Il est durant les années 1930 le dirigeant du principal courant révolutionnaire au sein de la SFIO, puis le fondateur du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) en 1938.
Il est appelé le et envoyé sur le front en . Gazé, il met plusieurs mois à se rétablir. Il est réformé (avec une invalidité de 60 %) en 1917. Il est alors nommé instituteur à Montrouge.
En 1929, il réussit le concours de l'Inspection primaire, mais ne prend pas de poste correspondant[4], préférant rester enseignant. Révoqué en 1939, il est nommé à son retour en France en 1946 au collège Jean-Baptiste Say à Paris, où il reste jusqu'à sa retraite en 1955.
Selon le témoignage de Lucien Weitz, son élève, puis militant pivertiste, Marceau Pivert avait une véritable vocation de professeur[5].
Militant syndical et politique socialiste
Membre actif du Syndicat national des instituteurs (SNI), alors membre de la CGT, il est élu au bureau national en 1931. Il défend ardemment le principe de « l'école unique », la fin de la distinction entre la filière « primaire » (école communale, EPS, brevet supérieur) et la filière « secondaire » (petites classes, lycée, baccalauréat) à cette époque séparées par une barrière très difficile à franchir. Il a aussi toujours été un militant laïque convaincu.
À Paris, il devient rapidement le leader reconnu de la section socialiste du XVe arrondissement et entre dans la direction de la Fédération de la Seine. Il rejoint la tendance animée par Jean Zyromski, « Bataille socialiste » (BS), courant marxiste dans la tradition du guesdisme, qui domine cette fédération.
le premier entérine l'alliance extérieure entre la France et l'Union soviétique (pacte de 1935) et à l'intérieur, la version non révolutionnaire du Front populaire, une alliance avec le Parti communiste français et les radicaux ;
Pivert s'en tient à une ligne fondée sur la lutte des classes, un Front populaire de combat, c'est-à-dire une alliance à la base des militants socialistes et communistes. Dans cette optique, il crée les « Toujours prêts pour servir » (TPPS), organe « d'autodéfense active » destiné à lutter contre les groupes d'extrême droite par une stratégie de contre-offensive sur le terrain[6].
Lors du Congrès de Mulhouse de la SFIO (1935), Jean Zyromski fait voter le courant Bataille socialiste (BS) avec la majorité du parti. Marceau Pivert décide alors de quitter BS pour fonder son propre courant, la "Gauche révolutionnaire"[7].
La tendance « Gauche révolutionnaire » (1935-1938)
La tendance « Gauche révolutionnaire » (GR) est créée en septembre 1935, regroupant des militants venus de Bataille Socialiste (BS), mais aussi d'autres horizons (groupe Spartacus, ex-communistes comme Lucien Hérard). La Gauche Révolutionnaire est proche sur le plan international du groupe appelé Bureau de Londres, sans en être membre, puisqu'elle fait partie de l'Internationale ouvrière socialiste.
Au congrès national de la SFIO des et , la Gauche Révolutionnaire obtient 11 % des mandats. Marceau Pivert dénonce la stratégie électorale de Front Populaire, réunissant SFIO, PCF et parti radical, selon lui « une mésalliance sur le plan parlementaire et électoraliste du radicalisme bourgeois et du stalinisme, mésalliance à laquelle la SFIO s'est trop aisément prêtée » et en appelle à un Front populaire fondé sur le combat social et les organisations ouvrières, le premier risquant de rendre le second impossible.
Au conseil national de la SFIO du , la Gauche Révolutionnaire renouvelle sa proposition de « gouvernement d'unité prolétarienne » avec le PCF, ne concédant aux radicaux qu'une participation minoritaire, et propose un programme plus audacieux que l'accord de Front populaire : réduction du temps de travail à 40 heures, vote des femmes, etc. Mais, après un débat interne, la Gauche Révolutionnaire vote tout de même la résolution majoritaire[8].
La victoire du Front populaire et le gouvernement Léon Blum (-)
En 1936, à la suite de la victoire du Front Populaire et des grèves spontanées qui en découlent, il exhorte Léon Blum, président du Conseil, à rompre avec le capitalisme, ce que Blum refuse. Pivert écrit alors le célèbre article, publié le 27 mai 1936, « Tout est possible » - y compris une « révolution sociale » dans lequel il écrit : « les masses ne se contenteront pas d'une modeste tasse de guimauve portée à pas feutrés au chevet de la mère malade ». Cet article a un grand retentissement. Mais le Parti communiste répond dans L'Humanité par un article de Marcel Gitton, à l'époque numéro 3 du parti : « Tout n'est pas possible ».
Lorsque Blum devient effectivement chef du gouvernement (début juin 1936), il appelle Pivert au secrétariat de la Présidence du conseil, comme chargé de la presse, de la radio et du cinéma. Il accepte, malgré les réticences de la Gauche Révolutionnaire. Même si la droite le qualifie de « dictateur des ondes », il refuse d'intervenir pour peser sur les contenus radiophoniques et considère sa tâche comme « strictement technique ». Si des journalistes de gauche comme le radical Pierre Paraf ou le socialiste Pierre Brossolette s'expriment à la radio, ce n'est pas par son intervention.
Un problème se pose à partir de juillet 1936, avec la rébellion franquiste en Espagne ; Blum qui n'envisage pas d'envoyer des troupes en Espagne, mais d'aider le gouvernement espagnol, est contraint par la droite, les radicaux et la Grande-Bretagne à s'interdire toute aide (« non intervention ») mais laisse néanmoins passer des armes et des avions. La majorité de la Gauche Revolutionnaire est contre cette attitude ambigüe, Marceau Pivert évolue à son tour en direction de l'intervention. Par la suite, il participe au soutien politique à l'Espagne (Comité socialiste pour l'Espagne).
Le conflit entre la Gauche révolutionnaire et la majorité du Front Populaire
Déçu par la politique de Blum (discours de la « pause »), Pivert rompt avec lui en , quittant ses fonctions à la Présidence du conseil avec une lettre où il écrit : « Je n'accepte pas de capituler devant le capitalisme et les banques ». Puis une crise assez grave se produit à la suite de l'affaire de Clichy (), quand une militante de la Gauche révolutionnaire est tuée par la police au cours d'une manifestation contre une réunion privée du Parti social français (PSF, extrême-droite). Le , le Parti socialiste-SFIO prononce la dissolution de la tendance Gauche révolutionnaire et de sa revue homonyme (qui prend alors le nom de Cahiers rouges).
Le , Marceau Pivert est cependant élu secrétaire général de la Fédération de la Seine de la SFIO. Le , lors du Conseil national, il s'oppose à la proposition Blum de former un gouvernement d'union nationale ; sa motion est soutenue par 1700 voix contre 6600. Il lance alors un tract aux Fédérations : « Alerte, le Parti est en danger ». Le , lorsque le gouvernement Blum (finalement socialiste à 100 %) est renversé par le Sénat, il appelle à une manifestation au palais du Luxembourg, manifestation qui a lieu malgré une interdiction du gouvernement.
Le , la Commission des conflits interdit pour trois ans toute délégation à Marceau Pivert ; le , la CAP (Commission administrative permanente) dissout la Fédération de la Seine. Au congrès national de la SFIO de , le pivertisme est représenté par Lucien Hérard dont la motion obtient 1 400 voix contre 1 700 à Bataille socialiste et 4 800 à la majorité.
En parallèle, il reste un observateur vigilant des luttes sociales, comme dans son article de janvier 1938 « Que s’est-il passé aux usines Goodrich ? », où 2 000 salariés travaillent dans le secteur du caoutchouc, analysant la situation de ces ouvriers de Colombes, en banlieue parisienne. Alors que les ouvriers occupent l'usine le 15 décembre 1937, appuyés par la section syndicale locale et par la Fédération des produits chimiques de la CGT, il écrit que « les ouvriers ont raison à 100 % »[9].
Le Parti socialiste ouvrier et paysan a du mal à trouver sa place entre la SFIO réformiste et le Parti communiste qui suit la ligne, à l'époque modérée, de Staline. De fait, sa ligne est assez floue : entre marxisme anti-autoritaire et réformisme radical. Pivert s'affirme partisan des Accords de Munich par pacifisme intégral et révolutionnaire. En 1940, le PSOP est dissous par le gouvernement de Pétain.
Marceau Pivert s'exile au Mexique dès 1940 et appelle à la résistance. Il milite notamment avec Victor Serge et Julián Gorkin et se met en lien avec le mouvement de Résistance intérieure L'Insurgé, créé en 1940 à Lyon par des militants du PSOP.
Il revient en France à la Libération ; le PSOP se divise alors : Pivert et la majorité des militants reviennent à la SFIO, d'autres rejoignent le PCF, sorti grandi et auréolé de son rôle dans la Résistance.
L'après-guerre
La SFIO autorise sa réintégration au sein du parti, Marceau Pivert rentre donc en France au début de l'année 1946[7].
Au sein de la SFIO, ses positions sont alors plus modérées ; son audience s'est réduite, mais il est néanmoins régulièrement réélu au comité directeur. Il soutient Guy Mollet lorsque celui-ci prend la tête du parti au congrès de Paris de 1946. Il reprend ses activités à la commission de propagande et prend la direction de la fédération socialiste de Paris[7].
En février 1947, Marceau Pivert, associé notamment à Henri Frenay et Claude Bourdet, participe à la création du « Mouvement pour les États-Unis socialistes d'Europe » (MEUSE), une initiative de courants internes de la gauche de la SFIO[10].
En 1950, il crée la revue Correspondance Socialiste Internationale, qu'il dirige jusqu'à sa mort.
Peu avant sa mort, il prend parti pour l'indépendance de l'Algérie, à l'encontre de la majorité de la SFIO.
↑Informations sur la jeunesse et la carrière dans le Maitron.
↑C'est aussi le cas de l'instituteur historien Maurice Dommanget, dont le but était d'établir une relation égalitaire avec les inspecteurs. Le poste proposé à Marceau Pivert était celui de Lannion.
↑L'Hebdo des Socialistes, no 405, 29 avril 2006, page 10.
↑Pivert Marceau, « Que s’est-il passé aux usines Goodrich ? », Les Cahiers rouges, janvier 1938, réédité dans Agone, 2013/1 (n° 50), p. 197-203. DOI : 10.3917/agone.050.0197, d'après la numérisation de La Bataille socialiste.
↑Rémi Lauwerier et Théo Verdier (préf. Pervenche Berès, postface Shahin Vallée), La gauche française et l’Europe : une synthèse possible pour 2022 ?, Fondation Jean Jaurès éditions, (lire en ligne), p. 28.
Annexes
Bibliographie
Sources
Les archives de Marceau Pivert (dont ses papiers personnels) sont conservés aux Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 559AP : Inventaire du fonds
L'association des Amis de Marceau Pivert a également déposé ses papiers aux Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 22AS : Inventaire du fonds
Notices biographiques
Justinien Raymond, « Pivert Marceau », dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (dit « le Maitron »), 1914-1939, volume 39, p. 25 et suivantes (texte disponible sur le site BS, dans les commentaires)
« Marceau Pivert » sur le site Archive Internet des Marxistes (avec des textes)