Le site du stade de Colombes est destiné au sport depuis 1883. C'est à l'origine un hippodrome de la Société des courses de Colombes. En 1907, l'hippodrome et le quotidien parisien Le Matin fondent une association. Une partie de l'hippodrome est alors transformée en un stade qui accueille des compétitions d'athlétisme, de rugby et de football dès 1907. L'enceinte est alors rebaptisée « Stade du Matin ».
Stade du Matin :
Dans les années 1910, le stade peut accueillir jusqu'à 20 000 spectateurs.
Fête sportive américaine (meeting sportif franco-américain) et course de haies le .
Le Racing Club de France, club omnisports parisien, devient locataire des installations de Colombes en 1920. Évoluant régulièrement dans ce stade via ses sections rugby à XV, football et athlétisme depuis son inauguration en 1907, le poids du club ciel et blanc joue incontestablement un rôle dans le choix de Colombes, jugé le plus mauvais des projets, dans le choix du stade olympique des Jeux olympiques d'été de 1924. Le Parc des Princes et le bois de Vincennes avec le stade Pershing offraient en effet des possibilités bien plus intéressantes, car plus proches de la capitale. Colombes souffrira toujours de sa localisation. Ainsi, le Racing évoluera, dès 1932 en football, au Parc des Princes plutôt qu'au stade de Colombes.
Désigné comme stade olympique principal, Colombes profite des fonds débloqués pour porter sa capacité à plus de 40 000 places, malgré un projet initial de 100 000 places. Après bien des palabres et même l'abandon du projet de Colombes, c'est finalement l'architecte Louis Faure-Dujarric, ancien joueur de l'équipe de rugby à XV du Racing, qui signe les travaux.
Jeux olympiques de 1924
Le stade et le centre sportif aux alentours est connu comme le point central des Jeux olympiques d'été de 1924[2]. Beaucoup d'épreuves se déroulaient en plein air et le calendrier était beaucoup plus large : les jeux se tenaient de mai à juillet (on peut remonter à mars si on prend en compte les concours artistiques)[3], avec un dispositif conséquent[4]. Le stade athlétique de 45 000 places, dont 20 000 assises couvertes et extensible à 65 000, accueillit les cérémonies, l'athlétisme, le départ et l'arrivée du cyclisme sur route[5], l'équitation[6], le football[7], la gymnastique[8], le cross du pentathlon moderne[9], le rugby[10] et les jeux de l'enfance comme sport de démonstration[11].
Le stade d'escrime (plusieurs pistes pour les épreuves d'épée et de sabre ainsi que pour l'épreuve du pentathlon moderne)[12] et le stade de tennis (une dizaine de courts pour les compétitions) étaient adjacents au stade athlétique[13].
La nouvelle enceinte est rebaptisée en 1928 au nom d'un joueur de rugby à XV du Racing et espoir de l'équipe nationale, Yves du Manoir, qui vient de se tuer en avion[2].
Coupe du monde de football et Seconde Guerre mondiale
Le stade olympique Yves-du-Manoir de Colombes a également accueilli de nombreux événements, notamment des matches de football, comme la finale de la Coupe du monde de football 1938, remportée par l'Italie contre la Hongrie, ou encore de nombreuses finales de Coupe de France[2]. À l'occasion de la Coupe du monde 1938, le stade est rénové et agrandi. Il peut désormais accueillir plus de 60 000 spectateurs. Le record d'affluence de l'enceinte est enregistré à l'occasion d'un match d'appui de quarts de finale de Coupe d'Europe des clubs champions, entre l'Ajax Amsterdam et le Benfica Lisbonne, le : 63 638 spectateurs payants.
Avec le début de la Seconde Guerre mondiale, l'installation sportive a également servi de camp de transit parisien pour les internés allemands et autrichiens, qui ont été répartis de là vers d'autres camps d'internement en France. Parmi les internés ici se trouvaient des réfugiés tels que Franz Hessel, Walter Benjamin, Hermann Kesten, Soma Morgenstern, Willi Münzenberg, Horst Rosenthal, Hans Sahl et Wols. Dans son journal, Kurt Stern a enregistré ses propres expériences en tant que détenu au stade olympique et a enregistré à plusieurs reprises les expériences d'autres détenus de Colombes qu'il a ensuite rencontrés dans d'autres camps. Il a également rapporté que les survivants du St. Louis ont été internés ici, qui devaient appartenir au contingent que la France a engagé après la fin de l'odyssée du navire[14].
Le stade a accueilli quelques événements non sportifs tel des congrès annuels de témoins de Jéhovah dans les années 1960-1970.
La reconstruction du Parc des Princes à la fin des années 1960, inauguré en 1972, porte un sévère coup au stade de Colombes[2]. Les matches internationaux de football et de rugby, ainsi que les finales de la Coupe de France se déroulant à compter de cette date au nouveau Parc des Princes et cela jusqu'à l'inauguration du Stade de France en 1998, conçu par l’État pour accueillir différents événements sportifs : football, rugby, athlétisme et courses automobiles.
Le vieux stade olympique de Colombes ne bénéficie alors d'aucune rénovation et d'un entretien minimal. Enceinte totalement vétuste dès les années 1980, les trois quarts des tribunes sont interdites au public au début des années 1990, puis rasées. Seule subsiste alors la tribune principale Sud, dotée de quelque 7 000 sièges ainsi que les virages l'avoisinant.
XXIe siècle et arrivée du rugby et modernisation
Au terme de la saison 2008-2009 de Pro D2, le club de rugby à XV du Racing Métro 92 remonte en Top 14, faisant renaître le stade de ses cendres. Une nouvelle tribune latérale de 4 900 places est inaugurée à cette occasion le .
Le conseil général des Hauts-de-Seine présente en la maquette d'un projet de rénovation. Cependant, la lenteur du projet et l'impossibilité de rénover profondément le site poussent finalement le Racing Métro 92 à s'implanter à la Défense dans sa future U Arena, salle modulable et polyvalente capable d'accueillir 32 000 spectateurs en mode rugby. Elle est inaugurée en , laissant alors le stade sans club résident. Le , le Racing 92 joue son dernier match au stade Yves-du-Manoir avant de s'installer dans l'U Arena la semaine suivante[16]. Le , le Racing 92 revient jouer au stade Yves-du-Manoir à l'occasion d'un match de barrage de Top 14 l'opposant au Stade rochelais. L'U Arena, depuis renommée Paris La Défense Arena, était alors indisponible car réservée de longue date par la chanteuse Mylène Farmer pour les répétitions de sa série de concerts dans la salle[17].
À partir de , le stade Lucien-Choine, un terrain annexe du stade aujourd'hui détruit, accueille l'ensemble des matches du Racing Club de France Football.
En 2014, le stade sert de lieu de tournage à l'interview du footballeur Raïs M'Bolhi (qui y a touché ses premiers ballons à l'âge de 9 ans) par le journaliste Mouloud Achour[18].
Le stade fut utilisé pour deux candidatures parisiennes pour l'accueil des Jeux olympiques d'été. À chaque fois, le comité de candidature insista sur l'héritage, pour faire le lien avec l'olympiade de 1924[2]. C'est en effet l'un des rares sites sportifs ayant subsisté après des décennies d'urbanisme.
Pour la candidature de Paris pour 2012, le stade et le centre sportif qui l'entoure devaient accueillir 5 terrains de baseball et softball, après une rénovation majeure[19],[20],[21]. Le projet n'aboutit pas à cause de l'échec de la candidature ; même en cas de victoire, il aurait été compromis car le CIO retire, dans la foulée de l'attribution des jeux à Londres, le baseball et le softball du programme olympique[22].
Projet avorté de centre pour la Fédération française de handball
Le , Patrick Devedjian, alors président du conseil général des Hauts-de-Seine, annonce le projet de reconversion pour le stade : « Nous allons réaliser à Colombes, au stade Yves-du-Manoir, les équipements nécessaires au rayonnement du handball, à savoir une salle de 15 000 places, des bureaux et des équipements annexes ». Le syndicat mixte du stade Yves-du-Manoir a déjà pris la décision à l'unanimité de lancer une étude de pré-programmation pour définir les besoins et le projet, qui sera suivi dès par un concours d'architecte. Cet aménagement devait également comprendre les locaux du nouveau siège de la Fédération française de handball (FFHB).
En est signé un protocole avec cette fédération afin que soit installé en 2015 le centre national du handball, comprenant le siège de la FFHB, une résidence pour les équipes de France masculines et féminines, des installations d'entraînement, une salle de 8 000 places ainsi qu'un centre de formation. Le programme définitif est approuvé en . La livraison devait avoir lieu fin 2015, afin que cet équipement soit pleinement opérationnel lors des championnats du monde masculins de handball 2017.
Finalement, le projet est abandonné à la suite du retard pris, rien ne pouvant être prêt pour 2017, et en raison du fait que la FFHB préfère conserver son statut de propriétaire à Gentilly, plutôt que de devenir locataire à Colombes. Le devenir du stade est donc laissé en sursis, même si on réclame sa conversion en centre sportif[24].
Le site est entièrement rénové entre 2021 et 2023. Conçu par le cabinet d'architecture Celnikier et Grabli Architectes et reconstruit par le groupe de BTP Léon Grosse, les travaux se terminent en décembre 2023. Le nouvel ensemble accueille la Fédération française de hockey sur gazon et son centre national d'entraînement, qui disposent des deux terrains synthétiques éclairés du tournoi olympique, dont un avec une tribune de 1 000 places autour d'un bâtiment construit avec des locaux administratifs, des salles de réunion et des vestiaires[26].
Le complexe comprend aussi sept nouveaux terrains de football et de rugby à XV[27]. Le mythique terrain d'honneur voit sa fameuse piste olympique d'athlétisme l'entourant supprimée au profit d'un petit anneau de 200 m (seulement apte à l'échauffement) situé à quelques centaines de mètres. La piste exclut donc désormais toute possibilité de compétition d'athlétisme, étant désormais réservée au public scolaire et associatif[2].
Cependant, sa tribune historique est remise aux normes avec de nouveaux sièges. Celle-ci peut désormais accueillir 6 000 spectateurs[27]. Le stade historique dispose d'environ 9 500 places avec les tribunes provisoires installées pour les Jeux olympiques de 2024[26]. La pelouse naturelle est remplacée par un synthétique bleu flambant neuf.
Le coût global du projet s'élève à 101 millions d'euros. Un budget financé par le département des Hauts-de-Seine et la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo)[27].
Matches du Tournoi : Le stade Yves-du-Manoir accueillit le Tournoi durant trente-huit éditions, soit 74 matches (le match contre l'Écosse en 1920 se tient au Parc des Princes et le match contre l'Écosse en 1924 se déroula au stade Pershing).
En 1972, on y installe un ring de boxe à l'occasion du combat pour le titre de champion du monde de la catégorie des poids moyens le entre le Français Jean-Claude Bouttier et l'Argentin Carlos Monzón. Des projets de combats avec Marcel Cerdan ont été évoqués mais n'ont pas abouti[28].
Le stade figure sur l'un des 114 vitraux réalisés entre 1928 et 1930 par l'artiste-cheminotCharles Sarteur (1874-1933) ornant chacune des parties supérieures des arches intérieures de la gare de Paris-Saint-Lazare et représentant les différentes destinations vers l'ouest depuis la capitale. L'œuvre est visible dans le hall principal dit salle des pas perdus[29].
Notes et références
Notes
↑C'est le tout premier match disputé par l'Irlande après l'indépendance.
↑Kurt Stern: Was wird mit uns geschehen? Tagebücher der Internierung 1939 und 1940 (Qu'est-ce qui va nous arriver? Journaux d'internement 1939 et 1940). Aufbau, Berlin 2006, (ISBN3-351-02624-2), p. 52.
↑Bruno Carrière, Véronique David, Laurence de Finance et Paul Smith, Région Île-de-France, [Service Patrimoines et inventaire] et l'[Association pour l'histoire des chemins de fer] (photogr. Stéphane Asseline), Gare Saint-Lazare, les verrières de Paris à New York, Paris, Somogy, coll. « Parcours du patrimoine », , 71 p., 23 cm (ISBN2-7572-0546-3 et 978-2-7572-0546-4, OCLC798057023, BNF42648997, SUDOC160711207, présentation en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
Florence Pizzorni Itié (s.d.), Les Yeux du stade. Colombes, temple du sport, éditions de l'Albaron, Thonon-les-Bains, 1993 (ISBN2-908528-452).