André Siegfried passe les dix premières années de sa vie au Havre[3]. Il suit des études secondaires au lycée Condorcet[3], qu'il évoque dans son autobiographie, Mes souvenirs d'enfance (1957)[4].
D’abord tenté par la politique, à l’instar de son père Jules Siegfried qui fut maire du Havre, député de la Seine-Inférieure et ministre du Commerce, il y renonça après plusieurs échecs, dont quatre aux élections législatives (1902, 1903, 1906 et 1910)[7].
Libre-penseur et protestant au moment où la loi Combes interdit tout enseignement aux membres d’une congrégation (1904) et où la loi de la séparation des Églises et de l'État (1905) est votée, il rédige un essai sur la société canadienne dans laquelle il dénonce les écoles confessionnelles ainsi que l’influence religieuse ambiante. D’abord critiqué par le théologien Dominique-Ceslas Gonthier, son ouvrage est encore aujourd'hui perçu de manières diverses, certains le jugeant trop critique tandis que d'autres en font un reflet fidèle du passé religieux du Canada.
Engagé en politique aux côtés des radicaux indépendants et des républicains de gauche, André Siegfried se présente en 1902 dans les Basses-Alpes, dans la circonscription de Castellane, dont le député sortant est le progressisteantidreyfusardBoni de Castellane. Battu par ce dernier, il l'accuse de diffamation et obtient l'annulation de l'élection le suivant[8]. Cependant, à l'élection partielle du , Siegfried est à nouveau battu, avec plus de 500 voix d'écart.
Lors des élections législatives de 1906, il se présente dans la 2e circonscription du Havre contre le député sortant progressiste Louis Brindeau, qui le bat dès le premier tour avec 9 194 voix contre 7 696[9].
En , il brigue un poste de conseiller général dans le 4e canton du Havre. Arrivé en seconde position au premier tour derrière le maire radical-socialiste de Graville-Sainte-Honorine, le docteur Valentino[10], il est battu au second tour.
Le , il tente une dernière fois sa chance dans la 2e circonscription du Havre. Arrivé en deuxième position (avec 5 715 voix), devant Valentino (4 255 voix) mais loin derrière Brindeau (8 758 voix)[11], il est battu au second tour, avec 7 687 voix (contre 10 210 à Brindeau)[12].
Il est à la fois géographe, sociologue, historien, économiste et écrivain. Il enseigne à partir de 1911 à l'École libre des sciences politiques.
Très attaché à sa ville natale[13], il sera le premier président d'honneur de l'Institut havrais de sociologie économique et de psychologie des peuples, fondé en 1937.
Grand officier de la Légion d'honneur, André Siegfried est élu à l’Académie française deux mois après la Libération de Paris, le , en même temps que Louis de Broglie et Louis Pasteur Vallery-Radot, avec 13 voix au fauteuil de Gabriel Hanotaux. Il s'agit de la première élection depuis l'invasion allemande. L'Académie, dont une douzaine de membres décédés n'ont pas été remplacés depuis quatre ans, et dont plusieurs autres membres vivent en exil ou sont emprisonnés, ne peut réunir ce jour-là que dix-sept votants, soit moins que le quorum exigé. Ces trois élections sont malgré tout considérées comme valables et les trois nouveaux académiciens pourront même prendre part aux élections suivantes avant d'avoir été reçus en séance solennelle. André Siegfried est reçu le par le duc de La Force.
Il enseigne à l'École libre des sciences politiques à partir de 1909[4] ou 1910[3], recruté par Anatole Leroy-Beaulieu pour donner le cours de géographie économique[3]. Il y enseigne jusqu'à la transformation de l'école en Institut d'études politiques de Paris en 1945, puis de ce moment jusqu'à 1955[14]. Dans les années 1930, il donne notamment un cours sur les États-Unis, et un autre sur les politiques commerciales. Il refuse de devenir directeur de l'école[3], et c'est Roger Seydoux qui est choisi[4]. Élu professeur au Collège de France en 1933, il conserve ce poste jusqu'en 1945[3].
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il aide à la création d'une antenne de l'école à Lyon, afin que puissent continuer à y faire leurs études les étudiants qui vivent en zone libre ou qui ne pourraient vivre en zone occupée[3]. Il est nommé président du conseil d'administration de l'école à la fin de l'Occupation[3]. Il fait partie d'un groupe de travail mis en place par le directeur, Roger Seydoux, également composé de Pierre Renouvin et de Jean-Jacques Chevallier, qui est chargé de proposer une réforme des études et des programmes pour l'après-guerre[3].
Il reprend dans ses cours à l'Institut d'études politiques de Paris ses analyses raciales développées dans les années 1920 : « Il y a des races qui s'assimilent vite, d'autres plus lentement, d'autres enfin, pas du tout », en France, « les Chinois demeurent toujours des étrangers », « la race noire reste inférieure », « le Juif est un résidu non fusible dans le creuset »[15].
En 1954, il fonde l’Institut des sciences et techniques humaines (Quai de Javel), classe préparatoire aux grandes écoles.
Son épouse, née Paule Laroche, est décédée en 1964.
Dans cet ouvrage, il explique notamment les préférences électorales par la nature des sols. Les sols granitiques favoriseraient les partis conservateurs et les sols calcaires les partis progressistes. André Siegfried explique cette corrélation ainsi : l'accès plus facile à l'eau sur les sols granitiques tend à concentrer les terres entre les mains de grands propriétaires et donc à disperser les populations, qui ne se fréquentent donc le plus souvent qu'à l'église.
De ce fait, les populations des sols granitiques étaient sous l'influence, très puissante pendant la Troisième république, des propriétaires terriens et des prêtres qui favorisaient les partis conservateurs. Du côté des sols calcaires, les points d'eau étaient moins nombreux, les populations plus pauvres et plus concentrées avaient plus l'occasion de se fréquenter ailleurs qu'à l'église (marché, taverne, etc.). Ainsi, ces populations se tournaient majoritairement vers les partis progressistes de l'époque.
Croisade. Conférences contradictoires, avec Alfred Wautier d’Aygalliers, Charles Riandey, Union de libres-penseurs et de libres croyants pour la culture morale, Paris, Fischbacher, 1931
De la IIIe à la IVe République, Paris, B. Grasset 1956
De la IVe à la Ve République au jour le jour, Paris, B. Grasset, 1958
Deux Mois en Amérique du Nord à la veille de la guerre (juin-), Paris, A. Colin, 1916. [3]
Discours de réception à l’Académie française. , Éd. Maurice Garçon, Paris, A. Fayard, 1947
Discours prononcés dans la séance publique tenue par L’Académie française pour la réception de M. Daniel-Rops, le jeudi , Paris, Typographie de Firmin-Didot, 1956
Édouard Le Roy et son fauteuil, avec Henri Daniel-Rops, Paris, A. Fayard 1956
Edward Gibbon Wakefield et sa doctrine de la colonisation systématique, Paris, Armand Colin, 1904
En Amérique du Sud : Articles parus dans le Petit Havre de juillet à , Le Havre, Le Petit Havre, 1932
Enquête politique, économique & sociale sur la Nouvelle-Zélande, Paris, Bureaux de la Revue politique et parlementaire, 1900
États-Unis, Canada, Mexique : lettres de voyage écrites au Petit Havre, Le Havre, Le Journal, 1936
Fourrure et pelletiers à travers les âges, avec Jean H. Prat, Paris, Éd. du Tigre 1960
France, Angleterre, États-Unis, Canada, Paris, Emile-Paul 1946
Géographie économique. Cours de Université de Paris, Institut d’études politiques, année 1953-1954, Paris, Centre de documentation universitaire, 1954
Géographie électorale de l’Ardèche sous la 3e République, Paris, Colin, 1949
Géographie humoristique de Paris, Paris, La Passerelle, 1951
Géographie poétique des cinq continents, Paris, La Passerelle, 1952
Histoire politique de la IIIeRépublique. Tome premier, L’avant guerre (1906-1914), avec Georges Bonnefous, Paris, Presses universitaires de France, 1956, 1994
Impressions de voyage en Amérique : 1914, Le Havre, Randolet, 1915
Impressions du Brésil. Articles parus dans le Petit Havre du 5 au , Le Havre, Impr. du journal le Petit Havre, 1937
Itinéraires de contagions. Épidémies et idéologies, Paris, Armand Colin, 1960. [4]
La Civilisation occidentale, Oxford, Clarendon Press, 1945
La Crise britannique au XXe siècle, Paris, A. Colin, 1931
La Crise de l’Europe, Paris, Calmann-Lévy, 1935
La Démocratie en Nouvelle-Zélande, Paris, A. Colin, 1904
La Dignité humaine, avec Russel W. Davenport, Paris, Nouvelles éditions latines, 1958
La Fontaine, Machiavel français, Paris, Ventadour, 1955
La Langue française et les conditions de la vie moderne, avec Josef Felixberger, Munich, Hueber 1968
La Mer et l’empire. Série de vingt-deux conférences faites à l’Institut maritime et colonial, Paris, J. Renard 1944
La Suisse, démocratie-témoin, avec Pierre Béguin, Neuchâtel, La Baconnière, 1969
La Technique et la culture dans une civilisation moderne, Paris, F.N. Syndicats d’ingénieurs et des cadres supérieurs, 1953
La Zone sterling, avec Jean de Sailly, Paris, A. Colin, 1957
L’Alsace. Photographies originales, avec Michel Nicolas, Paris, del Duca 1953
L’Amérique ibérique, avec Jacques de Lauwe, Paris, Gallimard, 1937
L’Angleterre d’aujourd’hui : son évolution économique et politique, Paris, Grès, 1924.[6]
L’Angleterre moderne. Le problème social, l’expérience travailliste, avec André Philip, Paris, Ed. G. Crès et Cie, 1925
L’Année politique, 1946 : revue chronologiques des principaux faits politiques économiques et sociaux de la France du au , Paris : Éditions du Grand Siècle, 1947
L’Artisanat rural, ses problèmes actuels, avec Lucien Gelly, Paris, Institut d’études corporatives et sociales, 1944
Le Canada, les deux races ; problèmes politiques contemporains, Paris, A. Colin, 1906. [7]
Le Canada, puissance internationale, Paris, A. Colin, 1937
Le Capital américain et la conscience du roi. Le Néo-capitalisme aux États-Unis, avec A. A. Berle, et Hélène Flamant, Paris, A. Colin, 1957
Le Centenaire des services des Messageries Maritimes, (1851-1951), Éd. Jérôme et Jean Tharaud, Paris, Ettighoffer et Raynaud, 1952
Le Développement économique de l’Amérique latine, Paris, SPID, 1947
Le Grand changement de l’Amérique (1900-1950), avec Frederick Lewis Allen et Roger Blondel, Paris, Amiot-Dumont, 1953
Le Rôle moral et social d’Israël dans les démocraties contemporaines, Paris, Cahiers d’études juives, 1932
Le XXe siècle, âge de vitesse, Roma, Centro per lo sviluppo dei trasporti aerei, 1954
L’Économie dirigée, avec Chassain de Marcilly et al. Paris, F. Alcan, 1934
Les États-Unis d’aujourd’hui : avec 8 cartes et figures, Paris, Librairie Armand Colin, 1927
Les États-Unis et la civilisation américaine, Paris, Centre de documentation universitaire, 1947
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