Le boulevard tire son nom d'un monticule, sans doute artificiel et constitué de séculaires amas de gravois, qui s'érigeait sur son parcours à hauteur de la place Pablo-Picasso actuelle. Cette butte s'appelait « Mont de Parnasse[2] » au XVIIe siècle en référence au mont Parnasse, résidence des Muses de la mythologie grecque. Des étudiants voisins, qui venaient y déclamer des vers, lui auraient donné ce nom par dérision. La butte fut d'abord traversée par le boulevard[3], puis entièrement aplanie au milieu du XVIIIe siècle.
Le boulevard du Montparnasse appartient à trois arrondissements :
Amorcée vers 1720, sa construction ne fut achevée qu'au début des années 1760.
Lorsque le boulevard fut achevé, il se terminait rue d'Enfer, l'avenue de l'Observatoire n'existait pas encore. Le boulevard était peu construit et assez désert jusqu'au milieu du XIXe siècle.
Un guide de 1828 le décrit comme « une promenade belle mais partout solitaire ; de loin en loin on y rencontre quelques habitations et des jardins ; on s’y promène au milieu des champs, on y jouit des beautés de la nature ; rarement on y voit des cafés, encore sont-ils sans élégance »[5].
Il fut pavé en 1839 et éclairé en 1843. Après un premier embarcadère de la ligne de Versailles-rive gauche construit en 1840 barrière du Maine, la gare Montparnasse est implantée en 1852 le long du boulevard. La rue de Rennes est percée face à la gare à partir de 1855.
Dans les années 1950, le boulevard du Montparnasse est transformé par l'élargissement de sa chaussée automobile, qui passe de 13,5 à 21 mètres de large, au détriment des trottoirs[7].
Bâtiments remarquables et lieux de mémoire
De la rue de Sèvres au carrefour Vavin - place Pablo-Picasso
No 1 : immeuble ayant abrité le domicile de la peintre Chériane (1898-1990). Celle-ci épouse en 1943Léon-Paul Fargue, qui s’installe chez elle. Frappé d'hémiplégie en 1943, Léon-Paul Fargue reste paralysé, mais garde jusqu'à sa mort une activité littéraire intense en ce lieu, où il meurt le . Le carrefour au pied de l’immeuble porte, depuis un arrêté du , le nom de « place Léon-Paul-Fargue ».
No 8 : l'immeuble appartient au Vatican qui en loue les appartements[8].
No 10 : emplacement de l'hôtel d'Alphonse Chodron de Courcel construit en 1880 par Juste Lisch. Adresse de locaux également disparus de l’YMCA (Union chrétienne de jeunes gens) mis en 1926 à la disposition de l’Action chrétienne des étudiants russes (ACER) qui y installe son siège. Dans la cour, dans une aile du bâtiment qui servait à entreposer des livres, est aménagée une église orthodoxe, consacrée le . En , cette église de la Présentation au Temple de la Très-Sainte-Mère-de-Dieu déménage (toujours dans le 15e arrondissement où demeurent beaucoup des Russes qui ont émigré à cause des Révolutions de 1917), au 91, rue Olivier-de-Serres, qui accueille depuis les activités de l’ACER, dans des locaux qui lui sont propres.
No 11 : immeuble construit en 1929 par Michel Roux-Spitz, dont les fenêtres originelles ont été changées[9].
No 23 : s'ouvrait le passage du Départ dit également « passage d'Odessa[10] ». Le joueur de tennisChristian Boussus y vécut, notamment avec sa compagne, la parfumeuse Germaine Cellier[11].
No 25 : « la maison aux cornues » est un hôtel particulier du XVIIIe siècle réalisé par l'architecte Mathurin Chouanne[12] ayant eu différents propriétaires dont : le comte de Béthune, le prince de Condé et Philippe de Vendôme (1655-1727)[13]. Il sera l'appartement familial du peintre Paul-Élie Ranson (1861-1909) et, au-dessus, devient à partir de 1889 le lieu de réunion de ses amis les nabis. Le lieu sera rebaptisé « Le Temple » pour l'occasion. Le graveur Léopold Flameng y sera domicilié de 1869 à 1898[14],[15],[16]
No 41 : des locaux disparus à cette adresse ont été loués, de 1822 à 1886, comme première maison de la Société des missions évangéliques de Paris[18]. De 1830 à 1832, y vit Eugène Casalis (1812-1891), étudiant et futur missionnaire. Aujourd'hui, s'élève à cet endroit un immeuble moderne, celui de l'appartement du photographe David Hamilton, qui y est retrouvé mort le [19].
No 59 : l'immeuble à cette adresse héberge, outre l'hôtel Terminus Montparnasse dans les étages, précédemment Grand Hôtel de la Marine et des Colonies, deux restaurants en son rez-de-chaussée :
à gauche de l'entrée de l'hôtel, un restaurant créé en 1858, devenu Bouillon Édouard Chartier en 1903 (dont le décor Art nouveau, toujours visible de nos jours, est entrepris en 1906), puis Bouillon Rougeot de 1924 à 1977 et enfin restaurant Montparnasse 1900, où est décerné chaque année, depuis 2009, le prix des Impertinents, par un jury composé d’écrivains, d’essayistes et de journalistes présidé par Jean Sévillia (monument historique inscrit en 1984) ;
à droite de l'entrée de l'hôtel La Marine, un restaurant (autrefois hôtel-restaurant) où est organisé chaque mois à partir de 1879 le Dîner celtique, banquet organisé jusqu'au début du siècle suivant et rassemblant des Bretons et sympathisants de la Bretagne vivant à Paris.
No 60 : Alexander Calder, avant son installation au 22, rue Daguerre. Ce numéro est aussi, précédemment, en 1887, une des adresses parisiennes successives du sculpteur Philippe Solari[23].
Une plaque commémorative rend hommage à l'écrivain britannique D. H. Lawrence (1885-1930). Il y séjourna en 1929 alors qu'il cherchait un éditeur pour son roman L'Amant de lady Chatterley.
No 70 : le couple d'artistes peintres, Jeanne et Lucien Simon, s'installe à cette adresse en 1890.
No 73 : domicile de l'écrivain dadaïsteJacques Rigaut qui y place le siège fictif de l'Agence générale du suicide qu'il imagine dans un court texte. Aujourd'hui est à cette adresse le Bretagne, l'un des plus grands cinémas de Paris.
Nos 75-79 (ancien n°1531) : emplacement de la maison de chasse du duc de Montmorency-Laval. Construite en 1777 par Jacques Cellerier pour son propre compte. Louée pour 40 ans en 1788 au duc de Laval qui y fait construire une salle de concert, puis en 1795 au citoyen Barbot. Vendue en 1797 au citoyen Parker, américain.
No 75 : adresse du théâtre de Poche Montparnasse inauguré en 1943 (auquel on accède par une étroite voie sans nom en impasse, fermée d’une grille).
No 77 : ancienne librairieL'œil écoute, fondée en 1973 et fermée en [24], où de nombreux auteurs et écrivains connus sont venus dédicacer leurs ouvrages.
No 79 : le poète Raymond de La Tailhède, un des fondateurs de l’École romane, vit à cette adresse une partie de sa vie. Une plaque commémorative y est apposée.
No 80 : ancienne école supérieure polonaise, conçue par Eugène Viollet-le-Duc à l'initiative d'Adam Jerzy Czartoryski[25], donnée à la ville de Paris en 1871, et devenue ateliers des beaux-arts de la ville de Paris.
No 81 : Carolus-Duran y a son atelier. Il y admet comme élèves de nombreux peintres dont les deux tiers sont anglais ou américains, parmi lesquels John Singer Sargent en , qui ultérieurement emménage au no 135 du boulevard. De 1872 à 1877, Odilon Redon travaille dans un atelier de ce no 81. Toujours à cette adresse, le peintre lyonnais Tony Tollet s’installe de 1879 à 1889.
Nos 81-83 : en 1878 est ici ouvert un atelier qui délivre un enseignement pédagogique et forme ses élèves au professorat. L'architecte Alphonse Théodore Guérin y dispense des cours de dessin graphique et de perspective, avant de diriger l'École normale d'enseignement du dessin issue de cette école et inaugurée en 1881 (no 19 rue Vavin et no 9 rue Bréa)[26].
No 92 : à cet adresse se trouvait le pigeonnier d'Édouard Cassiers, président de la société colombophile L'Espérance[28], association qui contribua à maintenir des communications entre la capitale et la province durant le siège de Paris (1870-1871) ; ne quittant plus son pigeonnier dans les premiers temps de ce siège[29], y réceptionnant des messages par pigeons voyageurs, Cassiers franchit ensuite les lignes allemandes vers la province à bord du ballon montéLe Vauban , avec des volatiles destinés à revenir à Paris.
No 93 : sur la façade, une inscription ancienne, conservée de nos jours, indique « sous-secrétariat d'État des Postes et Télégraphes - Direction de la Seine ». Le bâtiment devient ensuite le siège du secrétariat général à l'aviation civile, puis de la DGAC, de 1946 à 1993. Il héberge l'Inspection générale de l'aviation civile et le Conseil médical de l'aéronautique civile jusqu'en [30]. Depuis transformé en logements sociaux et étudiants.
No 96 : boutique (aujourd’hui disparue, à son emplacement se trouve actuellement une crêperie) du fleuristeAndré Baumann, qui, en 1926, fait faire sa devanture en Lap bleu, dans le style Art déco, par l'architecte Léon Leyritz[31]. Simone Bouyer, mère de Coluche, sera une des employées de la boutique. L'écrivain Eugène Ionesco vit également dans cet immeuble de 1964 à sa mort. En 1994 ; une plaque lui rend hommage.
No 103 : cinéma UGC Rotonde. Un immeuble préexistant à cet endroit est une des adresses sur le boulevard de Philippe Solari (en 1867) ; dans un bel appartement de l'immeuble actuel naît, le , Simone de Beauvoir[32], elle y habite enfant jusqu'en 1919, quand des revers de fortune obligent sa famille à déménager dans un logement moins cossu, au 71, rue de Rennes[33].
Nos 105 et 113 : entre ces numéros et les nos 108 et 112 : « carrefour Vavin », officiellement dénommée place Pablo-Picasso depuis 1984. Situé à l'emplacement d'une partie des anciens boulevards du Midi — but de promenades champêtres au XVIIIe siècle — l'endroit devient à la fin du XVIIIe siècle un lieu de divertissement (voir Le bal de la Grande Chaumière au no 112), puis du XIXe siècle jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale le lieu favori de rencontres et d'échanges entre artistes peintres, plasticiens, photographes, modèles, écrivains et journalistes. Au nord du carrefour, en retrait sur le terre-plein central du boulevard Raspail se dresse depuis 1939 une statue de Balzac coulée en bronze d'après l'œuvre originale (1891-1897) du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917).
No 120 bis : Rogatien de Cidrac, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux y a eu une agence d'architecture dans les années 1960.
Le poète et dramaturge libanais Georges Schehadé (1905-1989) y vit entre 1984 et 1989, l'année de sa mort.
No 124 : adresse, à un angle du boulevard avec la rue Léopold-Robert, durant une période de l'entre-deux-guerres, du Stage B, une boîte de jazz où sont organisés des bals de nuit. En 1935, photographiés par Émile Savitry, s'y produisent Django Reinhardt, Stéphane Grappelli et le Quintette du Hot Club de France ainsi que Valaida Snow[34]. Plus tard, cette adresse est celle[35] du New Jimmy’s créé en 1961 par Régine, dans les locaux d'une boîte de striptease fermée depuis un an[36]. Le twist y est lancé. Régine habite à cette époque au-dessus de cette boîte de nuit[37]. Dans les murs de cet établissement, depuis longtemps disparu, se succèdent jusqu'à aujourd’hui plusieurs restaurants. Adresse à laquelle est domiciliée au cinquième étage la famille de l'officier de marine, météorologue et explorateur Jules Rouch (1884-1973), au plus tard en 1937, année au cours de laquelle le jeune Jean Rouch (1917-2004) intègre l'École nationale des ponts et chaussées[38]. Celui-ci, futur réalisateur et ethnographe, revient régulièrement boulevard du Montparnasse entre ses expéditions et prend alors l'habitude de donner ses rendez-vous au café Le Bullier. A la fin de sa vie, il habite encore boulevard du Montparnasse[39].
No 142 : en 1865, Émile Zola demeure, avec à sa mère, dans un logement au second étage à cette adresse, un des multiples domiciles parisiens successifs de l'écrivain durant l'existence précaire de sa jeunesse[44]. En 1882, Paul Alexis rapporte que le bruit de détonations, provenant d'un stand de tir à proximité de cet appartement, empêchait Zola de travailler[45].
No 145 : la professeur de philosophie Marie-Louise Imbert y créé L'École à l'hôpital en 1929 ; une plaque lui rend hommage.
No 146 : adresse, au coin de la rue Campagne-Première de deux établissements successifs aujourd’hui disparus, emblématiques de la bohème « montparnos ». Tout d’abord, le café-cabaret littéraire Le Caméléon (inspiré de celui du Chat Noir), dont les animations et conférences sont dirigées avant la Première Guerre mondiale par Alexandre Mercereau, lieu ensuite fréquenté après cette guerre par l’avant-garde russe dans un bistrot nommé Le Cocher fidèle. Lui succède, à partir de , le cabaret-club Le Jockey, où se produit Kiki de Montparnasse. Au printemps 1923, le Dahoméen Kojo Touvalou est expulsé, sur la pression d'une partie de la clientèle américaine, raciste, avant de l'être aussi du Bal Tabarin de Montmartre, motivant une note du Quai d'Orsay (Poincaré étant à l'époque président du Conseil) à l'adresse des touristes étrangers chatouilleux sur les questions de race, condamnant officiellement ces incidents et les discriminations[46]. Dans sa jeunesse, Simone de Beauvoir fréquenta l'établissement ; elle se souvient : « J'aimais, sur les murs, les affiches coloriées où se mêlaient le canotier de Chevalier, les souliers de Charlot, le sourire de Greta Garbo ; j'aimais les bouteilles lumineuses, les petits drapeaux bigarrés, l'odeur de tabac et d'alcool, les voix, les rires, le saxophone »[47]. Le Jockey traverse ultérieurement le boulevard pour s'installer au no 127. La modeste bâtisse qui hébergea ces établissements est remplacée en 1932 par un immeuble, réalisé pour Helena Rubinstein, par Bruno Elkouken, blanc et formé de longues baies horizontales, un angle arrondi, deux derniers étages en terrasse et en contre-courbes pour rester fidèle au style « paquebot » alors en vogue. Au troisième étage[48] de l'immeuble est l' « appartement-studio-musée-salle de poker »[49] du chanteur Daniel Bevilacqua, dit Christophe, mort en 2020[50].
No 147 : après avoir quitté le no 70 du boulevard, Jeanne Simon et son mari Lucien Simon, emménagent dans cet immeuble en 1895.
No 150 : à cette adresse était l'atelier du peintre portugais Amadeo de Souza-Cardoso, où il a œuvré d’octobre 1907 à mars 1909. L'y visitèrent des compatriotes, les peintres Emmerico Nunes(pt), Manuel Bentes et l’architecte Afonso Ferraz[51].
No 156 : une des adresses parisiennes du peintre Édouard Pail[52].
No 160 : le journaliste et écrivain belge, Maurice Desombiaux dit Maurice Des Ombiaux, vit jusqu'à sa mort en 1943 à cette adresse[53].
No 162 :
l'écrivain Romain Rolland vit à cette adresse (plaque), après son divorce en 1901 à 1913, dans un petit appartement au 3e étage au-dessus de l'entresol (et au no 89 à l'entresol, de 1940 à sa mort, il y a son pied-à-terre parisien)[54] ;
l'actrice Lila Kedrova y demeure de 1953 à 1982 (plaque) ;
l'artiste peintre René Thomsen (1897-1976) y réside également.
À l’emplacement de l’ancienne gare Montparnasse, l’« Ensemble immobilier tour Maine-Montparnasse », vu depuis le boulevard du Montparnasse. À gauche, en retrait, la tour Montparnasse elle-même, à droite le « bâtiment C » ou « Centre international du textile ». Le centre commercialMontparnasse Rive Gauche, qui accueillit entre autres, jusqu'en 2019, les Galeries Lafayette Montparnasse, est aménagé à la base de cet ensemble.
↑Frédéric Héran, Le Retour de la bicyclette. Une histoire des déplacements urbains en Europe, de 1817 à 2050, Paris, La Découverte, 2015, 256 p. (ISBN978-2707182029), p. 74.
↑Société du salon d'automne, Exposition de 1906: Catalogue de Peinture, Dessin, Sculpture, Gravure, Architecture et Arts Décoratifs, Grand Palais des Champs-Élysées, Cie Française des Papiers-Monaie, Paris, , 244 p.
↑Isabelle Laurin, « L’Art nouveau à Sèvres. L’école Guérin et le vase des Pommerets », Revue de la Société des amis du Musée national de céramique, n.d. (lire en ligne).
↑« Payen Louis », sur artlyriquefr.fr (consulté le ).
↑Annuaire des peintres, sculpteurs, esperts, galeries de France et professionnels des arts graphiques, Patrick Bertrand éditeur d'art, Sainte-Hélène-sur-Mer, 1995, p. 230.