Pauline Carton est surtout connue pour les rôles de soubrette, de concierge ou de mégère dans lesquels elle excellait.
Biographie
Connue pour ses rôles de bonnes et son accent populaire, Pauline Carton vient pourtant d'une famille bourgeoise. Elle est la petite-fille de Paul Mathieu Laurent, dit Laurent de l'Ardèche, un libre-penseur adepte du saint-simonisme, et la fille d'un ingénieur diplômé de l'École centrale des arts et manufactures (promotion ECP 1860)[1] exerçant des fonctions importantes dans les chemins de fer, particulièrement en Espagne, et bras droit du baron Haussmann. Son frère, Auguste Biarez, ingénieur centralien comme son père (promotion 1898)[1], est le mari d'Hélène Ferrié, la sœur du général Gustave Ferrié, savant et inventeur français dans le domaine de la télégraphie sans fil (TSF). Elle étudie au lycée Molière à Paris.
Si Pauline Carton n'a jamais été mariée, on lui connaît une liaison avec le poète et écrivain genevois Jean Violette. Elle le rencontre en 1914 et, s'ils restent ensemble jusqu'au décès de ce dernier en 1964, elle refuse de se marier, même après le divorce de Jean Violette, et elle n'a pas d'enfants. Elle est une grande amie de Sacha Guitry[2] qui l'apprécie pour sa culture et son intelligence, et la surnomme sa « bibliothèque ambulante ».
Contrairement aux rôles de servantes qu’on lui confie souvent, elle a horreur des contraintes domestiques et des tâches ménagères. À la mort de sa mère, dont elle est très proche, elle s'installe à l'Hôtel Saint-James et d'Albany, au 202 rue de Rivoli dans le 1er arrondissement de Paris, en face du jardin des Tuileries où elle aime se promener[3]. L'été, elle séjourne souvent entre Menton, Nice et la villa Claudine, sise sur la corniche maritime d'Agay dans le Var.
Elle s'engage très jeune dans le théâtre, jouant devant sa famille et ses amis. Une passion partagée par sa mère qui l'emmène presque tous les jours au théâtre. Elle réussit à se faire engager sans aucune expérience et sans rémunération — pour le seul plaisir d'être sur scène — en 1904 dans la pièce de Pierre Wolff, Le Ruisseau. Elle y est une fille de petite vertu dont elle utilise le nom pour la scène.
Chanson
Pauline Carton participe à des revues de music-hall et joue dans des opérettes. C'est dans l'une d'elles, Toi, c'est moi, d'Henri Duvernois et Moisés Simóns, qu'elle lance un tube en chantant Sous les palétuviers (1934) en duo avec René Koval. Elle enregistre son premier disque en 1972, J'ai un faible pour les forts. Elle joue également du piano.
Le passage du muet au parlant n'interrompt pas sa carrière et elle continue de jouer des rôles de soubrette, de concierge ou de mégère. Elle s'exprime d'une voix très particulière, avec des intonations très parigotes. À partir de 1927, Sacha Guitry, dont elle devient la confidente et la chargée de casting non officielle, lui offre un rôle dans 22 de ses films dont : Bonne chance (1935), Le Nouveau Testament (1936), Mon père avait raison (1936), Le Roman d'un tricheur (1936), Désiré (1937), Le Mot de Cambronne (1937), Quadrille (1938), La Poison (1951), ou encore Assassins et Voleurs (1957). Sacha Guitry fait d'elle sa secrétaire chargée des recherches historiques pour le tournage de ses films d'époque. Des lettres montrent qu'elle critiquait aussi ses mises en scène au théâtre avec son assentiment[7].
Pauline Carton avait beaucoup d'humour, plutôt caustique, et d'auto-dérision, en témoignent ses deux livres, Les Théâtres de Carton, paru en 1938, Histoires de cinéma, en 1958. Évoquant sa décision de faire don de son corps à la faculté de médecine elle a précisé : « Je ne peux pas dire que je ferai un beau cadeau aux étudiants. J'ai même pensé à me faire tatouer autour du cou, « Tant pis pour vous ! »[8] ». Marthe Mercadier l'a entendu dire : « Quand j'étais jeune, j'avais le visage lisse et des robes plissées, maintenant, c'est le contraire[9] »
Témoignages
« Guitry l'envoyait voir les pièces des autres ; lui ne pouvait pas les voir : il jouait. C'est ainsi qu'elle lui avait récité par cœur le premier acte de Fric-Frac[10], en ne l'ayant vu qu'une seule fois ! Quelle mémoire prodigieuse ! […] Pauline Carton, en plus de sa mémoire d'éléphant, avait un esprit rare. Sacha l'employait aussi pour préparer sa documentation à la Bibliothèque nationale. À l'occasion, il la chargeait de missions de confiance. Ensuite, point par point, elle lui faisait son compte rendu détaillé ! C'est ainsi que Sacha recrutait les acteurs et se tenait au courant de tout. J'ajoute au sujet de Pauline qu'elle était d'un niveau supérieur, tant au niveau culturel qu'intellectuel. Trop souvent, elle était cantonnée dans les rôles de bonnes : peut-être avait-elle l'âme d'un premier rôle, sans en avoir malgré tout le physique[7]. »
↑ a et bChristian Gilles, Arletty ou la liberté d'être : avec un portrait-entretien, Paris, Éditions L'Harmattan, (réimpr. 2000), 207 p. (ISBN2-906284-86-6).
↑Pauline Carton, Histoires de cinéma, Éditions du Scorpion, 1958.
↑Marthe Mercadier, Je jubilerai jusqu'à 100 ans !, Flammarion, 2011.
Pauline & Carton, par Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Torjdman, coll. Scènes intempestives, éditions TriArtis, Paris 2023, (ISBN978-2-490198-47-4).