H-IIA est un lanceurjaponais de puissance moyenne (de 10 à 15tonnes en orbite terrestre basse) développé à la fin des années 1990. Cette version dérivée du lanceur H-II est conçue par l'agence spatiale japonaise de l'époque, la NASDA, avec l'objectif de réduire les coûts de fabrication et permettre ainsi de trouver des débouchés sur le marché des satellites commerciaux. Malgré un parcours pratiquement sans faute, (un échec sur 45 tirs entre 2001 et 2021), le lanceur fabriqué par la société Mitsubishi, trop coûteux, n'a pas réussi à faire la percée attendue. Il est utilisé pour lancer la majorité des satellites institutionnels japonais : satellites militaires, sondes spatiales, satellites d'observation de la Terre. Les lancements sont effectués depuis la base de lancement de Tanegashima.
Historique
La crise du programme spatial japonais des années 1990
À la fin des années 1990, le programme spatial japonais traverse une grave crise : l'agence spatiale japonaise perd coup sur coup plusieurs engins spatiaux à la suite de défaillances techniques : Kiku-5 (1994), la mini navette spatialeHYFLEX (1996), le gros satellite d'observation de la Terre ADEOS-I (1996), COMETS(ja) (1998). Le Japon est à la même époque traversé par une grave crise économique qui entraîne une réduction du budget accordé à l'activité spatiale (diminution de 17 % en 1997)[1]. Le lanceur principal japonais H-II, dont le premier vol remonte à 1994, est une brillante réussite technique mais constitue un gouffre financier. Chaque lancement du H-II revient à 188 millions d'euros soit le double des lanceurs Ariane ou Atlas. Le Japon a tenté à plusieurs reprises de pénétrer le marché commercial mais n'a jamais réussi à placer son lanceur trop coûteux. La situation est sur le point de s’aggraver avec l'apparition d'un nouveau concurrent, le lanceur russe Proton. L'agence spatiale japonaise décide en conséquence de refondre son lanceur en se donnant comme objectif d'abaisser suffisamment les coûts de production pour lui permettre d'être concurrentiel sur le marché des lancements commerciaux[2].
Développement du lanceur H-IIA
Le lanceur H-IIA est dérivé du lanceur H-II réalisé par l'industriel Mitsubishi pour l'agence spatiale japonaise NASDA. Il est développé à la fin des années 1990 pour fiabiliser et abaisser le coût de ce dernier lanceur et accéder ainsi au marché des lancements commerciaux. Pour y parvenir, la NASDA choisit de simplifier son lanceur et de recourir de manière plus importante à des composants réalisés aux États-Unis. L'abaissement des coûts doit également provenir d'une fréquence de lancements plus importante en la faisant passer de 3 à 6-8 tirs par an. Un contrat de 10 lancements est signé avec le constructeur de satellites de télécommunicationsHughes pour un coût total de 1 milliard de dollars américains soit la moitié du prix des H-II. Mais le contrat est rompu en mai 2000 sans doute à la suite du retard pris par les développements. L'Agence spatiale européenne envisage également de faire lancer son satellite de télécommunications Artemis mais, après 18 mois d'hésitation, opte pour le lanceur Ariane 5[3].
Le premier lancement du H-IIA a lieu en . Le nouveau lanceur ne parvient pas à gagner des parts de marché face à une concurrence bien installée (Ariane et lanceurs russes). À deux exceptions près, le lanceur est utilisé pour placer en orbite les satellites institutionnels japonais (satellites d'observation, sondes spatiales, satellites militaires). La cadence de tir limité à un ou deux tirs par an ne permet pas d'abaisser les coûts et le prix du lancement se maintient à 100 millions de dollars américains à la fin des années 2000. Deux versions lourdes (212 et 222) sont envisagées à l'origine : elles utilisent comme propulseur d'appoint le premier étage équipé de 2 moteurs baptisé LRB. la version 222 comportant deux LRB permet de placer 17 tonnes en orbite basse contre 10 tonnes pour la version 202 de base. Mais le développement de ces versions lourdes n'est jamais lancé[3]. Depuis 2003, un accord de coopération avec les opérateurs de lanceur Arianespace et ULA qui permet de basculer les tirs d'un lanceur à l'autre en cas de défaillance prolongée d'un des lanceurs. Depuis le , le développement du lanceur et la gestion des opérations de lancement est entièrement pris en charge par son constructeur Mitsubishi[4].
Caractéristiques techniques
Le lanceur comprend deux étages propulsés par des moteurs-fusées à ergols liquides brulant un mélange d'Oxygène et hydrogène liquides et un nombre variable de propulseurs à ergols solides[3] :
Le premier étage L-100 est propulsé par un unique moteur-fusée LE-7A très performant (combustion étagée) consommant un mélange d'Oxygène et hydrogène liquides et d'une poussée de 110 tonnes dans le vide. L'étage d'un diamètre de 4 mètres et une longueur de 37,2 mètres a une masse de 113,6 tonnes.
Compte tenu de la faible poussée au décollage de cet étage, le lanceur est proposé dans toutes ses versions avec des propulseurs d'appoint. Il en existe deux types utilisant tous deux du propergol solide : le SRB, a une poussée de 225 tonnes dans le vide pour une masse de 76,4 tonnes et fonctionne durant 101 secondes. Le SSB, qui est un propulseur d'appoint américain Castor 4A-XL, a une poussée de 63 tonnes dans le vide pour une masse de 15,2 tonnes et fonctionne durant 60 secondes.
Le deuxième étage L-17 utile un moteur-fusée LE-5B brûlant un mélange d'oxygène et d'hydrogène liquide et d'une poussée de 13,7 tonnes dans le vide. L'étage d'un diamètre de 4 mètres et une longueur de 9,2 mètres a une masse de 19,6 tonnes. Il existe deux types de coiffe toutes deux d'un diamètre de 4 mètres longues respectivement de 12 et 15mètres.
Configurations
Le lanceur existe en quatre variantes différentes obtenues en combinant SRB et SSB. Leur charge utile pour l'orbite de transfert géostationnaire va de 4,1 tonnes pour la version de base la plus utilisée (202) à 6 tonnes pour la version la moins utilisée (204). Les deux versions intermédiaires utilisant les SSB (2022 et 2024) ne sont plus produites. Par ailleurs, les deux versions lourdes envisagées (212 et 222) n'ont jamais été développées.
Les tirs du lanceur H-IIA sont effectués comme dans le cas du lanceur précédent depuis la base de lancement de Tanegashima située sur la petite île de Tanega-shima au sud du Japon.
En , l'agence spatiale japonaise, la JAXA, décide de développer à la place des versions lourdes envisagées du H-IIA (212 et 222), le lanceur H-IIB. Ce nouveau lanceur se distingue par un diamètre plus important (5,20 au lieu de 4 m) et son premier étage qui utilise 2 LE-7A au lieu d'un moteur unique. Le lanceur est systématiquement flanqué de 4 propulseurs d'appoint SRB. La charge utile en orbite basse passe de 15 tonnes à 19 tonnes. Ce lanceur est uniquement utilisé pour lancer le cargo spatialHTV servant au ravitaillement de la Station spatiale internationale.
En 2014, la JAXA décide de développer un remplaçant au lanceur H-IIA avec un double objectif : le H3 doit être beaucoup moins coûteux et suffisamment sûr pour permettre l'envoi d'hommes dans l'espace. L'architecture du futur lanceur H3 repose sur le développement d'un nouveau moteur-fusée à ergols liquides baptisé LE-9, de conception plus simple que le LE-7, et la réutilisation du deuxième étage du lanceur léger japonais Epsilon en tant que propulseur d'appoint. Le nouveau lanceur sera capable de placer 6,5 tonnes en orbite de transfert géostationnaire dans sa configuration la plus puissante.
Le H-IIA a été lancé pour la première fois le et a été utilisé à 45 reprises (chiffres ). La cadence de tir moyenne est légèrement inférieure à 2 par an. Le sixième lancement, qui a eu lieu le , reste le seul échec en date de 2015. Il entraîna la destruction de deux satellites de reconnaissance. Les tirs ont repris après une interruption d'un peu moins d'un an et demi avec le lancement le de MTSAT-1R. Le premier tir au-delà de l'orbite terrestre a eu lieu le avec le lancement de la sonde spatiale lunaire SELENE. H-IIA est utilisé de manière quasi exclusive pour lancer des satellites institutionnels japonais : satellites militaires (6 tirs), sondes spatiales (2 tirs), satellites d'observation de la Terre (6 tirs), satellites technologiques (4 tirs dont les deux premiers vols destinés à la validation du lanceur).
Le tir du est le premier lancement effectué pour une compagnie étrangère, Télésat Canada[7]. La mise en orbite du satellite canadien, construit par Airbus Defence and Space, est réalisée avec succès[7]. À cette occasion, le lanceur japonais se distingue de ses concurrents en injectant sa charge à une altitude plus élevée qu'habituellement[8]. Procéder de cette manière permet au satellite de moins utiliser sa propulsion pour atteindre l'orbite géostationnaire et de conserver ainsi des réserves d'ergol, augmentant sa durée de vie.
La mission lunaire japonaise avec la H-IIA connaît un lancement avec succès le 7 septembre 2023, décollant depuis Tanegashima après trois reports successifs[9]. La mission embarque un petit module lunaire, SLIM« Moon Sniper », et un satellite astronomique, XRISM, développé conjointement avec la NASA et l'ESA.
(en) Brian Harvey, Henk H F Smid et Theo Pirard, Emerging space powers : The new space programs of Asia, the Middle East ans South America, Springer Praxis, (ISBN978-1-4419-0873-5)