Louise Levêque de Vilmorin, simplement dite Louise de Vilmorin, est une femme de lettres française, née le [1] à Verrières-le-Buisson (Essonne), où elle est morte le [2]. Elle était parfois surnommée « Madame de », en référence à son roman à succès porté au grand écran[3].
Biographie
Philippe et Mélanie de Vilmorin.
Née dans le château familial à Verrières-le-Buisson[4], Louise Levêque de Vilmorin passe sa jeunesse à Paris dans un hôtel particulier rue de la Chaise dans le 7e arrondissement. Louise grandit dans une célèbre famille de botanistes et grainetiers. Elle est la seconde fille de Philippe de Vilmorin (1872-1917) et de son épouse, Mélanie de Gaufridy de Dortan (1876-1937)[5], qui fut la maîtresse du roi Alphonse XIII d'Espagne[6]. Elle se fiance en 1923 à Antoine de Saint-Exupéry[1], mais celui-ci déplaît à sa mère qui juge son métier de pilote d'avion beaucoup trop dangereux et exige qu'il en change s'il veut épouser sa fille[7]. Ce dernier devient alors comptable à Paris[8], mais Louise de Vilmorin a compris qu'il ne pourra jamais lui offrir la vie dont elle rêve[9], et, finalement, épouse en 1925 un Américain, Henry Leigh Hunt (1886–1972), héritier d'une fortune immobilière et consul honoraire de Monaco à Las Vegas, au Nevada (États-Unis), où elle part habiter[1]. Trois filles naissent en trois ans de ce mariage : Jessica (1929-2002), Alexandra (1930-2015) et Elena (1931-1996)[1],[10].
En 1935, elle fait la connaissance de Coco Chanel[11] qui l'habille gracieusement[12] et dont elle écrira, à la demande de la couturière, en 1947, les premières pages de sa biographie. Mais les deux femmes se fâchent. Ce n'est que dix ans plus tard, après avoir fait appel à Michel Déon pour leur écriture, que sortirent les Mémoires de Coco (1957)[13].
Séparée de son mari depuis plusieurs années, elle divorce en 1937, celui-ci obtenant la garde de leurs filles qui restent aux États-Unis[14]. Louise de Vilmorin a une liaison en 1933 avec André Malraux et Friedrich Sieburg[15] et en 1935-1936 avec Pierre Brisson[16], puis, en 1937, avec Gaston Gallimard[17]. Elle épouse en secondes noces, en 1938, le comte Paul Pálffy ab Erdöd (1890–1968), dont elle divorce en 1943[1]. Vivant dans le château de son mari au cœur des Carpates, ainsi qu'à Budapest et faisant des excursions à Paris[18], ces années sont pour Louise « les plus belles de [sa] vie »[19]. En 1942, se trouvant à Paris, elle devient la maîtresse du prince hongrois Paul V Esterházy (1901–1964), puis, en 1944, de Duff Cooper, vicomte de Norwich, ambassadeur du Royaume-Uni en France[20] qui la délaisse en 1946 au profit de Gloria Rubio[21]. En août 1946, elle devient l'amante de Rufus Clarke, attaché militaire à l'ambassade d'Angleterre[22], puis, en 1948, de Jean Hugo avec lequel elle envisage de se marier[23], puis, en 1949, d'Anthony Marreco, un jeune avocat britannique[24].
La femme de lettres voyage beaucoup et séjourne fréquemment en Suisse chez son ami le prince Sadruddin Aga Khan. En 1961, elle fait la connaissance à Genève, par le biais d’un de leurs amis communs Jean-Louis Mathieu, du peintre genevois Émile Chambon et se prend d’amitié pour lui. Le se tient à son initiative le vernissage d’une grande exposition Chambon à la galerie Motte à Paris, dont elle préface le catalogue.
Elle fera aussi, entre 1950 et 1962, de longs séjours à La Lieutenance, vaste propriété du XIVe siècle sise à Sélestat (Bas-Rhin), qui fut acquise par la ville en 1675 pour loger le lieutenant du roi local, et qui depuis 1920 est la propriété de la famille du héros de la Grande Guerre et inventeur Paul-Louis Weiller, et où elle écrivit plusieurs de ses œuvres.
Louise de Vilmorin publie son premier roman, Sainte-Unefois en 1934, sur les encouragements d'André Malraux[1], puis, entre autres, Julietta[25] (1951) et Madame de (1951).
Elle publie aussi plusieurs recueils de poèmes dont Fiançailles pour rire (1939), mises en musique par Francis Poulenc[26], Le Sable du Sablier (1945) et L'Alphabet des aveux (1954). Sa fantaisie se manifeste dans les figures de style dont elle est friande, notamment les holorimes (qu'elle écrit « olorime ») et les palindromes dont elle a écrit un grand nombre et de grande taille[27].
Francis Poulenc fait d’elle l’égale de Paul Éluard et de Max Jacob. Il trouve dans ses poèmes « une sorte d'impertinence sensible, de libertinage, de gourmandise qui prolongeait dans la mélodie ce que j'avais exprimé, très jeune, dans Les Biches avec Marie Laurencin »[28].
En 1964, le photographe Pierre Jahan, qui la dit « de suite et totalement disponible en amitié » et ayant en commun avec son frère André un culte pour Victor Hugo ainsi que douée pour la peinture, l'a représentée assise de profil à sa table de travail dans sa maison de Centuri, cliché qu'il publiera dans Objectif[29].
Elle termine sa vie avec son amour de jeunesse, André Malraux[1].
Toute sa vie, elle demeure très attachée à sa fratrie : sa sœur Marie-Pierre (1901-1972) et ses quatre frères, Henry (1903-1961), Olivier (1904-1962), Roger (1905-1980) et André (1907-1987)[1] et évolue dans le milieu mondain de la Café society, cercle cosmopolite apparu au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui regroupait à la fois haute noblesse, milliardaires, artistes, couturiers et musiciens et atteignit son apogée à Venise lors du « Bal du siècle » donné par son ami Charles de Beistegui en son palais Labia le 3 septembre 1951, mais auquel, fatiguée, elle ne participa pas[30].
Louise de Vilmorin utilisait les holorimes[41] dans certains de ses poèmes[42] et des jeux de mots comme « J'ai la toux dans mon jeu » (L'alphabet des aveux) :
Étonnamment monotone et lasse
Est ton âme en mon automne, hélas !
On se veut
On s'enlace
On se lasse
On s'en veut
Je t'enlacerai
Tu t'en lasseras
Là les pères vont en mer
Là les mères vont en paire
— L'alphabet des aveux
Essai
Vision sur Kischka (1966), avec Robert Rey et Henri Gineste
Louise de Vilmorin, Jean Cocteau, Correspondance croisée annotée par Olivier Muth, coll. Le Cabinet des lettrés, Gallimard, Paris, 2003, (ISBN2070734676)
Louise de Vilmorin, Diana et Duff Cooper, Correspondance à trois (1944-1953) annotée par Olivier Muth, coll. Le Promeneur, Gallimard, Paris, 2008, (ISBN9782070120093)
Louise de Vilmorin, Carnets, Gallimard, Paris
Louise de Vilmorin, Démone et autres textes, coll. Le Promeneur, Gallimard, Paris, 2001
Louise de Vilmorin, Intimités, coll. Le Promeneur, Gallimard, Paris, 2001
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.68 : "Mélanie fait savoir à sa fille qu'Antoine devra envisager une autre profession. Et décide de l'éloigner. Prenant le prétexte de consolider sa santé, elle lui impose un séjour dans le Jura bernois"
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.70 : "Il obtient un emploi de comptable aux Tuileries de Boiron, 52, rue du Faubourg-Saint-Honoré"
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.71 : "La jeune fille sait que non seulement Antoine ne lui offrira pas l'univers confortable qu'elle souhaite, une vie où l'on peut s'entourer d'objets précieux, une vie proche de celle de ses frères, mais, elle en a l'intuition, Antoine n'appartiendra jamais à son monde terrestre."
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.434
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.103 : "Sans doute est-ce Cocteau qui la présente à Gabrielle Chanel, dont il est proche."
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.226 : "La place médiatique conquise vers 1935, quand Chanel l'habillait gracieusement et qu'elle fréquentait les dimanches de Marie-Blanche de Polignac, se consolide"
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp.231-234
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.135
↑Olivier Todd, André Malraux. Une vie, Paris, Gallimard, 2001, p. 145.
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp.122-123
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp.128-130
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.151
↑Louise de Vilmorin citée par Françoise Wagener, op. cit., p. 187.
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp.187-203
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp. 219-222
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p.222
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp. 240-243
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, pp.257-259
↑Le personnage de Julietta lui a été inspiré par Madeleine Castaing (Jean-Noël Liaut, Madeleine Castaing, mécène à Montparnasse, décoratrice à Saint-Germain, Petite Bibliothèque Payot, 2009).
↑Francis Poulenc (1899-1963), Fiançailles pour rire. FP 101, (lire en ligne)
↑Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Villemorin. Une vie de bohème. Flammarion, 2019, p. 294 : « Louise ne rejoint pas Orson à Venise au "bal du siècle", donné le 3 septembre par Chares de Beistegui, au palais Labia. Fatiguée, elle reste à Verrières ».
« On peut ajouter à cette petite anthologie de la littérature holorime : « Homophonique » de Raymond Queneau paru dans « Exercices de style » (1947) ; la Poésie avec un grand P. Alphabets des aveux de Louise de Vilmorin [1902-1969]… »
↑Louise de Vilmorin, « la Poésie avec un grand P. », Alphabets des aveux, sur fatrazie.com, NRF, (consulté le )
Annexes
Bibliographie
Denise Bourdet, Louise de Vilmorin, dans: Pris sur le vif, Paris, Plon, 1957.
Jean Bothorel, Louise, ou la Vie de Louise de Vilmorin (Grasset, Paris, 1989);
Jean Chalon, Florence et Louise les Magnifiques : Florence Jay-Gould et Louise de Vilmorin (Éd. du Rocher, Paris, 1999);
Albertine Gentou, La Muse amusée (1998), Le Manuscrit (Paris, 2006);
Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Vilmorin, une vie de bohème, Paris, Flammarion, 2019.
Patrick Mauriès, Louise de Vilmorin, un album (coll. Le Promeneur, Gallimard, Paris, 2002);