En 1931, l'incident de Mukden provoque l'invasion japonaise de la Mandchourie, qui est donc formellement détachée de la Chine. Avec l'investissement japonais et ses riches ressources naturelles, elle devient une puissance industrielle. Le gouvernement d'occupation est directement financé par le régime Shôwa.
Le , le Japon déclare la zone indépendante de la république de Chine sous le nom d'« État mandchou (Mandchoukouo) ». Changchun, Tchang Tchouen en version romanisée de l'époque (長春), choisie comme capitale, est renommée Xinjing, Hsinking (新京), signifiant « nouvelle capitale ». En 1932, installé par les Japonais comme chef de l'Exécutif après l'incident de Tientsin, Aixinjueluo Puyi est le dernier empereur de la dynastie Qing. En 1934, Puyi, sous le nom de Kangde (« bien-être et vertu »), est nommé empereur du Mandchoukouo, pays rebaptisé « Grand Empire mandchou ». De 1931 à 1935, le Premier ministre est, dans un premier temps, Zheng Xiaoxu. Peu apprécié, tant par l'empereur que par le peuple, il est démis de ses fonctions, et remplacé par Zhang Jinghui, qui reste à ce poste jusqu'en 1945.
Selon un document retrouvé en 2007 par le journaliste Reiji Yoshida, la Kōa-in (Agence de développement de l'Asie orientale) fournit des fonds aux trafiquants de drogue en Chine, en vue de l'utilisation d'une partie des bénéfices de la vente de l'opium, de l'héroïne et de la morphine au profit des gouvernements d'occupation du Mandchoukouo, de Nankin et de Mongolie[2].
La majorité des États ne reconnaissent pas le Mandchoukouo, la doctrine Stimson des États-Unis, par exemple, était très claire sur le sujet. Les déclarations de la Société des Nations affirmant que le Mandchoukouo est toujours une partie de la Chine entraînent le retrait du Japon de cette organisation en 1934.
Certains États reconnaissent officiellement le Mandchoukouo entre 1932 et 1944. Le premier est le Salvador () (le Vatican ne le reconnaît pas de jure, mais de facto en [3], avec la nomination d'Auguste Gaspais, comme simple représentant et non pas délégué apostolique), puis l'Espagne franquiste, et les deux partenaires japonais de l'Axe, l'Italie () et l'Allemagne nazie () et enfin d'autres États, tous membres ou partenaires de l'Axe ou occupés par Hitler : la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Finlande, le Danemark, la Croatie. L'Union soviétique reconnaît le Mandchoukouo de jure lors du Pacte nippo-soviétique du .
Les Soviétiques démantèlent certaines installations industrielles et infrastructures de Mandchourie, dont la Compagnie aéronautique Manshū, conformément à un accord conclu en 1945 entre Staline et Tchang Kaï-chek[6].
En 1939, le Mandchoukouo a été réorganisé en dix-neuf provinces et une municipalité spéciale. La municipalité de Harbin a été supprimée et quatre nouvelles provinces ont été ajoutées.
Cet État a disposé de forces armées qui ont joué un rôle symbolique dans les opérations. Ses effectifs étaient de plus de 110 000 hommes à l'origine montant jusqu’à 200 000 hommes répartis dans les armes suivantes :
L'administration japonaise établit dès 1932 à Beiyihe, près de Harbin, une unité de recherche bactériologique, dont la mission est l'étude de maladies comme la peste, le choléra et le typhus. Dirigée par Shirō Ishii, cette unité est transférée à Pingfang en 1936. Agrandie par mandat impérial et incorporée à l'armée du Kantôgun sous le nom d'unité 731, elle procède jusqu'en 1945 à des expérimentations sur des milliers de prisonniers humains, en majorité des civils chinois, coréens et russes, dont des femmes et des enfants.
En échange des résultats de leurs recherches, Shirō Ishii et les membres de son équipe, criminels de guerre, comparables au Dr Mengele du Reich, ne sont pas assignés à comparaître par les Américains devant le Tribunal de Tōkyō[8].
Les travaux forcés
Afin de développer le territoire au bénéfice de l'Empire, le gouvernement japonais créa la Kōa-in, l'Agence de développement de l'Asie orientale, chargée, d'une part, d'assurer le contrôle des richesses pillées par l'armée du Kantôgun, et, d'autre part, de structurer l'occupation, et de soutenir l'effort de guerre.
Selon les travaux menés par un comité conjoint d'historiens composé de Zhifen Ju, Mitsuyochi Himeta, Tōru Kubo et Mark Peattie, la Kōa-in a supervisé un système de travaux forcés, impliquant dix millions de civils chinois, enrôlés dans les mines et les usines du Mandchoukouo[9].
Population japonaise
En 1931-1932, il y a 100 000 fermiers japonais ; d'autres sources mentionnent 590 760 habitants de nationalité japonaise. D'autres parlent d'une population japonaise forte de 240 000 personnes, augmentant plus tard à 837 000 individus.
À Xinjing, les Japonais composent 25 % de la population. Le gouvernement japonais projette, dans des plans officiels, l'émigration de cinq millions de Japonais au Mandchoukouo entre 1936 et 1956. Entre 1938 et 1942, un contingent de 200 000 jeunes fermiers arrive dans le pays ; en adjoignant ce groupe, après 1936, ce sont 20 000 familles japonaises complètes qui vivent au Mandchoukouo. Quand le Japon perd la maîtrise des mers et des airs en mer Jaune, cette migration cesse.
Quand l'Armée rouge envahit le Mandchoukouo en 1945, elle capture 850 000 colons japonais.
Trafic de drogue
Le commerce de l'opium était très important dans l'État de Mandchoukouo. On alla jusqu'à le définir comme un État-dealer (narco-state).
Le port de Dalian devint un des centres mondiaux de consommation et de trafic de drogue[10].
Éducation
Pendant l'occupation japonaise, l'éducation se développe, afin de satisfaire les besoins des immigrants du régime Shōwa. Ainsi, les Japonais installent un grand nombre d'écoles et d'universités techniques, jusqu'à compter douze mille écoles primaires au Mandchoukouo, deux cents collèges, cent quarante écoles normales (pour préparer les professeurs), et cinquante écoles techniques et professionnelles. Au total, le système scolaire gère alors six cent mille enfants et jeunes élèves avec vingt-cinq mille professeurs. Il y a également mille six cents écoles privées (avec l'autorisation japonaise), dont cent cinquante écoles de missionnaires, ainsi que vingt-cinq écoles russes à Harbin.
Le Mandchoukouo déclare son indépendance le et, le 20 mars, le nouveau gouvernement annonce que le département des communications va remplacer l'administration chinoise à partir du 1er août[11]. Cependant, les militaires japonais maintiennent une telle pression sur les postiers chinois que les autorités de Nankin ordonnent un blocus des activités postales. Ces dernières, sous administration chinoise, cessent totalement le . Le département des communications de Xinjing met en place une nouvelle administration avec une telle promptitude que les bureaux sont rouverts le avec l'émission d'une première série courante.
Pour ces timbres, le gouvernement retient deux dessins : la pagode blanche de Liaoyang et le portrait de Puyi. De à , les timbres porteront une inscription de cinq caractères chinois signifiant « administration postale de l'État mandchou » ; à partir de , l'inscription est composée de six caractères signifiant « administration postale de l'Empire mandchou », indiquant par là le changement de régime. Ces inscriptions ne figurent pas sur des séries de timbres émis à partir de 1935 et destinés à affranchir le courrier à destination de la Chine car cette dernière ne reconnaîtra jamais le Mandchoukouo. Une orchidée (reconnue comme symbole impérial) apparaît dans le dessin des timbres en 1935. Durant son existence, le Mandchoukouo émet douze séries de timbres courants (y compris ceux pour la Chine), treize séries de timbres commémoratifs, quinze séries d'entiers postaux, deux séries de timbres pour la poste aérienne, des livrets officiels destinés à l'UPU et quelques dizaines de produits philatéliques. Les derniers timbres du Mandchoukouo (une série pour la poste aérienne) ne sont pas émis. Commandés tardivement, ils arrivent à Xinjing courant 1945, pour une mise en circulation prévue pour le 20 septembre.
Après la dissolution du gouvernement, les timbres en réserve sont surchargés localement avec des sinogrammes signifiant « république de Chine ». Beaucoup le sont par l'administration de Lüshunkou et Dalian entre 1946 et 1949.
Publications
Le Manchuria Daily News, a publié, pour les cérémonies du couronnement, un Souvenir Enthronement supplement avec une typographie très particulière, la couverture est ornée d'un dessin de Catherine Balliet Lum et Eleanor Peter Lum.
↑(en) Thomas D. Grant, The recognition of states : law and practice in debate and evolution, Praeger, 1999, p. 130-131.
↑Voir « Colonial Sovereignty in Manchuria and Manchukuo » par David Tucker, page 87 dans The state of sovereignty: territories, laws, populations, sous la direction de Douglas Howland & Luise White, Indiana University Press, 2009.
↑Iliyas Sarsembaev, La Question territoriale, enjeu géopolitique et idéologique dans les relations sino-russes, thèse de doctorat, IEP Paris, 2004-2005, p. 47.
↑Philippe Masson, La Seconde Guerre mondiale - Stratégies, moyens, controverses, chronologie, filmographie, Tallandier, 2003, page 725.
↑Zhifen Ju, Japan's atrocities of conscripting and abusing North China draftees after the outbreak of the pacific war, Joint study of the sino-japanese war, 2002. De ce nombre, 2,7 millions ont trouvé la mort lors des opérations de la Politique des Trois Tout(三光作戦, Sankō Sakusen?, « tue tout, brûle tout, pille tout »), une stratégie de la terre brûlée.