Le métropolite de Kiev et de Moscou, Isidore, adhère, au nom de l’Église russe, à l’union des Églises prononcée au concile de Florence en 1439. De retour à Moscou en 1441, il échoue dans sa tentative d'imposer l'Union. Le prince Vassili II le fait enfermer dans un couvent et libère l’Église russe de la tutelle des Byzantins[3]. Il est remplacé par le métropolite Jonas, élu en 1448, par le Synode de Moscou, sans le consentement du patriarche de Constantinople. Isidore ayant démissionné, le pape Calixte III (1455-1458) nomme Grégoire Bulhar métropolite ruthène de Kiev. À partir de ce moment, les métropoles de Kiev et de Moscou sont séparées.
Au XVe siècle, la métropole de Kiev tente, sans succès, de se rapprocher de Rome.
1595-1596, union de Brest : décision de la métropole de Kiev de se placer sous la juridiction de Rome. La Ruthénie (actuelle Ukraine) faisait alors partie de la république des Deux Nations (Pologne et Lituanie en majorité catholiques). Établissement de l'Église grecque-catholique ukrainienne.
1646, union d'Užhorod : Décision de 63 prêtres orthodoxes de Ruthénie subcarpatique de se placer sous la juridiction de Rome. La Ruthénie subcarpatique faisait alors partie du royaume de Hongrie. Établissement de l'Église grecque-catholique ruthène.
Ces unions donnent lieu au terme d'Église uniate, fréquemment employé jusqu'au concile Vatican II, mais à présent considéré comme péjoratif et démodé.
Luttes confessionnelles
Une grande partie des Ruthènes refusa l'Union. Avec l'appui des Cosaques zaporogues, un métropolite orthodoxe fut ordonné à Kiev, en 1620, par le patriarche de Jérusalem Théophane. En 1623, le cofondateur de l'Ordre basilien, Josaphat Kountsevitch fut assassiné par des orthodoxes ; il fut reconnu martyr et saint depuis (premier saint gréco-catholique canonisé par Rome). En 1632, la Diète polonaise entérina la présence de deux métropoles (orthodoxe et grecque-catholique) à Kiev. Le partage de l'éphémère État ukrainien (1649-1667) entre la Pologne et la Russie entraîna l'intégration de la métropole orthodoxe de Kiev dans le patriarcat de Moscou.
L'Église grecque-catholique se trouva prise en étau entre les orthodoxes et les tentatives polonaises de latinisation.
À partir du XVIIIe siècle et des partages de la Pologne, les autorités tsaristes eurent une attitude hostile envers les fidèles de l'Église grecque-catholique sur le territoire qu'ils administraient. L'Église fut formellement interdite au XIXe siècle. À l'opposé, ceux qui vivaient au sein de l'Empire austro-hongrois, puis, après la Première Guerre mondiale, en Pologne, ne furent pas inquiétés ; un des fruits de cette attitude bienveillante fut la création, en 1892, des Servantes de Marie Immaculée, premier ordre catholique féminin créé en terre ukrainienne.
Sous le communisme
De 1940 à 1944, l'Église est dirigée par le métropolite André Cheptytsky, frère de Clément Sheptytsky ; et de 1944 à 1987, par le cardinal Josyf Slipyj, vite arrêté par les autorités communistes.
1945 : Les Églises gréco-catholiques ukrainienne et ruthène sont rattachées de force à l'Église orthodoxe russe (en URSS). L'Église continue d'exister dans la diaspora (et clandestinement en Ukraine). L'opération d’annexion de l'Église grecque-catholique ukrainienne par l'Église orthodoxe russe en 1945 est dirigée par Staline[4]. Une lettre de de Nikita Khrouchtchev à Joseph Staline et révélée en 2009[5], prouve que les dirigeants soviétiques ont été directement impliqués dans la liquidation de l'Église catholique uniate d'Ukraine. « Lorsque j'étais à Moscou, je vous ai informé sur le travail accompli en vue de la destruction de l'Église uniate et sur l'intégration des religieux dans l'Église orthodoxe », écrit Nikita Khrouchtchev, alors chef du PC d'Ukraine, dans cette lettre datée du et issue des archives du Parti communiste de l'Union soviétique.
Ces écrits confirment les thèses défendues par de nombreux historiens sur le sort subi par l'Église grecque-catholique, implantée principalement dans l'ouest de l'Ukraine. Les évêques de cette Église, accusés de collaboration avec les forces allemandes pendant l'occupation, avaient été arrêtés simultanément le et condamnés aux travaux forcés.
En 1946, sous l'impulsion d'un « comité pour la réunification de l'Église grecque-catholique avec l'orthodoxie », le clergé grec-catholique est intégré de force à l'église orthodoxe du Patriarcat de Moscou, résiliant le lien avec Rome datant de 1596. Le , lors du « Synode de Lvov », 204 prêtres gréco-catholiques abjurent « l'hérésie latine », tandis que la hiérarchie ecclésiale et les prêtres refusant la « conversion » obligatoire à l'orthodoxie sont déportés et internés au goulag[6]. L’Église gréco-catholique continue dans la clandestinité. Les prêtres perpétuent le culte clandestinement, certains prennent le chemin de l'exil.
En 1963, Josyf Slipyj, auparavant nommé ainsi cardinal secrètement par le pape Jean XXIII (donc in pectore), fut libéré et put participer au concile Vatican II pendant lequel son rang de cardinal fut publiquement révélé.
Depuis la chute du communisme : rétablissement et tensions avec l'Église orthodoxe
: Les Églises gréco-catholiques ukrainienne et roumaine sont rétablies mais les autorités de ces deux pays à majorité orthodoxe refusent de leur restituer les biens confisqués (monastères, églises, écoles) et attribués aux Églises orthodoxes.
L'Église gréco-catholique revendique aujourd'hui plus de six millions de fidèles en Ukraine, répartis dans plus de 3 600 paroisses[7].
Jean-Paul II est connu pour avoir été le grand défenseur de la communauté gréco-catholique ukrainienne. La sortie des catacombes de cette Église fut l'un des moments les plus émouvants de son pontificat.
Transfert du siège à Kiev
Le , le siège de l'Église a été officiellement transféré de Lviv à Kiev la capitale. Le titre du primat a évolué d'Archevêque majeur de Lviv à Archevêque majeur de Kiev et de Galicie.
Il est prévu que les éparchies à nom double, dénotant un diocèse ayant deux centres urbains majeurs, seront séparées en deux éparchies distinctes dès que le nombre de prêtres y exerçant sera suffisant pour ce faire. Les exarchats archiépiscopaux sont des structures missionnaires mises en place par l'archevêque majeur de Kiev et destinées à devenir des éparchies lorsqu'elles auront atteint un nombre suffisant de prêtres et de fidèles.
Une minorité de tendance traditionaliste a fondé la Fraternité sacerdotale Saint-Josaphat[10] de rite byzantin avec l'appui de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. Elle confère les Ordres majeurs dans le rite ruthène. Les tensions sont vives avec l'Église grecque-catholique ukrainienne car, outre son refus d'un trop grand œcuménisme, la Fraternité Saint-Josaphat préfère, lors de ses offices, user du slavon ancien et garder certaines pratiques latines.
Un mouvement existe au sein de l'Église grecque-catholique ukrainienne (clergé et fidèles) pour sa reconnaissance par Rome en tant qu'Église patriarcale[11].
L’Église est représentée au Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE), parmi une petite quarantaine de membres, dont deux autres représentants des Églises du territoire ukrainien[12].
Relations avec les Églises orthodoxes
Les relations avec les Églises Orthodoxes, particulièrement le patriarcat de Moscou, sont tendues.
↑(en) « His Beatitude Sviatoslav » [« Sa Béatitude Chevtchouk »], sur catholicukes.au, site de l’Église grecque-catholique ukrainienne en Australie, Nouvelle-Zélande et Océanie (consulté le ).
Antoine Arjakovsky, Entretiens avec le cardinal Lubomyr Husar : vers un christianisme post-confessionnel, Parole & Silence, Paris, 2005 (ISBN2845733119).
Charles de Clercq, Conciles des Orientaux catholiques, in Histoires des Conciles d’après les documents originaux, Librairie Letouzey et Ané, Paris, 1949 et 1952.
Lidiya Houbytch et Svitlana Hourkina, Persécutés pour la Vérité : les gréco-catholiques ukrainiens derrière le rideau de fer, Lviv, Université catholique d'Ukraine, 2018.
Dans le film Les Souliers de saint Pierre de 1968, l'acteur Anthony Quinn incarne l'archevêque métropolite gréco-catholique ukrainien de Lviv, Kiril Pavlovitch Lakota, libéré d'un goulag soviétique pour être envoyé à Rome et y devenir peu de temps après pape. Un film marquant qui aurait inspiré le président Richard Nixon dans sa stratégie à l'égard de Pékin. Un film prémonitoire aussi, dix ans avant l'élection de Karol Wojtyla au trône pontifical.