Fait rare pour un parc parisien, il est ouvert au public en permanence, même la nuit ; il n'est en effet pas clôturé. Son isolement relatif, dans l'ouest du 16e arrondissement et à proximité du bois de Boulogne, en limite cependant de facto la fréquentation aux riverains.
Il est nommé d'après Lord Ranelagh (1641-1712), homme politique et diplomate irlandais.
Histoire du jardin
Il s'agit d'un jardin à l'anglaise aménagé en 1860 par l'ingénieur Adolphe Alphand, principal concepteur des parcs et espaces boisés parisiens à l'époque haussmannienne. Il doit son nom à un bal initié quasiment un siècle plus tôt dans les jardins du château de la Muette voisin, alors bien plus vastes qu'aujourd'hui.
Pelouse du jardin.
Allée.
Le bal du Ranelagh
Le « petit Ranelagh » est un lieu à la mode à la fin du XVIIIe siècle. Il ouvre le dans les jardins du château de la Muette, alors dans la banlieue de Paris, Passy n'ayant pas encore été rattaché à Paris. Son créateur est Morissan, un garde de la barrière de Passy ; le prix d'entrée est de 24 sous[1]. Morissan obtint du maréchal de Soubise la permission de faire enclore le terrain, alors consacré à la danse, sur les jardins du château et d'y faire construire un café et un restaurant, à l'imitation des jardins créés par Lord Ranelagh dans sa propriété de Chelsea, à Londres, les Ranelagh Gardens(en), ouverts depuis 1742.
Jardins du Ranelagh de Chelsea à Londres
Vue de l'hôpital royal des Invalides à Chelsea et de la rotonde dans les jardins du Ranelagh auprès de Londres (1749).
La Maison chinoise, la rotonde et les masques du bal masquez dans les jardins du Ranelagh (1754).
La rotonde des jardins du Ranelagh de Londres peint par le Canaletto (1754).
Le bal fut réquisitionné par les détachements russes pendant l'occupation de Paris en 1814-1815, et la salle de bal fut transformée en écurie puis en hôpital[2].
En 1818, un ouragan fit s'effondrer les bâtiments du bal. Le lieu retrouva un certain succès dans les années 1830, quoique les extravagances des années passées ne fussent plus de mise.
Le jardin public parisien
L'actuel jardin public de six hectares est aménagé en 1860 sous la direction du baron Haussmann, conservant le nom de l'inspirateur du bal qui s'y déroulait[3]. Il prolonge et remanie la chaussée et le parc de la Muette. Formant un triangle, le jardin est agrémenté au fil du temps de nombreux groupes sculptés (cf. la section dédiée).
Le jardin était bordé :
au nord, jusque vers 1920, par la clôture du parc du château de La Muette, ancien domaine royal qui appartenait depuis 1820 au facteur de pianos et de harpes Sébastien Érard puis à ses héritiers. Un quartier résidentiel s'étend sur la partie sud de l'ancien parc, lotie. Au nord se trouve le siège de l'OCDE, dans le château, reconstruit dans l'entre-deux-guerres ;
Dans le jardin se trouvent un théâtre de marionnette (ouvert de mars à novembre, sauf en août, et qui accueillit notamment le clown Buffo) ainsi qu'un manège, plus à l'ouest, qui compte parmi les plus anciens de Paris. Avec des chevaux de bois, il fonctionne toujours à la manivelle[8]. Une rotonde est située à l'emplacement d'un ancien kiosque à musique[4]. Plusieurs pelouses sont libres d'accès. Certains jours, le jardin du Ranelagh propose aussi des promenades à poney. Il dispose d'un snack-buvette, de quatre tables de ping-pong, d'une toilette publique, de trois points d'eau potable, de trois aires de jeu pour enfants, d'un bac à sable, de cinq tables de pique-nique et de quatre brumisateurs[3].
Parmi les arbres du jardin, on compte trois marronniers centenaires, des frênes, des hêtres, trois noisetiers de Byzance (l'un d'eux ayant été planté en 1840), un virgilier (haut de 18 mètres et planté en 1909) ainsi qu'un Cladastris tinctoria (haut de 10 mètres et planté en 1924)[9],[10],[3].
Le jardin abrite de nos jours cinq statues, les plus anciennes étant le marbre Caïn par Joseph-Michel Caillé (1871), le marbre Pêcheur ramenant dans ses filets la tête d'Orphée (1882) par Léon-Eugène Longepied, le marbre Méditation par Tony Noël (1882) et Vision du poète (1902), haut-relief en marbre par Georges Bareau en hommage à Victor Hugo[Note 1].
Plus récent, le Monument à La Fontaine en bronze par Charles Correia (1984) figure le poète avec le corbeau et le renard à ses pieds[11]. Il remplace un autre monument qui rendait hommage au même endroit à l'homme de lettres, réalisé en 1891 par le sculpteur Alphonse Dumilatre et fondu sous l'Occupation allemande en 1942, dans le cadre de la mobilisation des métaux non ferreux ; cependant les soubassements (avec le banc de pierre) ont été conservés. En bronze également, L'Amour fugitif (1877) d'Ernest Damé est fondu la même année[12],[4]. Hormis le monument à La Fontaine, réaménagé depuis, le jardin du Ranelagh compte actuellement deux socles en pierre non surmontés de statue (un vers La Muette, l'autre vers l'avenue Raphaël) ; l'un devait accueillir L'Amour fugitif et l'autre une sculpture non identifiée. En septembre 2020, sur le socle situé près de La Muette, l'artiste toulousain James Colomina installe « sauvagement » une sculpture de résine rouge, intitulée Attrape-cœur[13], finalement volée quelques jours après[14].
À la demande de l'ambassade de Madagascar située à proximité, une stèle commémorative célébrant la fraternité d'armes franco-malgache durant les deux guerres mondiales a été installée dans le jardin.
Dans le roman Silbermann (1922) de Jacques de Lacretelle, une scène se déroule dans le jardin : « J'éprouvais cette disposition confuse, ce matin-là, au Ranelagh, lorsque je vis avancer, dans la même allée, Silbermann. [...] Nous étions arrivés à l'angle d'une pelouse où est érigée une statue de La Fontaine. Silbermann s'écria en la désignant : "Est-ce assez laid, ce buste que couronne une Muse ? Et ce groupe d'animaux, le lion, le renard, le corbeau, quelle composition banale ! »[15].
↑Commandée en 1902 par la ville de Paris pour le centenaire de la naissance de l'écrivain, la statue est installée dans le jardin du Ranelagh en 1985. À noter qu'il existe dans le même quartier, à l'intersection de l'avenue Victor-Hugo (où celui-ci habitait) et de l'avenue Henri-Martin, une autre statue de l'écrivain, Victor Hugo et les Muses, d'Auguste Rodin.