Jean Dasté est initié au théâtre par sa mère. Jacques Copeau, dont il épousera la fille, Marie-Hélène, le prend comme élève à l'école du Vieux-Colombier en 1922. Il suit son maître en Bourgogne, où le « groupe des Copiaux » joue de 1924 à 1929, première tentative de décentralisation théâtrale. Après la dissolution de la troupe, les anciens Copiaux retrouvent Paris en 1931 pour former la « Compagnie des Quinze », dirigée durant deux ans par Michel Saint-Denis. Traversant une période de doute et sur le point de renoncer au théâtre, Jean Dasté rencontre Maurice Jacquemont et André Barsacq avec qui il fonde la « Compagnie des Quatre-Saisons » (1937). Souhaitant faire sortir le théâtre des salles pour retrouver l'esprit des bateleurs, Dasté monte Le Médecin volant sur le Pont-Neuf, Les Fourberies de Scapin sous la Tour Eiffel. Il travaillera plus tard à l'Atelier d'André Barsacq (1940-1944).
Durant la Seconde Guerre mondiale, Jean Dasté fonde son « Théâtre de la Saison-Nouvelle ». Soutenu par Jeanne Laurent, directrice des spectacles et de la musique au Ministère de l'éducation, il est appelé en 1945 par Georges Blanchon à Grenoble pour créer la « Compagnie des comédiens de Grenoble », entouré de Tonia Cariffa, Hubert Deschamps, Jacques Lecoq et Julien Verdier. Cet événement marque les débuts "officiels" de la décentralisation théâtrale. Ne pouvant obtenir de subvention municipale, la compagnie est dissoute en 1947. Jean Dasté fonde alors à Saint-Étienne le centre dramatique de la Cité des mineurs (actuellement Comédie de Saint-Étienne), coopérative ouvrière d'intérêt public régional. Comédiens et techniciens réunis autour de lui sillonnent les routes de campagne de la région stéphanoise pendant près de dix ans. La troupe parvient à attirer un public populaire, qu'elle initie au répertoire des grands classiques français et étrangers : Molière, Beaumarchais, Shakespeare, Pirandello, Tchekhov, Lorca, Claudel, Sophocle. Dasté éprouve le besoin de présenter aussi des auteurs contemporains, Herbert Le Porrier, Yves Jamiaque, Audiberti, Michel Vinaver, Jean-Paul Sartre, Jean Lescure, tout en se livrant à des expériences sur le mime, le nô japonais et la tragédie grecque. En 1966 Armand Gatti vient mettre en scène son Homme seul.
En 1956, après le succès rencontré par la création du Cercle de craie caucasien de Brecht, Jean Dasté recentre son activité à Saint-Étienne. La troupe se scinde alors en deux équipes : Les Tréteaux, animés par André Lesage, sillonnent la campagne tandis que la Comédie plante son chapiteau. En 1962 elle s'installe dans la salle des Mutilés du travail qui peut accueillir un millier de spectateurs. Après dix ans de démarches, la maison de la culture de Saint-Étienne, gérée par un conseil d'administration, subventionnée par l'État et les collectivités locales, commence en 1969 à fonctionner dans un bâtiment appartenant à la ville. Par suite de divergences politiques avec la municipalité, Jean Dasté n'y dispose que d'une petite salle à laquelle il donne le nom de Copeau et démissionne l'année suivante de ses fonctions de directeur du Centre dramatique.
Enfin, hommage au deuxième degré, Suzanne Schiffman, assistante et scénariste de Truffaut le fait jouer dans son film Le Moine et la sorcière (1987), l'un de ses derniers rôles.
En 1962, il engage un jeune comédien juste sorti de l'école du Centre Dramatique de l'Est, futur Théâtre National de Strasbourg ( groupe 5) Michel Dubois, qui devient aussi son premier assistant à la mise en scène, et qui par la suite sera directeur de la Comédie de Caen (CDN de Basse Normandie), succédant à Jo Tréhard (décédé en 1972) pendant 25 ans.
Sa mort provoquera une grande émotion à Saint-Étienne et dans le reste de la France, car au même titre que Jean Vilar, il était vu et reconnu comme une référence culturelle, d'autant plus qu'il était très écouté, et même consulté. « Il a ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés Jean Vilar, Hubert Gignoux, puis Roger Planchon, Michel Dubois et Ariane Mnouchkine. Sans lui, le monde du théâtre en France n'aurait pas la même apparence », observe Le Monde au lendemain de sa disparition[3].
Jean Dasté, Qui êtes-vous, Lyon, La Manufacture, 1987
Le Théâtre, 1989
Voyage d'un comédien, Éditions Stock, 1977
Le Théâtre et le risque, 1992
Pour que vive le théâtre, 2009 (parution posthume)
Notes et références
↑Armand Hennon. François Truffaut, la passion des seconds rôles : 100 portraits d’acteurs et d’actrices. Lett Motif, 2024 (ISBN9782367164335), pp. 133-136.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Bénédicte Mathieu, « Mort de Jean Dasté, Le pionnier de la décentralisation théâtrale » et Michel Cournot, « Vous ne saurez jamais ce que vous lui devez », dans Le Monde, mardi , p. 21.