Jacques Vaché et un camarade de régiment sont retrouvés morts dans une chambre d'hôtel à Nantes, probablement d'une overdose d'opium[1].
Après avoir appris la mort de Vaché, André Breton écrit à Tristan Tzara dont il vient de découvrir le « prodigieux[2] » Manifeste Dada 3 : « Je ne savais plus de qui attendre le courage que vous montrez. C'est vers vous que se tournent aujourd'hui tous mes regards. »[3]
Février
Breton annonce à Louis Aragon le projet d'une revue mensuelle intitulée Le Nouveau Monde avec, outre eux-mêmes, la collaboration de Philippe Soupault[4].
À propos de la revue en préparation, Breton écrit à Tzara : « À une ou deux exceptions près, je pense que tous nos collaborateurs incarnent à un degré quelconque cet esprit nouveau pour lequel nous luttons. »[5]
À Berlin, publication du manifeste Dada contre Weimar[6].
Mars
Dans une lettre de refus de publier un poème dans la revue Dada, Tristan Tzara s'explique : « Il s'agit dans Dada d'indiquer et de consolider une mentalité moderne, peut-être passagère. Je suis persuadé que pas toutes les choses publiées là-dedans resteront comme valeurs littéraires. Mais je trouve (pour le moment) le document vécu, plus intense. »[7]
Parution du premier numéro de la revue Littérature créée par Aragon, Breton et Soupault qui en assure la grande partie du financement. Le titre a été suggéré par Paul Valéry en référence au dernier vers de L'Art poétique de Paul Verlaine : « Et tout le reste est littérature. » Au sommaire de ce premier numéro : Aragon, Breton, André Gide, Max Jacob, Jean Paulhan, Pierre Reverdy, Paul Valéry[8].
Breton achève de copier l'unique exemplaire disponible à la Bibliothèque nationale des Poésies de Lautréamont[8]. Le projet de les publier provoque un début de rupture entre Breton et les « autres » surréalistes. Breton : « Dans les Poésies, bien autre chose que le romantisme est en jeu […] Il y va de toute la question du langage […] Le besoin de prouver constamment par l'absurde ne peut être pris pour un signe de déraison. »[réf. nécessaire]
Breton envoie à Aragon son premier poème-collage, Une maison peu solide[8].
Première exposition Dada à Berlin. Jefim Golyscheff présente une œuvre plastique avec des jouets d’enfant et un collage dense composé de coupures de presse. Raoul Hausmann : « Il apporta des choses que l’on avait jamais vue auparavant : des boîtes de conserve, des petits flacons, des bouts de bois, des peluches, des touffes de cheveux ; un invraisemblable spectacle optique ; avant cela il n’y avait jamais eu une telle représentation. »[12]
Golyscheff fait exécuter son Antisymphonie par une jeune fille vêtue de blanc jouant des crécelles, Hannah Höch tapant sur des couvercles de casseroles et lui-même au piano. Œuvre en trois parties : a) l’injonction provocante, b) la cavité buccale chaotique, c) le super Fa pliable[13].
Mai
André Breton, Corset mystère, poème-collage constitué de phrases découpées dans leurs typographies disparates à partir d'une réclame publiée dans un journal[14].
Tristan Tzara se brouille avec Marcel Janco en raison que ce dernier apporte sa signature et son soutien au manifeste Das Neuen Leben (La Vie Nouvelle) dont il critique « l'idéaliste modernité »[15].
Publication à Zurich de l' Anthologie Dada 4-5 avec :
André Breton, Mont de piété, recueil de poèmes écrits entre 1913 et 1918[18] et publiés grâce au concours de René Hilsum[19], fondateur de la librairie et maison d'édition Au Sans Pareil[8]. En remerciement d'un envoi, Paul Valéry répond à Breton : « M. V. est étonnamment content de votre volume, qui l'eût dit ? »[20]
Retour de Louis Aragon à Paris : « J'arrivai au milieu de quelque chose qui n'avait pas plus de visage que de nom. »[21]
Breton montre à Aragon le manuscrit des Champs magnétiques écrit avec Philippe Soupault. Breton : « des phrases de réveil, qui ont le caractère de phrases dictées par on ne sait qui, dont le dormeur n'a pas le sentiment d'être responsable. »[réf. nécessaire]
Publication à Berlin de la revue Der Dada dirigée par Raoul Hausmann[22] Il y parait le manifeste Was ist der Dadaismus und was will er in Deutschland ? (Qu'est-ce que le dadaïsme et que veut-il en Allemagne ?) signé par Haussmann, Richard Huelsenbeck et Jefim Golyscheff au nom du Conseil central révolutionnaire dadaïste groupe allemand[23].
1er juillet Breton est reçu à l'examen de médecin auxiliaire[26].
Lettre de Breton à Tzara : « Si je vous ai envoyé Mont de piété, c'est uniquement qu'il en coûtait à mon orgueil. Vous ne devez pas aimer ce recueil. Attendez, voulez-vous, pour me juger, la parution en septembre des Champs magnétiques, une centaine de pages proses et vers que je viens d'écrire en collaboration avec Philippe Soupault […] Rien n'est mieux fait pour m'être agréable que ce que vous dites de Littérature comme tentative de démoralisation ascendante. »[27]
Dans la revue Der Sturm, Kurt Schwitters définit le mot Merz : « En substance, le mot Merz signifie l'assemblage à des fins artistiques de tous les matériaux imaginables et, par principe, l'égalité de chacun de ces matériaux sur le plan technique. »[28]
Août
Publication posthume des Lettres de guerre de Jacques Vaché aux éditions du Sans Pareil[29] et préface de Breton[26].
Francis Picabia, Pensées sans langage, poèmes parus aux éditions Figuière[29]
Septembre
1er septembre Publication dans Littérature du poème Usine d'André Breton, première expérience d'écriture automatique. Après sa réussite à l'examen, il est affecté au nouveau centre d'aviation d'Orly (act. Essonnes)[30]. Il s'installe à l'Hôtel des Grands Hommes, près du Panthéon (Paris, 5e arrondissement) et commence une relation amoureuse avec Georgina Dubreuil[31].
1er septembre La NRF publie un texte anonyme contre Tristan Tzara : « Il est fâcheux que Paris semble faire accueil à des sornettes de cette espèce qui nous reviennent directement de Berlin. » Les surréalistes réagissent contre l'injure « tendant au moyen de ragots empruntés à la presse allemande à renouveler contre nos amis du mouvement Dada la manœuvre inqualifiable que le cubisme[32] a mis dix ans à déjouer. »Jean Cocteau parlera de « rappel à l'ordre »[33].
Breton envoie l'entrefilet de la NRF à Tzara. Il ajoute : « Ma lassitude littéraire est toujours aussi grande, je ne puis guère souffrir les propos de cet ordre. L'optimisme incurable d'Aragon m'était devenu ces derniers temps insupportable (et j'aime trop Aragon pour le lui avouer). »[34]
André Breton et Georgina Dubreuil partent quelques jours en Bretagne. Dans la chapelle de Roscrudon, Breton souffle des cierges : « De quoi vais-je bien pouvoir payer ce geste ! »[35]
Tristan Tzara est arrêté par la police de Zurich et sa chambre d'hôtel est perquisitionnée. Les policiers n'y trouvent rien de suspect sauf qu'il publie la revue Dada et qu'il ne s'occupe nullement de politique[36].
Les dadas parisiens prennent l'habitude quotidienne de se retrouver en fin de journée au bar Le Certa, passage de l'Opéra[37].
Octobre
1er octobre S'inspirant de la réponse de Tzara, Breton propose à de nombreux écrivains de répondre à la question : « Pourquoi écrivez-vous ? » et de publier les réponses dans Littérature[38].
Réponse de Tzara à Jacques Rivière, directeur de la NRF : « Si l'on écrit, ce n'est qu'un refuge : de tout point de vue. Je n'écris pas par métier. Je serais devenu un aventurier à grande allure et aux gestes fins si j'avais eu la force physique et la résistance nerveuse pour réaliser ce seul exploit : ne pas m'ennuyer. »[39]
Publication dans Littérature d'un texte de Louis Aragon, Quelle âme divine, cinq pages écrites entre 1903 et 1904[41].
À cause d'un article d'Eluard intitulé Matinée de Paul-Claude L qu'elle juge irrespectueux envers Paul Claudel, Adrienne Monnier refuse de poursuivre la diffusion de Littérature dans sa librairie[42].
Novembre
1er novembre Au Salon d'automne, quatre « tableaux-machines » de Francis Picabia sont accrochés sous un escalier[réf. nécessaire].
Lettre de Breton à Tzara : « Vous savez que vos lettres sont ce qui m'arrive de meilleur. Je ne puis croire que vous êtes aussi bas que moi. Littérature m'ennuie beaucoup. J'aimerais pouvoir annoncer prochainement qu'elle fusionne avec Dada. »[réf. nécessaire]
De Berlin, où il découvre le mouvement Dada dans la revue anglaise Infinito, Clément Pansaers envoie une lettre à Tristan Tzara dans laquelle il lui propose sa collaboration à la revue Dada : « [...] qui d'après ce que j'ai pu comprendre par quelques lignes de mauvaise critique, s'apparente avec ma conception poétique et artistique. »[réf. nécessaire]
Max Ernst découvre des tableaux de De Chirico reproduits dans une revue et commence ses collages surréalistes. Il est exclu du groupe d'artistes de la Jeune Rhénanie pour « anarchisme provocant ». Il tente d'éditer une publication communisante vite interdite par les autorités françaises d'occupation. Il rend visite au peintre Paul Klee[46].
À New York publication du premier numéro de la revue TNT que dirige Man Ray[47].
De la plateforme d'un autobus, Breton aperçoit dans la vitrine du marchand d'art Paul Guillaume, l'œuvre de Giorgio De ChiricoLe Cerveau de l'enfant. Breton saute de l'autobus et, à force d'insistance, parviendra à acheter le tableau[48].
Pensées sans langage, poèmes : « Un courant condensateur désaimante l'étincelle / un vide égal à la somme des énergies hors d'usage / une caresse me ramène la voir / ses mains battent comme un cœur / sur l'idole grasse aux yeux luisants / la peau poésie accaparée / sourit comme un jeune homme / qui vient d'être présenté / et discret comme un étalage pauvre. »
Petite solitude au milieu des soleils, huile sur toile[73]
Letzte Lockerung (Demière décontraction), manifeste : « Autour d'une balle de feu circule furieusement une boule d'excréments sur laquelle on vend des bas de soie pour les dames et où l'on estime les œuvres de Gauguin [...] L'art est mort. Vive Dada ! »[81]
Lettres de guerre, publication posthume préfacée par André Breton[86] : « Modernité aussi donc constante et tuée chaque nuit - Nous ignorons MALLARMÉ, sans haine - mais il est mort - Mais nous ne connaissons plus Apollinaire, ni Cocteau - Car - Nous les soupçonnons de rafistoler du romantisme avec du fil téléphonique, et de ne pas savoir les dynamos. LES Astres encore décrochés ! - c'est ennuyeux - et puis parfois ne parlent-ils pas sérieusement ! Un homme qui croit est curieux. »[87]
↑Avant guerre, le cubisme était traité d'invention « boche » et Picasso surnommé « Ubu-Kub » par allusion au bouillon Kub, invention allemande. Daix, p. 425.
↑« [...] à peine aperçu au cours d'un trajet en autobus : l'entrevoyant dans une vitrine de la rue de La Boétie, une force irrésistible me poussa à descendre d'autobus pour revenir le contempler. » Entretien de Breton avec Charles-Henri Ford pour le numéro d'aoûr 1941 de la revue View. André Breton : la beauté convulsive, éditions du Centre Pompidou, Paris 1991 (ISBN2-85850-567-5), p. 101 déduit l'année où survient l'événement sans pouvoir préciser davantage.
↑Louis Aragon, Œuvres poétiques complètes, tome I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, Paris, 2007 (ISBN978-2-07-011327-9), p. LV.
↑Cité dans Sarane Alexandrian, L'Art surréaliste, Hazan, Paris, 1969, p. 44. Reproduction d'une des huit lithographies dans Gaëtan Picon, Le Surréalisme 1919-1939, 1976, éditions Albert Skira (ISBN2-605-00021-4), p. 10.
↑Reproduction dans Aurélie Verdier, L'ABCdaire de Dada, éditions Flammarion, 2005, p. 34.
↑Adam Biro et René Passeron, Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, Office du livre/Presses universitaires de France, (ISBN2-13-037280-5), p. 11.