Le réalisateur Jacques Audiard avec les comédiens Antonythasan Jesuthasan et Kalieaswari Srinivasan, lors du festival de Cannes.
Dheepan est un combattant des Tigres tamouls. La guerre civile touche à sa fin au Sri Lanka, la défaite est proche, Dheepan décide de fuir, d'autant plus que sa femme et ses enfants ont été tués. Il emmène avec lui une femme, Yalini, et une adolescente, Illayaal, qu'il ne connaît pas, espérant ainsi obtenir plus facilement l'asile politique en Europe en les faisant passer pour sa famille. Arrivée à Paris, cette « famille » vivote d'un foyer d'accueil à l'autre, jusqu'à ce que Dheepan obtienne un emploi de gardien d'immeuble en banlieue, dans la cité « Le Pré ». Dheepan espère y bâtir une nouvelle vie et construire un véritable foyer pour sa fausse femme et sa fausse fille. Cependant, la violence quotidienne de la cité fait ressurgir les blessures encore ouvertes de la guerre. Yalini, après s'être rapprochée de Dheepan, ne supporte plus l'ambiance de la cité et ressent à nouveau le besoin de rejoindre sa sœur en Angleterre, ce qui crée de la tension entre eux car cela compromet le titre de séjour de Dheepan en France. Illayaal, de son côté, cherche avant tout à s'intégrer parmi les élèves de son école et à apprendre le français, en récitant notamment en classe la poésie Démons et merveilles (Sables mouvants) de Jacques Prévert. Cette orpheline essaie également de trouver sa place dans cette nouvelle famille. Après l'assassinat dans l'appartement où Yalini est employée comme aide à domicile, d'un homme handicapé et d'un important trafiquant de drogue muni d'un bracelet électronique, l'ex-soldat Dheepan va devoir renouer avec ses instincts guerriers pour porter secours à Yalini et protéger ce qu'il espérait voir devenir sa « vraie » famille[1].
Fiche technique
Titre : Dheepan
Titres de travail : Erran[2] ; L'homme qui n'aimait plus la guerre[3]
À l'origine, le nom du film comportait le sous-titre L'homme qui n'aimait plus la guerre, en référence à L'Homme qui aimait la guerre, qui a finalement été retiré avant sa sortie[4],[3].
Jacques Audiard fait un parallèle entre son film et les Lettres persanes dont c'est une libre adaptation à travers l'idée de représenter des étrangers portant un regard sur la France qu'ils découvrent[5],[6]. Le cinéaste avait en fait comme idée initiale de réaliser un remake des Chiens de paille[3]
Contrairement aux précédentes réalisations de Jacques Audiard présentées à Cannes, les réactions critiques sont plus polarisées même si elles sont majoritairement positives.
Pour les avis positifs, Europe 1 salue le film comme beau et justement inteprété[9]. France Info y trouve de grandes qualités mais dénonce une dernière scène problématique[10]. La revue Positif est satisfaite[11]. Film de Culte loue les détails, l'histoire et la mise en scène, parlant d'une potentielle « Palme honnête et actuelle » mais est plus mitigé sur l'héroïsation[12]. Moustique.be apprécie le film, son twist et les références à Montesquieu[13]. Le Monde vante l'économie narrative et l'onirisme[14]. Le Point juge que c'est un film généreux qui va au delà de la chronique sociale[15]. Écran Large salue aussi bien la sociologie du film que son point de bascule dans le polar noir[16]. Les critiques de The Guardian sont enthousiastes, louant la maitrise de style et comparant le cinéaste à Jean-Pierre Melville[17]. Variety loue le regard culturel et l'interprétation[18]. The Hollywood Reporter vante un film lyrique et émouvant[19].
Les Inrocks dénoncent l'idéologie droitière du film et le comparent à New York 1997 et aux « vigilante à la Bronson »[20]. Idem pour Critikat, critiquant la simplification des personnages, l'invraisemblance de la géographie, notamment les no go zones[21] ; la webzine dans un éditorial dénonce l'idéologie du film, qui est politique, malgré les propos d'Audiard[22]. De même que pour Écran Noir qui rejette les messages populistes véhiculés par le film et trouve « insultant » le parallèle qu'établit Audiard entre la guerre des Tamouls et la banlieue française[23]. Jean-Michel Frodon dénonce aussi cette ambivalence et reproche qu'Audiard utilise les problèmes du monde comme prétexte narratif[24]. Le compte twitter des Cahiers du cinéma est hostile : « BFMTV l'a rêvé, Jacques Audiard l'a fait. Fantasme des banlieues comme champ de bataille. » et dans une réaction post-palmarès « une caricature de plus des banlieues au nom du "film de genre" ». Libération critique le film et éreinte « une idéologie du nettoyage au Kärcher et d'un héroïsme viriliste »[25]. Chronic'art est mitigé sur le film, y voyant un long-métrage modeste mais « dont le secret tient du fantasme d'auteurisation des spots de recrutement de l'Armée de terre »[26].
Le film est vivement critiqué par l'urbaniste Christian Lacape, président de l'Association des consultants en aménagement et développement des territoires, qui le qualifie de « film dégueulasse qui utilise les cités HLM comme décor de la soif de violence du réalisateur », estimant que la cité présentée « sans employés des HLM ou de la Ville, sans travailleurs sociaux, sans associations et sans commerces, n'existe pas »[27].
Le cinéaste dans des interviews se défend de toute opinion politique[28], même s'il indique que l'épilogue, qu'il fit « en toute bonne foi », rappelle Taxi Driver[29].
↑Numéro de septembre 2015. La critique du numéro de juillet-août 2015, dans la rétrospective cannoise, est favorable mais avec une réserve sur la crédibilité de l'épilogue.
↑« Je suis (toujours) un soldat », sur Ecran Noir, : « Librement inspiré des Lettres persanes, Montesquieu doit se retourner dans sa tombe. Entre la sociologie à la Emmanuel Todd (version 2015) et le discours caricatural sur l'immigration à la Alain Finkielkraut (version 2014), Dheepan accumule les clichés, les stéréotypes et les poncifs. »