Jérôme retourne en France avec sa famille en 1848, lorsque son neveu, Louis-Napoléon, est élu président de la Seconde république française. Le prince occupe alors plusieurs postes officiels, et reçoit la distinction de maréchal de France en 1850.
En 1852, après l’établissement du Second Empire, il récupère son statut de prince français et altesse impériale, et accède à la présidence du Sénat. Il est le seul des frères et sœurs de Napoléon à avoir vécu assez longtemps pour voir la restauration de Bonaparte sur le trône français. En tant que plus proche parent encore en vie du nouvel empereur Napoléon III, Jérôme est reconnu comme l’héritier présomptif du trône impérial de France jusqu’à la naissance du Prince impérial en 1856, mais demeure second dans l’ordre de succession jusqu’à sa mort en 1860. Il est inhumé à l’hôtel des Invalides, auprès de deux de ses frères, Napoléon et Joseph.
Biographie
Jeunesse
Jérôme Bonaparte n’a pas neuf ans lorsque sa famille se réfugie sur le continent en 1793, par suite de son bannissement politique de la Corse, et onze ans quand son frère Napoléon, général dans l'armée républicaine, se distingue lors de la campagne d'Italie et signe le traité de Campo-Formio qui donne à la France toutes les possessions autrichiennes de la rive gauche du Rhin jusqu'à la mer du Nord.
Il a quatorze ans en 1799, lorsque ce même frère prend le pouvoir et devient Premier Consul. Au sortir du collège de Juilly, où il a fait ses études, il entre dans la marine en et obtient le grade de lieutenant l’année suivante.
Son beau-frère, le général Leclerc, l’emmène à Saint-Domingue, puis le renvoie peu de temps après avec des dépêches importantes pour son frère. Sa mission remplie, Jérôme, aux commandes du brick l'Epervier, repart sur-le-champ pour la Martinique[3].
En , il abandonne son navire à la Martinique et se rend aux États-Unis, à Baltimore, où il arrive le . Il y épouse le , quoique encore mineur et sans le consentement de sa famille, Elizabeth Patterson, fille d’un commerçant de la ville[4].
Jérôme rentre en France en 1805 sur un navire américain affrété par son beau-père ; son mariage, comme celui de son autre frère Lucien, déplaît à Napoléon qui, malgré la douleur et la résistance de Jérôme, tendrement attaché à sa femme dont il a un fils, le fait casser (par décret impérial, le ) pour cause de minorité. En mai, l’Empereur lui attribue le commandement de l'escadre basée à Gênes ; en juillet, il est chargé de se rendre à Alger pour y racheter 250 Génois que le dey d'Alger retient en esclavage. À la suite de cette mission, qu’il remplit avec succès, il est officiellement élevé au grade de capitaine de vaisseau, qu'il avait usurpé dès sa nomination à Gênes.
Commandant un vaisseau de 74 canons, le Vétéran, avec un bon second pour l'aider, le futur amiral Halgan, il participe à la croisière de l'escadre du contre-amiralWillaumez vers le cap de Bonne-Espérance, puis la Martinique. En août, un fort coup de vent disperse les bâtiments, Jérôme en profite pour quitter l'escadre sans prévenir son supérieur,[Qui ?] et rentre en France. Poursuivi par les Britanniques jusqu'aux Glénan, sauvé par son pilote Jean-Marie Furic, il parvient à se réfugier à Concarneau où le Vétéran restera trois ans.
Jérôme a alors vingt-cinq ans et toute la fougue de la jeunesse. Fier de la position de son frère et de la sienne, il manque souvent de modération et de prudence dans le choix de ses amis. Dépensier et frivole, il multiplie les maîtresses ; la reine, qu'on surnomme « la dinde de Westphalie », ferme les yeux car elle adore son mari qu'elle surnomme « Fifi ».
Ses ministres Beugnot et Reinhart, nommés par Napoléon pour mener les affaires, ne peuvent le raisonner, et bientôt « le roi trouvera son trésor épuisé, ses sujets accablés, ses ministres désolés, le crédit anéanti, les ressources dévorées à l'avance ». Napoléon s'exprimera ainsi sur son compte à l'île Sainte-Hélène avec une juste sévérité…
Celui qu'on nomme König Lustig (« le roi drôle ») établit sa résidence à Cassel, introduit dans son royaume les institutions françaises et abolit de nombreux abus. Il commence à y joindre l’entente des affaires publiques, lorsque les événements politiques viennent rendre le prince à la vie privée. État-modèle, le royaume de Westphalie devait servir de référence aux autres territoires allemands, ayant reçu la première constitution et abrité le premier parlement en pays germanique. Jérôme importe de Paris le style Empire au langage conforme aux nouvelles visées politiques et la ville de Cassel connaît un essor culturel sans pareil. En tant que membre de la confédération du Rhin, Jérôme veut son armée. C'est le général Eblé, le futur héros de la Bérézina, qui mène à bien l'entreprise où l'on trouve le général normand Allix, devenu divisionnaire westphalien.
À la suite d'une querelle avec le maréchal Louis Nicolas Davout, il se fait surprendre à la bataille de Smolensk, laissant échapper le général russe Bagration, faute qui lui vaut d'être rétrogradé sous les ordres de Davout. Vexé, il quitte l'armée sans prévenir, ce qui entraîne des retards dans les mouvements, et rentre à Cassel. Napoléon, furieux, fait dire que le roi est malade…
Les désastres de 1812 et de 1813 forcent Jérôme à quitter son royaume. La reine son épouse ne le quitte pas dans les jours d’adversité et l’accompagne à Paris mais, au mois de , les époux doivent se séparer, Jérôme pour rejoindre l’impératrice-régente Marie-Louise à Blois, et la reine pour rentrer dans les États de son père. C’est en quittant Paris, à peu de distance de la capitale, à Fossard, sur la route de Fontainebleau, qu’elle est attaquée par une bande armée que commande un ancien chouan, le marquis de Maubreuil, qui avait fait partie de sa maison en qualité d’écuyer à Cassel. La reine y perd ses diamants, son argent et ses effets les plus précieux, qui lui sont enlevés. Catherine montre, à cette occasion, qu'elle n'est pas si « dinde » : se souvenant qu'elle est la cousine du tsar Alexandre, elle alerte le souverain, alors maître de Paris. Il fait aussitôt rechercher les escrocs par le baron Vitrolles, qui retrouve une grande partie du butin.
Les Cent-Jours
Après l’abdication de l’Empereur, en 1814, Jérôme se réfugie à la cour de Wurtemberg. Il est à Trieste avec sa femme, quand la nouvelle de l’événement du 20 mars le ramène à Paris. Il obtient de Joachim Murat une frégate sur laquelle il parvint à s’embarquer secrètement. Il assiste à la cérémonie du Champ-de-Mai, le , et le , il prend séance parmi les pairs.
Davout, ministre de la Guerre, qui le déteste toujours, ne lui donne pas de commandement. Jérôme suit son frère en Belgique, autorisé à marcher avec le général Guilleminot, qui commande la 6e division d'infanterie du 1er corps du général Reille.
Il déploie aux Quatre-Bras la plus grande bravoure mais le surlendemain, à Waterloo, lui qui n'a jamais été capable de commander une compagnie, outrepasse les ordres dans le bois d’Hougoumont. C'est un désastre où sa division est mal utilisée toute la journée et décimée. Sans préparation d'artillerie, il culbute deux fois l’élite des troupes britanniques, qui, protégées par une ferme fortifiée où elles s’étaient établies, font un feu des plus meurtriers. Enfin il reste maître du bois après avoir été blessé au bras. Cette affaire coûte cher. Alors qu'il était seulement prévu un point de fixation sur ce bois de Hougoumont, Jérôme, ayant mal compris, engage tout le corps du général Reille, qui manque par la suite…
Après la bataille de Waterloo, il gagne Avesnes où il réunit les restes de l'armée puis les regroupe sous Laon ; le maréchal Grouchy, qui a bien "retraité" depuis Namur, le rejoint et ils se dirigent sur Soissons…
Après l'Empire
Après la seconde abdication de son frère, Jérôme quitte secrètement la capitale le , et parvient, non sans peine, après avoir erré longtemps en Suisse et en France, à rejoindre sa femme qui s’était réfugiée auprès de son père. Il obtient de ce dernier le château d’Ellwangen, mais à la condition de ne pas s’en éloigner et de ne conserver aucun Français à son service.
Resté impécunieux et surendetté, il négocia de son futur gendre, le richissime Anatole Demidoff (qui épousa en 1840 son unique fille légitime Mathilde), que celui-ci apure une situation financière fort obérée.
Au mois de , le roi de Wurtemberg confère à son gendre le titre de prince de Montfort, sous lequel il va être longtemps connu. Le roi l’autorise, dans le mois d’août suivant, à se rendre avec sa femme et ses enfants, un fils et une fille, au château de Hainburg, près de Vienne, pour y voir sa sœur Caroline, veuve du roi Murat.
Lorsque Fouché, l’ancien ministre de la Justice de Napoléon, meurt à Trieste, il est à ses côtés, et brûle pour lui, pendant cinq heures, ses papiers.
Jérôme réside principalement dans un château près de Vienne et à Trieste.
À partir de 1825, le prince de Montfort commença à fréquenter Porto San Giorgio et Fermo dans les Marches en tant qu'invité de la noble famille Trevisani et des comtes Maggiori. Il résida également à partir de 1827 au palais Nannerini à Fermo (aujourd'hui Palazzo Monsignani - Sassatelli, siège de la préfecture). De 1829 à 1831 Girolamo s'installe avec sa famille à Porto San Giorgio, dès que les travaux de la villa néoclassique Caterina (alias Villa Bonaparte) sont achevés sur le projet de l'architecte Ireneo Aleandri. Les travaux ont également été suivis par Pier Damiano Armandi, administrateur des biens du prince. Jérôme fut cependant contraint de quitter cette résidence, sur ordre des autorités pontificales, après la restauration de l'État papal.
En 1847, il sollicite l'autorisation de rentrer en France, ce que la monarchie de Juillet lui accorde pour seulement trois mois et à la suite des événements de , il rentre définitivement et vit quelque temps dans la retraite, à Paris, dans un appartement situé près du Louvre 3, rue d'Alger.
La Deuxième République
La popularité toujours croissante de son neveu, le prince Louis Napoléon, le force alors à beaucoup de réserve pour éviter de porter ombrage au gouvernement d’alors. Il soutient néanmoins le futur Napoléon III à l'élection présidentielle des 10 et 11 décembre 1848[6], que celui-ci remporte avec six millions de suffrages.
Jérôme est nommé le gouverneur général des Invalides. Il accepte en mai 1849 d’être tête de la liste bonapartiste aux élections législatives de 1849 dans le département de la Drôme, qui n'a qu'un élu, Morin, député sortant de la constituante[7].
Le nouvel empereur le réintègre dans le titre et les honneurs de prince impérial (1852), et met à sa disposition le Palais-Royal où il réside désormais.
En 1852, il peut acquérir le domaine de Vilgénis à Massy — où il meurt en 1860 — agrandit la maison bourgeoise et ses communs dans le style Empire (un fronton porte ses armes), fait bâtir des écuries, agrandir le parc jusqu'à la Bièvre, qui est creusée afin de former deux lacs, dont l'un présente la forme du célèbre bicorne de son frère.
Le , à Baltimore (États-Unis), il épouse Elizabeth Patterson (1785-1879), sans l'aval de Napoléon, alors qu'il n'est pas majeur. Par décret impérial du , le mariage est déclaré nul ainsi que l'enfant qui naquit de cette union illégitime, car contracté à l'étranger et sans autorisation familiale. Un fils est né de cette union :
Jérôme Bonaparte épouse en 1840 Justine Pecori-Suárez[8],[9] (1811-1903, veuve du marquis Louis Bartolini-Baldelli) une première fois religieusement à Florence, puis civilement le à Paris. Selon la volonté du prince Jérôme, leur mariage est tenu secret de son vivant.
« Le roi est un jeune homme gracieux, maigre avec des cheveux foncés et des yeux noirs. Son aspect a quelque chose de robuste, l'os de la joue est saillant et l'insolence de la jeunesse apparaît sous quelques légers plis déjà formés auprès des yeux. Le menton et une forte nuque rappellent son frère auquel du reste il ne ressemble pas sous les autres rapports. »
— Moritz von Kaisenberg
Les photographies de Jérôme Bonaparte connues datent de la fin de sa vie. Dans La chambre claire, Roland Barthes écrit[11] : « Un jour, il y a bien longtemps, je tombai sur une photographie du dernier frère de Napoléon, Jérôme (1852). Je me dis alors, avec un étonnement que depuis je n’ai jamais pu réduire : « Je vois les yeux qui ont vu l’Empereur. » »
↑Il fut déclaré et connu dans les premières années de sa vie sous le patronyme « de Buonaparte », son père portant la particule dès avant son intégration à la noblesse française, la graphie avec le u avant le o s'étant imposé mais ayant coexisté avec celle sans u ; ainsi, sur l'acte de mariage de Charles Bonaparte celui-ci est mentionné comme Carlo de Bonaparte.
Par ailleurs, la famille Bonaparte parlant italien en Corse, il était appelé Girolamo dans sa petite enfance mais après son arrivée en France, on le nomma Jérôme. La graphie Buonaparte fut abandonnée en 1796.
↑Hervé Pinoteau, Vingt-cinq ans d'études dynastiques, Paris, Ed. Christian, 1982, p. 228.
↑Arrivé, il fait une escale forcée à la Martinique, atteint par la fièvre. Là, il rencontre le créoleLe Camus, qui ne le quittera plus.
Source
Mme Françoise AUBRET-EHNERT, « Jérôme Bonaparte (1784-1860) », Roi De Westphalie (1807-1813), Der König lustig, sur histoire-empire.org (consulté le )
↑Robert Serre, ‘’1851. Dix mille Drômois se révoltent. L’insurrection pour la République démocratique et sociale’’, préface de Maurice Agulhon, co-édition Peuple libre/Notre temps, s.l., 2003. (ISBN2-912779-08-1 et 2-907655-42-6). p. 47-50.
↑La marquise [Luigi] Bartolini-Baldelli, née Giustina Pecori-Suárez, était la fille du comte [Bernardo] Pecori-Suárez (un descendant du courtisan florentin Baldassare Suárez de la Concha(it)) et de son épouse Giulia Niccolini-Sirigatti, des marquis di Ponsacco e Camugliano.
A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur, biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, vol. 1, [détail de l’édition] (BNF37273876) ;
Les membres de la famille impériale ayant régné sur la France sont soulignés Les membres de la famille impériale l'ayant intégrée par mariage sont en italiques « Les surnoms sont entre guillemets »