Rue89 est un site d'information français sur des faits divers et de société créé en 2007. Depuis 2011, il appartient au groupe L'Obs et il est publié sur le site du Nouvel Obs.
À sa création, Rue89 est un site généraliste de débat et d'information ; il est créé par d'anciens journalistes du quotidien Libération et lancé le [1]. Initialement financé par de la publicité et les formations qu'il organise dans ses locaux, le site tire ses bénéfices en devenant payant en lecture et par davantage de publicité depuis son rattachement à la ligne éditoriale du Nouvel Obs.
Selon Pascal Riché, le nom « Rue89 » a été choisi car la rue est un lieu où « on aime bien être » (entre autres), et que 89 est un « chiffre plein de valeur [...] c'est la liberté, c'est la chute du mur »[2] (sous-entendu, la chute du Mur de Berlin en 1989). Cette explication se retrouve en des termes semblables sur la FAQ du site[3], qui met aussi en avant la Révolution française et l'invention du Web (en fait, une référence à la date de la proposition de Tim Berners-Lee d'utiliser l'hypertexte au sein du CERN).
Michel Lévy-Provençal, un des fondateurs de Rue89, quitte l'équipe au lendemain du lancement du site (le ) et sort du capital en , créant une polémique à propos de l'évolution du journalisme participatif en dénonçant « l'évolution de la ligne éditoriale » de Rue89, qui se serait transformé d'après lui en « un journal d'opposition constitué presque exclusivement d'articles ou d'éditos émanant de la rédaction ou d'amis de la rédaction, souvent journalistes ». Il qualifie Rue89 de succès marketing, mais d'échec journalistique[4].
Affaires révélées et articles polémiques
Dès le , Rue89 a connu une certaine notoriété en annonçant l'abstention de Cécilia Sarkozy lors du deuxième tour de l'élection présidentielle, et la suppression à la toute dernière minute d'un article sur le sujet dans le Journal du dimanche. Cette affaire a relancé la polémique sur d'éventuelles pressions, censures ou autocensures dont seraient victimes certaines rédactions, le Journal du Dimanche appartenant à Arnaud Lagardère, un proche de Nicolas Sarkozy.
Le , Lola Karimova-Tillyaeva, la fille cadette d'Islom Karimov, président de l'Ouzbékistan, engage une procédure judiciaire pour diffamation, notamment pour l'emploi du mot « dictateur » à son propos par Rue89[6]. Fin , la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris relaxe Rue89[7].
Le , Rue89 annonce sur son site une levée de fonds de 1,1 million d'euros, tout en précisant que ses fondateurs restent actionnaires majoritaires à 51,3 %[8],[9].
Son rédacteur, Pierre Haski, est mis en examen le à la suite d'un article critique sur le groupe Bolloré[10]. Onze ans après, cette action n'a été suivie d'aucune poursuite judiciaire.
Situation financière et actionnariat
Le , Rue89 a annoncé le lancement de Eco89[11]. Eco89 se voulait un site dérivé consacré à l'économie[12].
Le [14], le groupe Nouvel Observateur rachète Rue89 pour 7,5 millions d'euros. Claude Perdriel, fondateur du Nouvel Observateur, avait déjà fait son entrée au mois de juin dans le capital de Rue89, en apportant 200 000 €. En cumulant les visiteurs uniques à ceux de Rue89[15], Le Nouvel Observateur a pu se hisser au second rang des groupes d'information en ligne en France[16] en termes d'audience estimée.
Journal papier
En , la version papier de Rue89 est lancée. Il s'agit d'un magazinemensuel qui reprend les principaux articles mis en ligne sur le site au cours du mois précédent[17].
En , après dix-sept numéros, la version papier de Rue89 est supprimée.
Menaces
En , Rue89 se fait cambrioler pour la troisième fois dans sa courte histoire, perdant une vingtaine d'ordinateurs[18].
En , Laurent Burlet, journaliste pour Rue89 Lyon, est menacé de mort après avoir enquêté sur les mouvements d'extrême droite à Lyon[19].
Historique et organisation
En , le site reçoit un prix aux Online Journalism Awards de la Online News Association, le General Excellence in Online Journalism, Non-English, small/medium.
Néanmoins, au cours de l'année 2012, la fréquentation du site a baissé et est passée sous la barre des 2 millions de visiteurs uniques par mois. Le site est ainsi dépassé par son concurrent le Huffington Post[20].
Le , à la suite d'une demande du groupe du Nouvel Observateur, Rue89 quitte le Spiil, le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne, qu'il avait contribué à fonder[21],[22].
Le , Rue89 procède à une réorganisation interne : Pascal Riché devient directeur de la rédaction, Blandine Grosjean devient rédactrice en chef et Mathieu Deslandes devient rédacteur en chef adjoint[23].
En , Xavier de La Porte devient rédacteur en chef[24]. Il est remplacé en par Mathieu Deslandes[25]. Les effectifs de Rue89 se réduisent progressivement jusqu'en , mois de changement de l'interface graphique du site et du départ de son rédacteur en chef. Il est prévu que Rue89 soit tenu par quatre journalistes à partir du mois de [26].
Conflits entre Rue89 et le Nouvel Obs
Le , la « Société des journalistes de Rue89 » publie un communiqué sur le site : elle dénonce un changement d'adresse (rue89.nouvelobs.com au lieu de rue89.com), ainsi qu'une refonte graphique mettant plus en avant Le Nouvel Observateur. Pour les journalistes de Rue89, ces choix « détruisent l'identité de Rue89 », et « [constituent] une étape supplémentaire dans la normalisation et l’intégration forcée de Rue89 à L’Obs ». Le communiqué révèle également certaines décisions prises depuis l'appartenance de Rue89 au groupe du Nouvel Obs : « la fin de Rue89 Sport », « le départ non remplacé de deux journalistes rédacteurs », ou encore « le gel des embauches pour au moins deux ans »[27],[28],[29]. Dans un article du , Télérama indique que la rédaction de Rue89 déménagera vers « Place de la Bourse, dans les locaux de l'Obs », qualifiant ce déménagement d'une « concession de plus ». Des salariés de Rue89 estiment que le « pure-player » vit « la plus grave crise » de son histoire[30].
Le , à la suite d'informations parues dans la presse selon lesquelles Claude Perdriel, propriétaire du groupe Nouvel Observateur, mettrait en vente ses journaux, onze des quinze salariés de l'entreprise se mettent en grève pour une durée de 24 heures. C'est la première grève de l'histoire du journal, qui rencontre un certain retentissement dans la presse, mais surtout auprès des blogueurs et des lecteurs. Une page Facebook ainsi qu'un Tumblr « Reve89 » sont créés ; une pétition est mise en ligne par des lecteurs du site d'information[31],[32],[33],[34]. La grève est renouvelée d'une journée le mardi [35],[36]. Le même jour, la société des rédacteurs du Monde.fr se dit « solidaire de la rédaction de Rue89 face aux changements d’URL et à la refonte graphique imposés par sa maison-mère »[37].
Dans un texte publié sur Rue89 le , Claude Perdriel, le propriétaire du groupe Nouvel Observateur, estime que « l’indépendance éditoriale de Rue89 n’est pas menacée » et que « la réaction des journalistes de Rue89 est pour [lui] incompréhensible »[38].
Le lendemain, les salariés annoncent mettre fin à la grève, les dirigeants ayant fait quelques concessions[39].
Le , dans un article publié en une, Pierre Haski annonce que Rue89 sera désormais « le site de la révolution numérique dans nos vies ». Il précise que « Rue89 a donc décidé, en complémentarité avec les autres sites du groupe Nouvel Obs [...] d’accentuer sa couverture de cette mutation ». Il annonce également le départ du directeur de la rédaction Pascal Riché[40].
Le suivant, la « Société des journalistes de Rue89 » publie un communiqué dans lequel elle explique que « Le Nouvel Observateur puis la direction de Rue89 ont annoncé [...] le changement de la ligne éditoriale du site ». Elle poursuit en indiquant que ces décisions confirment le rattachement « éditorial et physique » de Rue89 au Nouvel Observateur, « redouté » l’année précédente. La conclusion invite au « soutien vigilant » des lecteurs[41]. Le Figaro note toutefois que si Rue89 a été un média pionnier du web, ses multiples rachats et difficultés financières témoignent d'un déclin, illustré par sa position de site web indépendant traitant de manière nouvelle l'information à désormais un simple onglet du site Internet de L'Obs[42].
Historique de l'adresse du siège
En , le journal déménage sur son site du 80 rue des Haies au sein de la pépinière Paris Innovation. De 2010 à 2014, son siège se situe au 24 rue de l'Est, où il a déménagé le , date coïncidant avec son second cambriolage[43].
Rue89 a lancé Rue89 Marseille en et la ville a accueilli une rédaction locale jusqu'en 2009[44],[45]. L'ambition était de calquer le modèle participatif de Rue89 à l'échelle d'une grande agglomération française. Rue89 a également été partenaire des sites d'actualités locales Carré d'info à Toulouse et Grand Rouen, fermés en 2014[46].
En , Rue89 Lyon est lancé à l’initiative de journalistes locaux sous un autre type de partenariat[45] : ceux-ci ont eu le droit de fonder un journal en « exploitant le nom de Rue89 sans autre contrepartie que le respect de sa ligne éditoriale, "l’info à trois voix" (journalistes, experts, internautes) »[47]. Sur le même modèle, suivront Rue89 Strasbourg en [48] et Rue89 Bordeaux en [49]. Ainsi, ces trois « antennes locales » sont toutes indépendantes financièrement et éditorialement, aussi bien les unes des autres que vis-à-vis de Rue89 national[50]. La collaboration entre ces antennes locales et Rue89 national a pris fin en 2015, date à laquelle l’Obs a supprimé le site Rue89 pour le transformer en rubrique[51].
Les trois antennes locales ont adopté le modèle de brèves financées par la publicité et accessibles gratuitement et à côté desquelles une sélection d'articles n'est accessibles que par abonnement. Rue89 Lyon et Bordeaux sont partenaires de Disclose depuis 2018[52]. De son côté, Rue89 Strasbourg fait entrer la société éditrice de Mediapart à son capital en tant qu’actionnaire minoritaire ; le partenariat ainsi tissé permettant la reprise d'articles entre les deux journaux[53].
En raison de leur histoire commune, les trois antennes locales entretiennent des liens journalistiques entre elles et proposent régulièrement des dossiers écrits en commun, par exemple sur la place de la voiture en ville à Bordeaux, Lyon et Strasbourg[54] ou encore sur l'action comparée des nouvelles mairies écologistes[55] (les 3 villes ayant connu une alternance au profit de maires issus d'Europe Écologie Les Verts lors des élections municipales de 2020).
↑Interview de Pascal Riché par Olivia Gesbert lors de l'émission Cha cha tchatche sur France Inter le vendredi 24 août 2007 : « …la rue […] est un lieu où on aime bien être, où on descend de chez soi, on se croise, on discute, on s'engueule parfois ; et 89 c'est un chiffre plein de valeur, c'est la liberté, c'est la chute du mur, c'est un beau chiffre. »
↑Gérald Bouchon, « Un journaliste de Rue89Lyon menacé par les nationalistes après la publication d'un article », Lyon Première, (lire en ligne, consulté le )
↑Xavier Ternisien, « Crise d'identité chez Rue89, pionnier des "pure players" », Le Monde, (lire en ligne)
↑Pierre Haski, « Rue89 annonce son départ du Spiil », Rue89, (lire en ligne)