Au sens commun, le quartier du Montparnasse comprend les pentes de la colline éponyme, célèbre pour l'effervescence artistique qui y a pris place au cours des Années folles, et dont les contours ne correspondent pas trait pour trait au quartier administratif.
Quartier administratif
Situation
Situé dans le nord de l'arrondissement, le quartier du Montparnasse correspond à un espace initialement peu habité entre Paris et Montrouge, sur le versant sud d’une colline artificielle de gravats qui a été arasée, surnommée « mont Parnasse ».
Le quartier administratif n’est qu’une portion de « Montparnasse », un lieu-dit parisien qui désigne habituellement un périmètre plus large que le seul quartier administratif. Certains des lieux emblématiques de Montparnasse sont situés, non dans le quartier du Montparnasse, mais dans les quartiers Notre-Dame-des-Champs, Necker ou Plaisance, (par exemple, la gare de Paris-Montparnasse, dans les quartiers Plaisance et Necker, ou la tour Montparnasse et le musée du Montparnasse, tous deux situés dans le quartier Necker). À l'inverse, une partie du quartier administratif — notamment celle qui s'étend à l'est de la place Denfert-Rochereau — n'appartient pas au Montparnasse culturel, qui s'articule autour du boulevard du Montparnasse et dont le centre névralgique est le carrefour avec le boulevard Raspail, qui porte le nom de « place Pablo-Picasso » depuis 1984.
Origine et postérité du nom
Le nom de ce quartier avait été donné par les étudiants voisins qui venaient déclamer des vers sur la butte formée par des remblais au XVIIe siècle, en référence au mont Parnasse, résidence des Muses de la mythologie grecque. La colline fut en partie arasée pour tracer le boulevard du Montparnasse au XVIIIe siècle, lieu de promenade alors à la périphérie de la ville. Dès la Révolution française, de nombreuses salles de danse et cabarets s'y installèrent[réf. nécessaire].
Montparnasse est déformé en Montparno (« De Ménilmuche à Montparno ») dans le poème peu parnassien « Autre sonnet bigorne » de la nouvelle édition de La Chanson des Gueux de Jean Richepin en 1881 (et non dans la première de 1876 comme on l'affirme un peu vite). En 1901, dans L'argot au XXe siècle, Aristide Bruant et Léon de Bercy listent Montpar, Montparno, Montper, Montperno, Montpernasse à l'article MONTPARNASSE.
Historique
La communauté artistique
L’Exposition universelle de 1889 et la vie artistique déjà si riche de Montmartre attirent de nombreux artistes qui vont choisir ce quartier populaire plus au centre de Paris et qui va devenir la plaque tournante de la modernité. Pablo Picasso y aménageait parmi les premiers. Montparnasse allait connaître son apogée dans les années 1920, les Années folles. Il était alors le cœur de la vie intellectuelle et artistique à Paris, avec ses cafés qui entreront dans l'histoire de l'art.
À cette époque, de nombreux artistes de pays très divers sont attirés par le rayonnement intact de Paris. Montparnasse, quartier encore relativement en friche, leur offre des ateliers à des loyers modiques et un environnement de cafés bon marché qui facilite la sociabilité, l'émulation et l'entraide. Les « Montparnos » vont rapidement y instaurer une atmosphère créative et libertaire, et attirer des commanditaires, pas uniquement français, à la recherche de talents nouveaux. Dans cette communauté mondialisée qui formera l'École de Paris, la créativité était accueillie avec toutes ses bizarreries et provocations, chaque nouvelle arrivée étant accueillie comme la promesse d'un renouvellement artistique. Quand Tsuguharu Foujita débarqua du Japon en 1913, ne connaissant personne, il rencontra Soutine que son ami Pinchus Krémègne avait fait venir de Lituanie, Modigliani qui habitait rue Falguière, Pascin et Léger pratiquement la même nuit, et en quelques semaines devint ami avec Juan Gris, Pablo Picasso et Henri Matisse.[réf. nécessaire]
Parmi les artistes qui habitèrent ou fréquentèrent le quartier, il y avait notamment :
Constantin Brâncuşi (1876-1957), sculpteur, qui vécut impasse Ronsin au cours de sa vie parisienne, au no 8 de 1916 à 1927, puis au no 11 de 1927 à sa mort en 1957[5] ;
Aux côtés de la peinture et de la sculpture, la photographie est également présente. Avant de s'installer rue Campagne-Première, Man Ray planta son premier studio à l'Hôtel des Écoles au 15, rue Delambre. C'est là que sa carrière comme photographe commença, et que Kiki (Alice Prin), James Joyce, Gertrude Stein, Jean Cocteau et d'autres posèrent. Il y avait là également Marc Vaux, figure incontournable ; appelé par ce petit monde « le photographe des peintres », il reprendra les locaux de Marie Vassilieff, créera sur le boulevard, un foyer cantine d'artistes, une galerie d'art et après guerre le journal Montparnasse Carrefour des Arts.
Les cafés, bars et bistrots, notamment ceux du carrefour entre les deux principaux axes du quartier que sont les boulevards du Montparnasse et Raspail, l'actuelle place Pablo-Picasso, étaient des lieux de rencontre où les artistes venaient à la fois rencontrer leurs homologues et négocier. Les cafés comme Le Dôme, La Closerie des Lilas, La Rotonde, Le Select, et La Coupole acceptaient que des artistes affamés puissent occuper une table pour toute la soirée pour un prix dérisoire. S'ils s'endormaient, les serveurs avaient pour instruction de ne pas les déranger. Les disputes étaient courantes, certaines nées de polémiques, d'autres de l'alcool, et la coutume voulait que même lorsque l'affrontement tournait aux coups, la police n'était pas appelée. Si les artistes ne pouvaient payer leur facture, le propriétaire de La Rotonde, Victor Libion, acceptait souvent un croquis. Aussi les murs des cafés étaient couverts d'une collection d'œuvres d'art, galeries improvisées.
La vie nocturne est également passée dans la légende, comme les nuits chaudes du Dingo Bar au 10, rue Delambre. Parmi ceux qui faisaient Montparnasse by night, on peut signaler l'écrivain Morley Callaghan et F. Scott Fitzgerald.
La rue de la Gaîté était celle des théâtres et du music-hall, autour du fameux Bobino. Sur leurs scènes, les grands du jour, utilisant leurs d'un seul nom comme c'était la mode, comme Damia, Kiki, Mayol et Georgius chantèrent et se produisirent devant des salles pleines. Les Six se retrouvaient également souvent dans le quartier, créant une musique fondée sur les idées d'Erik Satie et Jean Cocteau.
Le poète Max Jacob dit qu'il vint à Montparnasse pour « pécher honteusement », mais Marc Chagall le résuma plus élégamment quand il expliqua pourquoi il était venu : « J'aspirais à voir avec mes propres yeux ce que j'avais entendu de si loin : la révolution de l'œil, la rotation des couleurs qui spontanément et astucieusement se fondent ensemble dans un flux de lignes conçues. Ceci n'aurait pu être vu dans ma ville. Le soleil de l'Art alors brillait seulement sur Paris. »[réf. nécessaire]
Pendant que le quartier attirait des gens du monde entier qui vinrent y vivre et travailler dans un environnement créatif et bohème, il devint aussi le domicile pour des exilés politiques comme Lénine, Léon Trotsky, Porfirio Diaz et Simon Petlioura. Mais après les années 1930, où l'esprit frondeur et gai des Années folles passa de mode, et bien que plusieurs académies continuent de fonctionner (Académie de la Grande Chaumière, Académie Ranson), la Seconde Guerre mondiale força la dispersion de la société artistique.
Si, après la guerre, Montparnasse ne retrouva jamais son aura, il convient de mentionner l'arrivée, en 1947, d'artistes espagnols en exil comme Eduardo Pisano[11], la présence, dans les années 1950, du metteur en scène de théâtre Roger Blin et, dans les années 1970, de l'artiste illusionniste Renélys.
La gare Montparnasse, qui dessert la Bretagne, a fait de ce quartier le « fief » des Bretons de Paris (et des habitants originaires du nord-ouest de la France en général) depuis plus d'un siècle.
Montparnasse aujourd'hui
Dans les années 1960, la volonté proclamée de faire de Montparnasse le quartier d'affaires de la Rive gauche allait changer le visage de ce lieu chargé d'histoire. La gare, trop étroite, recula de 400 mètres, et sur l'emprise gagnée poussèrent la tour Montparnasse et le centre commercial Montparnasse Rive Gauche. L'arrivée du TGV Atlantique a conduit à la reconfiguration de la gare et à la création du jardin Atlantique sur la dalle qui couvre les voies entre la façade place Raoul-Dautry et la place des Cinq-Martyrs-du-Lycée-Buffon.
Avec la spécialisation croissante des quartiers de Paris, Montparnasse est devenu à la fois un quartier de bureaux et de passage le jour, et de loisirs le soir, présentant un choix de cafés, de cinémas et de restaurants qui a peu d'égaux.
Il reste peu de traces du Montparnasse artistique, hormis les enseignes des cafés qui cultivent plus ou moins la nostalgie. L'Académie de la Grande Chaumière, où les artistes amateurs peuvent toujours peindre des modèles, ou la boutique de matériel de peinture Adam Montparnasse, constituent parmi les témoignages du centre artistique que fut le quartier. Les amateurs d'art peuvent aussi découvrir chaque dimanche sur le marché de La Création les œuvres exposées et vendues en direct par les artistes ; le marché a été déplacé de la place Jacques-Demy au boulevard Edgar-Quinet. Des plaques ont également été apposées sur certains immeubles pour y rappeler le nom illustre d'un de ses habitants.
Pour sauvegarder l'esprit du quartier, le musée du Montparnasse ouvrit en 1998 au 21, avenue du Maine et a fermé en 2013. Opérant avec une subvention de la Ville, le musée, qui ne présentait que des expositions temporaires, était géré par une association qui regroupait des amoureux du quartier et de son histoire. Il est depuis remplacé par le Centre d’art Villa Vassilief, lieu de rencontre entre artistes et de vie artistique.
La galerie Les Montparnos, ouverte en 2009 au 5, rue Stanislas, est spécialisée dans l'École de Paris des années 1920 et la redécouverte d'artistes oubliés de la peinture de Montparnasse de l'entre-deux-guerres.
Dans les années 2010, l'urbanisme des années 60-70 est remis en cause : la tour Montparnasse est l'objet d'un projet de remodelage d'ampleur, tout comme la tour CIT et la gare ; l'architecte britannique Richard Rogers est quant à lui chargé par la ville de Paris d'une restructuration des espaces publics, une rue centrale végétalisée remplaçant l'urbanisme sur dalle dans l'axe de la tour[12].
Voir aussi
L'illusionnisteRenélys (1913-1991), dans les années 1970, donne régulièrement son spectacle dans le quartier de Montparnasse.
↑Voir l'exposition « Les artistes espagnols en exil » à la galerie La Boétie, rappelée par l'institut Cervantès avec l'exposition « Le Montparnasse espagnol » en novembre 2014.