Petit-fils du romancier Guillaume Pigault-Lebrun, Émile Augier naît à Valence dans un milieu bourgeois. Son père, Victor Augier, est avocat à la cour de cassation. Il reçoit une éducation soignée et lorsque sa famille s'installe à Paris en 1828, il poursuit des études brillantes au lycée Henri-IV, où il a comme condisciple le duc d'Aumale, puis à la faculté de droit et se destine d'abord au barreau, tout en ébauchant des pièces de théâtre. En 1844, son drame La Ciguë, refusé par la Comédie-Française, a un énorme succès à l'Odéon.
Il devient en 1848 le bibliothécaire de son ancien condisciple, Henri d'Orléans, duc d'Aumale.
Ce début tonitruant lance sa carrière dramatique, qui est dès lors ponctuée de grands succès. Il est élu à l'Académie française le et fut reçu le par Pierre-Antoine Lebrun[2]. En 1862, Le Fils de Giboyer, qui attaque le cléricalisme, n'est joué que sur l'intervention personnelle de Napoléon III. Sa dernière comédie, Les Fourchambault, est jouée en 1878.
Augier débute avec La Ciguë, comédie en vers vouée au monde antique qui rencontre un vif succès. Il s'est inspiré d'une pièce de Ponsart qui l'a vivement impressionné. Cependant, il se tourne ensuite vers le monde moderne et décrit les milieux bourgeois de la monarchie de Juillet, puis du Second Empire, qui l'entourent et dont il épouse les valeurs, mais en dénonce les excès. Il fait partie d'une « école du bon sens » qui plaît au goût français de l'époque et ses pièces sont aussi traduites et jouées sur d'autres scènes européennes.
D'autres œuvres sont ensuite appréciées : d'abord L'Aventurière en 1848, puis Gabrielle en 1849, écrites en vers faits pour la déclamation. Il s'oppose aux amours adultères dans cette dernière pièce. Plus tard, il se risque à décrire de façon satirique les mœurs bourgeoises, comme dans Les Effrontés ou Le Fils du Giboyer, ou encore La Contagion et décrit la mauvaise influence de la presse et les défauts des milieux cléricaux. Il affronte les foudres de la presse ultramontaine, en particulier de la part de Louis Veuillot, qui réplique par un pamphletLe Fond du Giboyer. Victor de Laprade écrit, quant à lui, Chasse aux vaincus, à laquelle Augier réplique vertement.
Il retourne rapidement à la comédie de mœurs avec Maître Guérin, puis Lions et Renards, ou Madame Caverlet (qui traite de la question du divorce). Les Fourchambault rencontrent aussi un grand succès, ainsi que Le Gendre de M. Poirier qu'il écrit avec Jules Sandeau.
Augier commence à publier son théâtre complet en 1876, avec des préfaces ou des prologues expliquant au public qu'il se veut observateur des mœurs de son époque, laissant sous-entendre qu'il en est aussi une sorte de traducteur et que pour cela il doit en montrer tous les maux intimes. Il partage dans une certaine mesure les mêmes préoccupations sur scène qu'Alexandre Dumas fils, ce dernier ayant plus de finesse psychologique.
Émile Augier s'attaque à l'hypocrisie bourgeoise, à l'âpreté au gain, à l'adultère, aux jésuites, au cléricalisme, dans les bornes finalement de ce que son public pouvait admettre. Il abandonne son romantisme des débuts pour un théâtre réaliste conventionnel, avec une grande maîtrise de la versification. Son idéal est le reflet en un sens d'une certaine bourgeoisie ennemie des excès, à la fois scandalisée et curieuse de l'amoralité des financiers et réconfortée par une vie familiale paisible. C'est pourquoi Augier en décrivant juste ce qu'il faut des travers de son époque fut un dramaturge à succès.
Henry Gaillard de Champris, Émile Augier et la comédie sociale, réimpr. de l'éd. de Paris, 1910. Genève : Slatkine Repr., 1973.
Pierre Danger, Émile Augier ou le théâtre de l'ambiguïté: éléments pour une archéologie morale de la bourgeoisie sous le Second Empire, Paris : Harmattan, 1998. (ISBN2-7384-6330-4)
Études drômoises, no 1-2, 1995, revue éditée par l'Association universitaire d'études drômoises.