Roland Béguelin

Roland Béguelin
Illustration.
Roland Béguelin en 1980.
Fonctions
Secrétaire général du Rassemblement jurassien
Président Daniel Charpilloz
André Francillon
Germain Donzé
Bernard Mertenat
Christian Vaquin
Prédécesseur Pierre Billieux[1]
Successeur Pierre-André Comte
Député à l'Assemblée constituante jurassienne
Président François Lachat
Commission Rédaction, Modalités du partage Berne/Jura, Budget et séparation des comptes.
Député au Parlement du canton du Jura
Législature 1re, 2e et 3e
Président du Parlement du canton du Jura
Biographie
Surnom Helvéticus[2]
Date de naissance
Lieu de naissance Tramelan-Dessus
Date de décès (à 71 ans)
Lieu de décès Delémont
Sépulture Cimetière de Delémont
Nationalité suisse
Parti politique Parti socialiste
Diplômé de Université de Neuchâtel
Profession journaliste
Religion Protestant[N 1]
Résidence Tramelan-Dessus (1921-1952)
Delémont (1952-1993)
Clis (France) (1971-1993)

Signature de Roland Béguelin

Roland Béguelin est un homme d'État suisse né le à Tramelan-Dessus (Canton de Berne) et mort le à Delémont (Canton du Jura)[4]. D'abord connu comme journaliste, écrivain et poète, il devient, dès 1947, l'un des principaux acteur de la Question jurassienne au sein du Mouvement séparatiste jurassien (renommé Rassemblement jurassien en 1951) dont il en est le cofondateur et le secrétaire général de 1953 à 1991. Séparatiste jurassien, il lance, par la voix du Rassemblement jurassien, une première initiative populaire cantonale concernant la possible organisation d'une consultation populaire sur le problème de l'autonomie jurassienne qui essuie un échec en 1959.

Dans les années 1960, il effectue des grandes réformes du mouvement séparatiste, restructure l'association, organise de nombreuses manifestations et actions coup de poing faisant reconnaitre le problème jurassien au niveau fédéral. Contraint par la pression grandissante, les autorités bernoises décident d'organiser une votation sur l'indépendance de la région jurassienne à l'égard du canton de Berne. Pendant ces sept votations, appelées « plébiscite jurassien », qui se tiennent entre 1974 et 1975, Roland Béguelin effectue une campagne acharnée en faveur de la création d'une République et canton du Jura unissant l'ensemble du peuple jurassien et comprenant toute la région du Jura historique. Lors du premier plébiscite du , il soutient le « oui » rendant possible la création d'un nouveau canton suisse mais appuie le « non » lors du deuxième plébiscite du craignant le morcellement du futur canton. Finalement, la République et canton du Jura est créée mais ne comprend que trois des sept districts historiques. De ce fait, il estime que la lutte continue afin de « récupérer » la partie du Jura restée bernoise et ainsi la rattacher au nouveau canton jurassien.

Dès 1976, Roland Béguelin devient une personnalité politique, membre du parti socialiste, et est élu député à l'Assemblée constituante jurassienne afin de rédiger la future Constitution jurassienne qui sera acceptée par la population jurassienne en 1977. Après que la population suisse accepte, par référendum populaire obligatoire, sa création le , la République et canton du Jura entre en souveraineté au sein de la Confédération Suisse le . C'est à cette date que Roland Béguelin devient le premier président du Parlement jurassien et député cantonal, cela jusqu’en 1990. En parallèle, il reste néanmoins un grand influenceur du Rassemblement jurassien[5].

Grand défenseur de la culture et de la langue française, Roland Béguelin cofonde la Conférence des communautés ethniques de langue française en 1971 et en devient le secrétaire général jusqu'en 1992. Il ne manque pas d'apporter un grand soutien aux différents mouvements séparatistes francophones québécois, wallons ou encore valdôtain.

Côté littéraire, Roland Béguelin publie de nombreux poèmes, essais, nouvelles et textes dans La Revue Transjurane, dont il a relancé la publication et en est l'administrateur, Il cofonde, en 1948, Le Jura libre, journal du Rassemblement jurassien et en devient le Rédacteur en chef de 1950 à 1990.

Symbole de la Question jurassienne, cofondateur du Rassemblement jurassien , figure de proue du mouvement séparatiste, porte-étendard du projet indépendantiste et défenseur de la culture francophone, Roland Béguelin est l'une des personnalités les plus marquantes de l'histoire jurassienne et Suisse du XXe siècle. Il est considéré comme l’un des « pères » de la République et canton du Jura.

Biographie

Roland Béguelin est le fils unique de Léon Béguelin (1897-1945), horloger, et de Denise Jobin (1911-1977)[6],[7]. Il est originaire de Tramelan-Dessus.

Entre 1927 et 1937, il effectue son cursus scolaire aux écoles primaire et secondaire de Tramelan[8]. Lors de son service militaire, il devient comptable du 1er Corps d'Armée[9]. Il poursuit ensuite ses études à l'École de commerce de Saint-Imier où il obtient un diplôme de commerce le 19 mars 1941[10], avant de se tourner vers l'École supérieure de commerce de Neuchâtel où il acquiert une maturité commerciale le 9 juillet 1942[11]. Il devient ensuite étudiant à l'Université de Neuchâtel où, le 25 avril 1945, il obtient une Licence ès sciences commerciales et économiques[12].

Toujours en 1945, il devient secrétaire communal à Tramelan-Dessus et adhère à la section bernoise du Parti socialiste[7]. L’année suivante, le Conseil-exécutif bernois décide l'emploi officiel de la langue allemande dans l'administration de la commune de Mont-Tramelan, faisant germer l'idée d'appliquer ce changement à la commune voisine de Tramelan-Dessus[13]. Roland Béguelin proteste et dénonce une tentative de germanisation du Jura et commence sa lutte politique avec la publication de son texte Comment on germanise le Jura. Par la suite, il fait ses premiers pas dans le journalisme dans divers périodiques, dont le Journal du Jura, Le Démocrate, Le Progrès et Curieux[14],[15].

Passionné de poèmes et essais, Roland Béguelin prend contact, le , avec Laurent Boillat et Roland Stähli, afin de relancer la Revue Transjurane qui est à l'arrêt depuis six ans. Cette revue a pour but de publier des poèmes, essais et romans d'auteur locaux[16].

Lutte jurassienne

À la suite de l'« affaire Moeckli »[N 2], Roland Béguelin, Daniel Charpilloz et Roger Schaffter décident de reprendre un mouvement séparatiste et fondent, le à Moutier, le deuxième Mouvement séparatiste jurassien (MSJ). Le mouvement se donne pour but l'indépendance de la partie francophone du Jura vis-à-vis du canton de Berne et la création d'un nouveau canton au sein de la Confédération. Dans la foulée, la société coopérative du Jura Libre est créée le par Roland Béguelin, Roger Schaffter et Roger Chatelain[17]. Cette société d'édition publie leur nouveau journal de propagande séparatiste Le Jura Libre dont Roland Béguelin en devient rédacteur en chef dès le [4].

Bien que, dans le début des années 1950, le canton de Berne reconnaisse le français comme langue officielle des districts jurassiens, l'existence d'un « peuple jurassien », et la garantie de deux sièges au gouvernement cantonal, le MSJ trouve ses réformes insuffisantes[18]. Pour rassembler tous les jurassiens sous le même objectif de l'indépendance jurassienne, Roland Béguelin se lance dans une opération de ralliement. Avec l'aide de Roger Schaffter, il reprend la chanson populaire ajoulote La Rauracienne dont ils modifient les paroles et la renomment La Nouvelle Rauracienne qui devient l'hymne des séparatistes. Le , Roland Béguelin, voulant montrer ainsi que le Mouvement séparatiste jurassien est une association apolitique et non-religieuse, décide de le renommer en Rassemblement jurassien (RJ)[19]. En parallèle, ayant des idées opposées au sujet de la Question jurassienne avec Roland Stähli, la Revue Transjurane cesse de paraitre[16].

En 1952, il déménage à Delémont et devient, le , directeur et propriétaire de l'Imprimerie Boéchat S.A. à Delémont[20],[21]. L'imprimerie, qui sert déjà depuis 1948, à l'impression du journal Le Jura Libre, lui profite pour imprimer ses publications où il diffuse ses idées notamment dans son livre Le réveil du peuple jurassien[4].

Le , Roland Béguelin devient secrétaire général du Rassemblement jurassien[4]. Il utilise, dès lors, sa haute fonction pour diffuser davantage ses positions à l'encontre du Conseil-exécutif bernois. Le , sous son impulsion, le Rassemblement jurassien décide de lancer une initiative cantonale « en vue d'organiser dans le Jura une consultation populaire sur le problème de l'autonomie ». L'initiative est déposée le et passe en votation populaire cantonale le [22]. Le Rassemblement jurassien, et Roland Béguelin, essuient alors un échec avec 15 163 oui et 16 354 non, soit respectivement 48,1 et 51,9 %[N 3]. Malgré l'échec, Roland Béguelin ne renonce pas. Au contraire, il surcroît de combativité et se voit alors comme le grand réformateur du mouvement séparatiste[23]. Avec les autres dirigeants du Rassemblement jurassien, il procède à un travail de restructuration de l'association. Ils décident d'organiser plus de manifestations, d'actions et mise résolument sur la jeunesse[14].

Par la suite, Roland Béguelin s'engage dans d'autres associations prônant la langue française. Il fonde, avec Roger Schaffter en 1958, les Éditions de la Bibliothèque jurassienne qui ont pour but de diffuser la culture et l'histoire jurassienne. L'année suivante, il fonde l'association du Mouvement romand[4]. En 1960, il fait partie des membres fondateurs du Groupe romand qui seront présents à l'Association européenne de l'ethnie française dès 1962[24].

Son engagement et ses positions séparatistes et pro-francophones dérangent les dirigeants du Parti socialiste de la section bernoise qui obtiennent, par vote le , son exclusion du parti au . Cependant, la décision n'est pas appliquée par la section de Delémont du Parti socialiste[4]. Afin de diffuser le problème jurassien au reste du pays, Roland Béguelin pousse la création de l'Association suisse des Amis du Jura Libre (SAJL) le . Celle-ci regroupe des membres non-Jurassiens de l'arc Lémanique et a pour but de sensibiliser les notables et intellectuels romands sur la Question jurassienne par des conférences et des appels[25]. Par ses publications comme Le Jura des Jurassiens, Comment résoudre la Question jurassienne ou encore Berne à l'heure du choix, il diffuse également le problème jurassien à la Suisse et au-delà des frontières. Il publie également des poèmes qui le font connaitre en France et reçoit le Prix des Amitiés latines en 1963, la médaille française Arts-Sciences-Lettres en 1965 et la médaille du Mérite culturel français en 1967[4]. Il publie huit autres ouvrages entre 1965 et 1970.

En 1971, il fonde, avec Pierre Fosson et Marcel Thiry, la Conférence des communautés ethniques de langue française à Genève, dont il devient le secrétaire général dès le [26].

En 1969, sous pression entre les séparatistes, antiséparatistes et la Confédération, le Conseil-exécutif bernois est contraint de déposer au Grand Conseil bernois une disposition constitutionnelle rendant possible l'organisation d'un plébiscite dans le Jura[27]. Cependant, Roland Béguelin, n'ayant aucune confiance au canton de Berne, annonce, par la voix du Rassemblement jurassien, refuser ce plébiscite car il estime que celui-ci doit être organisé par la Confédération et non pas par « la puissance dominante dont il faudrait pouvoir se séparer », à savoir, le canton de Berne. Il estime que les résultats seraient favorables au Conseil-exécutif bernois et non aux séparatistes. De plus, il craint que cela engendre la partition du territoire jurassien. En effet, les antiséparatistes étant majoritaires dans la partie sud du Jura, le résultat a de grandes chances d'y être défavorable. Cependant, le Rassemblement jurassien change d'avis et approuve l'additif constitutionnel tel que présenté par le Conseil-exécutif bernois[28]. Ce changement d'opinion est dû au fait que le plébiscite présente une chance, à ne pas manquer, aux Jurassiens d'user leur doit de libre disposition quitte à perdre une partie du territoire historique :

« Le plan bernois doit être approuvé malgré tout, car il donne aux Jurassiens le droit de libre disposition. C'est une étape à ne pas manquer, même si nous ne sommes pas d'accord avec les modalités d'application du scrutin d'autodétermination. »

— Roland Béguelin, secrétaire du Rassemblement jurassien

L'additif constitutionnel passe alors en votation populaire cantonale et est accepté le 1er mars 1970[29]. Publié le 10 mars 1970, l'additif détermine les modalités d'une procédure d'autodétermination dans le Jura en trois étapes de « votation en cascade », appelées plébiscite jurassien[18]. Lors du premier plébiscite du , le résultat est favorable à la création d'un nouveau canton. La population pro-jurassienne rejoint la place devant l'Hôtel de Ville de Delémont, à 20:00, où sont annoncés les résultats par Germain Donzé, Roland Béguelin, Roger Schaffter et François Lachat[30].

« Eh bien voilà, le Jura est libre ! »

— Roland Béguelin, Dimanche 23 juin 1974 à 20:17, au balcon de l'Hotel-de-Ville de Delémont (BE)

Cependant, lors du deuxième plébiscite organisé le et le , les quatre districts de Moutier, Courtelary, La Neuveville et Laufon décident de demeurer dans le canton de Berne. Les résultats du troisième plébiscite des 7 et 14 septembre et des 19 et 26 octobre 1975 n'arrangent rien. Ces résultats annoncent ce que craignait Roland Béguelin, la partition du territoire jurassien. L'approbation de la création du nouveau canton du Jura n'est donc, pour lui, qu'une victoire partielle ; de ce fait, il estime que la lutte doit continuer, afin de « récupérer les districts perdus ».

Parcours politique

Roland Béguelin, François Lachat et Joseph Boinay à la cérémonie d'acceptation de la Constitution jurassienne par l'Assemblée constituante réunie dans la collégiale de Saint-Ursanne le 3 février 1977.

À la suite des résultats favorables pour la création d'une République et Canton du Jura, l'Assemblée constituante jurassienne est créée pour élaborer la Constitution du nouveau canton. L'une des grandes craintes de Roland Béguelin est que les futurs constituants se fassent influencer par le Conseil fédéral et que ceux-ci s'introduisent dans le système politique suisse traditionnel ce qui, de fait, leur ferait oublier leurs revendications de récupération des districts du sud. Pour contrer cette peur, lors des élections des députés constituants, Roland Béguelin appelle la population jurassienne à élire des membres actifs et importants du Rassemblement jurassien[31]. Roland Béguelin est élu le comme député. L'Assemblée inaugure ses travaux le et il en devient le vice-président[N 4]. Lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution, le Rassemblement jurassien inscrit des articles stipulant que le canton du Jura doit continuer sa lutte et tout mettre en œuvre pour récupérer les districts du sud. De son côté, Roland Béguelin y inscrit les principes essentiels de la Charte fondamentale du nouveau canton. La nouvelle Constitution est acceptée en votation par la population jurassienne le et les travaux de l'Assemblée constituante se terminent le [32].

Discours de Roland Béguelin sur le parvis de l'Hôtel-de-Ville au sujet de la votation fédérale du 24 septembre 1978.

Après que la République et canton du Jura ait obtenu son indépendance au niveau fédéral avec la votation populaire fédérale du , Roland Béguelin est élu député au Parlement du nouveau canton le . À cette époque, il était attendu de lui qu'il se présente alors aux élections du Gouvernement jurassien et non du Parlement mais, pour cause de « stricte impartialité », il renonce à cette option[4],[33]. Il est élus président dudit parlement le .

Le , date de l'entrée officielle en souveraineté du canton du Jura, il devient officiellement député de la 1re législature (1979-1983) du Parlement du canton du Jura et en devient le premier président du au . En parallèle, il reste un grand acteur du Rassemblement jurassien et cherche à tout prix la réunification entre le Jura resté bernois et le canton du Jura. Cependant, à partir des années 1980, les positions de Roland Béguelin provoquent des avis divergents et moins favorables au sein même du camp séparatiste[N 5]. Ses idées, n'ayant pas changé depuis 1947, consistent au dénigrement par acharnement du Conseil-exécutif bernois et du Conseil fédéral qui reste immobile, selon lui, au problème jurassien. Il définit la Suisse comme « un résidu du Moyen Âge, une construction artificielle et une relique à la dérive ». Il souhaite que le canton du Jura se définisse comme un « État de combat et qu'il parte à la conquête des districts jurassiens du Sud qui avaient choisi de rester bernois ». Le Gouvernement jurassien, lui, contraint par sa constitution de se fondre dans le moule de la Confédération, devient moins virulent. Ce dernier, afin de ne pas attiser les tensions, décide d'utiliser le dialogue et la réconciliation afin de séduire les antiséparatistes du Jura bernois et le Conseil-exécutif bernois tout en gardant le même objectif que les mouvements séparatistes : la réunification. Vu comme un acte de lâcheté aux yeux de Roland Béguelin, ce dernier ne cachait pas sa consternation et sa colère à l'encontre du Gouvernement jurassien[34]: les rapports entre lui et les autorités jurassiennes se sont alors détériorés, allant jusqu'à la rupture[35].

Roland Béguelin est, ensuite, réélu député du Parlement jurassien le 24 octobre 1982 pour la 2e législature (1983-1986) et le 19 octobre 1986 pour la 3e législature (1987-1990) et décide de ne plus se représenter[36]. Lors de son mandat de presque douze ans, Roland Béguelin intervient notamment sur des sujets comme : la réunification du Jura historique, le nombre d'heures de travail hebdomadaire dans l'administration cantonale, l'aménagement de la liaison fluviale Rhône-Rhin et du Port de Bourogne en liaison avec la Transjurane, la reprise de l'exploitation du réseau des Forces motrices bernoises sur territoire jurassien, la francophonisation des lieux-dits dont le nom germanisé ne répond plus aux normes constitutionnelles jurassiennes, le subventionnement pour la réparation et la reconstruction des murs de pierres sèches dans les Franches-Montagnes, la citoyenneté jurassienne, le partage des biens entre Berne et le Jura, la protection de la langue française, l'enseignement de l'histoire jurassienne dans les écoles, l'incorporation de Vellerat au territoire du canton du Jura ou encore l'approvisionnement en énergie électrique du canton[4].

Dans le début des années 1990, lors de l'éclatement du scandale des fiches, Roland Béguelin apprend qu'il a été fiché par les autorités fédérales et la police cantonale bernoise entre 1961 et 1988[N 6],[37]. Ses rencontres, activités et conversations téléphoniques étaient surveillées. Il possédait trois dossiers de fiches, un à son nom, un deuxième sous le pseudonyme Helveticus ou Ulysse, et un troisième dans le Dossier Jura[38],[39].

En 1993, l'Unité jurassienne (UJ), mouvement séparatistes fondé en 1975 par les pro-jurassiens vivant dans les districts restés bernois, demande sa fusion avec le Rassemblement jurassien. Cependant, la fusion ne se fera pas car Roland Béguelin estime que l'UJ représente déjà une branche du RJ et que, par fusion, sa présence en terres bernoises est une mauvaise idée. Des tensions vont donc se créer entre lui et Pierre-André Comte, président de l'UJ[40]. La fusion se fera finalement en 1994.

En 1991, il devient un membre fondateur de l’Atelier du français vivant[15][Quoi ?].

Fin de vie

Le 8 juin 1991, Roland Béguelin quitte finalement sa fonction de secrétaire général du Rassemblement jurassien[41]. L'année suivante, il quitte deux postes : celui de rédacteur en chef du journal Le Jura Libre, poste repris par Christian Vaquin, et celui de secrétaire général de la Conférence des communautés ethniques de langue française[42].

Gravement malade, il se tient alors à l'écart de la scène politique et publique dès le début de l'année 1993. Il meurt le , à la suite d'un cancer du système lymphatique[43], le lendemain de la 46e Fête du peuple, dont il n'y participe pas pour la première fois, à son domicile de Delémont, à l’âge de 71 ans[14]. Son cercueil est ensuite exposé au public à l'église réformée de Delémont[44]. Il repose au cimetière de Delémont[45].

Positionnements

Réputation

Bien que généralement honoré dans le Jura, Roland Béguelin est assez reproché dans le reste de la Suisse. En premier lieu, il est un fervent défenseur du fédéralisme (qui est d'ailleurs un de ses arguments sur lequel il se base pour ses revendications jurassiennes). Cependant, il commence à critiquer le fédéralisme quand il découvre que le système politique suisse ne parvient pas à évoluer pour accueillir un éventuel nouveau canton. Il pense alors qu’un système comme tel est inefficace[34].

Aimant les débats, Roland Béguelin appréciait convaincre les gens en argumentant. Cependant, il arrivait parfois que des conflits avec lui, même internes au Rassemblement jurassien, apparaissent. En effet, en étant le secrétaire général de ladite association et rédacteur en chef du Jura Libre, Roland Béguelin détenait tous les pouvoirs, ce qui l'amenait quelquefois à rogner les autres membres qui ne partageaient pas les mêmes idées[34].

Indépendantisme

Roland Béguelin à l'association Mouvement romand en 1981 par Erling Mandelmann.

Bien que Roland Béguelin soit un homme de gauche, il écrit des articles pour La Nation française, revue française d'extrême droite, dans lesquels il exprime son soutien pour l’Algérie française[46]. Il explique ses positions colonialistes, contradictoires à ses idées d'autodétermination, par sa profonde francophilie : pour lui, il s’agissait de « défendre l’ethnie française et la position de la France dans le monde et en particulier en Afrique »[34],[23]. Roland Béguelin défend également l'indépendance des peuples de langue francophone. Il créera le Mouvement Romand (association qui milite pour une Romandie libre).

Au début des années 1960, Roland Béguelin adopte une stratégie internationaliste de la Question jurassienne. Son objectif est de faire reconnaître le problème problème jurassien au reste du monde. Dès 1962, il entretient des relations avec les mouvements indépendantiste Wallon. Il se rend plusieurs fois en Belgique, notamment en 1964, où il présente la Question jurassienne à Bruxelles en marge des festivités liées au 10ème anniversaire de la Fondation Charles Plisnier ou en 1965 où il prend la parole au Rassemblement wallon lors d'une réunion à Waterloo[47],[48],[49].

Dès 1965, Roland Béguelin apporte un grand soutien au séparatisme québécois dont il tient plusieurs correspondances avec des acteurs clefs du souverainisme québécois à partir de cette date[N 7],[50]. Il est alors invité, entre 1979 et 1981, au 7e et 8e congrès du Parti québécois organisé à Sainte-Foy et Montréal[51]. Béguelin devenu un grand ami de René Lévesque[52], ce dernier effectue une visite officielle à Delémont les 1er et 2 juillet 1983 dont découlera la signature d'un accord de coopération entre la République et Canton du Jura et la Province de Québec[N 8],[53],[54],[55],[56].

En outre, il soutient aussi d'autres séparatismes francophones d'autres pays comme celui de la vallée d'Aoste[57], de l'Acadie[58] et de la Louisiane[59].

Francophilie

Grand francophile, Roland Béguelin voue une véritable admiration à la France et à sa culture[N 9]. Il tiendra des propos et des théories ethniques sur les peuples de langues francophone en méprisant, parfois, les langues germaniques[N 10],[23]. Dans ses idées de sauvegarde de la langue française, il s'attache alors une réputation discréditée de nationaliste français. Proeuropéen, tolérant et ouvert, Roland Béguelin considérait que « son peuple avait le droit de se réclamer de la culture française »[35]. Il énoncera même la volonté que le Jura, et avec lui la Suisse romande, soit rattaché à la France[N 11]. Selon lui, « Un canton du Jura n'est qu'une étape avant l'Europe unie qui abolira la "fausse frontière" qui le sépare de la France. »[61],[62].

Galerie

Associations

Au cours de sa carrière, il participe à divers organisations professionnelles et mouvements œuvrant dans le domaine de la francophonie mais également d'associations autres :

  • Membre de l'association étudiante de Commercia-Ergueliana de Saint-Imier, de 1938 à 1941[63] ;
  • Membre de l'association étudiante de Stella neocomensis[64] ;
  • Membre de l'association des Vieux-Commerciens[65] ;
  • Membre de l'Automobile Club suisse (1953-1969)[66]
  • Membre du Club alpin suisse (1954-1993)[67],
  • Membre de la section delémontaine de la société des Vieux stelliens bernois[68] ;
  • Membre de l'Association de défense de la langue française, (1964-1971)[69] ;
  • Membre de l'Association France-Québec (dès 1972)[70],[71] ;
  • Membre de l'Association internationale des journalistes de langue française (dès 1973)[72] ;
  • Membre du Rassemblement fédéraliste européen[73] ;
  • Membre du comité de la section romande et délégué au Bureau international de l'Union internationale des journalistes et de la presse de langue française[74] ;
  • Vice-président de la section romande et chargé des affaires extérieures et l’un des deux représentants de la Suisse romande au Conseil d’administration de l'Association internationale de solidarité francophone[15] ;
  • Membre et délégué au comité européen de l'Association européenne de l’ethnie française[75] ;
  • Secrétaire général, de 1971 à 1990, du Comité permanent des communautés ethniques de langue française[15] ;
  • Membre et Président de la section jurassienne de l'Association internationale des Parlementaires de langue française[15] ;
  • Membre du bureau de l'Association internationale des Parlementaires de langue française[15] ;
  • Membre de l’Association des écrivains de langue française (dès 1980)[76] ;
  • Membre du Syndicat des journalistes et écrivains[77] ;
  • Membre de l'Association de la presse suisse[78] ;
  • Membre du Club de la Guilde du livre[79] ;
  • Membre de la Société historique du Saguenay (1979-1993)[80],
  • Vice-président de la section du district de Delémont de la Société jurassienne d’émulation, (1939-1993)[81] ;
  • Membre du comité de l'Association de la presse jurassienne, (1961-1993)[82] ;
  • Vice-président du Mouvement romand[15] ;
  • Membre du Comité central de Pro Jura, de 1946 à 1992[83] ;
  • Membre de l'Association franco-européenne de Waterloo[84] ;
  • Secrétaire de la section romande de l'Union européenne[Quoi ?][15].

Œuvres écrites

Publications

Roland Béguelin a publié de nombreux poèmes, essais, nouvelles et textes dans La Revue Transjurane, dont il était l'administrateur. Il s’est occupé également de Sur Parole, supplément littéraire du journal Le Jura Libre en 1970 et 1971 et de la revue Miroirs aux éditions des Compagnons de la Marjolaine en 1957-1958.

Il a notamment publié plusieurs ouvrages littéraires, dont :

  • Voie sacrée, 1943[85];
  • Comment on germanise le Jura, 1945[14];
  • L’aspect économique et financier de la Question jurassienne, Delémont, MSJ, 1948[86] ;
  • Le réveil du peuple jurassien, 1947-1950 (suivi de 24 caricatures de Laurent Boillat (en)), Moutier, Le Jura libre, 1952[87] ;
  • Noël au pays des grands toits (suivi de 6 nouvelles illustrées de bois gravés de Laurent Boillat (en)), Delémont, Imprimerie Boéchat S. A., 1953[88] ;
  • La force financière du Jura, Delémont, RJ, 1955 ;
  • Le centenaire non célébré (1815-1915), Moutier, Le Jura libre, 1957 ;
  • Le Jura des Jurassiens, Lausanne, Cahiers de la Renaissance vaudoise, 1963[89] ;
  • Comment résoudre la Question jurassienne (avec Roger Schaffter), 1963;
  • Berne à l'heure du choix, (avec Roger Schaffter), 1964 ;
  • Europe-Jura, 150e anniversaire du Congrès de Vienne, Delémont, RJ, 1965 ;
  • Protection ethnique et revision de la Constitution fédérale, Delémont, RJ, 1966 ;
  • L’Autodétermination, Delémont, RJ, 1967. ;
  • Histoire et procès du Front de libération jurassien, Moudon, Société de secours en faveur des victimes de la lutte pour la patrie jurassienne, 1967. ;
  • Les voies de la négociation, Delémont, RJ, 1968. ;
  • Bras tendus, Delémont, 1968 ;
  • Domination bernoise et parti socialiste, Delémont, Imprimerie Boéchat S.A., 1969 ;
  • Contrecœur (avec dessins de Paul Bovée), Delémont, Imprimerie Boéchat S.A., 1970[90] ;
  • Un faux témoin : la Suisse, Paris-Lausanne-Montréal, Éditions du Monde, 1973[91] ;
  • L’autodisposition du peuple jurassien et ses conséquences, (avec Roger Schaffter), Delémont, RJ, 1974 ;
  • La Germanisation du Jura, Association romande pour la défense de la langue française, 1975[92]
  • La Question jurassienne en 1980, Delémont, RJ, 1980[93] ;
  • Les racines de l’unité jurassienne, Delémont, RJ, 1982 ;
  • Quarante ans plus tard, (avec Alain Steulet), 1987.

Chants

En 1950, Roland Béguelin et Roger Schaffter reprennent, avec plusieurs modifications, la chanson populaire La Rauracienne écrite par Xavier Stockmar en 1830. La nouvelle chanson est renommée La Nouvelle Rauracienne et est proclamée hymne des séparatistes jurassiens. La chanson est promulguée « hymne officiel de la République et Canton du Jura » le par le Parlement jurassien[94].

En 1989, Roland Béguelin écrit un chant pour la Conférence des peuples de langue française nommé Hymne des peuples français. Celui-ci est chanté pour la première fois en 1989, lors de la  Xe édition de la Conférence, à la Tour Eiffel[95].

Autres œuvres

L'ancien emblème du Mouvement romand, utilisé de 1981 à 1992, a été dessiné par Roland Béguelin[96].

Distinctions

Roland Béguelin reçoit de nombreux, certificats, diplômes et distinctions au cours de sa vie dont en voici une liste non exhaustive[15] :

Hommages

Le Mouvement autonomiste jurassien rend très souvent hommage à Roland Béguelin, lors des commémorations de sa naissance ou de son décès[45].

Les Archives cantonales jurassiennes possèdent un fonds d'archives regroupant toutes les archives connues sur Roland Béguelin[15]. À l'occasion du 100e anniversaire de la naissance de Roland Béguelin, un fonds privé d'archives photographiques a été mis en ligne[115],[116].

Quelques ouvrages relatent la vie de Roland Béguelin comme Roland Béguelin, ou la conscience du Jura de Claude Froidevaux ou encore Roland Béguelin, le combat pour la liberté de Jean-Paul Bovée.

En 1995, une plaque commémorative est installée sur sa dernière maison à Delémont[117],[118].

Plusieurs villages et villes ont donné le nom de Roland Béguelin à l'une de leurs places ou rues. En voici une liste non exhaustive[4]:

Vie privée

Famille

Roland Béguelin épouse Marie-Louise Montandon (1920-1978), en 1947. Le couple s'est connu pendant la seconde guerre mondiale à l'École de commerce de Saint-Imier. Entre 1946 et 1952, il note sur des agendas son histoire d’amour avec Marie-Louise. Sa fille Marie-José, qui les a conservés, confie en 2024 : « Il écrit, parce que sa relation avec ma mère s’est instaurée en temps de guerre, que s’il n’y avait pas Malou, il s’engagerait en France, contre l’Allemagne. On voit qu’il se cherche une cause à défendre. Il dit dans ces carnets ne pas être fait pour une vie de fonctionnaire. À l’époque, il est secrétaire communal à Tramelan ». De sa mère, elle indique : « Ma mère complétait bien mon père. Elle avait de l’intuition, de l’empathie, elle le conseillait beaucoup. Il avait plus de peine qu’elle à sentir le caractère des gens. Elle a joué un rôle dans l’ombre, mais très important »[129].

Le couple aura trois filles, Marie-Nicole Béguelin (1948)[N 15]; Marie-José Béguelin (1949- ), professeure de linguistique à l'Université de Neuchâtel[130]; et Nicole Béguelin (1952-2008), actrice au Théâtre populaire romand[131].

Après la mort de son épouse en 1978, il se remarie en 1982 avec Denise Schmidt (ou Schmid, ou Schmitt)[7],[15],[132].

Résidences

De sa naissance à 1952, Roland Béguelin vit dans son village d'origine de Tramelan-Dessus. De 1929 à 1952, il vit dans la maison familiale située à Rue de la Paix 13[133].

En février 1952, il s'établit à Delémont, avec son épouse et ses trois filles, dans un appartement située au 3ème étage d'un immeuble localisé au Chemin du Puits 2[20],[134]. Le 27 novembre 1964, il achète l'ancienne maison du peintre Paul Bovée située à la Rue Franche 16[135]. Il y vivra de 1965 à sa mort en 1993[118].

Il possédait également une maison de vacances appelée La Porte-à-Guy située dans le village de Clis (commune de Guérande), en Bretagne, depuis le [136].

Divers

Roland Béguelin était un amateur d'accordéon, de cueillette de champignons et de pêche à la ligne. Il faisait chaque année un voyage au Québec et en Bretagne pour pratiquer ce dernier loisir[137],[138],[14]. Il était également intéressé par la pratique du magnétisme et de l'hypnose[139]. Œnophile, il possédait également une grande collection de vins[140].

Notes et références

Notes

  1. Baptisé le 7 avril 1922 au temple de Tramelan[3].
  2. Le refus du Parlement bernois d'attribuer le Département des travaux publics à Georges Moeckli, jurassien francophone, car celui-ci ne sait « pas assez bien l'allemand » déclenche, en septembre 1947, l'« affaire Moeckli », qui relance la Question jurassienne.
  3. La majorité du canton de Berne refuse l'initiative (mais le oui est en tête dans trois des sept districts jurassiens).
  4. Comme membre du Bureau, il est chargé des affaires scolaires, de la santé publique, de l’éducation et des relations entre l’Etat et les églises. Il est également Président des commissions Rédaction, Modalités du partage Berne/Jura et Budget et séparation des comptes.
  5. À l'exemple de Roger Schaffter qui, en 1979, désapprouve la politique de Roland Béguelin en vue de la réunification du Jura, démissionne de son poste de vice-président du Rassemblement jurassien.
  6. Ce qui représente sept kilos de dossier aux archives cantonales jurassiennes.
  7. Tel qu'André Auclair, ancien directeur du Mouvement National des Québécois; Louise Beaudoin, ancienne déléguée du Gouvernement du Québec à Paris et ministre du gouvernement du Parti Québécois; Jean Chapdelaine, conseiller aux affaires internationales; Guy Chevrette, ministre du Parti Québécois; Élie Fallu, député péquiste et maire de Sainte-Thérèse; Pauline Julien, chanteuse et figure marquante du nationalisme québécois; Bernard Landry, député et ministre péquiste; Camille Laurin, député péquiste; Denis Lazure, député péquiste; René Lévesque, Premier ministre du Québec; Pierre Lorrain, député péquiste; Antonine Maillet, écrivaine; Jean-Pierre Saintonge, député péquiste; Sylvain Simard, député péquiste et président du Mouvement national des Québécoises et Québécois ou encore Gilles Vigneault, chanteur et poète.
  8. Il s'agit du premier accord de coopération d'un canton avec une région étrangère.
  9. Roland Béguelin avait comme modèles Charles de Gaulle et Napoléon Bonaparte dont un portrait de ce dernier ornait son bureau [60].
  10. Lors du plébiscite jurassien, Roland Béguelin voulait empêcher les immigrés aux patronymes à consonance germanophone de voter sur l'autodétermination du Jura.
  11. La menace de rattachement à la France n'était qu'une provocation pour faire bouger la Suisse (alémanique en particulier) selon François Lachat.
  12. Déjà membre perpétuel depuis le 21 janvier 1971.
  13. Selon Le Quotidien jurassien, du 30 octobre 1993, la commission communale de nomenclature proposait de désigner Avenue Roland Béguelin l'actuelle Avenue de la gare. Finalement, c'est la Place Brûlée qui fit le changement de nom.
  14. Anciennement Place de la Gare. Toujours nommée ainsi par les antiséparatistes.
  15. Décédée à la naissance.

Références

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