condat[9].
L'adoption de la règle de saint Benoit
Dans le courant du Xe siècle, en adoptant la règle de saint Benoît, l'abbaye se place sous l'autorité directe du souverain pontife, d'ailleurs le pape Pascal II en 1100 place l'abbaye sous sa protection et permettait à l'abbé de porter la mitre et l'anneau. À partir de 952 l'abbé Bozon pris soin de la mettre sous la protection d'Othon Ier, roi de Germanie, lui permettant ainsi de devenir un fief de l'empire. Ce monarque maintient l'affranchissement du monastère ainsi que le droit d'élire leur abbé. Avec Gausserand c'est un renouveau pour Saint-Oyand-de-Joux car il engage d'importants fonds pour relever les bâtiments qui avaient souffert du passage des Normands. Peu de temps après il y recevait Simon de Vexin chassé par Philippe Ier de ses terres, voulant se retirer du monde Simon et quelques-uns de ceux qui l'avaient accompagné se retiraient vers les montagnes et y fondaient un ermitage qui deviendra le village de Mouthe. Dans ces temps tumultueux il devint nécessaire pour le monastère de se protéger de ses voisins belliqueux et d'assurer la protection de ses biens, aussi l'abbé Odon Ier met sur pied des milices commandées par un prévôt ou capitaine d'armes dans chaque village à l'image de ce qui se faisait en Suisse[9].
Le miracle de saint Claude
Avec la nomination d'Adon II sur le siège de Saint-Oyand-de-Joux vient le temps des intrigues et de l'indiscipline, décrit comme capricieux et dispendieux il ne put subvenir à ses besoins qu'en vendant ou en engageant les domaines du monastère. Malgré l'intervention de Pierre II de Tarentaise il fallut celle du pape pour déposer l'abbé fautif, pour ce faire le souverain pontife s'appuya sur une lettre de saint Bernard : "Le noble monastère de Saint-Oyant, fameux autrefois par ses richesses et sa piété, touche à sa ruine. S'il faut croire tout ce qu'on en raconte, le mal est si grand que je dois renoncer à vous en faire le détail; les deux religieux qui vont déposer leurs plaintes aux pieds de votre Sainteté, s'acquitteront de ce devoir. L'un d'eux, nommé Archegande, prieur du monastère de Condat, est un homme de bien pour lequel j'ai conçu depuis longtemps une sincère affection; il vous dira que, dans presque tous les monastères ou prieurés de la congrégation, les édifices sont en partie détruits, en partie sur le point d'être abandonnés ; que les moines gémissent du peu de retenue de leur abbé, désigné par l'opinion publique comme auteur de tous les maux qui les désolent: ces maux sont tels qu'il ne faut rien moins que le glaive apostolique, jusqu'ici trop lent à frapper, pour les extirper entièrement. En vous les signalant j'ai délivré mon âme ; mais ce n'est pas assez, il faut que le monastère le soit aussi. C'est à vous qu'il appartient d'opérer cette délivrance, sa mort et sa vie sont entre vos mains". Adon II est donc remplacé par Aymond qui obtient l'appui de Frédéric Barberousse, Empereur romain germanique, ce dernier par un diplôme de 1184 confirme tous les anciens titres de l'abbaye l'augmentant du droit de "battre monnaie". Pour raviver la foi de tous l'abbé fit exhumé le corps de Saint Claude dont le tombeau avait auparavant attiré un grand nombre de croyants et semblait être le lieu de plusieurs miracles. Le corps de Claude y reposait parfaitement conservé. Transféré dans une châsse en bois il est dit qu'il opéra la résurrection d'un enfant ayant péri étouffé dans la foule le jour de la cérémonie. En 1243 c'est au tour de l'abbé Humbert de Buenco de faire une nouvelle translation après avoir fait fabriquer une châsse cette fois en argent. En 1448, en 1699 et en 1754 la châsse sera encore ouverte et encore une fois et il sera observé la parfaite conservation de la dépouille. La renommée du saint est si grande que Louis XI, déjà venu en tant que dauphin, fera encore deux voyages pour se recueillir sur son tombeau en 1456 et en 1482 ; puis en 1499 c'est au tour d'Anne de Bretagne d'y venir en pèlerinage. Après la révolution de 1789 le représentant Lejeune, fraichement arrivé à Saint-Claude, s'empressa de faire détruire la relique du saint le , Lejeune accompagné de deux gendarmes brisèrent le corps en plusieurs morceaux et le transportèrent à l'écart de la cathédrale pour le brûler dans la cheminée d'une chambres du couvent des Carmes alors transformé en auberge, le lendemain un des domestiques y retrouvait des ossements et un crâne ; seul un de ses bras, perdu pendant le forfait, put être sauvé par un habitant. Devant les protestations que soulevait ce méfait Lejeune fit jeter dans la Bienne, à l'endroit nommé "les Coinchettes" les restes du saint homme[9].
Procès-verbal de l'ouverture de la châsse en 1754
L'an mil sept cent cinquante-quatre, le jourd'hui vingt auguste, à deux heures de relevée, Nous, Joseph de Meallet de Fargues, premier évêque de Saint-Claude, comte de Lyon, conseiller du Roi en tous ses conseils, etc., savoir faisons que conformément à notre ordonnance en date du présent jour, portant indication de notre visite des reliques du corps de saint Claude, qui repose dans l'église qui porte son nom, et autres y renfermés, et aux conclusions de notre promoteur dudit jour, nous nous serions transportés dans ladite église de Saint-Claude, accompagné de notre Chapitre et de, etc., etc. Dans laquelle église étant tous arrivés, après avoir fait notre prière, on nous aurait ouvert la châsse où repose le corps de saint Claude, placée derrière le maître-autel, dans laquelle châsse nous aurions trouvé un corps qui nous a paru extrêmement ancien, en entier à l'exception d'une partie du petit doigt de la main droite, savoir: la troisième phalange de ce doigt; que la partie cartilagineuse du nez nous a paru endommagée, et la partie gauche de la lèvre supérieure un peu plus retirée que la partie opposée, avec une élasticité dans toute la partie du bas-ventre; depuis les côtes de la poitrine jusque audit bas-ventre, tout y est palpable et élastique; que la langue a paru vermeille, ce qui a été vu, reconnu, attesté et signé par Messieurs désignés ci-dessus, qui nous ont accompagné dans notre visite, mesdits sieurs les médecins et chirurgiens jurés royaux s'étant réservé de faire leurs rapports en particulier, sur ce qu'ils ont vu et remarqué sur le corps de saint Claude, lesquels rapports seront insérés à la fin de notre procès-verbal. Ainsi fait, lu et passé les jour, mois et an que dessus, et à l'instant la châsse a été fermée, scellée du sceau de nos armes et de celui de Messieurs du Chapitre, lesquels sceaux ne seront levés que le vingt-six du courant, lors de la translation desdites reliques (si le cas échéait) en notre présence, celle de mesdits sieurs du Chapitre et des témoins cidevant nommés. Signés à l'original, Vuillerme du Châtillonnais, doyen, et les mêmes que plus bas.
S'ensuivent les rapports de Messieurs les médecins et chirurgiens jurés royaux, qui nous ont accompagné dans notre visite avec les ci-devant dénommés.
Nous soussignés Claude-François Vuillerme du Chàtillonnais, Claude-François-Constanl Ileymondet, Jean Claude Vuillerme, Jean-Bapliste David, Benoit Voisin, d'Annecy, docteurs en médecine; Jean-François Forestier, lieutenant de M. le premier chirurgien du Roi; Joseph-Alexis David, ancien chirurgien-major du régiment de Fouquet, cavalerie; Claude-Philippe Bonguiod et Modeste Bavoux, chirurgiens, à la prière et invitation d'illustrissime et révérendissime Monseigneur l'évêque de Saint-Claude, nous sommes transportés dans l'église de Saint-Claude, où nous avons vu et examiné en présence de tous Messieurs les témoins ci-dessus, avec attention, le corps de saint Claude, renfermé dans une châsse de bois garnie de lames d'argent en figures anciennes, placé derrière le maître-autel, que nous avons reconnu être d'une grandeur ordinaire humaine; chaque partie ayant gardé ses connexions et situations naturelles, avec une palpabilité et élasticité dans les parties membraneuses, musculeuses et tendineuses, tels que l'abdomen, les jambes et les cuisses; enfin en entier dans son tout, à la réserve de la partie cartilagineuse ou inférieure du nez, et de presque les trois phalanges qui formaient le petit doigt de la main droite, qui parait avoir été arraché de force. Les téguments paraissent un peu brunis, surtout les pieds et les bras, probablement par le souffle du concours d'un peuple dévot, qui se présente au moins deux fois par jour pour baiser ses pieds à nu à l'ouverture de la châsse. Nous avons de plus remarqué que, n'y ayant eu ni ouverture ni secture faite sur son corps, n'exhalant aucune odeur aromatique ou balsamique, nous ne pouvons nous dispenser de juger qu'il n'a jamais été embaumé, et que son incorruptibilité, pendant un laps de temps aussi considérable que celui de près de douze siècles, que la tradition nous apprend qu'il y a, dès sa mort, étant au-dessus de la conception et des lumières de notre art, nous ne pouvons la contempler qu'avec admiration comme surnaturelle et miraculeuse; ce que nous certifions vrai. En foi de quoi nous avons signé à Saint-Claude, le vingtième jour du mois d'auguste de l'an mil sept cent cinquante-quatre. Signé à l'original, Vuillerme, doyen, Reymondet, médecin ; Vuillerme, médecin ; David, médecin ; Benoit Voisin, docteur et professeur de la chirurgie d'Annecy en Savoie ; Forestier, lieutenant de M. le premier chirurgien du Roi ; David, ancien chirurgien-major; Bonguiod et Bavoux[9].
Les temps difficiles
Fortifications et traités
En cette période troublée qu'est le XIIIe siècle l'abbé Hugues Ier dut solliciter la protection de Rodolphe Ier, roi des Romains, qui lui vient en aide en donnant le titre d'avoué (personne chargée de la protection et de la représentation juridique d'une institution ecclésiastique) à Jean Ier de Chalon-Arlay en 1291. Déjà quelque temps avant son prédécesseur avait reçu des mains du pape Innocent IV la bulle pontificale fixant le poullié (ou catalogue) des bénéfices dépendant de l'abbaye permettant ainsi de fixer de manière irrévocable ses possessions. En 1299 l'abbé Étienne Ier donne la montagne de Saint-Cergues à son père Humbert de Villars à charge pour lui d'y édifier une forteresse afin que les religieux puissent s'y réfugier et se défendre contre les agresseurs, du côté de la vallée de Mijoux c'était chose faite grâce à l'association que Guillaume III avait faite avec le baron de Gex. À cela il faut ajouter plusieurs places fortes inféodées du côté de la France. Dans le même temps il est décidé de fortifier l'abbaye en construisant un fort relié à son enceinte, la ville fut fermée de murailles et flanquée de tours, de cette époque semble daté la bourgeoisie de Saint-Claude. Pour parfaire cet édifice les abbés conclurent une association en 1301 avec Amédée V de Savoiecomte de Savoie[9].
Le droit de main-morte
L'abbaye était un des premiers chapitres nobles de France : l'abbé pouvait anoblir et faire grâce aux criminels, et avait droit de mainmorte sur tout le domaine de l'abbaye, appelé Terre de Saint-Claude, à l’exception de quelques territoires francs. Ce servage, tardif par rapport à d'autres seigneuries, s'est constitué progressivement à partir du XIIIe siècle et s'est étendu et généralisé dans la période entre 1350 et 1420. Les serfs de l'abbaye étaient soumis à la mainmorte, devaient la taille et des corvées[13].
Ce servage étant devenu insupportable au siècle des Lumières, les habitants intentèrent un procès au chapitre cathédral, héritier de l’abbaye, avec Christin comme avocat. Ce procès mémorable marqua les esprits : Voltaire fit contre elle une campagne aussi vaine qu'acharnée, et Louis XVI en personne ne put faire plier le chapitre qui obtint gain de cause devant le Parlement de Besançon, en 1775. Cet us féodal ne fut aboli qu'à la Révolution[9].
Une nouvelle église
Le XIVe siècle nait avec le droit de bourgeoisie de la ville et donc la liberté individuelle, ainsi une administration municipale est formée avec à sa tête des échevins détendeur de la police de la ville. Ce siècle verra aussi le Grand Schisme d'Occident diviser le catholicisme et l'installation d'un pape à Avignon, en se rangeant au côté de Clément VII l'abbé Guillaume (IV/V) se voit nommé au siège d'évêque de Sion, en 1386[14],[15]. Grâce à cette affectation, et aux dons considérable de Jean de La Grange, l'abbaye peut se lancer dans la construction de la nouvelle église de Saint-Pierre qui sera terminée en 1726. Mais avant cela, en 1512, un gigantesque incendie détruisit l'église de Saint-Claude, autre édifice religieux de la ville qui avait succédé à l'abbaye de Condat primitive. En peu de temps tout fut en flamme et se propagea aux bâtiments voisins pour courir dans la ville[9].
Poullié de 1245
Catalogue des bénéfices de la collation des abbés de saint-Claude[9].
Au diocèse de Lyon : Les églises de Saint-Claude, de Saint-Sauveur, de Septmoncel, de Longchaumois, de Molinges ; la chapelle de l'Arrivoir Saint-Georges ; les églises de Jeurre, de Choux, de Viry ; la chapelle de Bonneville-les-Bouchoux ; l'église de Dortan ; les chapelles de Vésia, de Cessiat ; les églises de Montcusel, de Messia, d'Oyonnax, de Martigna-de-l'Ille ; les chapelles de Groissia, d'Apremont ; les églises de Poncin, de Neuville, de Saint-Alban-de-Marsillère ; les chapelles de Sainte-Colombe, de Marsillère ; les églises de Conde, de Coysia, dépendant du prieuré des Bouchoux, de Challes, de Saint-Maur, de Seyfîa, de Granges de Cabanis, de Symandre, de Dron, de Chavanes, de Jasseron ; la chapelle de Saint-Maurice ; les églises de Viria, de Fleuria, de Saint-Bemy-de-Courgenon, de Neuville-les-Dames, de la Pérouse, de Ciiel, de Clémencia, de Courmangou, de Verjon, île Viilemoutier ; la chapelle de Saint-Germain ; les églises de Saint-Remy-du-Mont, de Coligny, du Vuar, d'Altigna, de Genoz, des Rousses (érigés en paroisses en 1612). Les prieurés conventuels des dames de Neuville, de Villemoutier, de Coligny, de Marcia, de Coysia, de Poncin, de Viry, de Cuttura des Bouchoux.
Au diocèse de Besançon : Les églises de Saint-Lupicin, de la Rixouse, du GrandVaux, de Morbier, de Lect, de Moirans, de Charchillat ; les chapelles de Maisot, de Meussia ; les églises de Soucia, de Barésia, de Saint-Saturnin ; les chapelles de Doucier, de Maiïgny, de la Chaux-des-Crotenay ; l'église de Syrod ; la chapelle de Foncine ; l'église de Mouthe ; la chapelle de Rochejean ; les églises de Cernon, d'Onnoz, de Légna, de Sarrogna, de la Tour-du-Meix, de Blie ; la chapelle de Binant ; les églises de Dompierre, d'Alièze, de Vernantois ; la chapelle d'Oysenans ; les églises de Commenaille, d'Annoire dit le Grand-Noir, d'Arbois, de Cousance ; la chapelle de Saint-Joyre ; les églises de Pupillin, de la Châtelaine, de Mesnay, de Changen, de Villette, de Saint-Pierre-sous-Vadan ; les chapelles de l'Abergement, de Saint-Nicolas-d'Arbois ; l'autel de Saint-Jean Pouret ; les églises de Servin, de Croisy, de Landresse ; la chapelle de Présilly. Les prieurés d'Arbois, de Saint-Romain-de-Roche, de Mouthe, de Cousance, du Grand-Vaux, de Saint-Lupicin, de Moirans, d'Oysenans, de Saint-Saturnin, de Saint-Georges.
Au diocèse de Chalon : Le prieuré conventuel de Serniaise, les églises de Sermaise, de Romanoncour, de Parnay, d'Aripey ; la chapelle de Vignecour ; les églises de Noieroye, de Vaissomer.
Au diocèse de Mâcon : Les prieurés de Montbellet, de Saint-Oyant-de-Burbonce ; l'église de Montbellet ; la chapelle de Burbonce.
Au diocèse de Vienne : Les prieurés de Quintevaux, de Salèze ; les églises de Rossillon, de Chanoz, de Simony, de Quintevaux, d'Ardois ; la chapelle de Soyot ; les églises de Saint-Romain-d'Aïs, de Saint-Joyre, de Saint-Arbin.
Au diocèse de Langres : Les prieurés de Saint-Pierre-de-Bar, de Mont-Sainte-Germaine, de la Ferté, de Confins, de Lareyci, de Saint-Léger, de Sylvarose, de Cyroson ; les églises de Lareyci, de Saint-Léger, deSylvanconeuse, de la Ferté, de Confins, de Villefontaine, de Bar, de la Magdelaine, de Pourville ; la chapelle de Mont-Sainte-Germaine.
Au diocèse de Genève : Les églises de Cessy, de Divonne, de Saint-Cergue, de Génolie, de Saint-Mergie, de Chissenay ; les prieurés de Cessy, de Divonne, de Baumont, de Génolie.
Au diocèse de Lausanne : Le prieuré de Romain-Moutier ; l'église de Choux.
Guerres internes
Le défaut de limites entre le comté de Bourgogne et la Savoie prédispose les terres du monastère à de fréquentes invasions tant et si bien que les deux souverains demandent l'arbitrage de l'abbé de Saint-Claude. Un traité est conclu, des bornes placées et le maintien de Saint-Cergues, de la vallée des Dappes et du haut Jura confirmés à l'abbaye. À ces guerres de souveraineté il faut ajouter celles internes au monastère qui verront s'affronter Gérard de Chauvirey et Guy VII d'Usier, ce qui ne manquera pas de faire sombrer les religieux dans les excès et l'oubli des règles. Le pape Nicolas V doit intervenir en envoyant des religieux chargés de remettre bon ordre dans ce lieu. Les anciennes règles de vie sont réhabilitées, le nombre de religieux est limité à trente six, le silence est prescrit avec rigueur et les sorties fortement limitées. Dans le même temps que sont mis en place les statuts de l'abbaye celle-ci doit faire face aux incursions des Suisses[9].
Statuts de Nicolas V
Fonctionnement du monastère : Les religieux doivent faire vœu de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Ils sont soumis à la vie commune, mangent dans le même réfectoire et dorment dans le même dortoir sur des paillasses. Ils doivent faire abstinence durant le temps de l'Avent, tous les mercredis de l'année et jeûner la veille des fêtes de la Vierge. Les portes du monastère sont fermées dès huit heures du soir en hiver et neuf heures en été. Les matines débutent à minuit, suivies de laudes, à six heures est chanté le prime, le tierce à neuf heures et demie, la grand messe et sexte suivent puis à quinze heures et demie les nones, les vêpres et les complies suivies d'une procession au tombeau de saint Claude. Tous les lundis ils se réunissent dans la salle capitulaire pour être avertis des fautes commises pendant la semaine précédente. Les moines doivent être habillés d'étamine (tissu peu serré, fait de crin, de soie ou de fil, mince et souple) ainsi que l'enveloppe des paillasses[9].
Organisation et charges des offices (Tous les emplois ou offices claustraux étaient soumis à la haute direction de l'abbé) :
L'abbé.
Le prieur et le sous-prieur : ils doivent faire tous les soirs la visite du monastère et en particulier des dortoirs ; ils pourvoient à tout ce qui concerne l'office divin et l'assistance au chœur.
Le sacristain de l'église de Saint-Pierre : il doit fournir les cierges pour tous les offices du jour et de la nuit dans les deux églises de Saint-Pierre et de Saint-Claude et l'huile pour les quatre lampes de Saint-Pierre ainsi que pour les quatre autres qui devaient rester allumées pendant toute la nuit dans l'église de Saint-Claude, aux chapelles de saint Jacques, de saint Laurent et de saint Maurice. Il devait aussi pourvoir à l'éclairage du monastère la nuit de Noël.
Le grand-chantre ou précenteur avec le sous-chantre ou succenteur : il préside au chant et dirige le chœur. Il doit fournir tous les livres nécessaires à cet usage, et faire placer chaque samedi dans le cloître un tableau indiquant tous les officiers du chœur pendant la semaine. Il doit maintenir deux anciens usages de l'abbaye à savoir l'obligation pour le religieux officiant à manger maigre et soumettre tous les nouveaux à chanter la messe pendant six semaines. Il a la charge de l'enseignement qui va de l'enseignement de la grammaire jusqu'à la philosophie. Il a sous sa direction les "jouvenceaux" ou postulants au noviciat.
Le chambellan : il doit servir lui-même les soixante pauvres à qui on lave les pieds le Jeudi-Saint, leur donner à chacun un denier genevois et deux aunes de toile, et fournir le linge et autres objets nécessaires pour cette cérémonie ; il doit aussi fournir la paille pour les lits des novices et des jeunes religieux.
Le camérier : il fournit le vestiaire aux religieux, à l'exception de l'aumônier et du prieur de Poncin.
L'aumônier : il pourvoit à l'entretien et aux réparations d'une partie des bâtiments dans l'enceinte de l'abbaye ; il doit faire distribuer tous les jours du pain aux pauvres qui se présentent à la porte du monastère, et veiller à la réception des pèlerins. Il y avait à cet effet des logements en dehors du monastère, le premier pour les hommes, avec un ou deux frères convers, le second pour les femmes qui y étaient également reçues et soignées par des sœurs converses appartenant à la congrégation. Les logements destinés aux pèlerins étaient des espèces d'hôtelleries où, s'ils venaient à tomber malades, ils étaient soignés. L'aumônier devait, en conséquence, y entretenir un nombre suffisant de lits complets. Il doit faire encore, tous les ans, une distribution extraordinaire de pain à tous les pauvres qui se présentent à l'hospice du monastère, le dimanche avant celui des "Brandons".
Le grand cellérier : il est le juge ordinaire du bourg de Saint-Claude et de tout le ressort, il doit rendre la justice par lui-même, ou par un assesseur, et faire tenir à ses frais les assises régulièrement dans les villages qui en dépendaient.
L'infirmier.
Le réfecturier : il doit fournir les tables du réfectoire ainsi que les nappes et les serviettes.
Organisation et charges des bas offices :
Le porte bannière : il précède les processions à côté du marguillier et tient à la main une verge blanche.
Le cuisinier et son aide dit le tourne-broche.
Les servants du réfectoire.
Le panetier.
Le maréchal ou serrurier.
Le tailleur.
Le fontanier responsable des fontaines.
Le palefrenier.
Le barbier.
Le boute-feux.
Le fossoyeur.
Les trois enfants du "mandat" (en lien avec la cérémonie du lavement des pieds tous les samedis pendant laquelle il était chanté le "répons" "Mandatum novum do vobis").
La guerre de Trente ans
Au XVIIe siècle, lors de la guerre de Trente Ans, la Franche-Comté est envahie. Les villes de Salins et Pontarlier subissent les assauts du duc de Saxe-Weimar tandis que Saint-Claude voit s'approcher le comte de Nassau, lieutenant du duc. Devant l'importance des troupes le capitaine de Lezay, commandant de la Terre de Saint-Claude, prend la fuite livrant la ville et l'abbaye à son sort. Alors que les troupes étrangères épargnent le monastère ce sont les français, sous le commandement de Philippe de La Mothe-Houdancourt lieutenant du roi, qui s'avance avec quatre cents chevaux et cinq cents hommes à pied. au fur et à mesure de leur approche, ils pillent et incendient les villages. Le monastère alors déserté est livré au pillage malgré la défense expresse de s'en prendre aux biens de l'église. Saint-Claude fit il un nouveau miracle ? Toujours est-il que le trésor et les bâtiments furent épargnés[9].
La sécularisation de l'abbaye
Avec la venue sur le siège d'abbé de Louis de Bourbon-Condé vient l'époque de la sécularisation de l'abbaye. Pour ce faire le chapitre dressa un projet en quarante trois points dont il ressort que les religieux conserveraient leurs droits et privilèges, que les prébendes monacales (qui représentent les bénéfices ecclésiastiques du chanoine) seraient remplacées par quatre dignités (prévôt, chantre, chancelier et trésorier) et seize canonicats séculiers (les chanoines séculiers sont des clercs qui restent propriétaires de leurs biens), que les menses abbatiale et capitulaire resteraient distinctes et que les membres du chapitre porteraient le titre de chapelain du saint-Siège avec la croix pectorale, l'habit violet, la mitre et l'anneau. Ce projet ne reçut pas l'approbation complète de François Paul de Neufville de Villeroy, alors archevêque de Lyon, aussi avec l'accord du président du conseil de Louis de Bourbon-Condé il était décidé la création d'un évêché prise sur la partie franc-Comtoise de celui de Lyon ; le est érigé le diocèse de Saint-Claude[9].
Arguments en faveur de la création d'un évêché
Que le territoire de Saint-Claude était d'une grande étendue, comprenant vingt-six paroisses et environ soixante mille habitants.
Que dans la ville même de Saint-Claude, outre le monastère principal, il y en avait trois autres, un de frères mineurs ou Capucins, un autre de Carmes déchaussés, et un troisième de religieuses Annonciades ; qu'il y avait aussi un collège pour l'éducation de la jeunesse et un hôpital bien doté ; enfin un tribunal, présidé par un grand-juge auquel ressortissaient ceux de toute la terre, et ressortissant lui-même au parlement de Besançon.
Que la distance de trente lieues qui sépare Lyon de Saint-Claude, où l'on ne pouvait arriver que par des chemins très-souvent impraticables, rendait fort difficiles et quelquefois impossibles, même dans les cas d'urgente nécessité, les relations des fidèles avec leur archevêque; tandis que ceux-ci ne pouvaient les visiter que très-rarement, à travers mille dangers et en s'exposant à des incommodités de tout genre. Ils ajoutaient que cette position respective était d'autant plus regrettable, que le territoire de Saint-Claude confinant à celui de Genève, ses habitants, tous catholiques, se trouvaient continuellement exposés, par leurs rapports nécessaires avec les calvinistes, à recevoir des impressions fort dangereuses pour leur foi, surtout à cause des ouvrages pernicieux que les sectaires ne perdaient aucune occasion de leur communiquer.
Qu'il serait facile de donner une étendue suffisante au nouvel évêché, par la distraction d'environ trois cents paroisses, prises soit du diocèse de Lyon, soit de celui de Besançon, distraction qui offrirait le triple avantage de procurer à l'Église une sentinelle vigilante aux portes mêmes de Genève, de pourvoir aux besoins spirituels des fidèles du pays, et d'être agréable aux deux archevêques, en les déchargeant d'une partie de leur fardeau et des dépenses que leur occasionnait la visite de lieux si éloignés de leur résidence.
Que les religieux du monastère, quoique soumis à la règle de saint Benoit, n'observaient plus la vie commune, et que, pour les y ramener, il faudrait leur faire renoncer aux douceurs des habitudes privées, contractées depuis longtemps; les obliger d'abandonner des maisons commodes et pleines d'agréments, pour le séjour du cloître, le réfectoire et le dortoir communs ; ce qu'on ne pourrait jamais obtenir de la plupart d'entre eux, dont l'intention formelle, en embrassant l'état monastique, avait été de suivre une règle mitigée, telle qu'on l'observait à Saint-Claude, en un mot, de vivre en chanoines et non pas en religieux. Que, d'ailleurs, les lieux réguliers étaient presque entièrement ruinés, et qu'il était impossible de rétablir la clôture du monastère sans interdire aux habitants de Saint-Claude: 1° l'usage de la seule fontaine qui ne cessait jamais de couler par l'effet de la sécheresse ou l'action du froid, ce qui était pour la ville un point capital dans les cas d'incendie; 2° celui des trois chemins par lesquels on se rend à Genève ou en Savoie.
Que le monastère avait deux églises, dont l'une, bâtie depuis peu avec magnificence, réunissait tout ce qu'on pouvait désirer pour la dignité et la pompe du culte divin ; qu'on y remarquait des stalles d'un très-beau travail et plusieurs tableaux de prix.
Qu'elle se trouvait bien pourvue de vases sacrés et d'ornements, dont plusieurs étaient fort riches.
Que le clocher, d'une structure imposante, renfermait dix cloches de diverses grandeurs formant une excellente sonnerie, et parmi lesquelles on en remarquait une du poids de neuf milliers.
Que dans ladite église étaient conservées les reliques des saints Romain, Lupicin, Eugent et autres abbés en vénération, mais surtout le corps de saint Claude, autrefois archevêque de Besançon et douzième abbé, lequel corps, renfermé dans une châsse fort riche, était, après plus de dix siècles, parfaitement conservé avec sa chair souple et n'offrant aucun signe de corruption, ainsi que l'avait reconnu le vicaire-général de l'archevêque de Lyon, lors de l'examen qu'il en avait fait ; examen dans lequel il ne s'était pas contenté de voir le saint corps, mais avait voulu le palper et en faire mouvoir les membres devant une grande foule de peuple, s'assurant par ce moyen qu'il s'était ainsi conservé sans aucune préparation quelconque, comme on le pratique lorsqu'on embaume les corps.
Qu'il y avait dans la ville de Saint-Claude, outre la chapelle du collège, celle de la confrérie des Pénitents blancs, et les trois églises des monastères des Capucins, des Carmes et des Annonciades, une église paroissiale dédiée à saint Romain, martyr d'Antioche, belle, parfaitement ornée, bien suffisante pour le service paroissial, et à laquelle était attachée une familiarité d'un certain nombre de prêtres ayant à leur tète un vicaire perpétuel.
Que la sécularisation et surtout l'érection d'un évêché, étaient le seul moyen de rétablir la bonne intelligence entre les religieux et la paix dans le monastère, où la division qui régnait depuis longtemps, avait résisté jusqu'ici à tous les autres moyens de conciliation.
Que la mense abbatiale pouvant s'élever jusqu'à trente mille livres, serait bien suffisante pour doter convenablement le nouvel évêque.
Que Sa Grandeur aurait pour palais épiscopal la maison affectée à l'abbé, laquelle étant grande, bien disposée, ornée et meublée avec noblesse et distinction, offrirait une résidence telle qu'on peut l'exiger pour un évêque.
Que la mense conventuelle serait également bien suffisante pour donner un revenu convenable aux dignitaires et aux chanoines, fournir aux dépenses que peut exiger le culte divin, et subvenir à toutes les charges de l'abbaye ; qu'il suffirait, pour cela, d'opérer la création de certaines prébendes et l'extinction de quelques autres, ce qui pouvait avoir lieu sans inconvénient comme sans obstacle.
Que l'abbaye possédait une salle des archives où, dans une tour très-forte située au midi et entièrement à l'abri du feu, étaient conservés dans le plus grand ordre les chartes, les terriers et les documents qui intéressent l'abbaye.
Enfin que, d'après cet exposé, le bourg de Saint-Claude méritait à bon droit le titre de ville, titre que, d'ailleurs, il portait déjà dans la province. En un mot, qu'il réunissait tout ce que Sa Sainteté pouvait désirer pour l'établissement d'un évêché et que cet établissement, loin d'offrir le moindre inconvénient, assurait les plus grands avantages à la religion et à l'église catholique en général, mais surtout aux fidèles du pays en particulier[9].
Liste des abbés
À partir du XIIIe siècle ne peuvent être admis comme religieux que ceux qui sont noble et peuvent prouver seize quartiers de noblesse, c'est-à-dire remonter jusqu'à la quatrième génération du côté paternel et maternel[9].
Minause, prévôt ou doyen de Condat, abbé de 493 à 496.
Saint Oyend, abbé de 496 à environ 514. Le Catalogue des abbés de Saint-Oyend est sûrement ici moins fiable sur la datation de la fin de l'abbatial que l'estimation proposée par François Martine dans la Vie des Pères du Jura en utilisant les données de la Vita Abbatum Acaunensium, de la lettre 17 d'Avit de Vienne à Viventiole. Saint Oyend serait donc mort un premier janvier mais plutôt entre 512 et 514[16].
↑« L'abbaye de Condat a pris le nom de saint Oyend & et ce n'est qu'environ le XIIIe siècle qu'elle l'a quitté pour celui de saint Claude qu'elle a toujours conservé depuis. » Les vies des Saints, Adrien Baillet 1739 [3] - « On lui donne encore aujourd'hui le nom de Saint Oyand de Joux, ou du mont Jura. Mais il est encore plus connu parmi le peuple sous le nom de Saint Claude », page 146 Mémoires Pour Servir à l'Histoire Ecclesiastique Des Six Premiers ..., Volume 16 Par Sébastien Le Nain de Tillemont, 1712 [4]
↑En 1538 dans l'arrêt de Charles-Quint ou dans deux documents de la fin du XVIe (1574 et 1589) La Franche-Comté espagnole: à travers les archives de Simancas Par François Pernot [5]
↑Claudette Millet, « La bibliothèque de l’Abbaye de Saint-Claude », dans Autour des Chifflet : des origines de l’érudition en Franche-Comté, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, (ISBN978-2-84867-174-1, DOI10.4000/books.pufc.27774, lire en ligne), p. 215-223
↑Vincent Corriol, Les serfs de Saint-Claude. Etude sur la condition servile au Moyen Âge, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, , 398 p. (ISBN978-27535-0957-3)
↑ ab et cBruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247, , p. 385-386 (lire en ligne [PDF], consulté en ).
↑Vincent Corriol, « L'abbé, le couvent et les échevins : conflit de juridiction, modernisation administrative et rivalité seigneuriale dans l'abbaye de Saint-Claude au XVe siècle », dans Maïté Billoré et Johan Picot (dir.), Dans le secret des archives - justice, ville et culture au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 400 p. (ISBN978-2-75355-949-3, lire en ligne), p. 127 (voir aussi).
Voir aussi
Sources et bibliographie
Histoire de l'abbaye de St-Claude: depuis sa fondation jusqu'à son érection en évêché, volume 1 (de l'origine jusqu'à 1186), Ferroul-Montgaillard, édition F. Gauthier, 1834, [lire en ligne]
Histoire de l'abbaye de St-Claude: depuis sa fondation jusqu'à son érection en évêché, Volume 2 (de 1186 à 1742), Ferroul-Montgaillard, édition F. Gauthier, 1855, [lire en ligne]
Histoire littéraire de la France: ouvrage commencé par des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint Maur, François Clément, Antoine Rivet de la Grange, Charles Clémencet, Pierre Claude François Daunou, Barthélemy Hauréau, Paul Meyer, édition Académie des inscriptions & belles-lettres, Imprimerie nationale, 1735 p. 60 à 61, 656 à 676, [lire en ligne]
Joseph Paul Augustin Benoît, Histoire de l'abbaye et de la Terre de Saint-Claude, Montreuil-sur-mer, vol. I, 1890, vol. II, 1892
Vincent Corriol, Les serfs de Saint-Claude. Etude sur la condition servile au Moyen Âge, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, , 398 p. (ISBN978-27535-0957-3)
François Martine, , Paris, Editions du Cerf, Sources chrétiennes N°142, 1968, 534 p.
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1965 play by Robert Fisher and Arthur Marx Sam Levene in The Impossible Years, 1966 Playbill cover, Playhouse Theatre, original Broadway production The Impossible Years is a 1965 comedy play written by Robert Fisher and Arthur Marx, son of comedian Groucho Marx. After two previews, the Broadway production, directed by Arthur Storch, opened on October 13, 1965, at the Playhouse Theatre, where it ran for 670 performances.[1] The original cast included Alan King, Sudie Bond, Bert Convy, ...
American author, playwright and lyricist (1885–1957) Gene BuckBuck in 1938BornEdward Eugene Buck(1885-08-07)August 7, 1885Detroit, Michigan U.S.DiedFebruary 24, 1957(1957-02-24) (aged 71)Manhasset, New York, U.S.Occupation(s)Author, playwright, lyricistSpouse Helen Falconer (m. 1919)Children2 Edward Eugene Buck (August 7, 1885 – February 24, 1957) was an American illustrator of sheet music, musical theater lyricist, and president of the American Society...
Railway station in Beppu, Ōita Prefecture, Japan Beppu Station別府駅Beppu Station in March 2007General informationLocationBeppu, ŌitaJapanCoordinates33°16′46″N 131°30′01″E / 33.279541°N 131.500265°E / 33.279541; 131.500265Operated by JR KyushuLine(s)■ Nippō Main LineOther informationWebsiteOfficial websitePassengersFY20165,933 dailyRank31st (among JR Kyushu stations) LocationBeppu StationLocation within JapanShow map of JapanBeppu StationBeppu Stati...
2 7 TerboyoHalte Trans SemarangLetakKotaSemarangKecamatanGenukKelurahanTerboyo WetanAlamatJl. Terminal TerboyoKode pos50123Informasi lainStatusBeroperasiDitutup1 September 2018 (Terminal Terboyo)[1]Dibuka kembali1 April 2020 (Halte Terboyo)[2]Konstruksi dan FasilitasJenisHalte permanenPintu1 (keberangkatan dan kedatangan)Petugas TiketAdaPelayananAwal PelayananPukul 05.30 WIBAkhir PelayananPukul 17.40 WIBLayanan Halte sebelumnya Trans Semarang Halte berik...