L'équipe d'Allemagne de l'Est de football participe pour la première et unique fois à une phase finale de la Coupe du monde de football, celle de 1974, en Allemagne de l'Ouest. Cette coupe du monde restera le fait d'armes de la sélection est-allemande, atteignant le second tour (quart de finaliste).
Après avoir échoué dans les qualifications pour la Coupe du monde 1970 et dans celles pour l'Euro 1972, la RDA rentre dans les éliminatoires de la Coupe du monde 1974, pour essayer de se qualifier pour le Mondial 1974.
Tombée dans le groupe 4, la RDA n'a pour seul véritable adversaire pour la qualification que la Roumanie qui part cependant favorite du fait de sa participation à la Coupe du monde de football de 1970. La Finlande et l'Albanie ont quant à elles des ambitions très limitées, terminant toujours à la dernière place depuis plusieurs éliminatoires. Ainsi, c'est le duel RDA-Roumanie qui va rythmer la compétition dans ce groupe.
La RDA crée la surprise et se qualifie pour la première fois de son histoire pour la phase finale de la Coupe du monde, en terminant en tête devant la Roumanie, la Finlande et l'Albanie[1].
Joueurs sélectionnés pour ces éliminatoires
Le sélectionneur est-allemand Georg Buschner a sélectionné vingt-trois joueurs pour les six matchs des éliminatoires. Seuls le capitaine et défenseur Bernd Bransch et l'attaquant Joachim Streich ont joué les six matchs comme titulaires, sans rater la moindre minute.
En vue du mondial en Allemagne de l'Ouest, la RDA affronta cinq équipes européennes (deux de l'Est et trois de l'Ouest) et deux africaines. La préparation commença en décembre1973 et se termina en mai1974, soit quinze jours avant le début du tournoi. Le mois de février 1974 consista en un stage en Afrique du Nord (Tunisie et Algérie).
Liste des confrontations en vue du Mondial 1974[2]
Sur sept matchs, la RDA aligna six victoires et finit par un match nul contre le quart-de-finaliste de la coupe du monde 1970. Cette préparation lui permit d'aborder de la meilleure manière le tournoi, avec dix matchs sans défaite.
Joueurs sélectionnés durant la préparation
Sur tous les joueurs sélectionnés pour les matchs de préparation, seuls deux ont disputé toutes les minutes des sept matchs : le défenseur Konrad Weise et le défenseur et capitaine Bernd Bransch.
En plus des dix-sept joueurs qui ont disputé les éliminatoires et qui vont à la coupe du monde, trois joueurs, qui ont disputé les matchs amicaux mais pas les éliminatoires, sont retenus pour le Mondial 1974 : les milieux de terrain Harald Irmscher et Rüdiger Schnuphase, ainsi que l'attaquant Martin Hoffmann.
Le tirage au sort pour la phase finale a eu lieu le dans le grand studio de la Radio de Francfort-sur-le-Main. L'événement a été suivi par environ 800 millions de personnes dans le monde.
Le tirage au sort pour les équipes qualifiées a été fait en répartissant les équipes dans quatre chapeaux. L'attribution fait suite à une décision prise par la FIFA, le même jour. Elle a servi de base en plus d'une évaluation de la capacité, qui additionne des succès et des résultats instantanés, y compris géographiques, continentaux et des aspects politiques du sport :
Deux analyses peuvent être faites sur la liste ci-dessous :
la première : Le sélectionneur est-allemand Georg Buschner, à la tête de l'équipe depuis 1970, fort du prestige récolté aux JO 1972, décide de sélectionner vingt-deux joueurs pour le mondial afin de réitérer l'exploit de 1972[3]. Se basant sur treize des dix-neuf joueurs ayant remporté la médaille de bronze aux JO 1972, il utilise la même base pour construire son équipe.
Alors que les joueurs du Lokomotive Leipzig Werner Friese, Joachim Fritsche et Wolfram Löwe furent sélectionnés (club demi-finaliste de la Coupe UEFA 1973-1974), le sélectionneur donna sa chance à l'attaquant Hans-Bert Matoul meilleur buteur du championnat est-allemand 1973-1974. Mais malheureusement à l'issue de trois matchs amicaux avec l'équipe nationale, celui-ci se blessa gravement et fut contraint de déclarer forfait.
la seconde : La liste du sélectionneur est-allemand comporte dix-sept joueurs qui ont disputé les éliminatoires de la Coupe du monde 1974, puis trois joueurs qui ont disputé les matchs de préparation (Irmscher, Schnuphase et Hoffmann). Quant aux deux derniers pour la sélection des vingt-deux joueurs, il a choisi un ancien international, le milieu de terrain du FC Vorwärts Francfort, Erich Hamann, qui a eu une sélection en 1969, mais pas sous Buschner, et qui a impressioné le sélectionneur en terminant quatrième de D1 lors de la saison 1973-1974. Puis comme il fallait un troisième gardien, il a pris Werner Friese, demi-finaliste de la Coupe UEFA 1973-1974 avec le Lokomotiv Leipzig.
La RDA entame sa coupe du monde en affrontant l'Australie, nouveau venu, puis le Chili, qui n'est plus apparu depuis la coupe du monde 1966, et pour finir par la confrontation contre la RFA, choc attendu par la population.
Match contre l'Australie : les débuts en coupe du monde
Première confrontation entre les deux sélections, et entre deux novices en coupe du monde, et devant un stade peu garni (17 500) et plutôt favorable aux joueurs australiens, la RDA entame la compétition par une victoire attendue : 2-0. Tenue en échec en première mi-temps, la RDA fit la différence après la pause. À la cinquante-huitième minute de jeu, sur un tir de Sparwasser, l'arrière Curran détourna la balle dans son propre but (même si le premier but est certainement entaché d'une position de hors-jeu) et, à la soixante-et-onzième minute, Streich, d'une magnifique volée, sonna le glas des espérances australiennes. L'Australie fut cependant loin de jouer la figuration. Elle procéda par passes très courtes et joua de façons précise. La RDA joua un football d'engagement rude et parfois laborieux d'où émergèrent Sparwasser et Streich. On retiendra, côté australien Alston et Bulgevic[4]. Il s'agit du premier match et de la première victoire est-allemande en phase finale de coupe du monde.
Match contre le Chili : la RDA face à un adversaire coriace
Lors du second match, le public ouest-allemand siffle copieusement l'équipe de RDA. Remarquables techniciens, jouant un football intelligent, les Chiliens ne furent jamais dépassés par les Allemands, décevants malgré le brio de Streich, d'Hoffmann et de Kreische qui entra en cours de partie[5].Malgré cette ambiance hostile, la RDA ouvre la marque à la 55e minute à la suite d'un coup franc rabattu par Hoffmann. Le Chili égalise un quart d'heure plus tard grâce à Sergio Ahumada à la 69e minute et les deux formations se partagent les points. Il s'agit du quatrième et dernier match contre le Chili, et le premier match nul entre les deux équipes.
Le 22 juin à Hambourg, 62 000 spectateurs sont venus assister à un combat fratricide : RFA-RDA. Dans les tribunes, 60 000 supporters ouest-allemands face à 2 000 supporters est-allemands. Il s'agit du premier et unique match officiel de l'histoire entre les deux sélections (leurs sélections olympiques se sont cependant rencontrées aux JO 1972). Ce match est considéré comme "le match du siècle" entre les deux Allemagnes.
Au cours de la rencontre la RFA se crée de nombreuses occasions, essentiellement en première période, mais ne parvient pas à marquer, tandis que la RDA se procure la plus franche occasion de marquer, quand Kreische rate devant le but vide avant la pause.
Moins inspirée en seconde période, la RFA domine tout de même le jeu mais reste stérile. En s'appuyant avant tout sur sa condition physique, la RDA se contente de jouer en contre et trouve la faille à treize minutes du coup de sifflet final[9] : Sparwasser sur une passe de Lauck prend de vitesse Beckenbauer et Höttges, et trompe Sepp Maier d'un magnifique tir sous la barre[10].
L'impensable a eu lieu : la RDA bat la RFA (déjà assurée de la qualification) 1-0 et obtient du même coup sa qualification pour le second tour sans avoir à se soucier du résultat de l'autre match entre le Chili et l'Australie. En terminant en tête du groupe 1 la RDA se trouve placée dans le groupe A au second tour et hérite d'adversaires redoutables, notamment le Brésil, champion sortant, et les Pays-Bas, révélation et nouvelle favorite du tournoi, d'où la rumeur infondée que la Mannschaft aurait fait exprès de perdre pour éviter d'affronter ces équipes-là avant la finale[11].
Beaucoup d'observateurs font à l'époque une lecture erronée de cette rencontre inédite, transformant le match du 22 juin 1974 en affrontement idéologique entre le bloc de l'Ouest et de l'Est défini par la Guerre froide[12] alors qu'elle s'inscrit dans un contexte de détente entre les deux blocs et d'Ostpolitik, soulignées par la signature de l'accord quadripartite sur Berlin en 1971 et en 1972 celui du traité fondamental dans lequel les deux États reconnaissent mutuellement leur souveraineté. Ainsi, beaucoup de journalistes étrangers s'étonnent que la presse allemande en fasse si peu sur le contexte diplomatique du match[13].
Classement
Avant la coupe du monde, les favoris dans ce groupe pour passer au second tour sont la RFA et le Chili. Mais au soir du , la surprise générale est créée par la RDA, qui était dans le chapeau 3, et qui termine première du groupe, devant sa voisine ouest-allemande. Le Chili et l'Australie sont éliminés. Au lendemain de la victoire contre la RFA, les joueurs est-allemands se montrent davantage, comme le montre la photo de Bernd Bransch, le .
Fort du succès de prestige contre la RFA, la RDA entame la seconde phase de la compétition sans complexe, affrontant dans l'ordre le tenant du titre brésilien, les Pays-Bas et l'Argentine.
Match contre le Brésil : la RDA ne fait pas le poids face aux champions du monde
Le Brésil ralliait tous les regards à Hanovre, face à une Allemagne de l'Est qui a fait bonne figure lors du premier tour. L'étoile du Brésil a pâli mais le public n'est guère porté vers cette équipe de la RDA qui a battu sa voisine de l'Ouest.
Les Allemands de l'Est ne savent pas vraiment comment prendre la mesure des "sorciers" brésiliens même si ceux-ci ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Ces derniers ne s'avouent pas vaincus et tentent de prouver qu'ils ont encore de beaux restes[14].
La RDA concède un but de Rivelino sur coup-franc à la 61e minute. Les occasions de la RDA sont tous hors-cadre. Les deux équipes ne font pas une grosse impression, mais le Brésil l'emporte et reste en course pour une nouvelle finale.
Match contre les Pays-Bas : la RDA perdue face au football total
Les Pays-Bas n'avaient pas entamé la phase finale en position de favoris, s'étant qualifiés de justesse pour la Coupe du monde grâce à une meilleure différence de buts que la Belgique, et semblaient a priori « peu à l'aise » avec les options tactiques de leur nouvel entraîneur Rinus Michels[15].
Mais il aura suffi de trois matchs au premier tour pour que les Pays-Bas changent de statut. Le jeu étincelant des Néerlandais en fait rapidement les grands favoris de l'épreuve à la place des Allemands qui montrent un jeu décevant.
La Hollande est l'adversaire le plus redoutable du groupe. Sur un terrain trempé, et face aux nombreuses actions néerlandaises dangereuses, la RDA ne peut rien face aux Oranje et au football total. La défense de la RDA prend l'eau face à la rapidité des attaquants néerlandais. Les seules actions est-allemandes sont des frappes de loin.
Si Weise ou Hoffmann, entre autres, tirèrent leur épingle du jeu, chez les Allemands de l'Est, les Néerlandais se montrèrent souverains grâce à Rijsbergen, Krol, Suurbier, Neeskens et Rensenbrink[16].
Match contre l'Argentine : un match pour l'honneur
Le match de la dernière journée contre l'Argentine est sans véritable enjeu, tandis qu'au même moment dans le même groupe le Brésil et les Pays-Bas se disputent une place en finale. L'Argentine et la RDA qui ont connu deux défaites chacune, s'affrontent pour la première fois et pour éviter la dernière du groupe. La RDA mise sur l'offensive et montre un visage différent que celle face au Brésil et aux Pays-Bas, comme le prouve le but de Streich à la quatorzième minute. Mais six minutes plus tard l'Argentin Houseman égalise. Malgré les nombreuses occasions est-allemandes, le score ne change plus. Il s'agit du dernier match de la sélection est-allemande en Coupe du monde.
Le bilan de la RDA lors de cette coupe du monde est le suivant : avec deux victoires, deux matchs nuls et deux défaites, elle a marqué cinq buts pour cinq buts encaissés. Le meilleur buteur est-allemand est Joachim Streich, avec deux buts contre l'Australie et contre l'Argentine.
En 1986, la FIFA publia un rapport qui classa toutes les équipes dans chaque coupe du monde. La RDA obtient la sixième place, derrière la Suède, mais devant la Yougoslavie.