La Vie d'Adèle : Chapitres 1 et 2, souvent désigné simplement sous le titre La Vie d'Adèle, est un film belgo-hispano-français écrit, produit et réalisé par Abdellatif Kechiche, sorti en 2013.
Mais, alors qu'il reçoit un accueil critique positif de la part des médias français et internationaux, le film est entouré par une polémique opposant le réalisateur Abdellatif Kechiche avec d'une part certains de ses techniciens et d'autre part les deux actrices principales, tous dénonçant un tournage difficile.
Abdellatif Kechiche a déclaré qu'il comptait faire une version plus longue de 40 minutes[1].
Synopsis
Âgée de dix-sept ans, la jeune Adèle croit forcément qu'une fille doit rencontrer des garçons et rêve du grand amour. Elle se laisse séduire par Thomas, élève de terminale, et met rapidement fin à cette liaison. Elle croise alors Emma, une jeune femme aux cheveux bleus ; c'est le coup de foudre. Cette rencontre bouleverse totalement sa vie. Emma hante chaque nuit ses rêves et ses désirs les plus intimes. Adèle et Emma se rencontrent à nouveau fortuitement, elles se découvrent, s'aiment follement, vivent ensemble. Toutefois Emma est une artiste peintre pleine d'ambition, évoluant dans un milieu cultivé et intellectuel ; alors qu'Adèle, plus terre à terre, s'épanouit dans son métier d'institutrice et apprécie les plaisirs simples comme faire la cuisine. L'écart se creuse : Adèle se sent seule, déplacée, complexée dans cette relation qui la pousse à avoir une courte aventure avec un collègue de travail. Emma l'apprend et rejette avec violence Adèle hors de sa vie. Emma continue de vivre mais avec une autre femme, tandis qu'Adèle, incapable d'oublier son amour pour elle, désespère dans la souffrance du souvenir.
En préproduction, Abdellatif Kechiche cherche à Paris la personne à qui confier le rôle d'Adèle. Après avoir rencontré Adèle Exarchopoulos, le réalisateur multiplie les rendez-vous dans le bar La Vielleuse de Belleville où il la teste par des silences, des discussions, des tests scéniques du scénario ainsi que des tests sportifs. Après plus d'un mois, c'est en observant sa façon de manger de la tarte au citron, sa façon de bouger la bouche et d'agir, qu'il décide qu'Adèle Exarchopoulos est l'actrice qu'il cherchait pour ce rôle.
Pour le rôle d'Emma, Abdellatif Kechiche pense d'abord à Sara Forestier, une actrice qu'il avait lui-même fait découvrir, puis à Mélanie Thierry. Cependant, Léa Seydoux demande à venir puis insiste pour rester sur le tournage. Sa conviction pousse Kechiche à lui confier le rôle.
Le réalisateur a pour vocation de choisir des acteurs débutants, sortant d'écoles d'art dramatique ou de seconds ou petits rôles dans de précédents films. C'est pourquoi il fait appel à des débutants comme Stéphane Mercoyrol, Aurélie Lemenceaux, Lucie Bibal (une amie d'Emma dans le film) et plusieurs autres petits comédiens.
La grande majorité des figurants visibles dans les scènes du lycée sont des lycéens de cet établissement que les responsables de casting et Abdellatif Kechiche ont choisis sur place, lors de castings ou de repérages directement sur les lieux[style à revoir][5].
Bande originale et musique
Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section proviennent du générique de fin de l'œuvre audiovisuelle présentée ici.
En post-production, lors du montage, une bande originale du film a été établie avec les titres suivants[N 1],[N 2] :
Adèle danse avec les enfants en faisant semblant de taper sur un tambour : Bonbon - par Marlène Ngaro (titre traditionnel africain de Guinée)
Adèle rencontre Emma dans le bar lesbien : Show me that you heart beats - Andrew Dickens / Live for today - Robert J. Walsh(de), Dennis Winslow & Ronn L.Chick
Adèle danse sur la première musique de son anniversaire : Whistle - Sporto Kantes
Concernant les polémiques à propos des conditions de tournage, voir la section correspondante.
Initialement prévu pour une durée de deux mois et demi, le tournage du film a duré cinq mois, de mars à , pour un budget de 4 000 000 d'euros[3] dans le Nord-Pas-de-Calais. Il a eu lieu à Lille notamment au lycée Pasteur, sur la Grand'Place de Lille (place du Général-de-Gaulle) pour la rencontre entre Adèle et Thomas (Jérémie Laheurte) et boulevard de la Liberté pour la rencontre avec Emma (Léa Seydoux) ainsi qu'à la galery Metling Art et, enfin, à la discothèque gay Le Privilège située dans le Vieux-Lille.
Un passage au début du film évoque le roman La Vie de Marianne de Marivaux lors de la scène du cours de philosophie.
Peu de temps après leur rencontre, lors d'un rendez-vous dans un parc, Emma partage à Adèle le souvenir d'une œuvre philosophique l'ayant influencée. Elle lui explique que durant son adolescence, l'œuvre de Jean-Paul Sartre, l'existentialisme est un humanisme, l'a beaucoup aidée dans sa quête d'identité.
Pendant la fête d'anniversaire d’Emma, dans la seconde partie du film, le film Loulou de Pabst est projeté sur un écran dans le jardin. Le visage de Louise Brooks est reconnaissable à plusieurs reprises.
Les œuvres d'art visibles tout au long du film, notamment à la fin lors du vernissage dans la galerie d'art, ont été réalisées par Cécile Desserle, une artiste peintre de Montpellier. Alors qu'elle exposait à Lille, Abdellatif Kechiche, passant dans la rue, tomba sous le charme de ses œuvres, demanda à la contacter et lui fit une commande de portraits d'Adèle Exarchopoulos[9].
Exploitation
Le , le visa d'exploitation du film (interdit aux moins de 12 ans depuis sa sortie en 2013) est annulé par la justice française au motif de la présence de scènes de sexe jugées trop réalistes. La ministre de la Culture devra « procéder au réexamen de la demande de visa » du film pour pouvoir l'exploiter à nouveau[10].
Finalement, le , le Conseil d'État se range du côté du ministère de la Culture, qui a réclamé un recours en opposant à la demande de requalification du film, en cassant la décision de la cour administrative d'appel de Paris, qui réclamait le réexamen de la classification du long-métrage, ce qui permet à La Vie d'Adèle de conserver l'interdiction aux moins de 12 ans[11],[12].
Cette récompense fut attribuée de façon exceptionnelle à trois personnes : le réalisateur Abdellatif Kechiche et les deux actrices principales Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos[16].
Polémiques et controverses
Déclarations de Christine Boutin
Au soir du , à la suite de la remise de la Palme d'or au film et à la manifestation parisienne d'opposition au « mariage pour tous » qui a eu lieu le même jour, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD), regrette qu'un tel film soit ainsi récompensé et déclare au micro de RMC, dans l'émission Les Grandes Gueules, que l'homosexualité est « une mode », qu'« on est envahi de gays » dans la société et qu'il s'agit d'une forme de « pensée unique »[17],[18]. Ces propos font réagir de nombreuses associations de défense des droits des homosexuels[19]. Ainsi, Nicolas Gougain, alors porte-parole de l'Inter-LGBT, considère que Christine Boutin « a complètement déraillé »[20]. Dans le monde politique, cinq cadres de l'UMP (auquel le PCD est associé) publient un communiqué de presse où ils qualifient les propos de Christine Boutin de « déclarations aussi haineuses que déplacées » et appellent leur « famille politique à s'en désolidariser clairement et largement afin qu’elle ne prenne pas le risque d’apparaître complice de ces déclarations infamantes[19]. »
Quelques jours après les propos de Christine Boutin, dans la « Boîte à questions » de l'émission Le Grand Journal sur Canal+, Adèle Exarchopoulos traite l'ex-ministre de « frustrée de la fouffe » en lui adressant un doigt d'honneur[21]. Quelques mois plus tard, l'actrice « regrette de l'avoir insultée » mais elle insiste sur le fait qu'elle « trouve ses propos minables » et considère que « la bêtise de ces gens-là peut devenir dangereuse »[22].
Conditions de tournage
À la suite de sa présentation au festival de Cannes, le Syndicat des professionnels de l'industrie de l'audiovisuel et du cinéma (Spiac-CGT) publie un communiqué relatant les conditions de tournage « [il a eu lieu dans un] climat lourd, [avec] des comportements proches du harcèlement moral », poussant des techniciens et ouvriers à démissionner[3]. D'autres critiques visaient également « les horaires anarchiques » et des heures travaillées non déclarées[23].
« Si ce long métrage devait devenir une référence artistique, nous espérons qu'il ne devienne jamais un exemple en termes de production. »
Quelque 750 heures de rushes ayant été tournées, il se peut, selon Hugues Dayez (RTBF), que l'œuvre soit un work in progress. La quantité de rushes permettait lors du montage, qui a duré huit mois, de créer plusieurs récits[25],[26].
Quelques jours après l'attribution de la Palme d'or, Jul' Maroh, l'auteur de la bande dessinée dont le film est tiré, dit regretter le choix de nombreuses scènes de sexe lesbien chirurgicales, démonstratives et crues, qu'il juge dénuées de désir amoureux puis exprime sa déception quant au comportement méprisant d'Abdellatif Kechiche à son égard ; celui-ci n'a plus répondu à aucun de ses messages après la cession des droits d'adaptation, ne l'a pas invité avec l'équipe à Cannes et a omis de le mentionner lors de son discours de remerciements pour la récompense[27].
En , les deux actrices principales affirment à leur tour que le tournage fut très difficile et parfois violent, au point que Léa Seydoux ne souhaite plus jamais tourner avec le réalisateur et qu'Adèle Exarchopoulos n'en soit pas vraiment sûre d'en avoir l'envie[28]. Elles se déclarent également choquées et gênées par les scènes de sexe très explicites (bien que simulées et utilisant des prothèses), au point qu'Adèle Exarchopoulos explique avoir fermé les yeux et s'être imaginée ailleurs lors de la diffusion du film à Cannes[29],[30]. Cette dernière affirmera plus tard que cette gêne était en partie due au fait qu'il y avait son père dans la salle lors de la projection[31].
La réaction consécutive très violente du réalisateur, dirigée contre Léa Seydoux uniquement qu'il accuse d'être trop gâtée et « née dans le coton », relance la polémique dans les médias[32].
Fatigué des controverses tout au long de la promotion de son film, Abdellatif Kechiche déclare en à Télérama :
« Selon moi, ce film ne devrait pas sortir, il a été trop sali[33],[34]. »
Dans cette interview, Abdellatif Kechiche répond cependant aux différentes accusations le concernant[35] et dans une tribune diffusée en octobre sur Rue89[36]. Abdellatif Kechiche pensait engager Sara Forestier ou Mélanie Thierry pour remplacer Léa Seydoux si elle avait décidé de se retirer du film[35]. Dans sa tribune, le réalisateur accuse par ailleurs plusieurs personnalités du cinéma, parmi lesquelles ses anciens producteurs, Jean-François Lepetit et Marin Karmitz, et Léa Seydoux, d'avoir instrumentalisé une controverse stérile visant à le diffamer et à empêcher le succès du film[36].
Lors de la cérémonie des César du cinéma 2014, bien que nommé huit fois, le film n'obtient que le César du meilleur espoir féminin, décerné à Adèle Exarchopoulos. La presse n'hésite pas à voir dans ces votes une forme de boycott à la suite des polémiques d'après-tournage, tant avec les comédiennes que les techniciens[37],[38],[39].
Après sa diffusion au festival de Cannes, La Vie d'Adèle reçoit un accueil critique majoritairement favorable[41]. Dans Les Inrockuptibles, un journaliste parle d'une « bombe filmique »[42] ; le magazine en ligne Slate juge le film magnifique[43] tandis que Vogue Paris, enthousiaste, le cite comme étant « sans conteste le film de l'année » avec « Adèle Exarchopoulos époustouflante » et « la géniale Léa Seydoux » ; par ailleurs, le magazine remarque « un battage médiatique exceptionnel » lors du Festival de Cannes[26]. Mediapart ne partage pas l'enthousiasme des médias précédents mais voit ce film comme une « bonne surprise »[44]. Plutôt enthousiastes malgré des réserves importantes, les Cahiers du cinéma consacrent leur couverture au film[45], ainsi qu'un dossier de trente pages contenant de longs entretiens ; le film est classé 3e du Top 10 2013 de la rédaction, et premier du classement des lecteurs[46]
Peu de voix discordantes, comme dans la revue Zinzolin où le critique dit ne pas avoir été ému par le film ; il dénonce le manque de nuance d'Abdellatif Kechiche, la vacuité des dialogues et plus précisément des dialogues sur l'art, les poncifs dans les séquences chez les parents respectifs des deux personnages[47]. D'autres critiques négatives, comme dans Le Figaro, reprochent au film sa longueur et la répétitivité des scènes[48], ou Valeurs actuelles le critiquant comme une « histoire d'amour sans relief et filmée avec un plat naturalisme[49]. »
À sa sortie en France le , le film obtient la note de 4,6/5 pour 30 critiques presse sur le site Allociné[40]. Sur l'agrégateur de critiques anglo-saxon Rotten Tomatoes, le film obtient 89 % de critiques positives sur 191 avis, le consensus du site indiquant que le film est « cru, honnête, joué avec force et délicieusement intense » et que c'est « l'un des drames les plus élégamment composés et les plus prenants du cinéma moderne[50],[51] ».
Aux États-Unis, le film, distribué par Sundance Selects sous le titre Blue is the Warmest Color, est classifié « NC-17 » (interdit aux moins de 17 ans) par la Motion Picture Association of America en raison de son « contenu sexuel explicite ». Ce classement, souvent synonyme d'échec commercial en raison d'une interdiction de promotion dans les médias[52], est cependant contrebalancé par les réactions positives des médias américains[53].
En , le magazine américain Complex le classe 4e des meilleurs films de l'année[54].
En , la BBC le place dans les 100 plus grands films du 21e siècle (en 45e position)[55].
↑« La Vie d'Adèle : Chapitres 1 et 2 : visa et classification », sur cnc.fr, CNC : « mention : interdit aux mineurs -12 ans avec avertissement, avertissement : plusieurs scènes de sexe réalistes sont de nature à choquer un jeune public ».
↑Citation originale : « Raw, honest, powerfully acted, and deliciously intense, Blue Is the Warmest Color offers some of modern cinema's most elegantly composed, emotionally absorbing drama. ».