Cette attaque se produit alors que la France est confrontée à de nombreux attentats depuis 2011, avec un pic en 2015-2016. Ces attentats sont, pour la plupart, commis et/ou revendiqués par le groupe djihadiste État islamique. Mais l'année 2019 connaît une montée du terrorisme d'extrême droite dans le monde[1],[2]. Les attentats de Christchurch, pour lesquels le suspect se réclame de l'extrême droite et qui font 52 morts, étaient dirigés contre deux mosquées.
En outre, la France est régulièrement confrontée au complotisme. Dans le cas présent, celui-ci concerne l'Incendie de Notre-Dame de Paris, dont les causes exactes n'ont pas pu être déterminées, mais dont toutes les pistes sérieuses (court-circuit électrique, cigarettes mal éteintes) sont accidentelles[3]. Plusieurs théories du complot existent autour de cet événement, accusant les Gilets jaunes ou le gouvernement d'avoir provoqué l'incendie[4],[5] ; mais il existe aussi plusieurs théories qui accusent des islamistes d'avoir mis le feu à la cathédrale qui sont reprises entre autres par des personnalités politiques d'extrême droite comme Jean Messiha ou Nicolas Dupont-Aignan[3],[4].
La mosquée de Bayonne a été volontairement dégradée deux fois par le passé, en 2015 et en 2017[6],[7].
Préparatifs et déroulement
L'assaillant fait au moins 5 repérages sur les lieux entre le 7 et le 21 octobre d'après le bornage de son téléphone portable[8].
Le , vers 15 h 20[9], la mosquée est attaquée : un homme met en fuite un témoin éventuel en le menaçant d'un pistolet puis tente d'incendier la porte de la mosquée en y déversant de l'essence à laquelle il met le feu. Il quitte les lieux en voiture puis y revient à pied. Il tire alors sur deux hommes dont l'un essaye de fuir dans une voiture que l'assaillant tente d'incendier. Puis il retourne chez lui où il est arrêté vingt minutes plus tard. Les policiers saisissent dans sa voiture une bonbonne de gaz et un chargeur de pistolet automatique et, chez lui, des armes pour lesquelles il possédait une licence de tir sportif[10].
Victimes
L'attaque fait 2 blessés : Maati Baggar, 76 ans, touché par trois balles sur le côté et le bras droit, et Amar Kariouch, blessé au cou. Après des soins intensifs, ils sont hospitalisés durant 6 mois et doivent poursuivre des heures de rééducation[8].
Enquête
Le 29 octobre, le procureur national antiterroriste attend les éléments afin de préciser s’il se saisit ou non de cette affaire[11]. Le 30 octobre, le suspect est mis en examen pour, entre autres, tentatives d’assassinat aggravées et écroué alors que l'avocat des victimes demande la saisine du parquet antiterroriste et dénonce une « ineptie judiciaire »[12].
Attaque ou attentat terroriste
La presse s'interroge pour savoir si on doit parler d'attaque ou d'attentat[13],[14],[15]. Le président de la République, Libération, Le Parisien et Le Monde ont évoqué une « attaque »[15] quand Marine Le Pen, Mediapart, L'Humanité et Valeurs actuelles ont utilisé le terme « attentat »[15]. L'Express explique que la presse française ne parle traditionnellement d'attentat que lorsque les autorités utilisent ce terme ou que le Parquet national antiterroriste (PNAT) est saisi, ce qui n'est pas le cas ici[15]. « L'attentat revêt une dimension politique ou idéologique, qui peut difficilement être retenue quand il s'agit de l'acte d'un déséquilibré », explique à L'Express l'avocat pénaliste Stéphane Babonneau.
De plus, le Parquet national antiterroriste ne se saisit pas du dossier parce que l'altération au moins partielle du discernement du suspect est retenue, ce qui fait que la motivation idéologique ne peut pas clairement être retenue[15].
Selon Mediapart, l'expertise ayant conclu à l'altération du discernement de l'assaillant se base sur le mobile de son acte, « venger la destruction de Notre-Dame de Paris » qu'il estime causée par des « membres de la communauté musulmane ». Mediapart remarque que bien que la théorie de l'assaillant sur l'incendie de Notre-Dame de Paris ne soit pas fondée, elle avait cependant été partagée auparavant au sein de l'extrême droite[8].
Claude Sinké est né en 1935 au Maroc, où il a passé sa jeunesse. Il vit ensuite à Saint-Martin-de-Seignanx. Dans les années 1965 à 1980, il est conducteur de train à la SNCF, dont il est retraité, et aurait suivi une formation militaire[16]. Il se dit sculpteur et écrivain[17]. Il est auteur d'un livre publié à compte d'auteur, La France à cœur ouvert ou Regards sur la misère humaine[10].
Il est « défavorablement connu » par les habitants de son village pour ses propos extrémistes. Certains d'entre eux indiquent : « On avait même dû lui arracher le micro lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes du Bataclan, pour éviter qu’il ne parle et ressasse ses idées extrémistes[20]. »« Il tenait des propos odieux sur les étrangers. Il se vantait même d'avoir commis des horreurs avec des enfants lorsqu'il était en Afrique du Nord. [...] C'est un raciste qui n'avait aucune honte de le revendiquer[21]. » Quelques jours avant l'attaque, il avait adressé un courrier rageur à l'ordre des avocats de Bayonne : « Ce monsieur voulait porter plainte contre le président Macron, c'était assez confus, il y avait plein de motifs », dont « non application des droits de l'homme » ou « non assistance à peuple en danger »[22]. Il est décrit comme un homme « violent et colérique ». Il avait déjà fait parler de lui en tenant des propos homophobes, xénophobes[23] et islamophobes[9].
Lors de son interrogatoire, Claude Sinké explique avoir voulu « venger la destruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris » en affirmant que l'incendie de cet édifice a été déclenché par des membres de la communauté musulmane. L'ensemble de son audition interroge sur son état de santé psychique[24]. L’expertise psychiatrique du suspect « conclut à une altération partielle de son discernement et/ou du contrôle de ses actes »[10].
Le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, se rend devant la mosquée, et y déclare que « Bayonne est une ville de tolérance », qu'il est « sous le choc », et qu'il estime qu'il s'agit « d'un attentat »[26].
Le président de la République Emmanuel Macron déclare : « Je condamne avec fermeté l’attaque odieuse perpétrée devant la mosquée de Bayonne. J'adresse mes pensées aux victimes. La République ne tolérera jamais la haine. Tout sera mis en œuvre pour punir les auteurs et protéger nos compatriotes de confession musulmane. Je m’y engage. ». Le ministre de l'intérieur Christophe Castaner et la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye apportent leur « soutien à la communauté musulmane » sur Twitter[26].
Des élus, comme Samia Ghali[27] ou Aurélien Taché[28] demandent, compte tenu de l’attaque, que la droite renonce à proposer au Sénat, son projet de loi, porté par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio sur l'interdiction du port du voile des accompagnatrices pendant les sorties scolaires, prévu le 29 octobre. Finalement, ce projet de loi est bien débattu et le Sénat l'approuve à 163 voix contre 134[27].
Le lendemain de l'attaque, des responsables du Rassemblement national se désolidarisent de Claude Sinké. Leur argumentation est cependant non homogène[9],[29]. Marine Le Pen qualifie l'attaque d'attentat[26].
Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, twitte : « À Bayonne, le harcèlement contre les musulmans a produit son effet. Un fou a tiré devant une mosquée. Maintenant ça suffit ! La responsabilité de chacun est engagée. Les paroles publiques doivent cesser d'encourager la haine ! »[26]
Abdallah Zekri, président de l'Observatoire national contre l'islamophobie et délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), réagit auprès de l'Agence France-Presse : « Avec le climat actuel de stigmatisation de l'islam et des musulmans, il ne faut pas s'étonner que de tels actes puissent arriver »[26].
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon, « demande au président de la République de prendre la communauté musulmane sous sa protection »[30] et décrit « de l'émotion, de l'inquiétude et de la colère [de la part de la communauté musulmane] contre tous ceux qui, depuis quelque temps, ont jeté de l'huile sur le feu »[30] et particulièrement contre Éric Zemmour[30], et qualifie l'acte d'attentat[30].
Sur les réseaux sociaux, un certain nombre de commentaires saluent l'attentat. D'après le journal Libération, « un examen des profils visibles sur les captures d’écran permet de déduire qu’il s’agit de véritables comptes actifs. La quasi-totalité de la trentaine de comptes étudiés partage des contenus ouvertement islamophobes, racistes et sexistes. La plupart «aiment» la page de Robert Ménard, le contraignant à supprimer sa publication afin de stopper la propagation de messages haineux. Un autre se revendique même ouvertement fasciste[31]. »
Dans le journal Libération un tweet informe que « plus de cinquante personnalités appellent à manifester le 10 novembre à Paris contre la stigmatisation des musulmans de France »[32].