Née en 1892[1] à Balham, au sud de Londres, Margaret Taylor Rutherford est la fille unique de William Rutherford Benn et de Florence Nicholson. L'homme politique John Williams Benn(en) est son oncle, et le travailliste Tony Benn le fils de son cousin germain.
Le père de Margaret Rutherford souffre de troubles mentaux à la suite d'une dépression nerveuse, et est pour cette raison interné dans un asile psychiatrique. Il en sort quelquefois en été. Mais, le , lors d'une de ces sorties, il assassine son père, le Révérend Julius Benn, pasteur de l'Église congrégationaliste, en lui brisant un pot de chambre sur la tête dans une auberge de Matlock, dans le Derbyshire. Il est maîtrisé avant de se trancher la gorge avec un couteau de poche[2]. On l'enferme alors à l'hôpital Broadmoor, où il tente à nouveau de mettre fin à ses jours. Considéré comme guéri quelques années plus tard, il est relâché, et sous le pseudonyme de Rutherford, il revient retrouver sa femme.
La famille part à Madras, en Inde, dans l'espoir de mener une nouvelle vie moins chaotique, alors que Margaret est encore bébé. Mais celle-ci est renvoyée en Grande-Bretagne à trois ans, après que sa mère enceinte se pend à un arbre. Elle est alors confiée aux soins d'une tante, Bessie Nicholson, qui est gouvernante à Wimbledon. Son père regagne lui aussi l'Angleterre, pour retourner en 1903 à l'hôpital de Broadmoor, où il vit sous surveillance jusqu'à sa mort en 1921. La nouvelle de l'ultime internement de son père affecte beaucoup la jeune Margaret, à qui on a jusque là fait croire que son père était mort de chagrin peu après sa mère, et qui n'a que 12 ans. Les afflictions mentales de ses parents, ainsi que la crainte qu'elle pourrait être atteinte de maladies similaires, hantent Margaret Rutherford tout au long de sa vie, et contribue à des épisodes intermittents de dépression et d'anxiété[3].
Margaret Rutherford fait ses études à Wimbledon High School(en). À l'âge de 13 ans, elle étudie à l'école Raven's Croft, un pensionnat de l'avenue Sutton, à Seaford, où elle développe un intérêt pour le théâtre et joue en amateur. À sa sortie de l'école, sa tante Bessi Nicholson lui offre des cours privés de théâtre. À la mort de celle-ci, Margaret en hérite d'une somme d'argent qui lui permet d'entrer à l'école de l'Old Vic. Dans son autobiographie, elle appelle sa tante Bessi sa « mère adoptive et l'une des Saintes du monde »[4]. Elle étudie aussi à la Royal Academy of Dramatic Art (RADA).
Pianiste de talent, Margaret Rutherford trouve d'abord du travail en tant que professeur de piano et professeur d'élocution. Elle ne vient au métier d'acteur que tardivement, ne faisant ses débuts au Théâtre de l'Old Vic qu'en 1925, à l'âge de trente-trois ans. Son jeu se distingue immédiatement dans le genre comique, et elle devient incontournable dans les comédies de cette période (des années 1930 à 1950) « Je n'ai jamais jamais eu l'intention de jouer pour faire rire », déclara-t-elle dans son autobiographie, « et j'ai toujours été surprise que le public me trouvât drôle ».
Margaret Rutherford fait son apparition dans West End à Londres, mais son talent ne n'est pas reconnu par les critiques jusqu'à performance, en tant que Miss Prism, dans la pièce L'Importance d'être constant, d'Oscar Wilde, au théâtre du Globe de Londres, en 1939.
Dans les années 1950, Margaret Rutherford et son mari, l'acteur Stringer Davis(en), rencontrent l'écrivain Gordon Langley Hall, âgé d'une vingtaine d'années, qui devait plus tard changer de nom et de sexe, pour devenir Dawn Langley Simmons(en) ; elle écrit notamment une biographie de Margaret Rutherford en 1983. Elle lance la rumeur qu'elle a été adoptée par le couple, mais il n'y a aucune preuve de cela.
En 1957, Margaret Rutherford participe à l'épisode « The Kissing Bandit » de la série américaine Dick and the Duchess(en), dans lequel elle joue le rôle de Cynthia Gordon, aux côtés de Patrick O'Neal et Hazel Court. C'est en 1961 que Margaret Rutherford joue la première fois le rôle de Miss Marple, dans la célèbre série d'Agatha Christie (quatre longs métrages et une apparition face à Hercule Poirot). Elle est alors âgée de 70 ans, et c'est elle qui a insisté pour porter ses propres habits, et jouer aux côtés de son mari.
George Harrison, à qui l'on a demandé en 1964, de désigner son actrice féminine préférée, avait répondu, sans hésitation : « Margaret Rutherford ! »