La Cour de justice de la République est créée en 1993. Le statut de la Cour de justice de la République et ses attributions sont fixés par la Constitution ; la Cour de justice de la République comprend quinze juges dans sa formation de jugement : douze parlementaires (dont six députés et six sénateurs) et trois magistrats du siège de la Cour de cassation, dont l’un est président de la Cour. Les parlementaires sont élus par l’Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées. Les magistrats sont élus par la Cour de cassation. Chaque juge a un suppléant élu dans les mêmes conditions.
De 1789 à 1993, immunité ou jugement par le Parlement
Sous l’Ancien régime, Jacques Cœur en 1453, Semblançay en 1527 et Nicolas Fouquet en 1661-1664 sont jugés par des juridictions spéciales et selon des procédures particulières pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions[1].
Créée par une ordonnance du , la Haute Cour de justice est chargée de juger les membres des « gouvernements ou pseudo-gouvernements qui ont tenu leur siège dans le territoire de la métropole depuis le jusqu’à l’établissement sur le territoire continental du Gouvernement provisoire de la République française pour crimes et délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions ». Elle prononce plusieurs condamnations à mort dont trois furent exécutées : Pierre Laval et Joseph Darnand en 1945 et Fernand de Brinon en 1947[1].
En 1993, durant la cohabitation et dans le contexte de l’affaire du sang contaminé et de la multiplication des affaires politico-financières à la fin du second mandat de François Mitterrand, le Comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par Georges Vedel propose une nouvelle juridiction composée de magistrats et de parlementaires. Celle-ci est créée par la loi constitutionnelle du [5]. Désormais, « les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Cour de justice de la République. »[C 2] et la Haute Cour de justice n’est uniquement compétente que pour les infractions commises par le président de la République pendant l’exercice de ses fonctions.
La loi constitutionnelle du précise que ces dispositions sont applicables pour les faits commis avant 1993[6],[C 3].
Critiques et propositions de remplacement par une juridiction de droit commun
La Cour de justice de la République est régulièrement critiquée[7] pour son manque de célérité et sa complaisance supposée envers les anciens ministres. Elle oblige parfois à un découpage d’une même affaire quand des proches de ministres doivent être jugés (« volet ministériel » et « volet non-ministériel »). Certains anciens membres de la commission Vedel ont reconnu que la création de cette Cour était une erreur et, selon Denis Baranger, la déconnexion de ses décisions avec celles que peut rendre le juge pénal ordinaire pose problème, de même que la présence des parlementaires[8],[9],[10]. Toutefois, des magistrats de la CJR soulignent que la composition de la commission d’instruction, des magistrats de la Cour de cassation, est un gage d’expérience et d’indépendance[11].
Jugeant Éric Dupond-Moretti pour prise illégale d'intérêt, la CJR a reconnu que la matérialité des faits était établie, mais a considéré qu'il n'y avait pas d'élément intentionnel et a ainsi prononcé la relaxe[21]. Cette décision présentant un avocat et ministre de la Justice commettant un délit "à l'insu de son plein gré"[22] a suscité un certain étonnement et ravivé les critiques vis-à-vis du manque d'impartialité de la CJR.
Cette jurisprudence particulière a fondé la relaxe le 30 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Paris d'une fonctionnaire, également poursuivie pour prise illégale d'intérêt[23],[24],[25].
Composition de la Cour
La Cour de justice de la République comprend quinze juges : douze parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour de justice de la République[C 4].
Les juges parlementaires à la Cour de justice de la République sont élus au scrutin majoritaire ; le scrutin est secret ; les juges magistrats sont élus pour trois ans parmi les magistrats du siègehors hiérarchie à la Cour de cassation par l’ensemble de ces magistrats ; pour chaque titulaire, un suppléant est élu dans les mêmes conditions[LO 1].
Les fonctions des juges parlementaires prennent fin :
en même temps que les pouvoirs de l’Assemblée nationale ou à chaque renouvellement partiel du Sénat, selon l’assemblée à laquelle ils appartiennent ;
lorsqu’ils cessent d’appartenir à l’Assemblée nationale ou au Sénat ;
Depuis 1999, les juges parlementaires comme magistrat portent la robe noire lors des procès[26].
Le ministère public près la Cour de justice de la République est exercé par le procureur général près la Cour de cassation, assisté d’un premier avocat général et de deux avocats généraux qu’il désigne[LO 3]. Le directeur de greffe de la Cour de cassation est, de droit, greffier de la Cour de justice de la République[LO 4]. Le personnel nécessaire au fonctionnement de la Cour de justice de la République est mis à la disposition de cette juridiction par le directeur de greffe de la Cour de cassation[LO 5].
La commission d’instruction se compose de trois membres titulaires et de trois membres suppléants désignés pour trois ans parmi les magistrats du siège hors hiérarchie à la Cour de cassation par l’ensemble de ces magistrats. Son président est choisi dans la même forme parmi les membres titulaires[LO 6]. Les membres de cette commission continuent de mener en parallèle leurs activités de conseillers à la Cour de cassation[11].
La commission des requêtes près la Cour de justice de la République se compose de trois magistrats du siège hors hiérarchie à la Cour de cassation, de deux conseillers d’État et de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes désignés pour cinq ans. Les magistrats à la Cour de cassation sont élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour. L’un d'entre eux est désigné dans la même forme comme président de la commission. Les conseillers d’État sont désignés par l’assemblée générale du Conseil d’État. Les conseillers maîtres à la Cour des comptes sont désignés par la chambre du conseil. Dans les mêmes formes, il est procédé à la désignation par chacune de ces juridictions d’un membre suppléant[LO 7].
Procédure
L'innovation de la révision constitutionnelle réside dans la saisine de cette Cour, qui a été « déparlementarisée » et ouverte.
La commission des requêtes apprécie la recevabilité des plaintes, les classe sans suite ou les transmet au procureur général près la Cour de cassation faisant office de ministère public qui saisit éventuellement la CJR. Les actes de la commission des requêtes ne sont susceptibles d'aucun recours[LO 9].
Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d'office la commission d'instruction sur avis conforme de la commission des requêtes.
La commission d’instruction est chargée d’instruire le dossier. Elle clôt son instruction par une ordonnance de renvoi ou de non-lieu. Elle peut requalifier les faits. Les arrêts de la commission d’instruction peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation porté devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation. En cas d’annulation de l’arrêt attaqué, la décision peut-être cassée sans renvoi[27] ou être renvoyée devant la commission d’instruction, composée de membres titulaires ou suppléants autres que ceux qui ont rendu l’arrêt annulé[LO 10],[28].
Dès que l’arrêt de renvoi est devenu définitif, le président de la Cour de justice de la République fixe, à la requête du procureur général, la date d’ouverture des débats[LO 11]. Après la clôture des débats, les membres de la CJR votent sur chaque chef d’accusation à la majorité absolue, par bulletins secrets. Puis, si l’accusé est déclaré coupable, ils votent sur l’application de la peine à infliger[LO 12].
Les arrêts de la CJR peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation porté devant l’assemblée plénière de la Cour de Cassation, qui dispose de trois mois pour statuer. Si l’arrêt est cassé, l’affaire est renvoyée devant la Cour de justice composée de juges titulaires ou suppléants autres que ceux qui ont rendu l’arrêt annulé[LO 13].
La dotation demandée pour 2024 s’établit à 984 000 €. Près de la moitié de cette somme est prévue pour le loyer de l’immeuble situé au 21, rue de Constantine dans le 7e arrondissement de Paris. Il est prévu que la Cour s’installe au palais de justice historique de l’île de la Cité. Le reste est constitué des indemnités aux magistrats, et de frais de fonctionnement[30].
Les procès se sont tenus au centre de conférences internationales pour l’affaire du sang contaminé[31], dans la salle de la 1re chambre du tribunal de grande instance de Paris ou encore dans la 1re chambre de le cour d’appel de Paris.
Affaires jugées
De sa création en 1993 jusqu'au , la commission des requêtes a reçu 22 166 plaintes[30]. En 2021, la commission a été saisie de près de 20 000 plaintes en rapport avec la pandémie de Covid-19, dont la plupart proviennent d'un formulaire-type élaboré par Fabrice Di Vizio, la plupart protestent contre la gestion de la crise, visant surtout le passe-sanitaire. Ces plaintes furent classées sans suite[32],[33].
De sa création en 1993 jusqu'en 2019, la commission d’instruction a ouvert dix-sept informations : certaines ont donné lieu à arrêt de renvoi devant la formation de jugement, d’autres se sont terminées par un non-lieu[N 2], par un arrêt d’incompétence, un arrêt constatant l’extinction de l’action publique ou une dispense de peine[34].
Condamné à une année d’emprisonnement avec sursis, avec confusion de cette peine avec celle de 18 mois d’emprisonnement avec sursis prononcée dans une autre affaire[Arr 4],[41],[Cass 1]
Prise illégale d’intérêts pour avoir saisi l’Inspection générale de la Justice contre des magistrats avec qui il avait été en opposition en tant qu’avocat[45]
↑La Chambre criminelle de la Cour de cassation française considère que « les actes commis par un ministre dans l'exercice de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l'État relevant de ses attributions, à l'exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux » (Crim., , A. Carignon, pourvoi no 95-82333). La compétence de la Cour de justice de la République, telle que prévue par l'article 68-1 de la Constitution, « ne saurait s'étendre aux actes qui ne sont commis, par des ministres, qu'à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions » (Crim., , M. Noir, pourvoi no 96-80615).
↑Daniel Amson, « La responsabilité politique et pénale des ministres de 1789 à 1958 », Pouvoirs, no 92 - La responsabilité des gouvernants, (lire en ligne).
↑Articles 56 à 59 de la Constitution du et loi no 46-2386 du sur la constitution et le fonctionnement de la Haute Cour de justice.
↑Daniel Soulez Larivière, « Membre du comité Vedel, j'ai sous-estimé les aberrations du droit français. Et voilà le juge pénal dans la position de se substituer au pouvoir réglementaire. La Cour de justice de la République, notre erreur. », Libération, (lire en ligne).
↑Olivier Beaud, « Refondons la responsabilité politique, replaçons les cas d'improbité personnelle des ministres devant les juridictions ordinaires », Libération, (lire en ligne).
↑Charles Sapin, « Lagarde non sanctionnée : faut-il supprimer la Cour de justice de la République ? », Le Parisien, (lire en ligne).
↑ a et bUgo Bernalicis (président) et Didier Paris (Didier Paris), Commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, Compte rendu de l'Audition de M. Dominique Pauthe, président de la Cour de justice de la République, M. Jean-Baptiste Parlos, ancien président de la Cour, Mme Janine Drai, présidente de la commission d’instruction, et M. Christian Pers, président de la commission des requêtes, (lire en ligne).
↑« Une prévenue relaxée dans une affaire de « prise illégale d’intérêts » grâce à la jurisprudence Dupond-Moretti », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑Judith Perrignon et Armelle Thoraval, « La Cour choisit le noir pour le procès du sang contaminé. Le 9 février, les 15 politiques et magistrats porteront la robe de juge. », Libération, (lire en ligne).
↑C'est le cas pour la décision attaquée : Cour de justice de la République à Paris, du 15 avril 2022, par l'arrêt, pris en séance plénière, du 20 janvier 2023 [lire en ligne]
↑Dans son « arrêt du 21 décembre 2021 », la formation plénière de la Cour de cassation a confirmé que tout appel interjeté contre une décision de la commission d’instruction est irrecevable.
↑Eric Favereau et Judith Perrignon, « Le procès du sang contaminé: 1er jour. «Ici, certains juges sont des amis des ministres». Accusés, victimes, magistrats, chacun cherchait sa place hier », Libération, (lire en ligne).
↑AFP, « Covid-19 : Agnès Buzyn mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Fabrice Lhomme et Gérard Davet, « Covid-19 : le bras de fer inédit entre Agnès Buzyn et les juges de la Cour de justice de la République », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑Fabrice Tassel, « La Cour de justice devra encore attendre Michel Gillibert », Libération, (lire en ligne).
↑Jean-Baptiste Jacquin, « Affaire Dupond-Moretti : la Cour de justice de la République ordonne le renvoi en procès du garde des sceaux pour « prises illégales d’intérêts » », Le Monde, (lire en ligne).
Cécile Guérin-Bargues, Juger les politiques ? La Cour de Justice de la République, Dalloz,
Christian Bidégaray, « C. Guérin-Bargues, Juger les politiques ? La Cour de justice de la République », Jus Politicum, no 21, (lire en ligne) (recension)
Christian Bidégaray, « Cour de justice de la République : pour qui sonne le glas ? », Jus Politicum, no 11, (lire en ligne)